Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

05/07/2017

Pierre Boutang contre cette société qui remplace les cathédrales par des banques.

L'après-midi durant laquelle le président de la République s'exprimait devant le Congrès, j'étais aussi à Versailles, « cerné » par les nombreux camions de forces de l'ordre qui surveillaient sans trop d'inquiétude le quartier. Les longues files de véhicules de gendarmerie semblaient former un paisible cordon de sécurité autour du parc royal, sans troubler le vol rapide des perruches et des martinets qui sillonnaient le ciel en le striant de leurs cris stridents. En somme, une belle journée de lundi, jour traditionnellement calme pour la cité des rois.

 

Le discours présidentiel était suivi d'un œil indifférent et d'une oreille distraite par quelques clients des cafés alentours, et la place du Marché parlait d'autre chose, des épreuves du baccalauréat aux préparatifs de vacances : la politique, fut-elle si proche sur le plan topographique, semblait s'être toute entière retranchée derrière les grilles du château. Et pourtant ! A la terrasse d'un estaminet réputé pour abriter quelques esprits non-conformistes, un écrivain fameux pour sa faconde et ses éclats de voix semblait incarner à lui seul la forte protestation de l'esprit français contre les facilités du moment. M'apercevant et me hélant joyeusement, il se saisit du livre que j'avais alors en main et se mit à en lire à haute voix la dernière page, suscitant la surprise des tables voisines, surprise qui n'excluait pas une part de curiosité, voire d'intérêt, tandis que ses interlocuteurs cherchaient à suivre le débit rapide et furieux du liseur improvisé.

 

« L'âge des héros rebâtira un pouvoir ; il n'est pas de grand siècle du passé qui ne se soit donné cette tâche : même aux âges simplement humains, où les familles, lassées de grandeur, confiaient à quelque César leur destin, à charge de maintenir le droit commun, le pouvoir reconstruit gardait quelque saveur du monde précédent. Notre société n'a que des banques pour cathédrales ; elle n'a rien à transmettre qui justifie un nouvel « appel aux conservateurs » ; il n'y a, d'elle proprement dite, rien à conserver. Aussi sommes-nous libres de rêver que le premier rebelle, et serviteur de la légitimité révolutionnaire, sera le Prince chrétien. »

 

Certains auront reconnu le style et les mots d'un grand royaliste, philosophe et militant, et qui a, en son temps, travaillé à enrichir la réflexion royaliste, en particulier sur la grande question de la légitimité politique, sans réussir, malheureusement, à se faire entendre au-delà d'un cénacle d'intellectuels et du cercle des fidèles de la Maison de France. Je me souviens ainsi d'une journée passée avec Pierre Boutang, entre l'amphithéâtre de la Sorbonne dans lequel il livrait sa lecture toute personnelle de Maurras et les jardins du Luxembourg où, avec l'ami Norbert Col, spécialiste d'Edmund Burke, et le professeur François Callais, meilleur connaisseur français de « La Jeunesse Royaliste » des années 1890, nous l'écoutions parler de la France et de ce qui lui semblait nécessaire pour qu'elle retrouve sa place éminente et historique, « grande », dans le concert des nations et face aux pressions d'une société de consommation qui prenait trop souvent les couleurs de bannières étoilées si peu françaises...

 

