Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

29/10/2023

Les aspects contemporains de la question sociale (2) : Vers une réponse royaliste ?

 

La rentrée sociale de cet automne 2023 paraît calme, bien calme… trop calme ? Il est vrai que le chaud printemps dernier pouvait laisser craindre (ou espérer, selon le camp considéré) une reprise des hostilités entre syndicats et gouvernement, et ce ne sont pas les déclarations martiales de certaines sections syndicales locales et nationales qui manquaient, comme si le volcan de la contestation de la réforme des retraites était toujours actif. Or, il est marquant de constater que le passage de l’âge de départ à la retraite semble désormais, sinon accepté par la majorité des travailleurs salariés, du moins reconnu comme une réalité malheureuse mais désormais installée. Peut-on dire que les manifestants et ceux qui ont vu leur projet de départ à la retraite retardé de quelques mois ou de quelques années sont désormais fatalistes ? Sans doute, mais ils n’en sont pas moins en colère contre ce gouvernement qui leur a imposé ce dont ils ne voulaient pas, et cela sans autre motivation, pour icelui, que quelques économies dérisoires au regard de l’immense dette publique de 3 050 milliards d’euros, véritable gouffre financier dont la France semble ne jamais devoir se sortir… Quand, de surcroît, ce même gouvernement annonce vouloir mettre la main sur quelques milliards engrangés par le régime de retraite complémentaire du privé, l’Agirc-Arrco, domine alors chez nombre de salariés du privé une impression, désagréable, d’injustice et un sentiment de spoliation : mais n’est-ce pas habituel depuis 1791 quand la Révolution, par le décret d’Allarde, a décidé de dissoudre les corporations, mettant dans le même temps la main sur leurs patrimoines respectifs ? Une opération déjà faite, quelques années plus tôt, par le libéral Turgot qui y voyait un moyen d’assurer la liberté d’entreprise et d’investissement en brisant les « barrières » corporatives, considérées comme obsolètes et contreproductives dans la logique capitaliste qui était celle du ministre, d’ailleurs bientôt désavoué par le roi Louis XVI. Il semble ainsi que l’Etat républicain, à court d’argent mais pas à court d’idées fiscales, cherche encore à financer son incurie et son assistanat par les excédents des autres, de ces organismes sur lesquels il n’a pas complétement la main car ceux-ci sont gérés paritairement par les organisations patronales et syndicales, d’une façon qu’il ne serait pas forcément inutile de répéter pour d’autres champs d’application…

 

Au-delà de cette question particulière qui concerne tout de même quelques millions de salariés, c’est la méthode qui interroge et qui peut légitimement choquer le salarié comme le citoyen : l’Etat, qui se veut Providence depuis la fin des années 1940, agit parfois comme un prédateur et non comme l’arbitre et l’incitateur qu’il devrait être en plus d’être le protecteur du Travail et des travailleurs dans leurs cadres socioprofessionnels et face aux abus propres à la mondialisation des espaces productifs. Cela peut expliquer le décalage de plus en plus grand entre le pays réel des producteurs et le pays légal des administrateurs, de cette bureau-technocratie jadis dénoncée par le royaliste Pierre Debray et qui s’impose au monde du Travail, souvent au détriment de celui-ci, condamné à subir la désindustrialisation autant qu’un réglementarisme tatillon et souvent inapproprié.

 

C’est d’ailleurs ce pays réel-là qui subit de plein fouet les effets de ce qui n’est pas qu’une crise passagère mais la poursuite d’une mondialisation économique qui paraît changer de cap et, en tout cas, de champ d’application privilégié, le basculement des pays du Nord (1) vers ceux, en pleine croissance, d’un Sud (2) aux aspects et aux puissances multiples et hétérogènes, s’opérant toujours sous nos yeux et, parfois, avec l’accord tacite des populations occidentales qui placent majoritairement le maintien de leur haut niveau de vie avant toute autre considération (3). Cela ne facilite guère, du coup, les stratégies de réindustrialisation ni les circuits courts, pourtant économiquement et écologiquement utiles et appropriés aux défis social et environnemental.

