Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

29/10/2023

Les aspects contemporains de la question sociale (2) : Vers une réponse royaliste ?

 

La rentrée sociale de cet automne 2023 paraît calme, bien calme… trop calme ? Il est vrai que le chaud printemps dernier pouvait laisser craindre (ou espérer, selon le camp considéré) une reprise des hostilités entre syndicats et gouvernement, et ce ne sont pas les déclarations martiales de certaines sections syndicales locales et nationales qui manquaient, comme si le volcan de la contestation de la réforme des retraites était toujours actif. Or, il est marquant de constater que le passage de l’âge de départ à la retraite semble désormais, sinon accepté par la majorité des travailleurs salariés, du moins reconnu comme une réalité malheureuse mais désormais installée. Peut-on dire que les manifestants et ceux qui ont vu leur projet de départ à la retraite retardé de quelques mois ou de quelques années sont désormais fatalistes ? Sans doute, mais ils n’en sont pas moins en colère contre ce gouvernement qui leur a imposé ce dont ils ne voulaient pas, et cela sans autre motivation, pour icelui, que quelques économies dérisoires au regard de l’immense dette publique de 3 050 milliards d’euros, véritable gouffre financier dont la France semble ne jamais devoir se sortir… Quand, de surcroît, ce même gouvernement annonce vouloir mettre la main sur quelques milliards engrangés par le régime de retraite complémentaire du privé, l’Agirc-Arrco, domine alors chez nombre de salariés du privé une impression, désagréable, d’injustice et un sentiment de spoliation : mais n’est-ce pas habituel depuis 1791 quand la Révolution, par le décret d’Allarde, a décidé de dissoudre les corporations, mettant dans le même temps la main sur leurs patrimoines respectifs ? Une opération déjà faite, quelques années plus tôt, par le libéral Turgot qui y voyait un moyen d’assurer la liberté d’entreprise et d’investissement en brisant les « barrières » corporatives, considérées comme obsolètes et contreproductives dans la logique capitaliste qui était celle du ministre, d’ailleurs bientôt désavoué par le roi Louis XVI. Il semble ainsi que l’Etat républicain, à court d’argent mais pas à court d’idées fiscales, cherche encore à financer son incurie et son assistanat par les excédents des autres, de ces organismes sur lesquels il n’a pas complétement la main car ceux-ci sont gérés paritairement par les organisations patronales et syndicales, d’une façon qu’il ne serait pas forcément inutile de répéter pour d’autres champs d’application…

 

Au-delà de cette question particulière qui concerne tout de même quelques millions de salariés, c’est la méthode qui interroge et qui peut légitimement choquer le salarié comme le citoyen : l’Etat, qui se veut Providence depuis la fin des années 1940, agit parfois comme un prédateur et non comme l’arbitre et l’incitateur qu’il devrait être en plus d’être le protecteur du Travail et des travailleurs dans leurs cadres socioprofessionnels et face aux abus propres à la mondialisation des espaces productifs. Cela peut expliquer le décalage de plus en plus grand entre le pays réel des producteurs et le pays légal des administrateurs, de cette bureau-technocratie jadis dénoncée par le royaliste Pierre Debray et qui s’impose au monde du Travail, souvent au détriment de celui-ci, condamné à subir la désindustrialisation autant qu’un réglementarisme tatillon et souvent inapproprié.

 

C’est d’ailleurs ce pays réel-là qui subit de plein fouet les effets de ce qui n’est pas qu’une crise passagère mais la poursuite d’une mondialisation économique qui paraît changer de cap et, en tout cas, de champ d’application privilégié, le basculement des pays du Nord (1) vers ceux, en pleine croissance, d’un Sud (2) aux aspects et aux puissances multiples et hétérogènes, s’opérant toujours sous nos yeux et, parfois, avec l’accord tacite des populations occidentales qui placent majoritairement le maintien de leur haut niveau de vie avant toute autre considération (3). Cela ne facilite guère, du coup, les stratégies de réindustrialisation ni les circuits courts, pourtant économiquement et écologiquement utiles et appropriés aux défis social et environnemental.

 

Du coup, si l’on dresse un tableau du champ économique et social français de ce début d’année scolaire, les motifs d’inquiétude et de tension ne manquent pas, mais ne semblent pas encore s’agréger en un bloc contestataire visible et crédible, ce qui ne signifie pas que cela ne peut se faire ou exister prochainement : les royalistes sociaux ont là un motif de réflexion mais, au-delà, d’action pour préparer, non un programme forcément réducteur, mais une alternative sociale qui, pour être vraiment efficace, doit s’ordonner au politique, et au « politique d’abord » en particulier.

