Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

29/10/2023

Les aspects contemporains de la question sociale (2) : Vers une réponse royaliste ?

 

La rentrée sociale de cet automne 2023 paraît calme, bien calme… trop calme ? Il est vrai que le chaud printemps dernier pouvait laisser craindre (ou espérer, selon le camp considéré) une reprise des hostilités entre syndicats et gouvernement, et ce ne sont pas les déclarations martiales de certaines sections syndicales locales et nationales qui manquaient, comme si le volcan de la contestation de la réforme des retraites était toujours actif. Or, il est marquant de constater que le passage de l’âge de départ à la retraite semble désormais, sinon accepté par la majorité des travailleurs salariés, du moins reconnu comme une réalité malheureuse mais désormais installée. Peut-on dire que les manifestants et ceux qui ont vu leur projet de départ à la retraite retardé de quelques mois ou de quelques années sont désormais fatalistes ? Sans doute, mais ils n’en sont pas moins en colère contre ce gouvernement qui leur a imposé ce dont ils ne voulaient pas, et cela sans autre motivation, pour icelui, que quelques économies dérisoires au regard de l’immense dette publique de 3 050 milliards d’euros, véritable gouffre financier dont la France semble ne jamais devoir se sortir… Quand, de surcroît, ce même gouvernement annonce vouloir mettre la main sur quelques milliards engrangés par le régime de retraite complémentaire du privé, l’Agirc-Arrco, domine alors chez nombre de salariés du privé une impression, désagréable, d’injustice et un sentiment de spoliation : mais n’est-ce pas habituel depuis 1791 quand la Révolution, par le décret d’Allarde, a décidé de dissoudre les corporations, mettant dans le même temps la main sur leurs patrimoines respectifs ? Une opération déjà faite, quelques années plus tôt, par le libéral Turgot qui y voyait un moyen d’assurer la liberté d’entreprise et d’investissement en brisant les « barrières » corporatives, considérées comme obsolètes et contreproductives dans la logique capitaliste qui était celle du ministre, d’ailleurs bientôt désavoué par le roi Louis XVI. Il semble ainsi que l’Etat républicain, à court d’argent mais pas à court d’idées fiscales, cherche encore à financer son incurie et son assistanat par les excédents des autres, de ces organismes sur lesquels il n’a pas complétement la main car ceux-ci sont gérés paritairement par les organisations patronales et syndicales, d’une façon qu’il ne serait pas forcément inutile de répéter pour d’autres champs d’application…

 

Au-delà de cette question particulière qui concerne tout de même quelques millions de salariés, c’est la méthode qui interroge et qui peut légitimement choquer le salarié comme le citoyen : l’Etat, qui se veut Providence depuis la fin des années 1940, agit parfois comme un prédateur et non comme l’arbitre et l’incitateur qu’il devrait être en plus d’être le protecteur du Travail et des travailleurs dans leurs cadres socioprofessionnels et face aux abus propres à la mondialisation des espaces productifs. Cela peut expliquer le décalage de plus en plus grand entre le pays réel des producteurs et le pays légal des administrateurs, de cette bureau-technocratie jadis dénoncée par le royaliste Pierre Debray et qui s’impose au monde du Travail, souvent au détriment de celui-ci, condamné à subir la désindustrialisation autant qu’un réglementarisme tatillon et souvent inapproprié.

 

C’est d’ailleurs ce pays réel-là qui subit de plein fouet les effets de ce qui n’est pas qu’une crise passagère mais la poursuite d’une mondialisation économique qui paraît changer de cap et, en tout cas, de champ d’application privilégié, le basculement des pays du Nord (1) vers ceux, en pleine croissance, d’un Sud (2) aux aspects et aux puissances multiples et hétérogènes, s’opérant toujours sous nos yeux et, parfois, avec l’accord tacite des populations occidentales qui placent majoritairement le maintien de leur haut niveau de vie avant toute autre considération (3). Cela ne facilite guère, du coup, les stratégies de réindustrialisation ni les circuits courts, pourtant économiquement et écologiquement utiles et appropriés aux défis social et environnemental.

