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13/06/2011

Les programmes de l'absurde...

 

Autant que je m’en souvienne, j’ai toujours voulu être professeur d’histoire, même s’il m’est arrivé aussi, comme tous les enfants de mon époque, de rêver soigner les animaux… Il est vrai que j’ai de qui tenir, mes parents étant tous deux médiévistes et la bibliothèque familiale ma salle de jeux préférée ! Mes premiers livres, après les traditionnelles histoires d’écureuil et les albums animaliers, furent les « contes et légendes » de toutes les provinces de France, la « petite histoire de France illustrée » de Jacques Bainville et je plongeais, tous les dimanches, dans les pages de bandes dessinées historiques de Fripounet, revue que Mamé, ma grand-mère maternelle, m’achetait après la messe, à l’église Saint-Laurent de Rennes comme à celles de Lancieux et de Saint-Briac l’été. J’ai le souvenir d’y avoir appris l’histoire du roi Saint Louis et de sa mère Blanche de Castille, ou celle du jeune Bonaparte quand, dans le même temps, je regardais à la télévision les aventures du croisé Thibaud, toujours de blanc vêtu, et que je feuilletais certains soirs les collections reliées de « L’Illustration » des années 30-40…

 

Paradoxalement, je n’ai pas toujours aimé les cours d’histoire que j’avais au lycée, à part ceux, iconoclastes et exigeants, libres de parole comme d’esprit, de M. Boussard, professeur atypique, grognon et non-conformiste, et avec lequel j’ai eu aussi quelques mauvaises notes, à ma grande honte, mais sans doute parce qu’il ne notait pas que les connaissances mais aussi la mise en forme et en réflexion  de celles-ci : il n’était pas très populaire car redouté à cause de son caractère et, justement, de sa notation souvent défavorable… Mais nous étions quelques fidèles, dont mon camarade Olivier P., militant communiste avec lequel j’avais de grands débats passionnés et qui vantait la révolution à venir quand je clamais un anticommunisme virulent et le désir de l’Ordre français ! L’histoire était mon champ de bataille préféré car j’en connaissais toutes les arcanes et tous les pièges, tous les secrets (ou presque) et toutes les espérances, en particulier déçues…

 

J’ai pu réaliser mon rêve de devenir professeur d’histoire il y a vingt ans, après un parcours scolaire et universitaire un peu… chaotique, et j’en suis heureux ! J’aime l’histoire, et j’aime transmettre ce que j’en sais, parfois en m’écartant de la ligne des programmes officiels.

 

Or, ces fameux programmes sont de plus en plus agaçants, voire stupides : ainsi, le programme d’histoire de Première nouvelle version n’évoque plus que des thèmes sans grand respect de l’ordre chronologique, plaçant l’étude de la 2nde Guerre Mondiale avant l’étude des totalitarismes, c’est-à-dire Hiroshima avant Hitler, et j’écris cela sans caricaturer la réalité, il suffit pour s’en convaincre de feuilleter les nouveaux manuels prévus pour la rentrée prochaine ! Il me semble pourtant difficile d’évoquer le déclenchement de la guerre de 1939 sans expliquer le pacte, improbable la veille encore, entre l’Allemagne nazie et la Russie soviétique, et en particulier sans explication de ce « retournement stratégique » entre deux régimes apparemment si idéologiquement différents… Compliqué aussi d’évoquer la particularité de l’extermination des Juifs durant cette guerre sans avoir d’abord expliqué l’antisémitisme du parti national-socialiste ! Tout comme il me semble absurde d’évoquer la mobilisation française de 1914-18 sans expliquer la « nationalisation » (parfois pédagogiquement brutale) opérée largement par l’école de la IIIe République et la « démocratisation » de la guerre permise par cette même école primaire obligatoire pour tous : ne dit-on que « Verdun, c’est la victoire de l’instituteur français » ? Même si cette appréciation mérite d’être discutée, elle doit être expliquée, et difficile de le faire logiquement avec ce programme qui place l’histoire de France (vue sous le seul angle de « la République ») du XIX-XXe siècles en fin d’année… Je doute que les élèves s’y retrouvent aisément, à moins d’avoir, dés le début de la Première, fait tracer quelques solides frises chronologiques de l’histoire de la France, de l’Europe et du monde depuis le milieu du XIXe siècle jusqu’à nos jours.

 

Il va falloir ruser l’an prochain pour appliquer ce programme « d’Absurdie » sans discréditer l’histoire en tant que matière scolaire ! Sans compter que le temps imparti pour chaque thème laisse peu de place à l’explication raisonnée et circonstanciée…

 

J’aime l’histoire mais ces programmes en sabotent la chronologie et la raison profonde : alors, il faudra sans doute passer outre certaines « recommandations » de l’Inspection pour continuer à la faire apprécier et aimer… En tout cas, que l’on ne compte pas sur moi pour renoncer à ma liberté de ton et de réflexion, même si le « sens général du programme » doit en souffrir ! Pas question de renoncer à inciter les élèves à la curiosité intellectuelle et historique (mais aussi géopolitique !) et à la remise en cause des idées dominantes quand celles-ci sont des leurres ou des faussetés !

 

J’aime l’histoire, ce n’est pas, donc, pour la prostituer, mais pour la faire découvrir et aimer par les autres ! Et tant pis si les programmes officiels doivent en souffrir un peu (ou beaucoup !)…

 

 

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