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05/10/2011

"Seisachtheia" : la solution de Solon à la dette grecque... en 593 avant JC !

 

La Grèce est encore sous les feux de l'actualité, et la question du « défaut » de la patrie d'Athéna se pose désormais dans les couloirs mêmes de la Banque Centrale européenne, malgré les dénégations prudentes de ses cadres... La dette publique grecque a atteint un tel niveau que personne ne croit plus qu'elle pourra rembourser un jour ses créanciers, et la cure d'austérité toujours plus sévère ne réussit qu'à favoriser un peu plus la « débrouille » qui confine parfois à la fraude, et à aggraver la crise de toute la zone euro. Mais le plus choquant c'est l'attitude des armateurs et des plus riches propriétaires grecs qui continuent de ne pas remplir leurs devoirs de contribuables, préférant leurs intérêts particuliers à celui de la nation et de leurs concitoyens : triste attitude, et scandale civique sur une terre qui a vu naître la politique et dont les cités ont jadis inspiré la civilisation qui est désormais la nôtre, au moins dans ses racines.

 

Ce qui est certain, au-delà des égoïsmes des uns et des petits arrangements des autres, c'est que le principal problème de la Grèce, c'est d'abord la faiblesse de l'Etat et son incapacité à se faire respecter et à lever correctement les impôts nécessaires à son propre fonctionnement ! Maurras y verrait la conséquence directe de la Démocratie même, lui qui avait conclu à l'impossibilité de celle-ci de pouvoir « organiser et ordonner » et n'y voyant que la « consommation » de ce que les siècles précédents avaient créé, et il chercherait dans l'histoire des cités grecques, en particulier d'Athènes, quelques éléments historiques pour étayer son propos...

 

D'ailleurs, c'est en préparant mon prochain cours sur la polis athénienne que j'ai constaté que, en 594 avant notre ère, Solon avait trouvé une solution pour régler le problème de la dette que « le retraité du FMI », visiblement, ne désavoue pas, ou plus, comme il l'a laissé entendre lors de son entretien télévisé avec Claire Chazal : la suppression pure et simple de la dette, pratique nommée « seisachtheia » (« la remise du fardeau », en traduction française), qui avait pour but affiché de « libérer les paysans grecs » qui risquaient auparavant de perdre, sans sursis et définitivement, leur statut d'homme libre et de citoyen s'ils ne payaient pas les sommes qu'ils devaient à leurs créanciers. Cette mesure radicale de Solon avait non seulement sauvé de nombreux paysans athéniens, mais avait, en plus, relancé véritablement l'agriculture et l'économie de la cité, les paysans soulagés ayant à nouveau les moyens de consommer, même prudemment, et de produire sans crainte du lendemain et d'une confiscation de leurs biens et liberté...

 

Certains, en Europe et au-delà, craignent cette annulation de la dette grecque pour des raisons d'abord financières, comme si l'on pouvait éternellement penser en simples termes financiers quand il s'agit de sauver des populations de la désespérance sociale et d'une forme d'esclavage de la dette ! D'ailleurs, l'analyste économique Hervé Juvin rappelle, dans un entretien avec « Le Spectacle du Monde » publié en juillet dernier, que « dans maintes traditions religieuses, il était admis que la dette devait être périodiquement remise ; la dette engage le temps, le temps long de la vie ; or qui engage l'avenir engage ce qui ne lui appartient pas. Nous en sommes là : l'économie d'endettement a réussi l'exploit de liquider l'avenir, puisqu'elle repose sur la colonisation du futur et son asservissement au profit du présent. Elle pose donc un problème spécifiquement politique. Si l'aspiration vers l'avenir, qui est au fondement même des démocraties libérales, est aliénée par le remboursement de la dette, le mécanisme démocratique se grippe du même coup. » Et surtout, la politique disparaît derrière la dette et l'obligation de rembourser des créanciers pressés, au risque de déposséder les États et leurs peuples de leur propre destin !

 

Cela ne signifie pas que l'on oublie les erreurs ou les errements des Grecs mais juste que l'on casse une spirale infernale pour redonner leur liberté à des citoyens-contribuables et à un État tout entier en lui accordant une chance de se reconstruire, voire de se construire tout court, sur des bases saines : un pari risqué ? sans doute mais une action nécessaire pour éviter la dislocation complète d'un État (mais aussi de l'Union européenne) et la punition collective infligée à un peuple exsangue et au bord de l'explosion sociale, voire de la violence dont on ne sait jusqu'où elle pourrait aller.

 

Alors, oui, suivons l'exemple de Solon : « seisachtheia » pour la Grèce et les Grecs, et le plus vite possible !

07:50 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : grèce, grecs, dette, crise, impôts.

01/10/2011

Le diktat de la BCE à l'Italie : la lettre révélatrice de Trichet...