 

Du coup, si l’on dresse un tableau du champ économique et social français de ce début d’année scolaire, les motifs d’inquiétude et de tension ne manquent pas, mais ne semblent pas encore s’agréger en un bloc contestataire visible et crédible, ce qui ne signifie pas que cela ne peut se faire ou exister prochainement : les royalistes sociaux ont là un motif de réflexion mais, au-delà, d’action pour préparer, non un programme forcément réducteur, mais une alternative sociale qui, pour être vraiment efficace, doit s’ordonner au politique, et au « politique d’abord » en particulier.

 

L’incapacité des syndicats à bâtir des contestations victorieuses est sans doute liée à leur difficulté à relier leurs revendications, principalement réformistes ou légalistes, à des considérations plus politiques sur les stratégies d’Etat nécessaires pour maintenir et accroître les moyens (financiers comme industriels) de la nation française, de l’Etat lui-même et des acteurs économiques et sociaux enracinés de longue date ou simplement inscrits par quelques investissements et usines dans l’ensemble français. Ainsi, dénoncer le passage de l’âge de départ à la retraite à 64 ans sans penser d’abord les conditions politiques nécessaires pour empêcher ou nuancer cette mesure, puis le contexte à créer pour ouvrir une alternative à cette réforme « voulue d’ailleurs » (4), est forcément vain aujourd’hui : en limitant la protestation à la seule mesure « technique » du report de l’âge de départ à la retraite, les syndicats, pourtant approuvés par une large majorité de Français sur ce refus de la retraite à 64 ans, sont vite tombés dans une ornière dont il ne leur a pas été possible de se dégager. Le gouvernement, en définitive, a été plus menacé par les parlementaires opposés à la réforme (d’où l’usage répété de l’article 49-3, véritable « dôme de fer » du gouvernement) que par les cortèges de manifestants tenant la rue (5), parfois de manière violente ou incendiaire, ce qui, sans la visibilité d’une alternative crédible à la mesure gouvernementale, déconsidérait le mouvement protestataire pourtant légitime au plus grand profit du « gouvernement de l’ordre » de Mme Borne.

 

Les royalistes, malgré leurs forces réduites (en nombre, pas en énergie), doivent ainsi travailler à constituer un noyau dur éminemment politique (dans sa manière de penser, en particulier) qui puisse s’investir dans la réflexion et l’action sociales, par la revendication, la proposition et la formation (entre autres), et cela sous des formes diverses et appropriées au terrain considéré. Il s’agira au fil de cette rubrique, des réflexions et des compléments, mais aussi des débats et des critiques qu’elle pourra susciter dans les mois qui viennent, de préciser les aspects, tenants et aboutissants, d’un « Que faire ? » royaliste dans le combat social. Nous ne partons pas de zéro, loin de là : redécouvrir l’héritage des légitimistes sociaux du XIXe siècle, des maurrassiens valoisiens des années 1900-1920, et des corporatistes du XXe siècle, est aussi l’occasion de l’enrichir et de le valoriser intelligemment, selon la méthode de l’empirisme organisateur, pour aiguiser la pointe d’une Action française du XXIe siècle…

 

 

 

 

 

 

Notes : (1) : Ce que l’on peut nommer Nord n’est pas exactement l’hémisphère nord de notre planète mais l’ensemble des pays anciennement industrialisés, désormais plus consommateurs que producteurs, et dominés, professionnellement parlant, par les activités du secteur tertiaire : commerces, services, administrations, etc. Certains réduisent ce Nord à l’Occident qui regrouperait les Etats-Unis et les pays d’Europe (principalement de l’ouest et du nord de ce continent mal défini), mais en lui adjoignant aussi le Japon et les « tigres asiatiques », de la Corée du sud à Taïwan, en passant par Singapour…

 

(2) : Le Sud évoque les pays nouvellement industrialisés, souvent en pleine expansion et en cours de rattrapage des pays du Nord fragilisés désormais par une mondialisation qu’ils avaient pourtant jadis créée et initiée. La Chine, l’Inde et le Brésil (mais aussi la Turquie ou le Vietnam) en sont quelques puissances marquantes et, en certains domaines, dominantes en attendant d’être, un jour peut-être, dominatrices.

