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13/01/2020

L'imagination au pouvoir ? Partie 2 : Créer des produits du travail durables et transmissibles ?

Les dernières semaines et les événements qui ont émaillé l’actualité sociale mettent notre société française à rude épreuve, et la discussion est parfois fort difficile dès que l’on aborde ce qui, aujourd’hui, divise les Français en camps qui paraissent parfois (peut-être de façon exagérée, ce qu’il faudrait souhaiter, en fait) inconciliables, voire irréconciliables. Pourtant, n’y aurait-il pas quelques points d’accord entre les uns et les autres sur les propositions de Stéphane Madaule sur la grande question du travail ? Autant sa première proposition d’une forme de « retraite à 50 ans », évoquée dans une précédente note de ce site, pouvait ouvrir un débat qui ne risque pas vraiment de se clore entre les partisans d’un travail partagé et d’une retraite honorable et active, et ceux qui raisonnent d’abord en termes purement comptables et « réalistes », tant le fossé est immense et sans doute pas prêt de se combler, autant sa deuxième proposition pourrait rapprocher les uns et les autres : « Deuxièmement, il faudrait que le travail s’oriente vers la création de biens durables, de biens recyclables, de biens renouvelables, de biens que l’on peut se transmettre de génération en génération. » Et l’auteur de donner quelques exemples concrets : « Pourquoi ne pas privilégier par exemple la production de bois pour se chauffer, pour fabriquer du papier, pour construire nos maisons, pour se vêtir ? Pourquoi ne pas planter des arbres un peu partout sur nos territoires, en ville comme à la campagne, afin de pouvoir se nourrir de leurs fruits à certaines périodes de l’année, afin de faire de l’ombrage, afin de recueillir le bois dans ses usages multiples (construction, combustion, production de papier) ? ». Il me semble que l’exemple de l’arbre et du bois est particulièrement bien choisi et pertinent, surtout en ces heures de dérèglement climatique et de questionnement sur la place de l’arbre dans nos sociétés urbaines et artificialisées, et ce n’est pas un hasard si les royalistes se sont beaucoup investis ces dernières années dans la « cause des arbres », sans être toujours bien compris…

 

La forêt, l’arbre, le bois… En quelques mots, voici défini tout un domaine qui peut trouver sa place dans la grande problématique des raisons justes du travail, du labeur comme de l’ouvrage, et des bienfaits qu’il peut porter en lui : encore faudrait-il que l’Etat prête attention à cette cause sous toutes ses formes et avec toutes ses potentialités mais aussi ses difficultés et contraintes. Or, la filière bois est aujourd’hui totalement négligée par les autorités et les forêts sont, de plus en plus, gérées selon les seules perspectives économiques de rentabilité à court terme, au risque de transformer l’espace forestier français en un simple « champ de sapins ». En somme, là aussi, une stratégie et une véritable politique sur le long terme s’imposent ! Mais, gardons-nous de l’erreur qui consisterait à laisser l’Etat tout faire, ou tout décider : les initiatives privées doivent être suscitées, parfois aidées et, s’il le faut, contrôlées, au regard du bien commun et des intérêts environnementaux.

 

Une bonne gestion des espaces forestiers permettrait une amélioration de la qualité des forêts et une meilleure prévention des incendies ou des accidents tout en permettant la production des bois nécessaires à l’ameublement et aux charpentes, entre autres (1) ; mais cela doit s’accompagner d’une politique de soutien aux scieries et aux usines de fabrication locales, ne serait-ce que pour éviter à ces produits de l’arbre de partir pour des destinations lointaines et de nous revenir en produits finis, la plus-value dégagée entre les deux actions étant aujourd’hui monopolisée par des sociétés étrangères, souvent peu regardantes sur les conditions sociales du travail dans leurs entreprises, ni sur le coût environnemental… Produire, transformer, commercialiser dans un rayon « national » semble bien plus profitable pour l’économie générale de notre pays, que cela soit en termes d’emplois ou de revenus, autant de l’entreprise que du fisc, et permet aussi de limiter les pollutions liés au transport des troncs comme des planches et des meubles fabriqués à partir de ces troncs. C’est aussi soutenir l’idée d’un travail plus en phase avec les cycles naturels et, d’une certaine manière, pérenne et éternellement renouvelable tant que les arbres continueront à pousser à leur rythme dans des forêts que les hommes contrôleront sans les asservir : « on ne commande à la nature qu’en lui obéissant », doit rester une ligne directrice de l’action humaine en matière agricole et sylvicole, entre autres.

 

Stéphane Madaule évoque ainsi fort heureusement à notre sens cette orientation vers la production de biens renouvelables, durables et transmissibles, et il est évident que cela doit inspirer toute politique économique soucieuse de l’écologie, non dans une démarche punitive ou restrictive, mais bien plutôt inventive et crédible. Bien sûr, là encore, le monde de la Finance et de l’Actionnariat risque de ne pas y trouver son compte (sans mauvais jeu de mots), mais cela permet de remettre un peu de crédit social dans l’économie et de la mesure dans une société de consommation qui semble avoir perdu l’un et l’autre. Il n’est pas insignifiant que « la terre, la pierre, le bois » puissent fournir la plupart des biens dont l’impact sur l’environnement sont les plus limités (2), quand, dans le même temps, leur durée de vie peut être largement plus longue que celle des biens fossiles et non-renouvelables…

 

Cela nous rappelle aussi que, si le travail doit être partagé, il peut l’être, non seulement dans l’immédiateté, mais aussi sur le long terme, en termes de génération et d’héritages, et en termes de produits qui, au lieu d’être irrémédiablement détruits ou consumés sans espoir d’être renouvelés à échelle du temps humain, s’inscrivent dans un paysage, dans une communauté ou une famille : c’est aussi ce que l’on nomme un patrimoine, attaché à une terre historique donnée mais aussi à une économie qui ne fonde pas tout sur la croissance dévoreuse des ressources de la Terre quand il faut, et c’est notre pensée et notre pratique, la sobriété pour assurer la pérennité et, d’une certaine manière, l’éternité

 

 

(à suivre)

 

 

 

 

Notes : (1) : A l’heure actuelle, la seule exploitation des espaces forestiers français ne suffirait pas à répondre à tous les besoins de la consommation de bois et de papier en France : mais, commencer à reprendre la main sur la production de bois peut, à plus ou moins long terme, permettre de mieux valoriser ce qui est déjà disponible et créer de nouvelles ressources dans de bonnes conditions, pour une production qualitative mais aussi quantitative, l’une n’excluant pas forcément l’autre, du moins dans une certaine mesure (au double sens du terme, d’ailleurs).

 

(2) : Bien sûr, ces éléments ne sont pas forcément « neutres » sur le plan environnemental, comme le prouve la combustion du bois (pour le chauffage ou la production d’énergie) qui renvoie du gaz carbonique dans l’atmosphère et des particules fines, ou l’extraction et la taille des pierres nécessaires à la construction, mais ces pollutions restent moindres en comparaison de celles des produits pétroliers ou fossiles en général.

 

 

 

 

 

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