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22/03/2023

Susmulgation, pour en finir avec l'injuste réforme des retraites ?

 

Un nouveau mot commence à se murmurer dans les rangs des opposants mais aussi de quelques partisans effrayés de la réforme des retraites de Mme Borne : susmulgation ! Ce mot barbare cache en fait une réponse à l’impasse politique actuelle et ce qu’il recouvre a déjà été appliqué il y a un peu moins de vingt ans, en 2006, après l’adoption (sans acceptation…) et la promulgation du Contrat Première Embauche (CPE) défendu par le Premier ministre de l’époque Dominique de Villepin, puis plus récemment en 2020, comme le rappelle L’Opinion dans son édition des 17 et 18 mars derniers : ainsi, après cette adoption forcée du texte sur le CPE par le recours au 49.3 (décidément !), « si la loi est promulguée, son application est suspendue – on parle de « susmulgation » face à la bronca des jeunes. (…) Le 29 février 2020, Edouard Philippe met fin à l’obstruction des opposants à la réforme systémique des retraites. Le texte est adopté, mais son application est suspendue du fait de la crise sanitaire, puis abandonnée. » En somme, deux fois en moins de vingt ans, la susmulgation a envoyé deux textes importants aux oubliettes légales, parfois sans vraiment d’envie de la part de ceux qui les avaient prônés d’aller les y repêcher. Cela pourrait-il être le destin de la nouvelle (mais pas l’ultime) réforme sur les retraites ?

 

Pour cela, il y faudrait plusieurs conditions, pas encore réunies à ce jour : 1. Une contestation (dans les rues et dans les lieux d’études et de travail, principalement) si importante que le président de la République soit obligé de lâcher du lest envers une opinion publique et une France du Travail majoritairement hostiles au report de l’âge légal de départ à la retraite de 64 ans ; 2. Une remise à plat de la question et du débat sur les retraites et leur financement, voire du système même de solidarité intergénérationnelle et des formes d’épargne (individuelle ou « corporative ») susceptibles d’assurer un revenu aux populations sorties du « temps de l’emploi rémunéré » ; 3. Une situation économique qui renoue avec une certaine prospérité susceptible de dégager des marges de manœuvre financières et sociales…

 

La troisième condition ici évoquée est, avouons-le, peu probable dans l’immédiat, du fait de la guerre froide économique qui, aujourd’hui, caractérise la mondialisation (ou la bi-mondialisation en train de naître avec la guerre en Ukraine ?) et fragilise les positions françaises malgré les velléités de réindustrialisation de M. Le Maire : l’augmentation du nombre de défaillances d’entreprises en France ces derniers mois ; la persistance d’une inflation importante (en particulier sur les prix alimentaires) et les risques de pénuries énergétiques mais aussi la sécheresse hivernale qui n’annonce rien de bon pour le secteur de la production agricole cette année ; tout cela n’est guère favorable à la prospérité économique, même si cette mauvaise passe est surmontable ou, au moins un temps, supportable…

 

Restent les deux autres conditions : la première, celle d’une contestation sociale (et politique ?) triomphante ou, au moins, assez bruyante pour couvrir la voix de l’exécutif et gêner le travail législatif, n’est pas impossible mais est aussi la plus glissante si elle n’est pas ordonnée à un véritable projet politique, à une alternative crédible (fut-elle audacieuse), et si elle risque de dégénérer en poussée nihiliste qui nous rappelle la mise en garde de Maurras : « la politique du pire est la pire des politiques ». Les rues dévastées et les hôtels attaqués (comme à Rennes la semaine dernière), les poubelles enflammées (et fondues…) et les vitres des commerces brisées, rien de cela ne peut être bon quand les slogans qui les accompagnent participent d’un folklore extrémiste et d’une violence, non pas anarchiste mais anarchique. Pour autant, au-delà des désordres de la rue, il n’est pas impossible de penser que les risques d’une inflammation tournant à l'embrasement pourraient amener le Pouvoir à revoir sa position et à appliquer cette susmulgation de façon plus ou moins discrète, par exemple en annonçant un report de la promulgation ou de l’application du texte adopté (par défaut, en fait…) ces jours derniers. Cela peut se faire sous le couvert d’une nouvelle forme de « grand débat national » comme au sortir de la crise des Gilets jaunes, et qui valoriserait la deuxième condition que j’évoquais plus haut : une façon de sortir « par le haut » de la crise en renouant avec les différents acteurs sociaux (et, donc, remettre les corps intermédiaires en selle, alors que le président les snobe allégrement depuis sa première élection ?) ou directement avec les citoyens-électeurs, et de repopulariser, au moins en apparence sa présidence ?