 

(3) : En période d’inflation, mais pas seulement, les consommateurs choisissent de privilégier le maintien de leur pouvoir d’achat en réorientant nombre de leurs emplettes vers les magasins et les produits à bas coût, aggravant encore un peu plus la situation au détriment des entreprises françaises : par exemple dans l’alimentaire, un secteur qui souffre, c’est bien celui des productions bio et locales, considérées sous le seul angle de leur prix, plus élevé à la vente que les produits importés, souvent de qualité incertaine mais de prix plus bas à cause de leurs modes de production et d’exploitation des personnes comme des terres et des animaux… Sans oublier que les grandes structures multinationales de l’agroalimentaire, de par leur propre poids économique, peuvent se permettre une stratégie qui accroît les déséquilibres, par le simple jeu d’une concurrence faussée par le gigantisme de leurs productions et la variété de leurs marques et gammes, au dépens, toujours, des petites et moyennes entreprises et des modes d’agriculture traditionnels et enracinés.

 

(4) : C’est la Commission européenne qui, depuis janvier 2011 et sous l’influence de Mme Merkel alors chancelière d’Allemagne, a incité (de façon insistante) les Etats de l’Union européenne à reculer l’âge de départ à la retraite à 67 ans, ce que certains, au cœur de la crise de la zone euro dans les années 2010 ou candidats à y entrer, ont appliqué sans parfois beaucoup d’égards ni pour leur population active, ni pour les propres promesses antérieures : il est intéressant de noter que la Gauche, même dite « radicale », a effectivement relevé l’âge de la retraite au-delà de 65 ans, jusqu’à 67 ans en Grèce quand elle était dirigée par M. Tsipras, alors ami politique de… M. Mélenchon ! L’alibi évoqué par ces gouvernements était le risque d’être « chassé » de la zone euro, risque unanimement refusé par cette Gauche bien peu audacieuse et pas si sociale que ce qu’elle prétend être… Dans le même temps, c’est un gouvernement de Droite conservatrice qui, en Pologne en 2017, baissait l’âge de la retraite de 67 ans à 65 ans pour les hommes, 60 pour les femmes…

 

(5) : Dans ces cortèges contre la retraite à 64 ans, étaient représentés, de façons diverses, les royalistes sociaux et d’Action française : ainsi, à Mulhouse, une banderole d’AF était visible lors des premières manifestations ; mais, très vite, des syndicalistes « officiels » ont cherché à chasser ces manifestants royalistes, considérant sans doute que le combat social était réservé au seul côté senestre de l’échiquier politique… Cet ostracisme à l’égard des royalistes montre à l’envi les limites évidentes de certaines luttes sociales quand elles se trouvent monopolisées par les conformismes contemporains.

 

(6) : Mais de ce handicap apparent du petit nombre, il est possible d’en faire une force en se concentrant sur les secteurs ou les vecteurs les plus actifs du syndicalisme ou de la proposition citoyenne : après tout, n’était-ce pas la stratégie de Maurras quand il demandait aux royalistes de s’adresser, d’abord, aux Français actifs qui n’étaient pas le plus grand nombre mais qui incarnaient l’énergie utile au combat politique et la possibilité de victoires futures ?

