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07/09/2022

La République imprévoyante...

 

La rentrée scolaire est faite, et déjà les premiers cours font oublier les vacances quand, dans le même temps, l’actualité fait entendre sa petite musique lancinante et que les inquiétudes, pour certains jamais complètement écartées, remontent à la surface : « Aurons-nous des professeurs devant tous les élèves cette année ? » ; « Pourrons-nous nous chauffer convenablement ? » ; « Que restera-t-il de l’économie française au printemps ? » ; etc. Il est vrai que la guerre en Ukraine, la menace d’une nouvelle vague de Covid et la crainte d’une dégradation climatique accélérée, sont autant de motifs de souci et, parfois, de désespérance. Et, plus encore que la colère, c’est une sorte de fatalisme qui paraît imprégner les populations, un sentiment d’abandon qui est d’autant plus dangereux qu’il est difficile d’en saisir tous les ressorts et tous les contours, et qu’il pourrait bien, en quelque occasion, se muer en ouragan, au moment où l’on s’y attend le moins : le gouvernement de la République et son chef de l’État en sont-ils conscients ? J’ai du mal à en douter, ne méconnaissant pas l’intelligence mâtinée de suffisance de ceux qui monopolisent les institutions de la République…

 

En fait, nos gouvernants espèrent que la peur de l’inconnu et du désordre freinera toute contestation d’ampleur, et parient que les oppositions présentes à l’Assemblée nationale, soucieuses d’éviter une dissolution (même si cette option semble s’éloigner, le recours au 49-3 permettant de contourner, au moins temporairement, l’obstacle parlementaire) et cherchant à crédibiliser leur « alternative », sauront contenir les troubles qui, s’ils en semblaient les organisateurs ou les promoteurs, pourraient bien se retourner contre elles. Ce calcul, présidentiel avant que d’être proprement gouvernemental, est risqué, mais est-il juste ? L’avenir nous le dira, et il me semble prudent de n’écarter aucune possibilité de celui-ci, ne serait-ce que parce que « l’inédit » est aussi une des marques et des leçons de l’histoire qu’il s’agit de ne pas méconnaître. Autant j’évite de faire de la divination politique, autant je ne veux négliger, a priori, aucune des possibilités de l’avenir : « prévoir l’imprévisible, attendre l’inattendu » est aussi une nécessité politique pour qui ne veut pas subir l’histoire et cherche à en saisir les ressorts pour ne pas être désarçonné le jour venu, lorsque se lève le vent des « événements » …

 

Ce qui est certain, c’est que la République, prisonnière de ses propres principes et de sa dérive électoraliste qui l’empêche d’inscrire une politique d’Etat sur le long terme et qui soumet celle-ci aux rapports de force et aux démagogies de tout (dés)ordre, n’a pas su prévoir ni préparer ce qui, hier avenir, est notre « aujourd’hui ». L’exemple terrible de la politique énergétique, celui-là même dont M. Macron refuse de porter la responsabilité alors qu’il a bien été (après, il est vrai, le premier ministre Lionel Jospin en 1997, initiateur du « désastre énergétique » et le président Hollande, tous deux soucieux de donner quelques os à ronger aux « Verts » antinucléaires…) le fossoyeur d’une stratégie nucléaire raisonnable en mettant fin au projet Astrid en 2019 (1) et en fermant la centrale de Fessenheim, est là pour nous prouver, si besoin en était, l’inconséquence de la République dont, aujourd’hui, notre pays comme ses habitants sont les principales victimes. Et il n’est pas inutile de rappeler que la République n’a même pas su, faute de volonté politique et de vision à long terme (le seul horizon de la République est… la prochaine élection présidentielle !), développer une stratégie des énergies marines renouvelables dont la France, avec ses 11,5 millions de kilomètres carrés de territoire maritime (la deuxième Zone Economique Exclusive – ZEE – du monde, ce n’est pas rien, tout de même !), pourrait être la première productrice mondiale si elle s’en donnait la peine ! Quel gâchis, quel scandale !