 

Du coup, si l’on dresse un tableau du champ économique et social français de ce début d’année scolaire, les motifs d’inquiétude et de tension ne manquent pas, mais ne semblent pas encore s’agréger en un bloc contestataire visible et crédible, ce qui ne signifie pas que cela ne peut se faire ou exister prochainement : les royalistes sociaux ont là un motif de réflexion mais, au-delà, d’action pour préparer, non un programme forcément réducteur, mais une alternative sociale qui, pour être vraiment efficace, doit s’ordonner au politique, et au « politique d’abord » en particulier.

 

L’incapacité des syndicats à bâtir des contestations victorieuses est sans doute liée à leur difficulté à relier leurs revendications, principalement réformistes ou légalistes, à des considérations plus politiques sur les stratégies d’Etat nécessaires pour maintenir et accroître les moyens (financiers comme industriels) de la nation française, de l’Etat lui-même et des acteurs économiques et sociaux enracinés de longue date ou simplement inscrits par quelques investissements et usines dans l’ensemble français. Ainsi, dénoncer le passage de l’âge de départ à la retraite à 64 ans sans penser d’abord les conditions politiques nécessaires pour empêcher ou nuancer cette mesure, puis le contexte à créer pour ouvrir une alternative à cette réforme « voulue d’ailleurs » (4), est forcément vain aujourd’hui : en limitant la protestation à la seule mesure « technique » du report de l’âge de départ à la retraite, les syndicats, pourtant approuvés par une large majorité de Français sur ce refus de la retraite à 64 ans, sont vite tombés dans une ornière dont il ne leur a pas été possible de se dégager. Le gouvernement, en définitive, a été plus menacé par les parlementaires opposés à la réforme (d’où l’usage répété de l’article 49-3, véritable « dôme de fer » du gouvernement) que par les cortèges de manifestants tenant la rue (5), parfois de manière violente ou incendiaire, ce qui, sans la visibilité d’une alternative crédible à la mesure gouvernementale, déconsidérait le mouvement protestataire pourtant légitime au plus grand profit du « gouvernement de l’ordre » de Mme Borne.

 

Les royalistes, malgré leurs forces réduites (en nombre, pas en énergie), doivent ainsi travailler à constituer un noyau dur éminemment politique (dans sa manière de penser, en particulier) qui puisse s’investir dans la réflexion et l’action sociales, par la revendication, la proposition et la formation (entre autres), et cela sous des formes diverses et appropriées au terrain considéré. Il s’agira au fil de cette rubrique, des réflexions et des compléments, mais aussi des débats et des critiques qu’elle pourra susciter dans les mois qui viennent, de préciser les aspects, tenants et aboutissants, d’un « Que faire ? » royaliste dans le combat social. Nous ne partons pas de zéro, loin de là : redécouvrir l’héritage des légitimistes sociaux du XIXe siècle, des maurrassiens valoisiens des années 1900-1920, et des corporatistes du XXe siècle, est aussi l’occasion de l’enrichir et de le valoriser intelligemment, selon la méthode de l’empirisme organisateur, pour aiguiser la pointe d’une Action française du XXIe siècle…

 

 

 

 

 

 

Notes : (1) : Ce que l’on peut nommer Nord n’est pas exactement l’hémisphère nord de notre planète mais l’ensemble des pays anciennement industrialisés, désormais plus consommateurs que producteurs, et dominés, professionnellement parlant, par les activités du secteur tertiaire : commerces, services, administrations, etc. Certains réduisent ce Nord à l’Occident qui regrouperait les Etats-Unis et les pays d’Europe (principalement de l’ouest et du nord de ce continent mal défini), mais en lui adjoignant aussi le Japon et les « tigres asiatiques », de la Corée du sud à Taïwan, en passant par Singapour…

 

(2) : Le Sud évoque les pays nouvellement industrialisés, souvent en pleine expansion et en cours de rattrapage des pays du Nord fragilisés désormais par une mondialisation qu’ils avaient pourtant jadis créée et initiée. La Chine, l’Inde et le Brésil (mais aussi la Turquie ou le Vietnam) en sont quelques puissances marquantes et, en certains domaines, dominantes en attendant d’être, un jour peut-être, dominatrices.