 

 

 

 

 

 

23/10/2023

Les aspects contemporains de la question sociale (1)

 

La réforme des retraites est faite, en attendant la prochaine (2027 ?) si l’on en croit les économistes et l’ancien premier ministre Edouard Philippe, et sa contestation, pourtant nécessaire, est restée vaine : la République a eu le dernier mot, mais ce n’est pas forcément le bon… En cette rentrée, c’est l’inflation qui occupe et surtout préoccupe tous les esprits, et qui déprécie le porte-monnaie des Français, particulièrement des classes moyennes et populaires, et l’inquiétude du gouvernement comme des entrepreneurs porte aussi sur une possible conséquence sur les salaires, entraînant ceux-ci à la hausse, pourtant considérée comme le « meilleur » moyen de compenser celle des prix à la consommation mais aussi de répondre aux demandes de certains secteurs en tension (restauration, bâtiment, agriculture… qui ne trouvent pas assez de bras aujourd’hui) ; les salariés, eux, souhaitent cette amélioration salariale, souhaitable à bien des égards. L’enjeu des prochains mois va être de trouver la nécessaire conciliation entre les parties, considérant que l’économique et le social doivent s’accorder si l’on veut éviter la faillite de l’une et la colère de l’autre. Mais il n’est pas certain que la République soit en mesure de relever ce défi particulier et sensible, prisonnière de son allégeance à des règles « européennes » parfois kafkaïennes et désarmantes face aux puissances extra-européennes et toujours coincée entre deux élections, la France se retrouvant désormais en présidentielle permanente, ce qui ne peut qu’entraver toute stratégie politique, économique et sociale de long terme. De plus, les tensions géopolitiques, dans lesquelles la France se trouve parfois partie prenante, n’arrange guère la situation des prix, mais c’est toujours la mondialisation qui domine en économie, et cela même si elle tend aujourd’hui, dans cette nouvelle fragmentation du monde, à se « déglobaliser » : comme le dit Pierre-André de Chalendar (1), « les entreprises sont désormais confrontées à la géopolitique et doivent s’y adapter, ce qui est plus ou moins facile. Elles vont devoir raisonner multilocal plutôt que global. » Mais l’État n’a-t-il pas aussi son mot à dire et ses arbitrages à mener en ce domaine, sans tomber dans l’étatisme néfaste ? Il nous faudra y revenir dans les prochains mois.

 

Néanmoins, cette nouvelle donne internationale qui a des répercussions économiques et sociales jusqu’au tréfonds de notre pays change-t-elle fondamentalement le système socio-économique dominant ? C’est peu probable, en définitive : la société de consommation, le libre-échangisme mondialisé et l’idéologie de la croissance restent les fondements apparemment indestructibles du système qualifié, le plus souvent et sans beaucoup d’explications ni de nuances, de « libéral » ou, plutôt, de « néolibéral ». Or, ce système, dont la morale première est résumée par la terrible formule de Benjamin Franklin « Time is money » (c’est-à-dire « le temps c’est de l’argent »), néglige autant la nature que les hommes, le souci environnemental que la justice sociale et, au regard des archives royalistes disponibles, il est assez frappant et révélateur que parmi les premiers à s’en inquiéter vraiment en France, l’historien politique trouve rapidement les royalistes d’Action française… Une page tirée de l’Almanach de l’Action française pour 1929 évoquant le système socio-économique des États-Unis (pas encore complètement triomphant en Europe alors) mérite la citation et la lecture, mais aussi le commentaire : « Aux États-Unis, on a essayé de résoudre le problème social par l’octroi des hauts salaires en échange d’un rendement fortement amélioré, grâce à la taylorisation du travail et à la standardisation des fabrications. L’ouvrier qui accepte de produire son maximum reçoit une paye suffisamment élevée pour qu’il puisse se procurer non seulement le nécessaire mais un large superflu. Il lui est donc possible en principe d’économiser. Mais (…) les hauts salaires n’ont pas été accordés aux travailleurs par pure philanthropie ; on a exigé et obtenu d’eux un rendement inconnu dans la vieille Europe mais, en outre, on a cherché à en faire de nouveaux consommateurs afin que les usines puissent, grâce à l’augmentation de clientèle ainsi obtenue, travailler en grande série et par conséquent avec des prix de revient meilleurs. Tous les moyens : publicité, vente à crédit… ont donc été mis en œuvre pour éloigner l’ouvrier de la thésaurisation et le pousser au contraire à dépenser, non seulement au fur et à mesure de son gain, mais encore en spéculant d’avance sur ce gain. (2) » C’est bien le système même de la société de consommation qui est ainsi décrit et que résumera, pour mieux l’analyser et le critiquer, le maurrassien Pierre Debray : selon lui, Ford et ses imitateurs autant que ses successeurs (3) ont mis en pratique la logique même de la société de consommation, « Consommer pour produire » et, par la tentation valorisée (la publicité) et financée (le crédit, c’est-à-dire l’endettement organisé et contrôlé par les banques), ouvrent le temps du superflu et du gaspillage dénoncé dans la littérature dès 1931 par Aldous Huxley dans son fameux ouvrage « Le meilleur des mondes ».

