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14/08/2022

La question environnementale, encore et toujours.

 

A l’automne 2007, une inspectrice d’histoire vint suivre un de mes cours. Or, la date de sa visite, connue l’avant-veille, était annoncée sur une heure de cours en demi-classe durant laquelle j’avais l’intention de travailler avec les élèves de 2nde sur l’environnement et sa préservation, thème qui, d’ailleurs (et comme me le rappela cette inspectrice) ne figurait pas alors au programme de l’éducation civique (ECJS alors, EMC aujourd’hui). Mais, qu’importe : la séance prévue eut bien lieu, et elle se tint (simple coïncidence ou intersigne ?) à l’heure même des funérailles de mon ami Pierre Pujo, inamovible directeur de l’Action Française depuis 1966. J’avais donc à cœur de lui faire honneur en réussissant cette séance, fut-elle « hors-programme »… Quinze ans après, je republie la note qui portait sur le thème de cette heure de cours, et qui, pourtant, me semble encore d’une certaine actualité, même si elle mériterait d’être complétée, ce que je ferai à travers de prochaines notes sur ce site…

 

 

 

 

 

 

Les séances d’ECJS (1) des semaines passées portaient sur « Citoyenneté et environnement » et, au-delà d’un état des lieux de la planète, j’avais demandé aux élèves de faire leur empreinte écologique (2) : c’est un moyen de les sensibiliser et les responsabiliser, sachant que c’est maintenant, alors qu’ils n’ont pas encore atteint leur « maximum de consommation », qu’il faut les inciter à « mieux consommer », c’est-à-dire à limiter les gaspillages et à adopter une attitude de sobriété qui ne doit pas devenir « punitive » mais, au contraire, être la meilleure manière d’améliorer sa qualité de vie. En fait, le slogan « Consommer moins pour vivre mieux », quand il ne dérive pas en un dogmatisme culpabilisateur à l’égard des personnes, peut bien fixer une utile ligne de conduite à nos générations et à celles qui suivent.

 

 

En tout cas, les résultats de mes classes sont révélateurs : en moyenne, plus de 2,5 planètes seraient nécessaires si tous les habitants de la Terre vivaient comme les élèves. Pour mon compte, ce n’est d’ailleurs pas beaucoup plus brillant puisque, ayant calculé mon empreinte écologiste sur trois sites différents, mes résultats oscillent entre 2,4 et 3,3 planètes, ce qui ne me réjouit guère comme on peut aisément l’imaginer…

 

 

Néanmoins, se plaindre à l’infini, de manière répétitive, n’est guère efficace, et la formule maurrassienne « Vivre c’est réagir » doit inciter à l’action plutôt qu’au renoncement et à la passivité. Aussi, j’ai demandé à mes élèves de chercher à comprendre (et les questionnaires des calculateurs d’empreinte écologique pouvaient y aider) ce qui « plombait » leurs résultats environnementaux et d’agir en conséquence pour diminuer leur impact personnel sur l’état de la planète. Nous ferons un bilan de cet effort dans quelques mois…

 

 