 

« Gouverner c’est prévoir », dit-on ! Visiblement, la République a « oublié » cette formule de bon sens…

 

 

 

 

 

 

 

 

Notes : (1) : Selon le site électronique du quotidien Le Figaro du 20 avril 2022, le projet Astrid « était un projet de réacteur expérimental, à neutrons rapides, lancé en 2010 par le Commissariat à l'énergie atomique (CEA). Controversé en raison de son coût, il a été abandonné en 2019. Il devait ouvrir la voie vers les réacteurs nucléaires dits de quatrième génération, capables d'utiliser des extraits de combustibles usés pour fonctionner. » C’est bien le président Macron qui a pris la décision de mettre un terme à ce projet, tout comme le premier ministre Lionel Jospin, bien avant lui (en juin 1997), avait enterré, sans aucune concertation, le réacteur nucléaire Superphénix, pourtant prometteur…

 

 

 

  

 

 

 

 

16/09/2019

Quand les questions énergétiques posent celle du régime politique...

Quelques drones vont-ils faire vaciller l’économie mondiale ? Les frappes des rebelles yéménites Houthis contre les plus grandes installations pétrolières d’Arabie Saoudite ont fait de gros dégâts et entraînent désormais la suspension temporaire de la moitié de la production du pays, plus grand producteur pétrolier du monde, ce qui représente, à l’échelle mondiale, environ 6 % du commerce de brut. Cela entraîne aussi, naturellement, une hausse rapide des cours du pétrole qui sont loin, néanmoins, d’atteindre les sommets d’il y a quelques années, mais qui devrait se répercuter dans quelques semaines, voire dans quelques jours sur les prix de l’essence à la pompe, au risque de fragiliser une économie française (entre autres) qui n’est pas la plus florissante aujourd’hui… Au-delà de l’événement géopolitique et de ses conséquences économiques, cela doit nous interroger sur notre dépendance aux énergies fossiles et sur les moyens de s’en dégager.

 

En faisant le choix il y a quelques décennies de privilégier l’énergie nucléaire (ce qui n’a pas que des avantages, en particulier sur le plan de la dangerosité et sur celui de la gestion des déchets issus de sa production énergétique), le gouvernement français de l’époque pompidolienne pensait amortir les chocs pétroliers tout en répondant à la forte demande énergétique de la société de consommation alors en cours d’expansion et d’imposition. Mais l’extension du mode de déplacement automobile qui ne s’est jamais démentie depuis les années 1950 s’est faite sur la base du pétrole, sans alternative crédible jusqu’à ces dernières années, et cela malgré le fait que, dès les origines de l’automobile, l’électricité était présentée comme une possibilité intéressante : mais la pression et les manœuvres des grandes compagnies pétrolières états-uniennes ont ruiné cette alternative au pétrole (dès 1914), pour des raisons principalement de recherche de profit et d’intérêt des grandes sociétés et de leurs actionnaires… Le profit immédiat plutôt que le bien commun, en somme ! Nous le payons aujourd’hui, autant sur le plan environnemental qu’économique.

 

Tout cela doit inciter l’Etat à promouvoir une nouvelle stratégie énergétique sans oublier l’enjeu environnemental : un grand plan d’investissements et de créativité dans le domaine des énergies renouvelables et non-polluantes (ce qui n’est pas toujours le cas, si l’on pense à certains matériaux ou structures nécessaires pour la récupération de l’énergie du vent ou du soleil) devrait être pensé et engagé, dans des délais plus rapides qu’ils ne le sont ordinairement, et en recourant aussi aux méthodes qui ont permis jadis en quelques années de nucléariser l’électricité française. La France dispose d’atouts exceptionnels liés à la superficie non moins exceptionnelle de son domaine maritime et de ses possibilités, et cela fait plusieurs mandats présidentiels écoulés que des parlementaires comme Philippe Folliot (auteur avec Xavier Louy d’un livre qui devrait être lu par tous les hommes qui nous gouvernent et tous ceux qui aspirent à le faire : « France-sur-Mer : un empire oublié »), appellent à valoriser cet énorme potentiel marin. J’avais expliqué il y a quelques années, suite à la lecture d’articles scientifiques sur les énergies marines renouvelables (les EMR), que la France pourrait devenir « l’Arabie Saoudite de l’énergie houlomotrice » (l’énergie des vagues, de la houle) si elle voulait bien se donner la peine de penser et de pratiquer la mise en place de systèmes de récupération de cette énergie : notre pays dispose, rien qu’en métropole, de plus de 5.000 kilomètres de côtes, ce qui permet d’envisager une exploitation convenable et rentable de l’énergie houlomotrice, sans négliger d’autres formes d’énergies marines, comme l’énergie marémotrice par exemple : le barrage-usine de la Rance est un modèle qui permet, cinquante ans après sa construction et le début de sa mise en service, de ne pas refaire les erreurs commises alors et d’envisager d’autres implantations en s’appuyant sur un empirisme organisateur crédible, tout en réfléchissant aussi à minorer les effets sur l’environnement de cette installation.