Sommes-nous encore dans une Europe de pays libres, dotés d'États souverains dans lesquels les peuples, d'une manière ou d'une autre, peuvent se faire entendre et, au moins, respecter ? C'est la question que l'on peut légitimement se poser lorsque l'on lit la fameuse lettre envoyée au gouvernement italien, au coeur de l'été, par l'actuel patron de la Banque Centrale européenne, M. Jean-Claude Trichet, et son successeur annoncé, M. Mario Draghi, lettre qualifiée par le périodique « Challenges » d'« incroyable diktat », et cela à juste titre ! Mais ce courrier est aussi révélateur des fondements idéologiques de cette construction européenne telle qu'elle s'applique aujourd'hui, mais telle qu'elle était déjà dénoncée à la fois par les maurrassiens des années 50-60 et par leur farouche adversaire Pierre Mendès-France, comme le prouve son opposition virulente au Traité de Rome de 1957, qu'il considérait comme un véritable manifeste libéral, au sens économique bien sûr...

 

Mais il s'agit désormais d'un libéralisme dur, abrupt, qui entend s'imposer sans délicatesse aux États comme aux peuples d'Europe, faisant fi de toute considération politique ou sociale, et dénonçant toute alternative au capitalisme financier qui oserait remettre en cause les « grands principes » de la « gouvernance européenne »...

 

La lettre des deux banquiers centraux européens est, en elle-même, un « concentré du pire », de ce qui attend nos pays si l'on y prend garde et si les États et les peuples ne réagissent pas aux oukases libérales et à la dépendance à une société de consommation qui vit du principe, en fait destructeur (écologiquement comme socialement), « Consommer pour produire ».

 

Dans ce courrier, les deux compères exigent du gouvernement italien « une stratégie de réforme globale, profonde et crédible, incluant la libéralisation totale des services publics locaux et des services professionnels (...) via des privatisations de grande ampleur. » : une logique ultralibérale qui ne prend guère en compte les particularités locales ou nationales et qui risque de livrer les services publics locaux à des intérêts privés plus spéculateurs qu'investisseurs... Doit-on rappeler les précédents des sociétés de l'énergie qui, privatisées aujourd'hui, se permettent même d'en appeler aux juges contre les décisions des États qui en sont parfois encore actionnaires ? Le cas de GDF-Suez qui, la semaine dernière, contestait le gel de la hausse des prix du gaz par l'État français et veut faire trancher par les tribunaux ce différent n'est pas qu'inquiétant, il est proprement scandaleux et prouve bien que ces sociétés privatisées n'ont désormais d'autre ambition que de servir d'abord leurs actionnaires : du « service public » à celui des actionnaires, quel est l'intérêt social de cette politique de privatisation ?

 

Autre point que le courrier aborde : les retraites. Et là non plus, les banquiers centraux ne prennent guère de gants pour « exiger des réformes » : « Il est possible d’intervenir davantage dans le système de retraites, en rendant plus contraignants les critères d’éligibilité aux pensions d’ancienneté et en alignant rapidement l’âge de la retraite des femmes ayant travaillé dans le secteur privé sur celui appliqué aux employées du public, permettant ainsi de faire des économies dès 2012. » En somme, aucune considération sociale, sur la pénibilité du travail ou la situation même des personnes par exemple, n’est envisagée : juste « faire des économies » ! L’économie avant l’humain, l’économie sans le social : voici l’idéologie des dirigeants de la Banque Centrale européenne ! Relisez la phrase citée, elle est d’une brutalité rare, au regard de ses conséquences sociales : rendre « plus contraignants les critères d’éligibilité aux pensions d’ancienneté », cela signifie, entre autres, reculer le plus possible (voire au-delà...) l’âge de départ à la retraite que les dirigeants allemands souhaitent à 67 ans tandis que les financiers de même nationalité évoquent maintenant 69 ans, voire 70 au Royaume-Uni...

 

Dans le même paragraphe, les tristes sires de la BCE vont encore plus loin, sans doute emportés par leur élan : « Le gouvernement devrait également envisager de réduire de façon significative le coût des emplois publics, en durcissant les règles de renouvellement du personnel et, si nécessaire, en baissant les salaires. » Qu’il faille réduire les coûts des administrations publiques n’est pas en soi choquant mais c’est la manière qui l’est autant qu’elle est dangereuse à plus ou moins long terme : car les banquiers centraux semblent ne trouver comme seule variable d’ajustement que les emplois eux-mêmes et ceux qui les occupent ! Ce n’est pas vraiment d’une réforme des structures et des politiques dont il est question, en fait, mais bien d’une gestion « épuratrice » des emplois publics dont les victimes seraient les salariés eux-mêmes en attendant les conséquences sur les services au public... De plus, la proposition de baisse des salaires montre bien le peu de cas que ces banquiers font des fonctionnaires et des salariés en général, et de leurs conditions de vie !

 

Par contre, dans cette fameuse lettre, aucune phrase sur la solidarité qu’il serait juste de demander aux plus aisés des contribuables ou aux banques... Aucune trace d’équité sociale ! Cela en est même caricatural ! On se croirait dans une sorte de « lutte des classes » à fronts renversés dans laquelle les « classes possédantes » seraient maîtres du jeu et imposeraient tribut et contraintes aux « perdants », aux « classes inférieures », aux simples travailleurs, tout en dénonçant les « acquis sociaux » des salariés comme des « privilèges insupportables »...