Aujourd’hui, de nombreux sites de la Toile donnent de nombreux conseils pour réussir cet effort nécessaire, et la lecture du « petit livre vert pour la terre », par exemple, édité il y a deux ans par le groupe réuni autour de Nicolas Hulot (3) peut aider chacun, dans sa vie quotidienne, à « consommer moins, consommer mieux ». Mais, au-delà de ces efforts de chacun, il me semble que rien de durable ne pourra se faire sans un minimum d’impulsion, d’organisation et de soutien de la part de l’État. Or, nous vivons sous une République électorale et le « temps démocratique » n’est guère propice au long terme nécessaire pour enraciner une politique environnementale : car, assimilée trop rapidement à un gouvernement, cette politique peut être défaite par le gouvernement suivant, arguant de son opposition à ce qui fondait celui qu’il remplace… Et quel homme politique, sachant que tout élu cherche aussi à garantir sa réélection, osera prendre des mesures qui, aussi impopulaires soient-elles parfois en leurs débuts, s’avèrent pourtant profitables sur la durée ? Il n’y a qu’à constater le mécontentement des automobilistes de la région parisienne devant la hausse du prix des carburants (4) et leur revendication pour baisser les taxes sur ceux-ci pour comprendre qu’il y a encore du travail pour convaincre nos concitoyens de rouler de façon plus mesurée ou de faire plus souvent appel aux transports en commun (5). Il est vrai aussi que les hausses continues des tarifs des trains et du métro ne sont guère incitatives, tout comme les retards et incidents fréquents sur certaines lignes, et je ne parle pas des périodes, certes peu fréquentes mais toujours agaçantes, de grève. Tout comme les attentes parfois exagérées ou les liaisons inexistantes entre certaines communes de banlieue qui forcent à de longs détours par La Défense ou Paris…

 

 

Justement, le rôle des pouvoirs publics, en particulier le Conseil régional et les municipalités (et les Conseils généraux (6) tant qu’ils existent), est de mettre un peu d’ordre dans tout cela tout comme celui de l’État est de coordonner les efforts des uns et des autres sur le plan national et par rapport aux institutions européennes et internationales, et d’arbitrer les éventuels conflits entre les différents acteurs de la scène publique. Il est aussi de promouvoir de grands projets d’aménagement du territoire qui prennent en compte les enjeux contemporains, en particulier celui de l’environnement. Là encore, et au regard des expériences passées (y compris récentes) et des principes de la « démocratie émotionnelle », je doute que la République soit capable de relever le défi, faute de volonté et d’audace. Il faudra bien, si l’on veut penser le « souci environnemental », poser la question du régime politique à la tête de l’État.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Notes de 2022 : (1) : L’ECJS est l’ancien nom de l’EMC, éducation morale et civique, que nous connaissions dans l’ancien temps comme éducation civique, une matière obligatoire mais surtout destinée à formater les jeunes esprits, au collège et au lycée, dans le sens de l’idéologie dominante du moment, dans le cadre de la « République une et indivisible ». Dans les années 1970-80, lorsque j’étais moi-même collégien et lycéen, ces cours étaient souvent remis en cause par les professeurs eux-mêmes et par les lycéens d’après-Mai 68… Je n’en ai d’ailleurs aucun souvenir, mes professeurs d’histoire-géographie de l’époque ayant souvent « oublié » cette matière qui était, alors, totalement dévolue aux enseignants de cette matière…

 

(2) : Cette empreinte écologique était alors une notion plutôt nouvelle, et je crois bien que j’étais l’un des premiers à l’utiliser en cours au lycée, d’autant plus que son mode de calcul restait (et reste encore) un peu incertain, au point que j’avais demandé aux élèves d’en faire deux, à partir de deux sites différents, et d’en faire la moyenne pour tenter de se rapprocher le plus possible d’une juste appréciation.

 

(3) : A l’époque, Nicolas Hulot était le symbole du combat écologiste, et il n’était pas encore ministre, ni « déchu » de sa bonne réputation par les affaires morales et les scandales sexuels…

 

(4) : La note a été rédigée en 2007, bien avant la révolte des Gilets jaunes qui a été, aussi, une réaction à la hausse du prix des carburants, mais qui allait bien au-delà de cette seule thématique.

 

(5) : J’ai constaté, depuis, que ceux qui s’émancipaient le plus des « bons gestes » écologistes étaient, le plus souvent, issus des classes moyennes supérieures et des classes aisées, mondialisées, et qui arguaient, dans une logique « libertarienne », qu’ils « faisaient ce qu’ils voulaient puisque c’était leur argent qu’ils dépensaient » : leurs achats « bio » leur servaient de bonne conscience, et s’inscrivaient dans une logique fort peu… écologiste. Dois-je rappeler, entre autres, que l’autoproclamé écologiste Aymeric Caron, désormais député « insoumis », roule en SUV, ce qui, pourtant, n’est pas le meilleur moyen de transport écologiste ? (Je ne suis pas sûr, d’ailleurs, qu’il soit électrique, alors que c’est la « nouvelle norme » de transport écologique défendus par… les écologistes « Verts ».)

