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03/02/2015

La dette maudite de la Grèce.

 

La dette est un piège pour les États et elle démontre à l'envi que les situations apparemment les mieux assurées au regard du PIB ou du Développement peuvent cacher bien des déconvenues et des ennuis, voire des drames : le cas de la Grèce est, à cet égard, tristement éloquent... Un État qui croyait être à l'abri du besoin, étant entré dans le cycle du Développement et dans une Union européenne qui promettait la prospérité et la solidarité, se retrouve menacé par ses propres partenaires d'une exclusion et d'une véritable mise au ban des nations européennes, ou, à l'inverse, d'une véritable dictature économique de la fameuse troïka (Banque Centrale européenne, Commission européenne, Fonds monétaire international) pour le simple fait de ne pouvoir rembourser des dettes que la génération précédente (entre autres) a faites : en somme, c'est « l'esclavage pour dettes », celui-là même que, en 594 avant Jésus Christ, Solon avait interdit !

 

Je ne vais pas revenir sur les fautes de la Grèce, de ses politiciens et de ses consommateurs : elles existent, indéniablement, et l'ignorer serait de mauvais aloi. Mais, cela ne change rien à l'affaire : aujourd'hui, les Grecs souffrent, y compris sanitairement, d'une situation qui, au fond, est avant tout financière ! Or, n'y a-t-il pas quelque malaise à constater qu'en 2008, et d'après un titre du quotidien Le Monde, 2.500 milliards de dollars avaient purement et simplement disparu en quelques semaines, effacés des compteurs et des comptes de l'économie mondiale ? Je ne connais pas grand-chose à l'économie, si ce n'est son histoire plurielle, mais le fait même de cette disparition me laisse éminemment perplexe, tout comme quand on m'explique, il y a quelques semaines, que la société propriétaire d'Airbus a vu partir en fumée plus de 4 milliards d'euros en quelques jours, simplement parce que son cours en bourse a baissé... N'y a-t-il pas là une véritable disjonction entre cette économie légale et virtuelle, et les réalités économiques vécues par le commun des mortels en Europe, et cela en Grèce comme en France, où nombre de familles bataillent pour, simplement, se nourrir à moindre frais, et pour lesquelles le moindre euro est important, voire vital ? Il suffit de se rendre sur un marché de ville après 13 heures quand des jeunes et des moins jeunes, voire des très vieux, fouillent dans les cagettes éventrées pour y trouver quelques fruits et légumes qu'ils ne peuvent se payer ordinairement, pour se rendre compte de l'absurdité de la situation ! Tous les arguments comptables possibles et imaginables ne pèseront jamais, à mes yeux, aussi lourds que les peines et les misères de ceux que je croise parfois au détour des rues de Rennes ou de Versailles.

 

D'ailleurs, le souci grec n'est-il pas une préfiguration de ce qui pourrait bien, un jour ou l'autre, survenir à (et dans) notre pays ? Après tout, notre dette publique représente désormais une année de PIB de la France, au-delà de 2.000 milliards d'euros, somme considérable qu'il semble bien illusoire de pouvoir acquitter aux créanciers ces prochaines décennies, surtout si le chômage se maintient à un niveau aussi élevé que celui d'aujourd'hui.

 

Alors, que faire ? Faudrait-il abolir les dettes des pays européens mais aussi celles de leurs débiteurs, et remettre, d'une certaine manière, les compteurs à zéro ? Ce que pouvait faire Solon dans l'Antiquité pour Athènes semble difficile à refaire aujourd'hui, au moins à une telle échelle et dans de brefs délais : en effet, la Seisachtheia appliquée à toute l'Union européenne risquerait de faire capoter le système mondial de la Finance et la mondialisation elle-même (ce qui ne serait peut-être pas si mal que cela...), mais surtout d'entraîner nos sociétés droguées à la croissance et à l'addiction à la consommation (« l'addictature », diraient certains...) dans une zone inconnue, sans doute turbulente et compliquée. En fait, cela ne servirait à rien si l'on ne changeait pas, dans le même temps, les fondations de la société et, même, du monde dans lequel nous vivons, et principalement son esprit : vaste programme, sans aucun doute !

 

Utopie, rétorqueront certains à ces quelques phrases apparemment « révolutionnaires » : espérance, pourrais-je répondre, tout en rappelant que je me méfie des utopies qui, dans l'histoire, nous ont fait tant de mal... Mais le « Quefaire ? » n'est pas encore vraiment écrit, si ce n'est de manière éparse dans des brochures confidentielles ou sur des sites connus de quelques initiés. Néanmoins, il me semble que la France pourrait utilement jouer son rôle dans une nouvelle « disposition du monde », et c'est aussi pour cela que je privilégie la stratégie politique, appliqué à pratiquer le « Politique d'abord ! » ici et maintenant, en France pour aujourd'hui et pour demain... D' ailleurs, à bien y regarder, n'est-ce pas la stratégie que la coalition de la gauche radicale et de la droite nationaliste en Grèce, alliance apparemment improbable et dénoncée comme une « alliance rouge-brune » par les libéraux de tout acabit (de Cohn-Bendit à Le Boucher, l'inénarrable chroniqueur de L'Opinion, quotidien libéral assumé), tente d'appliquer en haussant le ton tout en préservant l'avenir, et en voulant réhabiliter la parole et l'action politiques face à des institutions européennes qui ne raisonnent qu'en termes économiques et budgétaires ?

 

Une mise au point s'impose, pour éviter tout malentendu sur mes propos et intentions : d'abord, même si cela peut être souhaitable, je ne pense pas que l'on puisse si facilement s'émanciper d'un système financier qui, aujourd'hui, structure la société de consommation dont nous sommes (certains moins que d'autres, et je pense être de ceux-là) dépendants ; ensuite, il me semble que, si étalement ou annulation partielle ou complète de la dette il y avait, cela devrait s'accompagner d'une véritable révolution structurelle et spirituelle (encore plus que seulement économique) pour éviter de refaire de la dette et de retomber dans la même spirale infernale qu'auparavant ; dernier point (pour l'instant), je ne me rallie pas à cette gauche radicale grecque qui est devenue la dernière coqueluche d'une gauche française qui n'a guère brillé par sa clairvoyance en France et qui se fait surtout remarquer par une tolérance à géométrie variable : cela n'empêche pas, certes, le compromis avec des mouvements et des partisans de gauche comme de droite sur des points précis et conjoncturels, mais celui-ci ne doit pas être la compromission sur le fond des idées...

 

Si la victoire de Syriza entraîne un changement (dans un sens plus raisonnable et plus humain, plus social) dans les politiques de l'Union européenne et participe à rendre l'espoir et du souffle aux peuples et aux Hellènes en premier lieu, j'en suis ravi, et je rappelle que cette nouvelle situation ne me fait pas peur : ce propos, pour autant, s'inscrit dans une logique politique et sociale qui plonge ses racines dans un royalisme français qui a toujours accordé, au fil de l'histoire et au présent, une grande importance au soulagement des pays et des populations sans négliger la pérennisation de celui-ci dans des institutions adaptées à notre propre présence au monde...