Dans cet extrait déclamé avec force par Sébastien Lapaque, il y a là les éléments forts d'un état d'esprit politique qui en appelle, non au conformisme ni à un vain légalisme, mais à une véritable refondation du pouvoir politique sur la notion de légitimité. La formule, rude, d'une société dont les banques seraient les cathédrales sonne juste, au moment même où l'argent étend son règne sur des espaces jadis gouvernés par l'entraide et la convivialité : la nouvelle initiative de La Poste consistant à discuter avec des personnes âgées à intervalles plus ou moins réguliers contre une sorte d'abonnement payant est, à cet égard, fort (et malheureusement) révélateur ! Je me souviens d'une époque (qui s'éloigne visiblement à grand pas) où, surtout au village, le facteur était, certains jours, accueilli avec une bonne tasse de café ou, en fin de tournée, par quelque liqueur sympathique, et où il était un personnage avec lequel on prenait toujours le temps d'échanger quelques mots ; son passage régulier rassurait les familles quand elles ne pouvaient, elles, se déplacer pour s'occuper des vieux parents. Tout comme les services payants de covoiturage sur la toile ont remplacé l’auto-stop traditionnel que j'ai jadis beaucoup pratiqué et qui me permettait de rallier Lille à partir de Lancieux, ou Paris à partir de Rennes, en quelques heures, et cela sans débourser le moindre sou vaillant si ce n'est celui d'un café ou d'une bière dans un bistrot routier...

 

Pierre Boutang a bien raison : à quoi bon être « conservateur » dans une société qui oublie, par ses pratiques, ses devoirs antiques et civiques, et « financiarise » tout, tout en laissant des pans entiers de notre patrimoine, autant foncier que civilisationnel, s'effacer, y compris par l'indifférence publique ? D'où cet appel, qui rejoint celui de Bernanos ou même « la révolution rédemptrice » évoquée par Maurras, à une « légitimité révolutionnaire », à ce « retournement » politique que peut incarner une nouvelle Monarchie et sa famille historique. Saint-Just qualifiait le roi de « rebelle » et le décrivait comme un danger pour la République : Boutang reprend habilement la formule, non pour seulement déconstruire la société politique du moment, mais pour fonder ce nouveau régime dont l'une des raisons d'être est de transmettre, au fil des siècles, ce qui constitue l'unité profonde de la France, dans tous ses aspects et toutes ses espérances. Une transmission qui n'exclue pas la défalcation du passif, et le renouvellement positif : ce que l'on peut nommer « la tradition critique », chère à l'exercice historique de la Monarchie en France...

 

 

 

 

02/01/2017

Un royaliste face à l'élection présidentielle du printemps prochain.

L'année 2017 est à peine commencée que le combat des chefs présidentiel a repris, en prévision du printemps électoral qui verra l'un des postulants s'emparer du palais de l'Elysée pour y prendre ses quartiers durant le prochain quinquennat. La Gauche prépare sa primaire de janvier que les enquêtes d'opinion annoncent favorable à M. Valls (mais la prudence s'impose dans les pronostics), tandis que la Droite se range derrière M. Fillon qui a déjà perdu une bataille dans l'opinion publique, celle de la Sécurité sociale, et qui s'apprête à en perdre d'autres s'il s'entête à se vouloir thatchérien ou à promouvoir le projet d'aéroport Vinci à Notre-Dame-des-Landes, entre autres. Quant aux candidats périphériques, ils manœuvrent pour ne pas se faire oublier des médias, avec des succès fort variés : quand M. Mélenchon et Mme Le Pen peuvent espérer jouer un rôle important, au moins de nuisance envers le « Système », et qu'ils sont reconnus comme tels, voire valorisés ainsi par les journalistes, MM. Dupont-Aignan et Jadot, Mme Rama Yade et quelques autres, sont boudés par la presse et n'ont guère désormais de visibilité, alors même que leurs discours apparaissent plus libres car moins gênés par la perspective d'une victoire et qu'ils soulèvent parfois de vrais débats aujourd'hui négligés, à tort, par les grands partis institutionnels. M. Macron, lui, n'est pas encore totalement identifié au sens idéologique du terme, et les politologues ne savent pas encore s'il n'est qu'une « bulle » qui éclatera en arrivant à la surface, au moment de la « vraie » campagne, ou s'il dispose d'un terreau électoral qu'il pourrait faire fructifier au printemps sans rester au niveau des pâquerettes...