 

L’incapacité des syndicats à bâtir des contestations victorieuses est sans doute liée à leur difficulté à relier leurs revendications, principalement réformistes ou légalistes, à des considérations plus politiques sur les stratégies d’Etat nécessaires pour maintenir et accroître les moyens (financiers comme industriels) de la nation française, de l’Etat lui-même et des acteurs économiques et sociaux enracinés de longue date ou simplement inscrits par quelques investissements et usines dans l’ensemble français. Ainsi, dénoncer le passage de l’âge de départ à la retraite à 64 ans sans penser d’abord les conditions politiques nécessaires pour empêcher ou nuancer cette mesure, puis le contexte à créer pour ouvrir une alternative à cette réforme « voulue d’ailleurs » (4), est forcément vain aujourd’hui : en limitant la protestation à la seule mesure « technique » du report de l’âge de départ à la retraite, les syndicats, pourtant approuvés par une large majorité de Français sur ce refus de la retraite à 64 ans, sont vite tombés dans une ornière dont il ne leur a pas été possible de se dégager. Le gouvernement, en définitive, a été plus menacé par les parlementaires opposés à la réforme (d’où l’usage répété de l’article 49-3, véritable « dôme de fer » du gouvernement) que par les cortèges de manifestants tenant la rue (5), parfois de manière violente ou incendiaire, ce qui, sans la visibilité d’une alternative crédible à la mesure gouvernementale, déconsidérait le mouvement protestataire pourtant légitime au plus grand profit du « gouvernement de l’ordre » de Mme Borne.

 

Les royalistes, malgré leurs forces réduites (en nombre, pas en énergie), doivent ainsi travailler à constituer un noyau dur éminemment politique (dans sa manière de penser, en particulier) qui puisse s’investir dans la réflexion et l’action sociales, par la revendication, la proposition et la formation (entre autres), et cela sous des formes diverses et appropriées au terrain considéré. Il s’agira au fil de cette rubrique, des réflexions et des compléments, mais aussi des débats et des critiques qu’elle pourra susciter dans les mois qui viennent, de préciser les aspects, tenants et aboutissants, d’un « Que faire ? » royaliste dans le combat social. Nous ne partons pas de zéro, loin de là : redécouvrir l’héritage des légitimistes sociaux du XIXe siècle, des maurrassiens valoisiens des années 1900-1920, et des corporatistes du XXe siècle, est aussi l’occasion de l’enrichir et de le valoriser intelligemment, selon la méthode de l’empirisme organisateur, pour aiguiser la pointe d’une Action française du XXIe siècle…

 

 

 

 

 

 

Notes : (1) : Ce que l’on peut nommer Nord n’est pas exactement l’hémisphère nord de notre planète mais l’ensemble des pays anciennement industrialisés, désormais plus consommateurs que producteurs, et dominés, professionnellement parlant, par les activités du secteur tertiaire : commerces, services, administrations, etc. Certains réduisent ce Nord à l’Occident qui regrouperait les Etats-Unis et les pays d’Europe (principalement de l’ouest et du nord de ce continent mal défini), mais en lui adjoignant aussi le Japon et les « tigres asiatiques », de la Corée du sud à Taïwan, en passant par Singapour…

 

(2) : Le Sud évoque les pays nouvellement industrialisés, souvent en pleine expansion et en cours de rattrapage des pays du Nord fragilisés désormais par une mondialisation qu’ils avaient pourtant jadis créée et initiée. La Chine, l’Inde et le Brésil (mais aussi la Turquie ou le Vietnam) en sont quelques puissances marquantes et, en certains domaines, dominantes en attendant d’être, un jour peut-être, dominatrices.

 

(3) : En période d’inflation, mais pas seulement, les consommateurs choisissent de privilégier le maintien de leur pouvoir d’achat en réorientant nombre de leurs emplettes vers les magasins et les produits à bas coût, aggravant encore un peu plus la situation au détriment des entreprises françaises : par exemple dans l’alimentaire, un secteur qui souffre, c’est bien celui des productions bio et locales, considérées sous le seul angle de leur prix, plus élevé à la vente que les produits importés, souvent de qualité incertaine mais de prix plus bas à cause de leurs modes de production et d’exploitation des personnes comme des terres et des animaux… Sans oublier que les grandes structures multinationales de l’agroalimentaire, de par leur propre poids économique, peuvent se permettre une stratégie qui accroît les déséquilibres, par le simple jeu d’une concurrence faussée par le gigantisme de leurs productions et la variété de leurs marques et gammes, au dépens, toujours, des petites et moyennes entreprises et des modes d’agriculture traditionnels et enracinés.

