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27/07/2015

Décapitations...

A entendre les médias, l'inédit est permanent : ainsi, au moment de la décapitation d'un industriel par un islamiste ordinaire non loin de Grenoble, il y a quelques semaines, la presse s'exclama que c'était la première fois dans notre beau pays et depuis le Moyen âge que cela arrivait. La photo faite par un policier et relayée par les réseaux sociaux puis la photo que les islamistes ont mis en circulation la semaine dernière, différente si le modèle reste tragiquement le même, de la tête accrochée à une grille de l'usine visée par l'attentat, ont choqué, et à juste titre. Nos sociétés sont devenues sensibles à une horreur qui, malheureusement, est monnaie (plus ou moins) courante sur des terres qui nous semblent lointaines et exotiques, de la Syrie au Mali, de l'Algérie au Nigéria, mais aussi à travers nombre de séries télévisées et de films à grand spectacle, et pas seulement dans Highlander... Mais en France, comment est-ce possible !

 

Et pourtant ! Dans notre histoire nationale, il est une période que les manuels scolaires vantent comme fondatrice de notre société contemporaine et de ses mœurs politiques, et à laquelle nos hommes politiques et nos ministres, en particulier de l’Éducation nationale, attribuent une grande légitimité, évoquant avec des trémolos dans la voix, les « valeurs républicaines » qui en seraient issues : la Révolution française... Bien sûr, la période est complexe et je ne condamne pas tous les moments ou toutes les intentions de ceux qui ont parcouru et parfois initié ce grand mouvement dont le comte de Chambord disait, à propos de 1789, qu'il fallait le « reprendre », ce qui entendait qu'il était possible de la refaire dans un sens plus conforme aux intérêts de la France et de ses habitants, mais aussi de l'équilibre du monde : la convocation des états-généraux, les débats politiques et les essais constitutionnels, aussi maladroits aient-ils été parfois, sont intéressants et peuvent utilement être repensés. Marc Bloch avait raison quand il disait : « Il est deux catégories de Français qui ne comprendront jamais l'histoire de France : ceux qui refusent de vibrer au souvenir du sacre de Reims, ceux qui lisent sans émotion le récit de la fête de la Fédération.» : cela n'enlève rien à la possibilité de la réflexion sur ce dernier événement et son sens, mais aussi sur ses espérances déçues. Mais la Révolution a ouvert la boîte de Pandore des idéologies individualistes, avec toutes ses variantes, des plus conciliantes jusqu'aux plus violentes ou étouffantes, et M. Talmon, cet historien israélien souvent cité mais fort peu lu, y trouvait ainsi les origines de la démocratie totalitaire.

 

La République a mal démarré, c'est le moins que l'on puisse dire, et en voulant faire table rase du passé (et pas seulement par l'imposition d'un nouveau calendrier), elle a parfois dénié toute humanité à ses adversaires, usant de procédés ignobles que Sartre aurait pu couvrir de la cynique formule qui déclare que « la fin justifie les moyens », et elle a couvert mais aussi commis, par elle-même, des horreurs que les islamistes actualisent en leur stratégie de la tension et de la conquête.

 

Bien sûr, la guillotine avait étêté « légalement » nombre d'opposants, des royalistes aux fédéralistes, du roi Louis XVI aux ouvriers lyonnais, et elle reste dans l'inconscient collectif de nombreuses populations européennes comme le symbole même de cette Révolution que peu d'étrangers nous envient, en définitive. Mais la mort des « ennemis de la République » ne suffisait pas aux premiers républicains, il fallait aller plus loin, pour terroriser les Français et dissuader de résister ou de contester les décisions de ce régime nouveau : dans la basilique Saint-Denis, les tombeaux des rois furent profanés et vidés de leurs occupants de la manière la plus sauvage qui soit, et cela fut fait aussi dans toutes les cathédrales de France, comme à Quimper où les crânes décharnés des défunts furent brandis au bout de piques le jour de la dévastation de la cathédrale, en décembre 1793... Quant au marquis de La Rouërie, compagnon de Washington lors de la guerre d'indépendance américaine et fondateur de la première chouannerie (celle des nobles bretons), son corps fut déterré par les soldats républicains pour en trancher la tête et la jeter aux pieds des châtelains qui l'avaient hébergé et recueilli son dernier souffle en janvier 1793...