 

Cette élection prochaine est passionnante parce qu'elle semble, à ce jour, très ouverte et qu'elle sera, peut-être, l'occasion de vrais débats (au moins un temps) avant que les appareils partisans ne reprennent les choses en main, préparant le coup d'après, ces élections législatives de juin qui, elles aussi, décideront de la plus ou moins grande latitude d'action et de décision du nouveau Chef de l’État.

 

Le royaliste que je suis n'est pas un exilé de l'intérieur, et je me refuse à détourner les yeux et les oreilles du spectacle politique parce que celui-ci serait, de toute façon, de piètre qualité et que la République est un régime qui m'apparaît fort néfaste pour le pays et sa pérennité. Etre royaliste ne signifie pas se retirer dans une tour d'ivoire et attendre la catastrophe finale en maugréant « Je vous l'avais bien dit... » ! Non, être royaliste impose de tout faire pour « éviter le pire et promouvoir le moins pire » : les débats que la République propose ou impose méritent d'être abordés, voire complétés et même débordés, et je ne laisserai pas aux républicains le monopole de la parole et de la réflexion, bien au contraire. Je suis à l'aise dans les débats républicains parce que, justement, je ne suis pas républicain et que, du coup, je suis d'autant plus libre pour aller au-delà des arrangements politiciens ou des clivages partisans. Discuter avec des hommes et femmes de gauche ou de droite, ou même des extrêmes et des marges, ne me fait pas peur, et je n'exclus personne de la discussion, même pas les pires, car cela serait leur donner des raisons supplémentaires de cultiver l'exclusion, eux-mêmes pouvant arguer de leur propre mise à l'écart pour vanter leur exclusivisme... Certains se souviennent comment, étudiant monarchiste à Rennes, je n'hésitais pas à me rendre à des réunions anarchistes ou extrémistes de tous les bords pour débattre et proposer : cela était parfois houleux et même dangereux, mais cela « était », tout simplement, et j'ai toujours rappelé que ma devise personnelle m'obligeait : « la liberté, ça ne se renifle pas : ça se respire ».

 

Dans cette période électorale, je lis tous les programmes (autant que faire se peut), et j'écoute les analyses, attentif aux enjeux et aux perspectives. Je ne suis pas neutre, bien sûr, et mon royalisme est « principiel » dans mon appréhension des idées et des projets : c'est pour cela que j'ai, avec l'aide de mes amis du Groupe d'Action Royaliste, lancé cette nouvelle enquête sur la Monarchie et que je participe sur la toile, dans les lieux de sociabilité rennais, bretons, parisiens ou versaillais (entre autres) ou dans les réunions des uns ou des autres, à toutes les discussions possibles, même si le temps disponible réduit parfois mes ambitions...

 

2017 s'annonce à la fois comme une année dure et passionnante : il s'agira, en ces temps de « mondialisation discutée » et d'incertitudes économiques et politiques, de promouvoir l'idée-force d'une Monarchie « traditionnelle dans ses principes, moderne dans ses pratiques » : non par esthétisme ou provocation, ni par dilettantisme intellectuel ou par romantisme, mais par nécessité et volonté de servir, encore et toujours, une France dont, comme le signalait le catholique éminemment royaliste Georges Bernanos, le monde a besoin...

 

 

 

18/10/2016

Pour une campagne présidentielle royaliste !

L’élection présidentielle est la reine des élections, et cette année pré-électorale le confirme à l’envi, une fois de plus, et comme à chaque fois : ceux qui me disaient ne pas être intéressés par cette échéance il y a encore un mois sont désormais accrochés aux émissions nombreuses de télévision qui présentent les candidats ou les programmes, voire les nombreux débats qui se font jour dans cette campagne. J’avoue avoir suivi le mouvement alors même que, au mois d’août, j’avouais ne pas être très motivé par ce qui s’annonçait et ceux qui se présentaient. Mais la fièvre présidentielle m’a repris, comme à chaque fois ! Je me suis remis à découper les articles de journaux sur la primaire de la Droite, les déclarations de Montebourg ou Mélenchon, les programmes économiques de Juppé et de Le Pen, sans oublier tous les débats autour de l’Europe, de l’identité ou de la lutte contre le chômage…

 

Alors que tout le monde (ou presque) parle politique, parfois à défaut d’en faire, il serait tout de même dommage que les royalistes oublient, au nom de « stratégies » qui, souvent, ne sont rien d’autre que la forme aimable du renoncement et de la « déroyalisation » de leur pratique politique, ce qu’ils sont et ce qu’ils ont à dire et à proposer.