 

(6) : Aujourd’hui, les Conseils territoriaux.

 

 

 

16/05/2022

Une jeunesse révoltée. Partie 1 : Le refus d'un système cynique et injuste.

 

Il y a quelques jours, lors de la cérémonie de remise des diplômes, une poignée d’étudiants d’AgroTech Paris a bousculé, un peu, la traditionnelle litanie conformiste (mais tout à fait honorable) des remerciements et louanges propre à ce type d’événements : leurs discours s’en sont pris au modèle de société dominant avec des mots qui ont pu agacer parfois mais qui, en grande partie, n’en disent pas moins vrai sur ce que sont les fondements et les effets de celui-ci. Bien sûr, l’on pourra hausser les épaules en expliquant que ces jeunes reproduisent des gestes et un propos qui avaient déjà cours (le côté « inclusif » en moins) dans la suite de Mai 68, et que, une fois le coup d’éclat passé et la jeunesse rangée, ces étudiants reprendront la voie toute tracée qui devrait les mener à la reconnaissance sociale et aux revenus afférents… Dieu merci, pourtant, tout le monde ne s’appelle pas Cohn-Bendit et n’est pas condamné à finir en électeur « libéral-démocrate » ! Et j’avoue que le sort futur de ces révoltés du moment n’est pas mon principal objet de réflexion ou de ressentiment : m’importe beaucoup plus ce qu’ils ont dit, et ce qui mérite d’être discuté et, parfois, approfondi ou contesté.

 

« Nous ne voyons pas les ravages écologiques et sociaux comme des « enjeux » ou des « défis » auxquels nous devrions trouver des « solutions » en tant qu’ingénieurs. Nous ne croyons pas que nous avons besoin de « toutes les agricultures ». Nous voyons plutôt que l’agro-industrie mène une guerre au vivant et à la paysannerie partout sur terre. » Ces quelques mots prononcés d’une voix ferme et décidée sont-ils faux ? Je ne le pense pas, par expérience et par conviction, l’une pouvant largement entraîner l’autre. Reprenons et commentons, phrase après phrase :

 