 

(4) : C’est la Commission européenne qui, depuis janvier 2011 et sous l’influence de Mme Merkel alors chancelière d’Allemagne, a incité (de façon insistante) les Etats de l’Union européenne à reculer l’âge de départ à la retraite à 67 ans, ce que certains, au cœur de la crise de la zone euro dans les années 2010 ou candidats à y entrer, ont appliqué sans parfois beaucoup d’égards ni pour leur population active, ni pour les propres promesses antérieures : il est intéressant de noter que la Gauche, même dite « radicale », a effectivement relevé l’âge de la retraite au-delà de 65 ans, jusqu’à 67 ans en Grèce quand elle était dirigée par M. Tsipras, alors ami politique de… M. Mélenchon ! L’alibi évoqué par ces gouvernements était le risque d’être « chassé » de la zone euro, risque unanimement refusé par cette Gauche bien peu audacieuse et pas si sociale que ce qu’elle prétend être… Dans le même temps, c’est un gouvernement de Droite conservatrice qui, en Pologne en 2017, baissait l’âge de la retraite de 67 ans à 65 ans pour les hommes, 60 pour les femmes…

 

(5) : Dans ces cortèges contre la retraite à 64 ans, étaient représentés, de façons diverses, les royalistes sociaux et d’Action française : ainsi, à Mulhouse, une banderole d’AF était visible lors des premières manifestations ; mais, très vite, des syndicalistes « officiels » ont cherché à chasser ces manifestants royalistes, considérant sans doute que le combat social était réservé au seul côté senestre de l’échiquier politique… Cet ostracisme à l’égard des royalistes montre à l’envi les limites évidentes de certaines luttes sociales quand elles se trouvent monopolisées par les conformismes contemporains.

 

(6) : Mais de ce handicap apparent du petit nombre, il est possible d’en faire une force en se concentrant sur les secteurs ou les vecteurs les plus actifs du syndicalisme ou de la proposition citoyenne : après tout, n’était-ce pas la stratégie de Maurras quand il demandait aux royalistes de s’adresser, d’abord, aux Français actifs qui n’étaient pas le plus grand nombre mais qui incarnaient l’énergie utile au combat politique et la possibilité de victoires futures ?

 

 

 

 

 

 

23/10/2023

Les aspects contemporains de la question sociale (1)

 

La réforme des retraites est faite, en attendant la prochaine (2027 ?) si l’on en croit les économistes et l’ancien premier ministre Edouard Philippe, et sa contestation, pourtant nécessaire, est restée vaine : la République a eu le dernier mot, mais ce n’est pas forcément le bon… En cette rentrée, c’est l’inflation qui occupe et surtout préoccupe tous les esprits, et qui déprécie le porte-monnaie des Français, particulièrement des classes moyennes et populaires, et l’inquiétude du gouvernement comme des entrepreneurs porte aussi sur une possible conséquence sur les salaires, entraînant ceux-ci à la hausse, pourtant considérée comme le « meilleur » moyen de compenser celle des prix à la consommation mais aussi de répondre aux demandes de certains secteurs en tension (restauration, bâtiment, agriculture… qui ne trouvent pas assez de bras aujourd’hui) ; les salariés, eux, souhaitent cette amélioration salariale, souhaitable à bien des égards. L’enjeu des prochains mois va être de trouver la nécessaire conciliation entre les parties, considérant que l’économique et le social doivent s’accorder si l’on veut éviter la faillite de l’une et la colère de l’autre. Mais il n’est pas certain que la République soit en mesure de relever ce défi particulier et sensible, prisonnière de son allégeance à des règles « européennes » parfois kafkaïennes et désarmantes face aux puissances extra-européennes et toujours coincée entre deux élections, la France se retrouvant désormais en présidentielle permanente, ce qui ne peut qu’entraver toute stratégie politique, économique et sociale de long terme. De plus, les tensions géopolitiques, dans lesquelles la France se trouve parfois partie prenante, n’arrange guère la situation des prix, mais c’est toujours la mondialisation qui domine en économie, et cela même si elle tend aujourd’hui, dans cette nouvelle fragmentation du monde, à se « déglobaliser » : comme le dit Pierre-André de Chalendar (1), « les entreprises sont désormais confrontées à la géopolitique et doivent s’y adapter, ce qui est plus ou moins facile. Elles vont devoir raisonner multilocal plutôt que global. » Mais l’État n’a-t-il pas aussi son mot à dire et ses arbitrages à mener en ce domaine, sans tomber dans l’étatisme néfaste ? Il nous faudra y revenir dans les prochains mois.