 

Mais l'épisode de l'entrepreneur isérois, en juin dernier, a connu un précédent, similaire dans la forme et dans sa volonté de marquer les esprits et de terroriser : en janvier 1794, le prince de Talmont, ancien (et maladroit, sans doute) commandant de la cavalerie vendéenne de l'Armée catholique et royale, fervent royaliste et ami de Jean Chouan, est dans les prisons de la République. En apprenant sa capture, comme le rapporte l'écrivain Job de Roincé, « le conventionnel [régicide] Esnue-Lavallée écrit aussitôt au président de la Convention Nationale [l'assemblée parlementaire de la Première République] pour lui demander « que la tête de ce chef de rébellion soit immédiatement après son supplice plantée au bout d'une pique et placée au-dessus de la principale porte de son ci-devant château à Laval ; ce spectacle fera trembler la foule de malveillants, de royalistes et d'aristocrates dont cette ville fourmille ». » Ainsi, le procès n'est qu'une formalité purement administrative, la condamnation étant acquise avant même que celui-ci se déroule, et Talmont est guillotiné, ses derniers mots étant pour le bourreau, puis pour la foule apeurée et désolée : « J'ai fait mon devoir, fais ton métier », puis, en final, « Vive le roi ».

 

La suite n'est pas à l'honneur de la République et de ses commanditaires, comme la rapporte Job de Roincé, mais n'est que l'application des consignes données par le député républicain, suivi par la Convention : « Une scène atroce va alors se dérouler. Un ancien prêtre, Jean-Louis Guilbert, membre de la Commission révolutionnaire, prend la tête du supplicié, la place sur un chandelier pour s'amuser, puis il va la placer à la porte du château où elle est attachée à la grille. » Cette horreur était, ne l'oublions pas, couverte par la République, mais plus encore décidée par ses représentants élus à la Convention et encouragée par les membres du Comité de Salut Public dominé alors par Saint-Just et Robespierre.

 

L'histoire est cruelle : la République est-elle, au regard de ses origines et de ses pratiques de l'époque qui renouaient avec celles des temps dits barbares, la plus légitime pour s'indigner des actes de cruauté d'islamistes qui, eux aussi, sont persuadés d'être « légitimes » et « d'avoir forcément raison », « d'être le Bien » ? Bien sûr, elle a, dans cette affaire, tout à fait raison de dénoncer ces actes d’une grande sauvagerie, mais il ne serait pas inutile pour elle de se pencher objectivement sur son propre passé et de reconnaître qu'elle a, elle aussi, usé des méthodes les plus indignes pour imposer son règne de fer et d'acier en cette fin de XVIIIe siècle. Or, il suffit de lire les manuels scolaires d'histoire et d'entendre les propos de certains ministres (pas de tous, d'ailleurs) pour constater que la République, même si la Cinquième n'a pas grand-chose de commun avec la Première sur ce plan-là, n'a pas encore fait son examen de conscience... Le peut-elle, voilà la vraie question ! Personnellement, et après deux siècles d'expérience et d'observation, j'en doute...

 

 

 

28/10/2014

Valls, nouveau Clemenceau ?

 

Les dernières déclarations du premier ministre sur le nom et les idées du Parti Socialiste ont semé le trouble chez ses « amis » socialistes et montrent à l'envi les fractures de plus en plus béantes au sein du Parti né du congrès d'Epinay de 1971 : pourtant, Manuel Valls ne prend personne par surprise et il suffit de lire ses propositions lors de la primaire socialiste de 2011 pour le constater. A l'époque, il n'était qu'un « petit » candidat, marginalisé et très critiqué au sein de ce parti qui, désormais, le soutient mordicus (malgré quelques nuances et avec toute la diplomatie de l'habile Cambadélis) et qui menace de blâme ou d'exclusion ceux qui élèvent un peu trop la voix pour dénoncer ce qui leur apparaît comme une dérive vers un néolibéralisme peu en cours chez les militants de base du PS comme j'ai pu le constater dernièrement en entendant (par le hasard de mes pérégrinations bistrotières) une discussion fort animée entre membres du PS et du MJS (Mouvement des Jeunes Socialistes).