 

(3) : En période d’inflation, mais pas seulement, les consommateurs choisissent de privilégier le maintien de leur pouvoir d’achat en réorientant nombre de leurs emplettes vers les magasins et les produits à bas coût, aggravant encore un peu plus la situation au détriment des entreprises françaises : par exemple dans l’alimentaire, un secteur qui souffre, c’est bien celui des productions bio et locales, considérées sous le seul angle de leur prix, plus élevé à la vente que les produits importés, souvent de qualité incertaine mais de prix plus bas à cause de leurs modes de production et d’exploitation des personnes comme des terres et des animaux… Sans oublier que les grandes structures multinationales de l’agroalimentaire, de par leur propre poids économique, peuvent se permettre une stratégie qui accroît les déséquilibres, par le simple jeu d’une concurrence faussée par le gigantisme de leurs productions et la variété de leurs marques et gammes, au dépens, toujours, des petites et moyennes entreprises et des modes d’agriculture traditionnels et enracinés.

 

(4) : C’est la Commission européenne qui, depuis janvier 2011 et sous l’influence de Mme Merkel alors chancelière d’Allemagne, a incité (de façon insistante) les Etats de l’Union européenne à reculer l’âge de départ à la retraite à 67 ans, ce que certains, au cœur de la crise de la zone euro dans les années 2010 ou candidats à y entrer, ont appliqué sans parfois beaucoup d’égards ni pour leur population active, ni pour les propres promesses antérieures : il est intéressant de noter que la Gauche, même dite « radicale », a effectivement relevé l’âge de la retraite au-delà de 65 ans, jusqu’à 67 ans en Grèce quand elle était dirigée par M. Tsipras, alors ami politique de… M. Mélenchon ! L’alibi évoqué par ces gouvernements était le risque d’être « chassé » de la zone euro, risque unanimement refusé par cette Gauche bien peu audacieuse et pas si sociale que ce qu’elle prétend être… Dans le même temps, c’est un gouvernement de Droite conservatrice qui, en Pologne en 2017, baissait l’âge de la retraite de 67 ans à 65 ans pour les hommes, 60 pour les femmes…

 

(5) : Dans ces cortèges contre la retraite à 64 ans, étaient représentés, de façons diverses, les royalistes sociaux et d’Action française : ainsi, à Mulhouse, une banderole d’AF était visible lors des premières manifestations ; mais, très vite, des syndicalistes « officiels » ont cherché à chasser ces manifestants royalistes, considérant sans doute que le combat social était réservé au seul côté senestre de l’échiquier politique… Cet ostracisme à l’égard des royalistes montre à l’envi les limites évidentes de certaines luttes sociales quand elles se trouvent monopolisées par les conformismes contemporains.

 

(6) : Mais de ce handicap apparent du petit nombre, il est possible d’en faire une force en se concentrant sur les secteurs ou les vecteurs les plus actifs du syndicalisme ou de la proposition citoyenne : après tout, n’était-ce pas la stratégie de Maurras quand il demandait aux royalistes de s’adresser, d’abord, aux Français actifs qui n’étaient pas le plus grand nombre mais qui incarnaient l’énergie utile au combat politique et la possibilité de victoires futures ?

 

 

 

 

 

 

14/12/2009

Copenhague ne suffira pas...