 

Néanmoins, cette nouvelle donne internationale qui a des répercussions économiques et sociales jusqu’au tréfonds de notre pays change-t-elle fondamentalement le système socio-économique dominant ? C’est peu probable, en définitive : la société de consommation, le libre-échangisme mondialisé et l’idéologie de la croissance restent les fondements apparemment indestructibles du système qualifié, le plus souvent et sans beaucoup d’explications ni de nuances, de « libéral » ou, plutôt, de « néolibéral ». Or, ce système, dont la morale première est résumée par la terrible formule de Benjamin Franklin « Time is money » (c’est-à-dire « le temps c’est de l’argent »), néglige autant la nature que les hommes, le souci environnemental que la justice sociale et, au regard des archives royalistes disponibles, il est assez frappant et révélateur que parmi les premiers à s’en inquiéter vraiment en France, l’historien politique trouve rapidement les royalistes d’Action française… Une page tirée de l’Almanach de l’Action française pour 1929 évoquant le système socio-économique des États-Unis (pas encore complètement triomphant en Europe alors) mérite la citation et la lecture, mais aussi le commentaire : « Aux États-Unis, on a essayé de résoudre le problème social par l’octroi des hauts salaires en échange d’un rendement fortement amélioré, grâce à la taylorisation du travail et à la standardisation des fabrications. L’ouvrier qui accepte de produire son maximum reçoit une paye suffisamment élevée pour qu’il puisse se procurer non seulement le nécessaire mais un large superflu. Il lui est donc possible en principe d’économiser. Mais (…) les hauts salaires n’ont pas été accordés aux travailleurs par pure philanthropie ; on a exigé et obtenu d’eux un rendement inconnu dans la vieille Europe mais, en outre, on a cherché à en faire de nouveaux consommateurs afin que les usines puissent, grâce à l’augmentation de clientèle ainsi obtenue, travailler en grande série et par conséquent avec des prix de revient meilleurs. Tous les moyens : publicité, vente à crédit… ont donc été mis en œuvre pour éloigner l’ouvrier de la thésaurisation et le pousser au contraire à dépenser, non seulement au fur et à mesure de son gain, mais encore en spéculant d’avance sur ce gain. (2) » C’est bien le système même de la société de consommation qui est ainsi décrit et que résumera, pour mieux l’analyser et le critiquer, le maurrassien Pierre Debray : selon lui, Ford et ses imitateurs autant que ses successeurs (3) ont mis en pratique la logique même de la société de consommation, « Consommer pour produire » et, par la tentation valorisée (la publicité) et financée (le crédit, c’est-à-dire l’endettement organisé et contrôlé par les banques), ouvrent le temps du superflu et du gaspillage dénoncé dans la littérature dès 1931 par Aldous Huxley dans son fameux ouvrage « Le meilleur des mondes ».

 