 

Il est un autre scandale à dénoncer, au-delà de celui de la morgue de ces banquiers centraux et de cette sorte de « dictature économique » imposée par cette oligarchie européenne si méprisante et si méprisable, c’est l’assourdissant silence des partis politiques, en France comme ailleurs (sauf en Italie, bien sûr), face à cette lettre « secrète » pourtant si révélatrice et si « antisociale » : faut-il y voir une gêne des classes politiques à l’égard d’une Europe devenue tellement « obligatoire » à leurs yeux qu’ils sont prêts à tout (« jusqu’au dernier Grec vivant », ironisait un économiste il y a quelques mois...) pour éviter d’en débattre et de remettre en cause ses fondements idéologiques ?

 

Je n’aurai pas de ces timidités !

27/09/2011

Les erreurs de M. Fillon sur la question des retraites.

 

La déclaration de François Fillon l'autre jeudi sur la « convergence » entre les systèmes français et allemand, en particulier sur l'âge de départ à la retraite, convergence d'ailleurs souhaitée par l'Union européenne, n'a pas soulevé beaucoup de débats et semble passer presque inaperçue dans le monde syndical et politique, peu soucieux d'aborder ce dossier brûlant. « Le Parisien » a beau avoir titré sur ce sujet vendredi 23 septembre, les candidats potentiels à la présidentielle de 2012 ne se bousculent pas pour faire connaître leur point de vue sur « la retraite à 67 ans » : on les a connus parfois plus diserts sur beaucoup d'autres thèmes pourtant anecdotiques au regard de ce débat sur le temps de travail des Français...

 

Madame Parisot, fidèle à elle-même et à la logique économique de l'oligarchie, a applaudi à ce qui est, selon elle, une « excellente idée » : tout un symbole... Je dois avouer qu'il est triste d'avoir, en France, cet exemple si déplorable d'un patronat qui semble avoir oublié ses devoirs sociaux et ne raisonne plus qu'en termes d'efficacité ou, plus exactement, de « rentabilité », mot piégé qui, comme le précédent, légitime toutes les mesures les plus abruptes à l'égard des salariés. Bien sûr qu'il faut de l'efficacité et de la rentabilité en économie, mais cela ne peut se faire sans équité et reconnaissance de la pluralité des situations, ce que la « mondialisation économique » paraît négliger, au grand dam de nos concitoyens qui sentent bien que la mondialisation n'est pas « heureuse » pour tous, loin de là, et de moins en moins pour les classes moyennes françaises, captivées (captives ?) par une société de consommation et de communication qui devient de plus en plus chère pour elles, et peut-être bientôt largement inaccessible...

 

La situation française n'est d'ailleurs pas la situation allemande, ni sur le plan économique ni sur le plan démographique, ce dernier étant trop souvent négligé quand il constitue pourtant un élément de la solution au problème du financement des retraites. Quand la population allemande diminue désormais chaque année, le taux de fécondité global (c'est-à-dire sur l'ensemble de la période de fécondité d’une femme) des femmes françaises permet le renouvellement équilibré des populations de notre pays, ce qui plutôt un bon point de départ...

 

Au lieu de vouloir imposer un âge légal de départ à la retraite, M. Fillon serait bien inspiré d'explorer d'autres pistes, comme un système de points collectés au fur et à mesure de ses années d'activité et selon celles-ci et leurs rémunérations, par exemple, et qui laisserait une plus grande liberté pour le cotisant dans le choix de son âge de départ à la retraite : ainsi, ceux qui souhaiteraient partir avant la soixantaine le pourraient, et toucheraient une retraite accordée à leur activité passée et au nombre d'années de travail et decotisation effectives. Le système doit être assez souple pour permettre à ceux qui désireraient travailler au-delà de 65 ans, voire bien au-delà, de pouvoir le faire, y compris dans la Fonction publique. Mais, faire de 67 ans la limite inférieure obligatoire pour le départ à la retraite, non, mille fois non ! Surtout quand on sait que, parmi les ouvriers, moins de la moitié travaille encore à 60 ans, non de leur faute, mais du fait du chômage qui frappe le secteur industriel, entre autres à cause d'une désindustrialisation mortifère pour notre économie et notre société toute entière : or, cette période d'inactivité forcée que constitue le chômage (de plus en plus structurel dans le secteur secondaire) grève parfois fortement leurs futures pensions de retraites...

 

De plus, si l'on compare les espérances de vie, fameux argument toujours mis en avant pour légitimer le recul de l'âge légal de la retraite, l'on constate tout de suite que celle des ouvriers est inférieure à celle des cadres d'environ 8 ans !

 

Voici quelques éléments à apporter au débat sur les retraites : ce ne sont pas les seuls, bien sûr, mais il me semble qu'ils ne sont pas négligeables, loin de là !

 

 

 

09:39 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : fillon, retraites, dette, allemagne.