1/ Notre société de consommation est aussi une société de gaspillage, autant par ses effets que par ses principes eux-mêmes : à cela plusieurs raisons, qu’il convient au moins de citer. La logique de ce système est de « consommer pour produire », à rebours de ce qu’était la logique ancienne où l’on produisait pour consommer (se nourrir, se vêtir, se loger) et que le temps « hors-travail » n’était pas seulement un temps des « loisirs marchandisés » mais celui de l’esprit, de la transmission, de la famille, de la fête, etc., temps dans lequel l’argent n’avait alors qu’une place minime (en tout cas, beaucoup moins importante que celle d’aujourd’hui). A partir du moment où la consommation d’autrui devient déterminante pour les producteurs au point d’assurer leur survie et leurs profits, ces derniers vont tout faire pour susciter le désir de consommation et d’achat de leurs produits, même si leur utilité publique ou leur qualité n’est pas totalement avérée. Dans cette démarche, c’est généralement la quantité qui prime, et non la qualité réduite à un critère souvent moins important que le prix affiché. En somme, « la fin justifie les moyens », ce qu’interdisaient jadis les corporations pour lesquelles la qualité du travail allait de pair avec la protection des travailleurs, ces deux éléments étant désormais souvent négligés (au moins durant le temps de l’industrialisation et de l’établissement de la société de consommation, voire au-delà comme dans nos pays dits développés aujourd’hui). L’obsolescence programmée, la multiplication de « l’inutile » et celle des déchets que nos pays, généreusement (sic !), envoient dans les nations du Sud tout en se vantant du tri sélectif et d’une moindre pollution ici (quelle hypocrisie !) remplacent trop souvent le réparable, le recyclable et le partage (y compris intergénérationnel par le biais de l’héritage) qui pourraient, si on appliquait vraiment ces trois éléments à notre propre mode de consommation, permettre de limiter les effets de celle-ci comme de la production sur l’environnement, les ressources et la qualité de vie. Est-ce seulement ou simplement « anticapitaliste » de valoriser ces propositions ? Ce qui est certain, c’est que les simples mesures d’adaptation (baptisées « développement durable ») de la société de consommation aux nouvelles conditions environnementales et climatiques créées par les changements liés au développement et à l’affirmation pleine et entière de l’Anthropocène, ne sont pas suffisantes pour assurer la pérennité sur le long terme de la vie humaine et de ses équilibres nécessaires, et qu’elles ne répondent pas vraiment aux exigences de l’aujourd’hui comme du lendemain, de plus en plus lourdes : le poids de ce que les économistes baptisent « la dette environnementale » croît tout aussi vite que celui de notre dette publique, cette dernière passée de 100 à 113 % du PIB en moins de deux ans… L’absence actuelle de mode de calcul probant de cette dette environnementale n’en rend pas moins inquiétante son aggravation qui, si elle ne se mesure pas encore en chiffres reconnus ou crédités par les instances économiques mondiales, n’en est pas moins bien réelle et de plus en plus ressentie (à défaut d’être comprise) par les populations elles-mêmes. Il faut bien avouer que les sécheresses à répétition, les incendies de forêts et de landes en France et les « mégafeux » d’Amérique du Nord, les dômes de chaleur au Canada l’été dernier et ceux d’Inde et du Pakistan ces dernières semaines, les pénuries de matières premières (minières comme agricoles) et l’épuisement des ressources (même celles considérées jusqu’alors comme « renouvelables » : ainsi les ressources halieutiques, la disparition des bancs de morue au début des années 1990 et celle du krill, pourtant à la base des pyramides de la faune océanique, et qui se traduit, pour cette dernière, par l’échouage de cétacés morts de faim sur nos côtes…) forment le fond et la forme d’une inquiétude que certains transforment, en leur jargon médical, en « éco-anxiété ».

 

Au-delà des solutions d’urgence environnementales, c’est bien tout un système de pensée et de pratique économique (que les royalistes désignent parfois sous le terme de « consommatorisme ») qu’il faut remettre en cause pour mieux remettre en ordre nos sociétés aujourd’hui angoissées face à la perspective de réfrigérateurs moins remplis qu’avant, conséquence de catastrophes climatiques annoncées et de productions agricoles moins florissantes qu’hier, selon la doxa officielle. Mais, pourtant, la FAO ne disait-elle pas, il y a quelques années, que l’agriculture mondiale produisait de quoi nourrir 12 milliards de personnes quand, dans le même temps, la planète ne compte « que » 7,8 milliards de terriens aujourd’hui, et que, dans la décennie passée, le nombre de sous-alimentés oscillait entre 800 millions et plus d’un milliard ? Cela démontre bien que la question alimentaire mondiale, en particulier dans son aspect le plus sombre (le nombre de décès directement liés à la faim dépasserait les 8 millions par an, avec de fortes craintes d’une aggravation en 2022), n’est pas seulement une question de quantité produite mais de sa répartition et de son usage après production, selon la logique capitaliste du libre marché  : c’est là, le vrai scandale, et qui se marque par la destruction de stocks importants de nourriture ! « Mais c’est pour éviter l’effondrement des prix, voyons ! », nous explique-t-on doctement, alors même que, déjà, nos propres producteurs n’arrivent pas à vendre le fruit de leur travail à un prix leur permettant de vivre quand, dans le même temps, la Grande distribution rivalise de prix bas, « cassés », « compétitifs », semblant privilégier le seul pouvoir d’achat des consommateurs au détriment du prix de vente des agriculteurs nationaux (souvent en achetant les mêmes produits dans des pays lointains dans lesquels le coût du travail est aussi bas que les normes environnementales peu respectées : sinistre « miracle » de la mondialisation…), mais que cette même Distribution engrange des bénéfices qui ne sont pas mineurs… : cherchez alors l’erreur, et vous trouverez la logique terrible d’un système cynique qui est celui, justement, que les jeunes contestataires d’AgroTech Paris dénoncent !