S’il semble assurer, au moins un temps, une certaine prospérité matérielle aux pays qui l’adoptent et aux travailleurs qui y participent, ce système est-il, pour autant, juste et équilibré ? Rien n’est moins sûr. « Le travailleur qui tombe malade ou s’estropie par accident se trouve fortement endetté par des achats à crédit et n’a pour ainsi dire rien mis de côté. (4) » Ce qui est vrai, un siècle après, aux États-Unis, l’est-il de la même manière en France ? Les moyens d’épargne comme le livret d’épargne (5), aujourd’hui renommé livret A, peuvent permettre d’amortir le choc du chômage ou du malheur social lié aux maladies ou aux accidents du travail, tout comme l’État-providence français, souvent plus proche de l’assistanat que de l’assistance juste et légitime, ce qui en amoindrit sans doute à terme l’efficacité et la crédibilité sans satisfaire toutes les nécessités de la justice sociale. « La dure loi américaine n’estime les hommes que d’après leur seule valeur productive ; si celle-ci vient à diminuer momentanément ou définitivement, les services antérieurement rendus ne comptent guère », et cela, écrit pour les États-Unis des années 1920, définit aussi l’une des caractéristiques du système franklinien mondialisé contemporain, même si l’on peut y rajouter que c’est sans doute la valeur consommatoire (l’Avoir) qui compte encore plus que la valeur liée à la création de richesses matérielles, elle-même aujourd’hui dépassée par celle de richesses immatérielles, parfois complètement virtuelles et purement spéculatives. Or, ce système a fortement tendance à dévaloriser le travail et les travailleurs, les producteurs de base eux-mêmes, au seul profit de l’argent et de ses jeux parfois immoraux. La survalorisation de la possession financière dans le monde contemporain au détriment des valeurs de la justice, de la solidarité et du partage équitable des profits, n’est pas, en définitive, acceptable parce qu’elle néglige le sens et l’unité de ce qui fait société en préférant l’individualisme et la division permanente selon les seuls éléments matériels (et immatériels) de richesse : la formule « On ne prête qu’aux riches » n’a jamais été aussi si actuelle et si inappropriée à l’équilibre social ! L’exemple de l’accès à la propriété immobilière (et de son entretien pour les propriétaires à faibles revenus) est aujourd’hui le plus caractéristique et éminemment scandaleux : les jeunes couples des classes moyennes (entre autres) désireux de faire un premier achat immobilier se retrouvent déboutés par les banques qui prêtent de moins en moins, ou à des taux peu attractifs, au risque de geler toute possibilité de devenir propriétaire alors même que c’est un souhait manifesté très largement par les familles et citoyens français, et que c’est même, pour beaucoup, à la fois un idéal et une assurance contre les revers de fortune possibles… Voilà ainsi une situation malheureuse pour nombre de nos compatriotes qu’une politique de justice sociale réfléchie et appropriée doit chercher, absolument et le plus rapidement possible, à résoudre.

 

 

(à suivre)

 

 

 

 

 

 

 

 

Notes : (1) Entretien publié dans Le Figaro, samedi 16-dimanche 17 septembre 2023. Pierre-André de Chalendar est le président de Saint-Gobain et s’affiche comme libéral, peu favorable au colbertisme d’État…

 

(2) : Pierre Chaboche, « La sécurité du travail », article publié dans l’Almanach de l’Action française pour 1929. M. Chaboche était le président de l’Union des Corporations Françaises (U.C.F.) de 1925 à 1930 et directeur de son journal La Production Française. Industriel royaliste, il poursuivit ensuite son combat corporatiste et social auprès du jeune comte de Paris, dans les années 1930.

 

(3) : Parmi les imitateurs et successeurs du tayloro-fordisme, il n’est pas inutile de citer son propre concurrent Alfred Pritchard Sloan, président de General Motors, qui « perfectionnera » le système initié par Ford en remplaçant l’unicité (de la voiture produite : la Ford T était fabriquée en une seule couleur – noire - et égalisait ainsi tous ses acheteurs, de l’ouvrier au banquier) par la diversité des équipements et de couleurs (mais sur le même châssis de base), les gammes réintroduisant ainsi la notion de hiérarchie sociale et créant de nouveaux désirs dont celui de s’approprier la voiture correspondant à l’échelon social supérieur à sa propre condition… La voiture redevient alors un marqueur social de première importance et, en tout cas, un élément de sa visibilité. La société de consommation devient alors une société de la séduction sociale et du désir de revendiquer un rang supérieur pour nombre de ses acheteurs, au risque de l’endettement (fatal, parfois) pour certains. Un excellent moyen, en somme, d’enraciner la société de consommation et d’en détourner la possible contestation par la tentation et l’illusion de monter, non dans l’échelle sociale, mais dans celle de la représentation sociale…

 

 

 

(4) : Pierre Chaboche, article cité plus haut.

 

(5) : C’est un héritage du règne du roi Louis XVIII, qui a suscité la création du livret d’épargne en 1818, justement pour permettre à tous les sujets du royaume de disposer d’un moyen sûr et garanti par l’Etat de pouvoir faire des économies en prévision, soit des jours moins heureux soit de futurs achats…

 

 

 

06/11/2021

N'oublions pas la question sociale !