 

Mais, ce qui est valable pour les EMR l’est tout autant pour d’autres énergies renouvelables exploitées sur la terre ferme ou dans les airs, et l’expertise française en ce domaine doit être encore améliorée et soutenue, par l’Etat comme par les autres acteurs publics et, bien sûr, privés, qui peuvent y trouver quelques ressources nouvelles et profits certains sans être forcément excessifs ou injustifiés : l’ensoleillement et la ventosité, par exemple, méritent, malgré leurs caractères fluctuants, d’être mieux considérés encore, et cela en sortant aussi d’un modèle de « gigantisme » (comme dans le cas de l’éolien) qui s’avère plus coûteux et écologiquement dévastateur que des modèles « à taille humaine », mieux adaptés à la proximité et à la vie locale. Sans négliger pour autant les nécessaires économies d’énergie qui sont, à plus ou moins long terme, la solution la plus efficace pour ne plus être dépendant d’une « énergivoracité » qui paraît bien être celle de notre société de consommation contemporaine…

 

En relisant quelques documents des années 1970 qui encombrent mes archives sans que je le regrette forcément, je constate que ce que j’écris là n’a rien de novateur ni d’original : d’autres que moi, et bien avant que je ne le formalise sur le papier ou par le clavier, ont évoqué ces mêmes pistes énergétiques et économiques, mais ils n’ont pas empêché une constante progression des dépenses d’énergie et de recours aux sources fossiles de celles-ci, et cela malgré tous leurs valeureux efforts et leurs mises en garde parfois prophétiques. Et, même depuis (et malgré…) le passage de Nicolas Hulot au gouvernement, la France a vu ses rejets de gaz à effet de serre augmenter, preuve de la difficulté à sortir du modèle énergétique « fossile » et polluant. Cela me confirme dans l’idée que seule une politique d’Etat énergique, de cette énergie que procure la volonté de faire, peut changer ou orienter différemment le cours des choses : encore faut-il que la magistrature suprême de cet Etat qui doit investir dans l’avenir sans négliger les réalités du présent et les expériences du passé, soit « libre de tout lien » avec les promoteurs et les profiteurs d’un système qui pèse trop, par essence, sur les ressources de la terre et sur leurs capacités de renouvellement. Il n’est pas certain que la République, dépendante de ceux qui font l’opinion et alimentent les désirs en les décrivant comme « besoins », soit la mieux adaptée à relever les défis énergétiques et écologiques contemporains, et les vains efforts d’un Nicolas Hulot sûrement plein de bonne volonté mais désarmé devant celle des décideurs économiques, qu’ils soient nationaux ou multinationaux, ont largement démontré cette impuissance de l’écologie politique quand l’Etat n’est pas, par lui-même, « écologiste intégral ». Vous voulez une politique écologique d’Etat ? Alors, il vous faut conclure à un Etat politique écologique, à un Etat dont les racines plongent profondément dans le temps et la conscience de la fragilité des choses, et qui, par essence, incarne cette continuité dans le temps sans oublier sa nature « mortelle » et renouvelable : « Le roi est mort, vive le roi ! », disait l’ancienne formule de passation du pouvoir d’un souverain au suivant, et ces quelques mots signifiaient aussi le fait que la mort, « passage nécessaire de la vie », n’avait pas le dernier mot parce que l’Etat survivait à la défection naturelle du père par la transmission de l’héritage au fils survivant. Et quoi de plus « naturel », écologiquement parlant, que cette transmission du père au fils qui rappelle que la nature n’est pas « fixiste » mais toujours en perpétuel mouvement, non comme un fétu de paille emporté par le vent mais comme la ramure d’un arbre, changeante selon les saisons, dans ses feuillages colorés ou hivernalement absents…

 

 

23/05/2017

Pour une sortie apaisée du nucléaire : l'exemple suisse.

Ce dimanche 21 mai, les Suisses viennent de voter la sortie progressive du nucléaire après avoir refusé, en novembre dernier, d'arrêter les cinq réacteurs actuels (qui fournissent 35 % de l'électricité helvétique) avant 2029 : en somme, ils viennent de se donner du temps tout en envoyant un signal clair à l'Europe et aux pays qui, comme la France, s'appuient encore sur l'énergie de l'atome de façon disproportionnée. En fait, il ne s'agit pas de lâcher la proie pour l'ombre (c'est le cas de le dire !), mais d'engager la Confédération dans une politique énergétique fondée sur l'usage intelligent et élargi des énergies renouvelables et sur les économies d'énergie nécessaires, ne serait-ce que pour des raisons environnementales mais aussi d'indépendance énergétique à l'égard de ses voisins et de ses créanciers. 