Négociations et marchandages vont bon train à Copenhague, mais ce Sommet sur le climat va-t-il vraiment changer la donne et permettre de véritables avancées sur la question environnementale ? Rien n'est moins sûr. Certes, ce Sommet n'aura pas été totalement vain car sa médiatisation, forte surtout en Europe, aura sans doute aidé à une certaine prise de conscience des dangers d'une consommation effrénée et « illimitée » des produits de la terre, sous toutes leurs formes. Mais, dans la pratique, les habitudes consuméristes et « consumatrices », terme qui conviendrait bien à la situation de nos sociétés énergivores, sont loin d'avoir cédé la place à la sobriété raisonnable que semble commander aujourd'hui l'état des ressources de la planète. Sobriété qui n'est pas privation mais meilleure utilisation de ce qui est : est-il en effet normal que 40 % de l'alimentation disponible aux Etats-Unis soit purement et simplement jetée ou détruite, et cela au moment même où plus d'un milliard de personnes souffrent de sous-alimentation dans le monde ? (1)

 

D'autre part, ce Sommet aura révélé quelques hypocrisies et quelques manœuvres qui montrent que certains, dans une logique à court terme, ne cherchent qu'à déplacer sans le résoudre le problème des pollutions climatiques : ainsi, lorsque les pays de l'Union européenne s'engagent à diminuer de 30 % leurs émissions de gaz à effet de serre, ils oublient d'y inclure les entreprises européennes implantées (délocalisées le plus souvent, pour vendre à bas coûts leurs produits en Europe...) dans les pays du Sud tout en priant la Chine et l'Inde (entre autres) de diminuer, non plus leurs rejets de produits polluants dans l'atmosphère (les pays du Sud s'y refusent pour des raisons liées à leur propre développement), mais leur « intensité carbone », c'est-à-dire de diminuer le taux de carbone rejeté par unité produite. Or, cela n'est évidemment pas suffisant pour garantir l'avenir mais les pays de l'UE, comme les Etats-Unis d'ailleurs, veulent ainsi continuer à pouvoir consommer sans payer plus maintenant, en laissant donc aux générations suivantes le soin d'affronter les difficultés environnementales et climatiques... On touche là à la logique de la Société de consommation, à cette spirale infernale du « Consommer pour produire » qui oublie de prendre en compte les limites de la nature et qui risque de mener, un jour, à l'effondrement dramatique des sociétés humaines ou à leur confrontation brutale, avant même des catastrophes climatiques dont on ne sait pas grand-chose malgré les projections apocalyptiques de certains qui jouent à se faire peur sans chercher à faire jouer, d'abord, leur intelligence et leur raison.

 

Il n'est pas inutile de revenir à ces propos écrits au siècle dernier par Charles Maurras et qui méritent d'être, aujourd'hui comme demain, entendus : « Non, la nature, non, le jeu spontané des forces naturelles ne suffisent pas à établir l'équilibre économique.

Mais prenons garde ; ces lois, auxquelles il serait fou de vouer une confiance aveugle et mystique, il serait encore plus fol de les négliger.

Cultivons, tourmentons, forçons même l'ample et bizarre sein de la vieille nature, ajoutons à ses forces nos forces et notre sagesse, notre prévoyance et notre intérêt, doublons-les partout de nous-mêmes. Mais sachons que nous ne commanderons aux choses qu'à la condition de leur obéir. Moissonner en hiver, vendanger au printemps, voilà l'impossible. Avant de moissonner et de vendanger, connaissons le temps naturel des vendanges et des moissons. Et, si nous voulons influer en l'améliorant sur l'ordre économique, connaissons-le. Par-dessus tout, appliquons-nous bien à n'en méconnaître aucun fait essentiel. Nous payerions comme toujours ces oublis et ces ignorances ou plutôt notre peuple payerait notre grande erreur. »

 

Ce que Maurras évoquait pour l'économie est aussi valable pour l'environnement et doit nous rappeler qu' « on ne commande à la nature qu'en lui obéissant », règle simple que les Etats devraient inscrire en tête de toute déclaration finale de ce Sommet de Copenhague s'ils en étaient véritablement conscients... Et, malheureusement, si le pire n'est jamais certain, il semble bien que nous soyons encore loin du meilleur...

 

 

 

Notes : (1) : chiffre tiré de l'enquête scientifique publiée dans la revue états-unienne « PLOS One » de novembre 2009.