 

Pour l’heure, les propos présidentiels de ce mercredi 22 mars ne sont guère apaisants et les soirées prochaines risquent d’être difficiles pour le repos des citadins des métropoles françaises, quand les journées seront occupées par les défilés incessants des protestataires (dont je suis sans partager forcément les couleurs, ayant les miennes qui sont, encore et toujours – et plus que jamais – fleurdelysées, couleurs que je ne cache nullement à mes voisins de promenade revendicative). Au-delà de cette révolte sociale sur le sujet du temps de travail, il paraît tout de même urgent de repenser la question sociale mais aussi les conditions économiques d’une prospérité qui, en créant de la valeur, peut favoriser un nouveau partage plus juste des fruits du labeur… Et si cela passait, d’abord, par le politique ? « Faites-nous de bonne politique, et je vous ferai de bonnes finances », disait le baron Louis à François Guizot, ministre du roi Louis-Philippe ; ce même baron Louis qui, déjà, avait avec la même philosophie redressé les finances de la France sous la Restauration, après 1814… Il n’est pas sûr que la République ait son baron Louis, mais il est de plus en plus certain que la République, au moins depuis une quarantaine d’années, ne fait pas cette « bonne politique » qui permettrait la prospérité et, au-delà, la justice sociale… 

18/03/2023

La question des retraites n'est pas soluble dans le 49.3.

 

Ces derniers jours ont été bien agités dans les villes de France, et les slogans des manifestants n’ont pas suffi à étancher la colère qui, sur les lieux de travail ou de convivialité, s’exprime de façon de plus en plus imagée et, en définitive, de moins en moins tranquille : autant dire que le 49.3 a jeté une immense bassine d’huile sur un feu qui ne demandait qu’à se transformer en incendie ! Est-ce de la maladresse de la part d’un président qui paraît de plus en plus absent à la France ou du cynisme, une façon de provoquer une opinion publique qui, malgré les manifestations syndicales des dernières semaines, tendait pourtant à se résigner à cette mesure impopulaire du recul de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans ?

 

Il est étonnant de constater que ce président qui emploie souvent le vocabulaire de l’audace et du courage se réfugie, à la fois craintif et arrogant, derrière un article qui, tout constitutionnel et démocratique qu’il soit, n’en reste pas moins, dans le cas présent, comme un soufflet aux parlementaires, à ce pays légal (de l’Assemblée nationale mais aussi du Sénat) qui d’ordinaire se plie aux apparences de la dispute politique au sein des assemblées et sur les plateaux de télévision et qui, aujourd’hui, se trouve frustré par le Chef de l’Etat de son occupation principale : car, que reste-t-il aux parlementaires d’opposition, par exemple, si ce n’est la seule voie du courage suicidaire ? Si la motion de censure la plus réaliste (1), celle des centristes, réussissait à renverser le gouvernement d’une Madame Borne déjà condamnée au départ prochain, l’Assemblée nationale serait immédiatement dissoute et de nouvelles élections législatives, si l’on en croit les derniers sondages, ne changeraient pas fondamentalement les équilibres actuels, au risque de verser un peu plus dans une sorte de retour à feue la Quatrième République et, donc, à une ingouvernabilité qui serait la pire des politiques pour une France qui, en fait, a besoin d’une direction claire, affirmée et, surtout, volontaire et indépendante, en un mot : souveraine !

 

En fait, à moins d’une grande surprise (2), le gouvernement ne tombera pas, et la réforme des retraites de 2023, qui entrera alors en vigueur dès cette année, n’est que le prélude à celle de 2027 (déjà annoncée par quelques prétendants au siège élyséen et voulue par les instances européennes comme par les milieux financiers) destinée à aligner l’âge légal de départ à la retraite sur les recommandations de la Commission européenne (3), soit 67 ans…

 