 

L’actuelle campagne présidentielle est-elle utile ? Au regard des outrances de certains médias et de leurs obsessions sur certaine personnalité pas encore officiellement candidate à ce jour, il ne serait pas illégitime de se poser cette question. Et pourtant ! Que le thème de la définition même de la nation française soit abordé ; qu’il alimente visiblement plus de craintes que de discussions posées et argumentées de la part d’un « pays légal » qui semble aux abois ; que la question sociale, qui est à mes yeux aussi déterminante que la question nationale et le souci environnemental, puisse être un élément des prochaines confrontations ; etc. Tout cela mérite l’intérêt, plus que les histoires d’ego et les querelles d’appareil, et il faudra bien que la campagne présidentielle apporte quelques pistes de réflexion et de réponses à ces différentes problématiques aujourd’hui parfois cachées par « le bruit et la fureur » autour du polémiste Zemmour. Ce dernier a eu l’immense mérite de bousculer le programme établi d’une présidentielle qui, depuis plus de quatre ans, nous était annoncée comme la vaine revanche du second tour de 2017, comme si rien n’avait changé depuis tout ce temps. Les Gilets jaunes de l’hiver 2018, la crise sanitaire des années 2020-2021 dont nous abordons bientôt la « saison 3 », l’accélération de la numérisation du monde… Ces dernières années n’ont pas été de tout repos, et il faudra sans doute évoquer, à mieux y regarder, une époque de « basculement du monde » dont les formes ne nous sont pas encore complétement visibles et éclaircies.

 

Mais, pour l’heure, puisque le temps du « grand déballage et du grand questionnement » est venu, il me semble nécessaire de « reposer », une fois de plus, la question sociale sur la table, et pas seulement à travers l’âge de départ en retraite ou les modalités de celle-ci. Oui, la question sociale mérite toute notre attention, au moment où la globalisation marchande et désormais numérique reprend son cours insolent et dévastateur. Quels emplois pour demain ? Quelles productions, et comment les concilier avec les enjeux climatiques et environnementaux, mais aussi sociaux et nationaux (voire provinciaux) ? Mais aussi quel sens donner aujourd’hui au travail, à l’heure où chômage récurrent et pénurie de main-d’œuvre dans nombre de domaines semblent cohabiter dans notre société de façon schizophrénique ? Ces questions ne sont pas, à mon sens, inséparables du débat politique et institutionnel, mais je les entends peu, si ce n’est par intermittence, quand une entreprise ferme une usine en France pour délocaliser sa production ou que des grèves éclatent pour réclamer des hausses de salaires, par exemple. Et pourtant ! La fermeture de nombreux services d’urgence dans les hôpitaux (comme à Laval cette semaine), la difficulté à recruter du personnel soignant ou à « repeupler » les déserts médicaux, ne sont pas des questions anodines et elles nécessitent, au-delà de quelques mesures d’urgence (c’est le cas de le dire…), une véritable stratégie d’ensemble que seul l’Etat peut engager ou susciter, non par étatisme malvenu ou dirigisme maladroit, mais par exigence politique de justice sociale qui, dans ce cas, peut se traduire par une politique d’aménagement intelligent des territoires (dans le cadre de « l’équité territoriale ») et de motivation des énergies humaines. S’il serait dangereux d’étatiser la Santé en France, il n’est pas inutile, en jouant sur les leviers de la formation et de l’incitation, de susciter des vocations médicales et infirmières, et de valoriser l’accueil de celles-ci, autant en ville que dans nos campagnes. La France, dans ce jeu particulier (et dans nombre d’autres), a un atout qu’elle semble parfois hésiter à utiliser, c’est celui de la « matière grise » : contrairement à ce que l’on pourrait croire au regard des classements internationaux des lieux d’enseignement et des matières enseignées, la France est le pays des inventeurs et des intelligences. Ce qui manque, c’est la volonté et la stratégie politiques nécessaires à la mise en ordre et en valeur des énergies humaines françaises, et cela explique la trop forte émigration de nombre de nos jeunes vers des pays plus accueillants ou meilleurs payeurs…

 

La question sociale en France, à travers l’exemple de la Santé évoqué ci-dessus, n’est pas insoluble. Mais elle nécessite aussi, au-delà de la volonté, de s’inscrire dans le long terme et non dans une sorte de « présentisme permanent » qui oublie le lendemain ce qui a été pensé la veille. Sans être un « sceptre magique », la Monarchie royale, par son enracinement dans le temps long et dans la suite dynastique des générations, pourrait offrir à notre société quelques solides bases pour mieux traiter cette question sociale qui, depuis plus de deux siècles, hante notre inconscient national et, parfois, déborde en colères, sinon toujours justes, du moins justifiées…