 

D'ailleurs, M. Valls ne cache guère son admiration pour Georges Clemenceau dont il se veut l'héritier assumé et assuré : or, ce dernier n'était pas socialiste et, même, il fut l'un des plus certains adversaires de ceux qui se réclamaient du socialisme... Républicain, il le fut par toutes ses tripes, ce qui ne l'empêcha pas, néanmoins, d'être un patriote mobilisateur (et admiré pour cela par le royaliste Léon Daudet à partir de 1917 – mais pas avant!) mais aussi un nationalitaire aveuglé par sa détestation des Habsbourg, ce qui lui fit rater la paix de 1919-1920. Son bilan est complexe : s'il a permis à la France de disposer d'une police de plus en plus efficace (ce que nous rappelle le feuilleton « Les brigades du Tigre », feuilleton dont j'ai encore le générique dans la tête)... et de rendre les rues et les faubourgs de Paris plus sûrs, il est aussi celui qui réprime avec la plus grande violence les grèves ouvrières et les syndicalistes anarcho-révolutionnaires, s'attirant les foudres des socialistes (surtout guesdistes) d'alors mais aussi des royalistes du « Panache » (revue de jeunes royalistes sociaux) et de l'Action Française, unis dans une improbable alliance (plus théorique que pratique, la plupart du temps...) contre « la République des fusilleurs » qu'il représentait avec une certaine crânerie et sans regret. Les phrases de Maurras dans le quotidien monarchiste (31 juillet 1908) sont cruelles pour « ce vieillard sanglant », « à peine moins sinistre que Thiers », et elles trouvent un écho chez certains syndicalistes qui, pour une petite minorité (mais pas la moins intéressante), iront jusqu'à pendre le buste de Marianne au balcon d'une Maison du Peuple et à rallier, comme Emile Janvion, le combat royaliste à la veille de 1914... Néanmoins, après la violence de la répression (qu'il revendique sans fard), ce même Clemenceau fait adopter par les parlementaires la réduction du temps de travail quotidien à huit heures (vieille revendication ouvrière depuis les années 1880) pour les mineurs de fond, à défaut de la donner à toutes les branches industrielles...

 

Complexité du personnage et de sa politique qui peut inspirer l'actuel premier ministre, mais aussi le perdre à trop vouloir l'imiter... On sait ce qu'il advint quand Georges Clemenceau tenta de se faire élire président de la République (une fonction qu'il déclarera néanmoins aussi inutile que... la prostate!) et qu'il fut sèchement remercié par les parlementaires, en particulier socialistes !

 

Que M. Valls se réfère à Clemenceau plutôt qu'à d'autres figures plus orthodoxes au sein de la Gauche française est assez révélateur de la confusion des temps qui, souvent, se veulent « de synthèse » à défaut d'être « de rigueur » sur le plan intellectuel et politique. Bien sûr, il ne s'agit pas de rentrer dans des querelles qui tiennent plus du débat historique que de la nécessité politique, et il faut tenir compte des évolutions et des glissements idéologiques au sein du paysage politique français. Mais la référence à Clemenceau (récupéré par la droite après 1917, ou du moins par une partie de celle-ci, et souvent abhorré par une grande partie de la gauche qui ne se reconnaissait pas en son patriotisme pourtant jacobin...), qui est d'ailleurs sincère chez M. Valls, a le mérite d'être considérée comme transpartisane et plutôt fédératrice dans l'opinion, plus encore que Jaurès ou Mendès-France, trop « typés » à gauche, et elle préserve M. Valls pour l'avenir qu'il s'agit de ne pas insulter, comme dit le dicton...