 

Il est donc aisé de comprendre pourquoi ce ne sont plus des « défis » seulement économiques qu’il faut relever si l’on veut remettre un peu d’ordre et de justice sociale en ce bas monde, et permettre une meilleure préservation, ne serait-ce que pour les générations futures, des paysages et de leurs richesses, sur et sous la terre, dans la mer et dans les airs. « On a raison de se révolter », proclamait le titre du livre de discussions publié en 1974 pour financer le lancement du quotidien maoïste (!) Libération, et Maurice Clavel, ce catholique exigeant, « gaullo-gauchiste » et proche des royalistes de la Nouvelle Action Française, en appelait à « un soulèvement de la vie » : alors, pourquoi ne pas entendre ces jeunes contestataires de 2022, non pour les encenser, mais pour mener la réflexion avec eux, sans tabou ni concessions ?

 

 

 

 

 

Post-scriptum : Pour éviter tout malentendu, je tiens à rappeler que je ne suis pas « gauchiste » et que, comme tout royaliste soucieux de l’avenir du pays qui ne se limite pas à la prochaine échéance électorale, je considère qu’il importe d’être attentif aux inquiétudes et aux espérances, fussent-elles « trompeuses », de ces jeunes « Français actifs » qui cherchent à changer les choses dans un sens meilleur que celui que notre République et la mondialisation libérale-capitaliste nous réservent et font subir à notre nation et, au-delà, à la civilisation française « historique »…

 

 

 

 

 

(à suivre : 2/ ; 3/ Peut-on accepter toutes les agricultures ? Quel modèle d’agriculture pour demain ?)

 

 

 

 

 

 

05/11/2021

La COP 26, si peu écologiste...

 

La COP 26 est une mascarade, piquée de quelques bonnes intentions et recouverte du voile graisseux de la bonne conscience sans lendemain… Le trait peut paraître exagéré, il n’en est malheureusement rien, si l’on se rapporte à ce qu’en disent les médias, autant de connivence que de résistance, et aux enseignements de l’histoire, y compris très récente : il suffit de relire les comptes-rendus des précédentes COP mais aussi les déclarations des candidats aux différentes élections occidentales depuis quelques années, et de les comparer aux réalisations concrètes et aux politiques environnementales des différents pays concernés ! Le constat d’échec et d’hypocrisie est clair et net, malgré quelques espérances persistantes et quelques projets aboutis mais trop épars et minoritaires face au rouleau compresseur de la globalisation, du consommateurisme triomphant (un « consommatorisme », en somme) et de la numérisation accélérée qui complète l’artificialisation des espaces vivants par celle des comportements et des esprits (1). Jamais la biodiversité n’a été autant en danger, et la sixième extinction (de la faune, mais la flore aussi est concernée) semble s’accélérer, y compris dans nos pays quand, dans le même temps, les dernières années n’ont jamais été aussi polluées et chaudes, au regard de l’histoire des derniers millénaires et des siècles de l’Anthropocène. Quant à la déforestation, elle n’a jamais cessé, et elle s’est même fortement étendue en Amazonie et en Afrique ces dernières décennies et cela même après la fameuse COP 21 (2015) que nombre d’observateurs veulent voir comme un « tournant écologique » majeur à travers l’Accord de Paris signé par nombre de grandes puissances qui, visiblement, ne l’appliquent pas. Et l’artificialisation des terres et désormais des mers (comme le prouve le chantier controversé des éoliennes marines dans la baie de Saint-Brieuc…) se poursuit sans relâche, à peine freinée par la crise sanitaire et, plus inquiétante encore pour le secteur de la Construction, par la pénurie de matières premières et celle à venir de sable coquillier.