 

S’il semble assurer, au moins un temps, une certaine prospérité matérielle aux pays qui l’adoptent et aux travailleurs qui y participent, ce système est-il, pour autant, juste et équilibré ? Rien n’est moins sûr. « Le travailleur qui tombe malade ou s’estropie par accident se trouve fortement endetté par des achats à crédit et n’a pour ainsi dire rien mis de côté. (4) » Ce qui est vrai, un siècle après, aux États-Unis, l’est-il de la même manière en France ? Les moyens d’épargne comme le livret d’épargne (5), aujourd’hui renommé livret A, peuvent permettre d’amortir le choc du chômage ou du malheur social lié aux maladies ou aux accidents du travail, tout comme l’État-providence français, souvent plus proche de l’assistanat que de l’assistance juste et légitime, ce qui en amoindrit sans doute à terme l’efficacité et la crédibilité sans satisfaire toutes les nécessités de la justice sociale. « La dure loi américaine n’estime les hommes que d’après leur seule valeur productive ; si celle-ci vient à diminuer momentanément ou définitivement, les services antérieurement rendus ne comptent guère », et cela, écrit pour les États-Unis des années 1920, définit aussi l’une des caractéristiques du système franklinien mondialisé contemporain, même si l’on peut y rajouter que c’est sans doute la valeur consommatoire (l’Avoir) qui compte encore plus que la valeur liée à la création de richesses matérielles, elle-même aujourd’hui dépassée par celle de richesses immatérielles, parfois complètement virtuelles et purement spéculatives. Or, ce système a fortement tendance à dévaloriser le travail et les travailleurs, les producteurs de base eux-mêmes, au seul profit de l’argent et de ses jeux parfois immoraux. La survalorisation de la possession financière dans le monde contemporain au détriment des valeurs de la justice, de la solidarité et du partage équitable des profits, n’est pas, en définitive, acceptable parce qu’elle néglige le sens et l’unité de ce qui fait société en préférant l’individualisme et la division permanente selon les seuls éléments matériels (et immatériels) de richesse : la formule « On ne prête qu’aux riches » n’a jamais été aussi si actuelle et si inappropriée à l’équilibre social ! L’exemple de l’accès à la propriété immobilière (et de son entretien pour les propriétaires à faibles revenus) est aujourd’hui le plus caractéristique et éminemment scandaleux : les jeunes couples des classes moyennes (entre autres) désireux de faire un premier achat immobilier se retrouvent déboutés par les banques qui prêtent de moins en moins, ou à des taux peu attractifs, au risque de geler toute possibilité de devenir propriétaire alors même que c’est un souhait manifesté très largement par les familles et citoyens français, et que c’est même, pour beaucoup, à la fois un idéal et une assurance contre les revers de fortune possibles… Voilà ainsi une situation malheureuse pour nombre de nos compatriotes qu’une politique de justice sociale réfléchie et appropriée doit chercher, absolument et le plus rapidement possible, à résoudre.