 

Que quelques monarchistes se retrouvent près d’un candidat, pourquoi pas ? Il n’est pas inutile de prêcher en terre politicienne et d’en profiter pour avancer quelques pions dans ce jeu qui, pourtant, ne nous est pas favorable. Mais que cela serve de stratégie générale me semble peu crédible, ou fort insuffisant…

 

Les royalistes doivent, à mon sens, exister par eux-mêmes et participer à cette campagne présidentielle avec leurs propres mots d’ordre, non pour complaire à tel ou telle candidat(e), mais pour faire connaître et avancer leurs idées et leur projet monarchique.

 

Cette échéance de 2017 est l’occasion de rappeler le fondement et l’éminente motivation du royalisme, c’est-à-dire la fondation (refondation, diraient certains), l’instauration ou la restauration (d’autres écriraient ré-instauration) de la Monarchie, et non de flatter l’ego de candidats qui ne sont pas là pour « faire la Monarchie » mais pour gagner leur villégiature élyséenne. Allons au plus simple et au plus court : parlons de la Monarchie, des arguments pour la Monarchie, de la nécessité d’un Etat éminemment politique à celle d’un arbitre indépendant des partis et placé au-delà des calendriers électoraux… Parlons du Roi, tout simplement ! C’est faire « bonne politique », et ne pas laisser aux autres le terrain du débat d’idées et de l’action politique. Nous ne sommes pas, nous ne devons pas être des « exilés de l’intérieur » qui se réfugieraient dans un monde idéal et un royaume imaginaire

 

Cela signifie aussi, pour le Groupe d’Action Royaliste que j’ai l’honneur de vice-présider, de développer quelques pistes de recherche politique, sociale ou environnementale, qui s’inscrivent, d’abord et rigoureusement, dans le projet institutionnel monarchique, et de les faire connaître. Montrer que l’aménagement du territoire (des territoires, devrait-on dire sans doute), que l’écologie intégrale, que la justice sociale (formule inaugurée par… Louis XVI !), que la francophonie, que la citoyenneté active, que l’unité des peuples de France autour de l’Etat central, etc., passent par la construction d’un Etat digne de ce nom, pérennisé par la « suite » dynastique et inscrit dans le long terme, dans l’histoire et la mémoire sans avoir à prendre de revanche sur quiconque, voilà ce que peut et doit être le travail des royalistes pour les mois à venir !

 

En somme, plutôt que se rallier à quelque candidat que ce soit (l’isoloir suffira, le jour de l’élection venu), il faut faire du royalisme, encore et toujours, ici et maintenant ! Cela n’empêche pas d’écouter les uns et les autres, de participer aux réunions électorales, de discuter avec tous, de droite comme de gauche, des extrêmes comme des ailleurs, mais tout en oubliant pas notre motivation première et ce qui fait notre identité royaliste, au-delà de la diversité des formes de celle-ci

 

Dans cette campagne, faisons fleurir les lys, sur les panneaux et les murs, dans les médias et les réseaux sociaux, aux conférences et au café (« le parlement du peuple », affirmait Balzac), dans les courriers des lecteurs et les forums sur la toile, et faisons avancer l’idée du recours monarchique, non pour nous-mêmes mais pour le pays et ses habitants, pour nos territoires comme nos terroirs, pour notre histoire comme pour cet « avenir que tout esprit bien-né souhaite à sa patrie »… C’est bien assez de travail comme cela pour ne pas s’encombrer des programmes ou des affiches des candidats d’une République sans souffle et sans grandeur !