 

Si l’arrivée en jets et autres aéronefs (peu réputés pour un bilan carbone faible) des principales délégations a été largement commentée et, souvent, moquée, cela n’est pas le plus grave, même si c’est très révélateur de l’hypocrisie des « donneurs de leçons » et de ces Chefs d’Etat qui, pourtant, ne devraient pas oublier leur devoir d’exemplarité qui confirme leur légitimité à parler sur ces sujets particuliers. Le plus inquiétant est la déferlante de promesses, typique des démocraties émotionnelles, et ces « coups de menton » qui, dès le lendemain, seront accompagnés d’un haussement d’épaules… Promesses sans lendemain, sans doute, mais qui seront l’occasion de grandes déclarations futures et d’un dirigisme (voire d’un étatisme) encore plus marqué à l’égard, pas forcément des Puissants du moment (les GAFAM, par exemple, associés le plus souvent aux politiques de « contrainte écologique » de certains Etats), mais bien plutôt des populations auxquelles l’on dénie de plus en plus des libertés que l’on accorde aux féodalités financières et économiques. De plus, lorsque le temps est venu des campagnes électorales, nombre des promesses « écologiques » des dirigeants des démocraties occidentales s’effacent devant les nécessités de la réélection ou de l’élection tout court : cela ne dure qu’un temps, sans doute, mais cela montre le peu de sérieux des stratégies politiques et, surtout, leur absence de prise en compte du long terme, pourtant nécessaire pour enraciner les « bonnes attitudes » environnementales des Etats, de leurs institutions et de leurs citoyens. Le philosophe Michel Serres, dans un entretien radiophonique d’il y a une dizaine d’années déjà, insistait sur cette absolue nécessité du long terme pour mener à bien les politiques d’Etat les plus efficaces sur ce sujet comme sur bien d’autres, mais il constatait, avec un certain dépit, que la République ne le permettait pas vraiment, en France…

 

Faut-il, après ce constat qui peut paraître défaitiste, renoncer à agir pour la préservation de l’environnement et laisser filer les choses dans une sorte de fatalisme désespérant ? Non, non et mille fois non ! Les générations d’aujourd’hui ont, elles aussi, un devoir à l’égard de celles de demain et du surlendemain, dans cette longue chaîne de la vie humaine et de la vie tout court. Dans cette pensée « dynastique » de l’environnement, il est aussi possible de penser la question de l’Etat en France le plus susceptible d’agir sur le long terme et de façon assez « exemplaire » pour pouvoir - malgré la puissance moyenne qui paraît la sienne au regard des grandes qui dominent les rapports géopolitiques et économiques dans le monde - entraîner les autres ou, du moins, leur indiquer un chemin plus vertueux, écologiquement parlant. Il y a peu, un militant royaliste expliquait à quelques auditeurs que « la France est sans doute le pays le plus susceptible d’appliquer le programme de l’écologie intégrale, celui évoqué par l’encyclique Laudato Si’ du pape François, le plus lu dans le monde de tous les textes et manifestes écologistes ». Pour cela, il y faut une volonté politique et, sans doute au-delà, des institutions qui la pérennisent sans la figer : en agissant dès maintenant sans attendre néanmoins qu’elles adviennent (mais en préparant ce recours politique essentiellement et éminemment royal), les politiques et les électeurs feraient gagner un temps désormais précieux à la France pour améliorer les choses, environnementalement parlant.

 

 

 

(à suivre)

 

 

 

 

 

Notes : (1) : lire à ce propos les derniers ouvrages de Guillaume Pitron, « L’enfer numérique » et de Fabrice Flipo, « La face cachée du numérique » et « La numérisation du monde, un désastre écologique ».