Alors, que faire ? Il m’apparaît nécessaire de continuer à dénoncer un report désormais toujours plus loin de l’âge de départ à la retraite, particulièrement injuste pour les classes laborieuses (au sens fort du qualificatif) et populaires, ouvrières, paysannes et d’employés, sans négliger néanmoins que certains peuvent vouloir poursuivre leur profession au-delà de l’âge légal de départ à la retraite et qu’il faut aussi leur ouvrir cette possibilité : un peu de souplesse dans le système d’accès à la retraite est évidemment nécessaire, ce que la réforme Borne, mal ficelée et fort incomplète en plus de ne pas être socialement juste, n’évoque même pas, preuve de son caractère purement technocratique et financier… Mais il faut aller plus loin dans la réaction et rappeler qu’il ne pourra y avoir de pérennité du système de retraites par répartition que s’il s’accompagne d’autres formes d’épargne en prévision du temps de l’après-travail, qu’elles soient corporatives ou socio-professionnelles (cela existe déjà pour certains secteurs d’activité et professions, et parfois depuis fort longtemps), ou qu’elles soient constituées par une « épargne sur les bénéfices des entreprises », dont les formes peuvent varier selon le moment ou l’activité, et selon les profits réalisés eux-mêmes. De plus, il y a trois éléments qu’il ne faut pas négliger pour équilibrer le système de solidarité intergénérationnelle (qui, d’ailleurs, doit fonctionner dans les deux sens et sur des synergies entre générations, entre autres) : 1. Une politique démographique qu’il n’est pas abusif de qualifier de nataliste ; 2. Une politique de l’emploi destinée à garantir, autant que faire se peut, une continuité de celui-ci durant le temps professionnel, y compris pour les travailleurs âgés (je rappelle que ce qualificatif d’âge ne s’applique pas forcément de la même manière selon la profession et la charge de travail, mais aussi selon les forces physiques et la santé des personnes : un ouvrier du bâtiment vieillit plus vite qu’un professeur d’université, en général) ; 3. Une politique de création de valeur (de richesses, si l’on préfère)  qui peut être soutenue par une stratégie d’incitation et d’impulsion de l’Etat, et qui doit permettre aux entreprises, quelles que soient leur taille et leur puissance, de valoriser leur activité et d’exploiter intelligemment les atouts français (espaces ; potentialités énergétiques, agricoles ou industrielles ; savoir-faire et matière grise, etc.).

 

La République actuelle peut-elle mener cette politique sociale juste et nécessaire dont le pays et ses habitants ont besoin pour envisager l’avenir sans le poids trop lourd de l’inquiétude ? Au regard des blocages qu’elle semble se créer elle-même, il est logique de douter de ses capacités… A bien y regarder, cette crise sociale et désormais politique (mais ne l’a-t-elle pas toujours été, en fait ?) peut être l’occasion de réfléchir sur les institutions politiques elles-mêmes et leur rapport avec le monde du travail, rapport qui, pour être constructif et crédible, doit largement reposer sur une bonne compréhension de la justice sociale et sur la concertation permanente avec les corps sociaux productifs, partie prenante d’une économie dont ils sont aussi les acteurs incontournables…

 

 

 

 

 

 

Notes : (1) : Quand j’écris que la motion de censure présentée par les centristes est la plus réaliste, cela ne signifie pas qu’elle soit la plus satisfaisante mais qu’elle est simplement en mesure de rassembler des voix de tous les bords de l’Assemblée sans être accusée de servir les intérêts des uns ou des autres et, donc, qu’ de mobiliser le maximum des voix possible et nécessaire pour arriver à ses fins, communes à des groupes politiques qui, d’ordinaire, se détestent et s’excommunient rageusement les uns les autres…

 

(2) : Qui sait ? Après tout, n’est-il pas bien connu que « le désespoir en politique est une sottise absolue » ?

 

(3) : Depuis janvier 2011, la Commission européenne recommande de retarder l’âge légal de départ à la retraite à 67 ans, et certains pays ont déjà cédé à cette insistante demande, et cela même s’ils étaient dirigés par des partis de gauche, voire de gauche dite radicale : en Espagne, pour 2027 ; au Portugal, c’est 66 ans et 7 mois, mais avec une possibilité d’élévation prochaine en fonction de l’espérance de vie des retraités eux-mêmes ; en Italie, en Allemagne, en Belgique, c’est aussi officiellement 67 ans, à plus ou moins long terme…

 

 

 

 

 

 

 

07/09/2022

La République imprévoyante...