 

 

(à suivre)

 

 

 

 

 

 

 

 

Notes : (1) Entretien publié dans Le Figaro, samedi 16-dimanche 17 septembre 2023. Pierre-André de Chalendar est le président de Saint-Gobain et s’affiche comme libéral, peu favorable au colbertisme d’État…

 

(2) : Pierre Chaboche, « La sécurité du travail », article publié dans l’Almanach de l’Action française pour 1929. M. Chaboche était le président de l’Union des Corporations Françaises (U.C.F.) de 1925 à 1930 et directeur de son journal La Production Française. Industriel royaliste, il poursuivit ensuite son combat corporatiste et social auprès du jeune comte de Paris, dans les années 1930.

 

(3) : Parmi les imitateurs et successeurs du tayloro-fordisme, il n’est pas inutile de citer son propre concurrent Alfred Pritchard Sloan, président de General Motors, qui « perfectionnera » le système initié par Ford en remplaçant l’unicité (de la voiture produite : la Ford T était fabriquée en une seule couleur – noire - et égalisait ainsi tous ses acheteurs, de l’ouvrier au banquier) par la diversité des équipements et de couleurs (mais sur le même châssis de base), les gammes réintroduisant ainsi la notion de hiérarchie sociale et créant de nouveaux désirs dont celui de s’approprier la voiture correspondant à l’échelon social supérieur à sa propre condition… La voiture redevient alors un marqueur social de première importance et, en tout cas, un élément de sa visibilité. La société de consommation devient alors une société de la séduction sociale et du désir de revendiquer un rang supérieur pour nombre de ses acheteurs, au risque de l’endettement (fatal, parfois) pour certains. Un excellent moyen, en somme, d’enraciner la société de consommation et d’en détourner la possible contestation par la tentation et l’illusion de monter, non dans l’échelle sociale, mais dans celle de la représentation sociale…

 

 

 

(4) : Pierre Chaboche, article cité plus haut.

 

(5) : C’est un héritage du règne du roi Louis XVIII, qui a suscité la création du livret d’épargne en 1818, justement pour permettre à tous les sujets du royaume de disposer d’un moyen sûr et garanti par l’Etat de pouvoir faire des économies en prévision, soit des jours moins heureux soit de futurs achats…

 

 

 

27/09/2023

L'union franco-britannique, une possibilité heureuse ?

 

Le récent voyage du roi Charles III est une chance pour la France, si celle-ci sait saisir l’occasion offerte par un Royaume-Uni au tournant de sa géopolitique et soucieux de rétablir des liens forts avec son voisin d’outre-Manche. Bien sûr, l’Angleterre (au sens historique du terme) reste, pour beaucoup des habitants des littoraux français, comme un adversaire ancien dont il faudrait éternellement se méfier depuis la fin de la Guerre de cent ans. Breton natif, j’ai été élevé dans cette méfiance multiséculaire, même si les épreuves communes du XXe siècle ont permis quelques rapprochements. En fait, c’est la Révolution française qui a ruiné les velléités royales de Louis XVI de faire avec le royaume îlien ce que son grand-père avait, en somme, réussi avec l’Autriche : vainqueur en Amérique et dans l’Atlantique, le roi de France voulait profiter de cette nouvelle position de force pour tendre une main ferme mais amicale à la thalassocratie défaite la veille. La Révolution a fait avorter ce projet capétien et l’Angleterre n’aura guère de scrupules à exploiter les malheurs de la France déchirée pour reprendre la place que Louis XVI lui avait, un court moment, subtilisée.

 

