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23/05/2009

La libéralisation dangereuse du cabotage routier en France.

La libéralisation des transports voulue et désormais imposée par l’Union Européenne n’est pas toujours une bonne chose, loin s’en faut, sans doute parce qu’elle est faite sans forcément en penser les conséquences sociales… Dernières victimes en date : les transporteurs routiers français qui, depuis le 1er mai dernier, doivent faire face à l’ouverture du cabotage routier à 7 nouveaux pays de l’UE, principalement d’Europe centrale et orientale.

 

Le cabotage consiste à acheminer des marchandises d’une ville française à l’autre, et cela sur des parcours souvent mal ou pas desservis par les trains de fret, parfois en raison d’un surcoût d’exploitation trop important mais aussi du simple fait que n’existe aucune ligne de chemin de fer reliant ces deux villes. Ainsi, le cabotage permet une « desserte fine » au sein du territoire français, et il est difficile de le remplacer dans de nombreux cas. Mais cette libéralisation, déjà existante pour les sociétés de transport d’une bonne quinzaine de pays de l’UE depuis quelques années et encore renforcée le 1er mai, risque d’avoir un effet pervers, c’est de rendre le ferroutage ou le transport fluvial financièrement moins attractifs entre certaines villes aujourd’hui correctement connectées entre elles, et d’encombrer encore plus les routes de France, déjà surchargées.

 

Mais sur le plan social, la situation est encore plus inquiétante, car elle risque d’entraîner la mort de nombreuses entreprises de transports et la destruction de milliers d’emplois français. Effectivement, les transporteurs français ne sont pas à égalité avec leurs collègues des autres pays européens, pour la bonne (façon de parler…) et simple raison que la législation européenne se veut plus « libérale » que la française, et qu’elle privilégie « la liberté du travail » (chère aux constituants de 1791 dans notre pays) au détriment (dans ce cas précis mais aussi dans beaucoup d’autres) des droits de ceux qui travaillent.

 

En effet, comme le rapporte « Le Figaro » (samedi 2-dimanche 3 mai 2009), « à la différence des autres pays européens, la France a en effet conservé sa législation du travail pour les conducteurs de poids lourds. Le droit français comptabilise comme temps de travail « tout le temps passé au service de l’employeur », alors que la législation européenne exclut les temps d’attente qui sont légion dans ce métier.

Du coup, un conducteur français coûterait 1 000 à 1 200 euros plus cher par mois qu’un conducteur d’un autre pays européen. « Les prix des concurrents européens sont 15 à 20 % moins chers que les nôtres dans un secteur où les marges sont de 1,5 % », explique Jean-Paul Deneuville, délégué général de la FNTR. Conséquence : les entreprises françaises perdent des parts de marché sur leur sol et ne peuvent même pas aller caboter à l’étranger puisqu’elles ne sont pas compétitives. »

 

On voit là le problème que peut poser une législation européenne qui « uniformise sans distinguer », au risque de revenir sur des « droits sociaux acquis » qui, dans ce cas précis, n’ont rien d’injustes ou de choquants quand on connaît le travail des chauffeurs routiers. En somme, la législation de l’Union semble niveler les droits particuliers des uns et des autres acquis au sein des Etats qui, tous, ont une histoire sociale différente dans le temps comme dans les applications, au seul motif d’un libre-échange et d’une libre concurrence qui ne reconnaîtrait plus (ou avec mauvaise grâce) de droits collectifs catégoriels.

 

Néanmoins, il n’y a pas de fatalité à cette situation et la France peut encore, en arguant du principe de subsidiarité inscrit dans le traité de Maëstricht, légiférer pour protéger ses entreprises et ses emplois du transport routier, comme le réclament d’ailleurs les routiers français. Cela peut aussi s’accompagner d’une stratégie visant à favoriser un meilleur et plus fréquent recours des routiers au ferroutage, au transport fluvial et au merroutage, en échange d’un texte législatif protecteur, ce qui aurait l’avantage de diminuer l’impact des activités de transport sur les réseaux routiers et sur l’environnement : d’une pierre deux coups !

 

D’autre part, la France doit aussi savoir dire « non » à la Commission européenne quand celle-ci lui enjoint de libéraliser à tout crin : toute libéralisation n’est pas forcément bonne en soi. Là encore, ce n’est pas l’idéologie économique (dans un sens comme dans l’autre d’ailleurs car l’étatisme et l’assistanat sont tout aussi néfastes) qui doit primer mais la juste conciliation entre la raison économique et le cœur social.