 

La rentrée scolaire est faite, et déjà les premiers cours font oublier les vacances quand, dans le même temps, l’actualité fait entendre sa petite musique lancinante et que les inquiétudes, pour certains jamais complètement écartées, remontent à la surface : « Aurons-nous des professeurs devant tous les élèves cette année ? » ; « Pourrons-nous nous chauffer convenablement ? » ; « Que restera-t-il de l’économie française au printemps ? » ; etc. Il est vrai que la guerre en Ukraine, la menace d’une nouvelle vague de Covid et la crainte d’une dégradation climatique accélérée, sont autant de motifs de souci et, parfois, de désespérance. Et, plus encore que la colère, c’est une sorte de fatalisme qui paraît imprégner les populations, un sentiment d’abandon qui est d’autant plus dangereux qu’il est difficile d’en saisir tous les ressorts et tous les contours, et qu’il pourrait bien, en quelque occasion, se muer en ouragan, au moment où l’on s’y attend le moins : le gouvernement de la République et son chef de l’État en sont-ils conscients ? J’ai du mal à en douter, ne méconnaissant pas l’intelligence mâtinée de suffisance de ceux qui monopolisent les institutions de la République…

 

En fait, nos gouvernants espèrent que la peur de l’inconnu et du désordre freinera toute contestation d’ampleur, et parient que les oppositions présentes à l’Assemblée nationale, soucieuses d’éviter une dissolution (même si cette option semble s’éloigner, le recours au 49-3 permettant de contourner, au moins temporairement, l’obstacle parlementaire) et cherchant à crédibiliser leur « alternative », sauront contenir les troubles qui, s’ils en semblaient les organisateurs ou les promoteurs, pourraient bien se retourner contre elles. Ce calcul, présidentiel avant que d’être proprement gouvernemental, est risqué, mais est-il juste ? L’avenir nous le dira, et il me semble prudent de n’écarter aucune possibilité de celui-ci, ne serait-ce que parce que « l’inédit » est aussi une des marques et des leçons de l’histoire qu’il s’agit de ne pas méconnaître. Autant j’évite de faire de la divination politique, autant je ne veux négliger, a priori, aucune des possibilités de l’avenir : « prévoir l’imprévisible, attendre l’inattendu » est aussi une nécessité politique pour qui ne veut pas subir l’histoire et cherche à en saisir les ressorts pour ne pas être désarçonné le jour venu, lorsque se lève le vent des « événements » …

 

Ce qui est certain, c’est que la République, prisonnière de ses propres principes et de sa dérive électoraliste qui l’empêche d’inscrire une politique d’Etat sur le long terme et qui soumet celle-ci aux rapports de force et aux démagogies de tout (dés)ordre, n’a pas su prévoir ni préparer ce qui, hier avenir, est notre « aujourd’hui ». L’exemple terrible de la politique énergétique, celui-là même dont M. Macron refuse de porter la responsabilité alors qu’il a bien été (après, il est vrai, le premier ministre Lionel Jospin en 1997, initiateur du « désastre énergétique » et le président Hollande, tous deux soucieux de donner quelques os à ronger aux « Verts » antinucléaires…) le fossoyeur d’une stratégie nucléaire raisonnable en mettant fin au projet Astrid en 2019 (1) et en fermant la centrale de Fessenheim, est là pour nous prouver, si besoin en était, l’inconséquence de la République dont, aujourd’hui, notre pays comme ses habitants sont les principales victimes. Et il n’est pas inutile de rappeler que la République n’a même pas su, faute de volonté politique et de vision à long terme (le seul horizon de la République est… la prochaine élection présidentielle !), développer une stratégie des énergies marines renouvelables dont la France, avec ses 11,5 millions de kilomètres carrés de territoire maritime (la deuxième Zone Economique Exclusive – ZEE – du monde, ce n’est pas rien, tout de même !), pourrait être la première productrice mondiale si elle s’en donnait la peine ! Quel gâchis, quel scandale !

 

« Gouverner c’est prévoir », dit-on ! Visiblement, la République a « oublié » cette formule de bon sens…

 

 

 

 

 

 

 

 

Notes : (1) : Selon le site électronique du quotidien Le Figaro du 20 avril 2022, le projet Astrid « était un projet de réacteur expérimental, à neutrons rapides, lancé en 2010 par le Commissariat à l'énergie atomique (CEA). Controversé en raison de son coût, il a été abandonné en 2019. Il devait ouvrir la voie vers les réacteurs nucléaires dits de quatrième génération, capables d'utiliser des extraits de combustibles usés pour fonctionner. » C’est bien le président Macron qui a pris la décision de mettre un terme à ce projet, tout comme le premier ministre Lionel Jospin, bien avant lui (en juin 1997), avait enterré, sans aucune concertation, le réacteur nucléaire Superphénix, pourtant prometteur…