 

Pour autant, est-ce vraiment un Clemenceau qu'il nous faut ? Si Maurras soutiendra la « monarchie de guerre » que constituait le gouvernement Clemenceau aux pires heures de la Grande guerre, il ne voyait pas en celui-ci un sauveur, et sans doute (et contrairement à Daudet) pas plus un régent possible ! Juste le symbole éphémère d'une unité française, unité qu'il s'agissait de préserver au cœur de l'épreuve. Sommes-nous dans la même configuration, aujourd'hui ? Oui, l'unité française est en danger, en ces temps de mondialisation subie et de fractures françaises ; non, M. Valls n'y changera rien, faute de cette hauteur historique qui manque à celui qui ne mesure le temps politique qu'au rythme des élections, et c'est le problème récurrent d'une République dont la présidentielle (la « reine des élections », dit-on) semble être le seul horizon, quasiment indépassable, de toute stratégie politique.

 

Quand certains rêvent d'une Sixième République qui ne serait que la répétition de feue la Quatrième, d'autres, dont je suis, réfléchissent au moyen permanent de la conjugaison d'une continuité assurée et d'une décision assumée par l’État : en somme, d'une Monarchie qui renoue un lien malheureusement délié en République...

 

 

 

 

 

03/06/2014

Colère contre le découpage régional de M. Hollande !

 

Le redécoupage régional de M. Hollande est une escroquerie à grande échelle : décidé, dans certains cas, à la dernière minute et après des tractations parfois bien peu honorables, il apparaît comme un assemblage purement technique, simple addition de régions destinée à créer des ensembles purement administratifs selon des critères vaguement économiques et selon des calculs dans lesquels les sentiments et l'histoire n'ont aucune place. En somme, voici une nouvelle manifestation de ce jacobinisme détestable qui est, depuis les origines, la marque de fabrique de la République, toujours centralisatrice dans ses profondeurs et ses pratiques institutionnelles !

 

Pourtant, l'occasion était belle de réparer les injustices des anciens découpages, autant ceux des départements nés de la Révolution que ceux des régions nées de la technocratie vichyste puis de la Quatrième République : occasion manquée, une fois de plus ! Ainsi, Nantes restera dans des Pays de la Loire sans réelle identité commune tandis que la Bretagne continuera à pleurer sa capitale des Ducs condamnée à rester de l'autre côté de ses frontières administratives... Et nos féodaux républicains viendront ensuite se plaindre du ressentiment des électeurs à leur égard ! En tout cas, les Bretons ont de quoi nourrir leur colère, déjà vive ces temps derniers, et les régionalistes, en particulier ceux qui se revendiquent de gauche (militants de l'Union Démocratique Bretonne, dont certains sont mes amis de longue date), peuvent méditer sur l'idéologie véritable d'un Parti Socialiste qui, loin du régionalisme discret de François Mitterrand, préfère raisonner en chiffres statistiques et « grandes eurorégions » technocratiques que penser en termes de mémoire et de destin. Le PS devrait pourtant savoir que l'on n'est pas amoureux d'un taux de croissance ou d'un cadre administratif, mais bien plutôt d'une terre, d'une histoire, parfois de mythes, qui donnent aux femmes et aux hommes d'un lieu des raisons de vivre quand l'Economique ne nous donne que des moyens d'existence qui, s'ils sont utiles pour remplir les estomacs, ne suffisent pas à faire battre le coeur des peuples !

 

Ainsi, ce combat ancien pour la reconnaissance de la Bretagne dans ses limites historiques va continuer : mais il me semble que le projet actuel du gouvernement, projet qui a surtout fait des mécontents dans tous les coins de France, nous rappelle que la République n'est plus qu'une structure froide et que son idéologie anhistorique est la négation des différentes formes d'enracinement qui, pourtant, permettent aux hommes et aux sociétés de ne pas devenir les esclaves de l'Economique et d'une mondialisation qui ne veut reconnaître que d'éternels nomades individualistes, simples consommateurs de temps et de matière...

 

Le combat royaliste pour les racines, celles qui permettent aux arbres humains et sociaux de monter au plus haut et de résister aux tempêtes de l'histoire et à celles, parfois pires, de l'amnésie, est un combat toujours plus nécessaire : en piétinant les fruits des générations passées au nom d'une froide géométrie économiciste, la République de MM. Hollande et Valls risque bien de réveiller contre elle quelques chouanneries anciennes et d'en susciter quelques nouvelles...