Ce rendez-vous manqué et la géopolitique purement terrestre ou continentale du général Bonaparte devenu empereur « terrien » ont, a contrario, laissé le champ ou, plutôt, la mer libre à une Angleterre qui dominera ainsi tout un XIXe siècle qui était pourtant promis, avant 1789, à la France… Mais les regrets sont vains, et il faut penser à aujourd’hui pour préparer demain. Dans Le Figaro (1), l’ancien diplomate François-Joseph Schichan valorise l’idée d’une véritable alliance entre les deux pays jadis rivaux, en profitant des nouvelles circonstances liées au retour de la guerre sur le continent européen et des nouvelles convergences d’intérêts entre les deux nations historiques, mais aussi de la personnalité même du nouveau souverain britannique, « Cette visite d’État (…) apportant à la relation franco-britannique un élément de continuité et en lui redonnant son socle symbolique et affectif. Le roi Charles – qui parle couramment le français et s’est rendu régulièrement dans notre pays par le passé – a un attachement sincère pour notre pays. » Un roi anglais, qui survivra au changement de ministère après les élections prochaines au sein du royaume, est, par sa seule présence tranquille et légitime, le gage de l’inscription dans la durée de l’amitié franco-britannique, sentiment qu’il s’agit d’inscrire dans une vision géopolitique de long terme, en espérant que la discontinuité propre à la République présidentielle ne remette pas toujours tout en cause, comme cela est arrivé trop souvent depuis une quinzaine d’années…

 

« Il faut aller plus loin. La relation avec le Royaume-Uni doit être une priorité pour notre pays. En Europe, le Royaume-Uni est le seul allié qui a du sens pour la France, notamment en matière de défense et de sécurité : la France et le Royaume-Uni sont des jumeaux géostratégiques, puissances moyennes avec des économies et des capacités militaires comparables et une même vocation mondiale. » Sans oublier la proximité des deux grandes métropoles-capitales que sont Londres et Paris, désormais reliées par de fortes voies de communication symbolisées, d’une certaine manière, par le tunnel sous la Manche jadis inauguré par le président Mitterrand et la reine Elisabeth II. L’établissement de liens plus que privilégiés est une possibilité qu’il convient de préciser et de favoriser, dans une logique de « duopole » métropolitain Paris-Londres, dont la formule symbolique pourrait être « 1+1=3 » (2), et qui doit aussi s’inscrire dans une stratégie des deux États pour peser efficacement sur la scène géopolitique européenne autant qu’économique et financière. Le fait que la France soit dans l’Union européenne et que le Royaume-Uni n’y soit plus est, peut-être, une particularité (voire une originalité) qui peut devenir une force, et rappelle aussi et ainsi que la France est capable de s’émanciper de la seule politique de « repli » sur l’Union Européenne, véritable impasse géopolitique et, sans doute, économique (3). Evidemment, cela n’est crédible que si, de part et d’autre et particulièrement du côté de la France, existe une véritable ambition de « faire de la force » et de « ne pas subir, mais agir librement » qui puisse s’enraciner dans la durée, dans cette idée de « l’avenir qui dure longtemps », comme le souhaitait feu le comte de Paris (4)…

 

 

(à suivre)

 

 

 

 

Notes : (1) : Le Figaro sur la toile, à la date du 22 septembre 2023.

 

(2) : J’emploie à dessein le mot duopole qui s’applique généralement à des entreprises en le transposant dans le domaine urbain : il s’agit de signifier ici une synergie métropolitaine entre deux grandes métropoles pour former, non une simple addition de forces et de chiffres, mais une véritable union (sans être une fusion ou une confusion) qui valorise l’une et l’autre, dans un système d’émulation encadré (mais pas trop, pour éviter de perdre tout ce que pourrait amener une certaine liberté d’initiative et de valorisation). D’où la formule un peu étrange du « 1+1=3 », mais qui a le mérite de différencier l’union véritable de l’addition formelle…

 

(3) : Je parle ici de la politique de repli frileux de l’Union Européenne sur des positions de vassalité peu glorieuses et sur des idéologies (libérale en économie, « progressiste » dans le domaine sociétal) qui « décivilisent » nos nations historiques, plus encore que de l’Union Européenne elle-même… Ai-je encore des illusions sur cette dernière ? Il s’agit plutôt d’un pragmatisme prudent mais qui n’empêche pas la possibilité d’ouvrir d’autres voies…

 

(4) : Le comte de Paris (1908-1999), de jure Henri VI, a écrit un livre intitulé « L’avenir dure longtemps », reprenant une formule éminemment capétienne et valorisée avant lui par le fondateur de la Cinquième République…