 

Dans un article publié dans Le Figaro à la veille de la votation, Marion Moussadek précise la stratégie suisse en ce domaine : « Le paquet de mesures soumis au vote ce dimanche, dont la mise en œuvre est prévue par étapes jusqu'en 2035, vise à suivre la tendance européenne. Entre 2004 et 2014, la part des énergies renouvelables dans la consommation finale d'énergie (électricité, chaleur et transports) a augmenté de 8,5 % à 16 % dans l'UE. En conjuguant incitations financières à l'isolation des bâtiments et promotion des énergies hydraulique, solaire, éolienne, géothermique et de biomasse, tout en bridant les émissions des véhicules neufs, Berne table sur une réduction de la consommation des ménages et des entreprises de 43 % par rapport à 2000. « On peut diminuer notre consommation sans perte de confort », soutient la ministre en charge de l’Énergie et présidente de la Confédération, Doris Leuthard. » Quand les populistes locaux de l'UDC critiquaient vertement (le mot est-il approprié, dans leur cas ?) cette mesure en arguant d'un surcoût important pour les contribuables, la présidente avançait plutôt le chiffre de 40 francs suisses par an et par foyer pour le financement de cette politique, ce qui, effectivement, n'est pas trop cher payé, d'autant plus si l'on considère que c'est aussi un investissement pour l'avenir, et que cela réduira les déchets énergétiques (ici surtout les déchets nucléaires, toujours objets de vives controverses, y compris en France) et les rejets de gaz à effet de serre pour les carburants (transports et chauffage), ce qui est tout de même fort appréciable. 

 

La France serait bien inspirée de considérer l'exemple suisse et de préparer, rapidement et de la meilleure manière qui soit, une sortie apaisée du nucléaire avant d'y être contrainte plus rudement par l'augmentation des coûts d'exploitation et de démantèlement, ce dernier aspect étant sans doute le plus problématique et le plus dispendieux, ce qui ne laisse pas d'inquiéter les économistes et prévisionnistes financiers. 

 

Il aurait fallu faire de l'énergie nucléaire (dont je ne suis pas un militant), une fois qu'elle était valorisée pour des raisons d'indépendance énergétique nationale et pour l'avantage qu'elle ne relâchait pas de fumées polluantes dans l'atmosphère, une énergie de transition et non une finalité, cette dernière option étant celle qui, malheureusement, a été faite par une République incapable de se projeter dans l'avenir et souvent au-delà de deux quinquennats (élections obligent...) : nous en payons aujourd'hui un prix très lourd, en espérant qu'il ne soit pas aggravé par un accident type Tchernobyl ou Fukushima toujours possible, quoiqu'en disent certains partisans du nucléaire, aveuglés par un scientisme qui oublie trop souvent que « Science sans conscience n'est que ruine de l'âme ». 

 

D'autre part, la France qui, contrairement à la Suisse, dispose de longs littoraux, en métropole comme en Outre-mer, et d'espaces ensoleillés et venteux importants, a des possibilités énergétiques renouvelables absolument considérables qu'elle ne valorise pas assez, alors qu'elles pourraient remplacer en l'espace d'un quart de siècle, toutes les énergies fossiles et fissiles dont notre nation a besoin pour sa vie domestique comme pour sa production industrielle. La Suisse, qui n'est pas un pays arriéré, ni techniquement ni intellectuellement, nous montre une voie possible et, sans doute, souhaitable : la France, avec ses particularités et ses atouts, aurait tort de ne pas saisir l'occasion de relever le défi énergétique que lance, d'une certaine manière, notre voisin helvétique. 

 

Mais, malgré la présence de M. Nicolas Hulot au gouvernement, il est possible que les féodalités, qui depuis si longtemps « tiennent les rênes » de la politique française de l'énergie, ne veuillent pas renoncer d'elles-mêmes à la facilité et à leurs intérêts du moment : que n'avons-nous un Roi pour calmer les ardeurs de ces Fouquet de l'atome ! Là aussi, la Monarchie est regrettable de par son absence...