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23/03/2020

Les frontières face au virus.

La période du confinement forcé est propice à la lecture et à la réflexion, et ce sont des moyens utiles pour éviter de sombrer dans une forme d’hibernation intellectuelle facile mais, à plus ou moins long terme, fatale à l’intelligence et à la mesure. De nombreux éditorialistes poursuivent d’ailleurs leur activité, nourrissant le débat de plus ou moins bon grain, mais la lecture du Marianne de cette semaine apporte quelque réconfort au vieux royaliste que je suis, inquiet de voir certaines de ses prédictions anciennes se réaliser en direct mais soucieux de dépasser cet état pour avancer et lutter contre le fatalisme et la récidive. Il est d’ailleurs toujours surprenant de constater que derrière ce titre, qui pourrait nous déplaire au regard de ce qu’il symbolise, il se trouve parfois d’excellentes choses, pas si républicaines ou, du moins, pas si « républicanistes » que cela…

 

Dans cette affaire de coronavirus, les responsabilités de sa diffusion ne reposent pas, évidemment, sur les seules épaules des politiques ou de l’Etat, mais ils en ont tout de même leur part, ne serait-ce que par leur attachement à des principes qui ne résistent pas bien à la réalité des faits concrets : en disant que « le virus ne connaît pas les frontières », le gouvernement s’est fourvoyé, en oubliant des choses simples que Régis Debray avait déjà évoquées il y a quelques années dans son opuscule « éloge des frontières » qu’il faut, en ces heures particulières, relire. Natacha Polony le rappelle à son tour : « ce virus est porté par des êtres humains qui, eux, s’arrêtent aux frontières, si tant est qu’on leur demande. » Ce que disent depuis toujours les « nationistes » conséquents (j’écris ce terme que Pierre Boutang évoque dans son « Maurras » et pour le distinguer du terme de « nationalistes » qui, s’il me semble toujours valable, est parfois compliqué à expliquer, ou à défendre), c’est que la frontière n’est pas un mur toujours fermé et hostile, mais bien plutôt une muraille (Debray emploie le terme de « membrane ») qui protège et peut s’ouvrir à qui vient en paix et avec humilité. C’est un peu aussi le sens du propos de Mme Polony quand elle poursuit son raisonnement : « Il n’est pas nécessaire de fermer les frontières quand on choisit de contrôler efficacement ceux qui rentrent. C’est ce qu’ont fait la Corée ou Taïwan, avec des résultats plutôt convaincants. Contrôle de température systématique, détection à grande échelle et quarantaine. » Or, hier encore, les contrôles à l’aéroport d’Orly étaient inexistants alors que se posaient des aéronefs de pays qui ne sont pas forcément épargnés par l’épidémie… Le virus peut tranquillement se promener en suivant les grandes routes de la mondialisation : à quoi sert-il de confiner sa propre population si celles venues d’ailleurs (ou revenant au bercail tout simplement, pour certaines d’entre elles) peuvent passer en France sans qu’il soit bien vérifié qu’elles sont épidémiologiquement inoffensives ? Oublier les frontières, c’est condamner la France aux courants d’air, et peut-être accueillir, sans le savoir, le virus

 

Pour que les frontières jouent leur rôle protecteur, encore faut-il un Etat sûr de lui et capable de se faire entendre et comprendre, de ses citoyens comme des étrangers, Etats ou personnes, et de faire respecter, concrètement et pas seulement en paroles fortes et coups de menton, la souveraineté du pays, c’est-à-dire sa liberté à être et à faire, tout simplement. Il ne s’agit pas de claironner, comme Paul Reynaud en 1940, « Nous vaincrons parce que nous sommes les plus forts », mais, pour l’Etat, d’être effectivement doté de cette autorité qui fait que l’on vous obéit, sans contrainte, presque naturellement, et que cette obéissance n’est pas soumission mais libre acceptation d’un ordre qui se doit, par essence, de protéger ceux qui se placent sous sa protection ou qui le sont, par naissance plus souvent que par choix… Les frontières marquent une séparation entre nous et les autres, et cela ne signifie pas qu’il faille détester ceux qui sont au-delà de celles-ci, bien au contraire : mais on accepte bien l’autre que si l’on aime d’abord ses prochains, ses « plus proches » donc, ceux-là qui sont nés sous la même ombre protectrice. Et aimer les siens, c’est d’abord les protéger, tout simplement !

 

Il ne sera pas sans doute possible, en France, de faire l’économie d’une « révolution par le haut » pour redonner de l’autorité à l’Etat et cette capacité à incarner, durablement et de façon crédible, la puissance de la nation et son pouvoir à réagir en temps et en heure aux événements, non seulement pour éviter les pires d’entre eux, mais pour les prévenir. « Gouverner c’est prévoir, et prévenir c’est guérir », dit-on : c’est parce que la République a oublié cette leçon simple qu’elle affronte en si mauvais posture une maladie encore hier exotique et devenue aujourd’hui nôtre…

 

Redonnez de l’autorité à l’Etat, et vous renforcerez les frontières sans avoir besoin d’agresser ni de vexer personne… Mais cela passe par une redéfinition des institutions de la France, et par la royalisation effective de la magistrature suprême de l’Etat : il n’est pas dit que la chose soit facile, mais elle s’avère sans doute nécessaire pour redonner force et crédibilité à un Etat aujourd’hui bafoué et incapable de contrôler ses propres portes d’entrée sur le territoire…

 

 

 

 

 

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