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11/07/2015

Quelques enseignements de la "capitulation" (?) de M. Tsipras.

Au lendemain de la « capitulation » de M. Tsipras, je lis et j'entends la joie mauvaise des éditorialistes, des économistes et des politiciens pour lesquels, selon la formule célèbre et incantatoire de Mme Thatcher, « il n'y a pas d'alternative » (« There is no alternative »), pas d'alternative au libéralisme, à la loi du Marché et à sa « main invisible », et, accessoirement, à une logique austéritaire qu'il faudrait plutôt qualifier, non d'inégalitaire, mais de profondément injuste, fondée qu'elle est sur l'anarchie économique qui favorise à la fois la démesure et la violence. Bertrand Renouvin parlait avec justesse d'une « économie sauvage » et titrait sur celle-ci un des numéros des Cahiers trimestriels de Royaliste au commencement des années 1980, mais nous n'étions qu'au début de la grande vague qualifiée à tort de conservatrice quand elle était profondément destructrice des équilibres anciens et des fameux acquis sociaux qui avaient permis, en fait, la prospérité des « Trente glorieuses ».

 

« Il n'y a pas d'alternative » : soumettez-vous, en somme ! En dehors de la démocratie capitaliste, du libéralisme européiste et de la mondialisation sans entraves ni limites, de ce globalitarisme qui décourage toute réflexion et toute imagination hors du Système franklinien du « Time is money » (« Le temps c'est de l'argent »), point de salut ! Les derniers événements de Grèce ne donnent-ils pas raison aux prophètes de ce fatalisme économique et social ? En fait, seulement en partie, et a contrario, la tragédie grecque des derniers mois (qui font suite aux dernières années non moins tragiques...) ouvrent quelques pistes d'analyse et de réflexion, et permet de reposer la question de la stratégie politique à adopter face aux défis contemporains.

 

La mésaventure de M. Tsipras montre la difficulté de construire une alternative pérenne face aux oukases du libéralisme européen (qui est plus complexe qu'on le croit généralement, et qui connaît quelques variantes selon les histoires et les traditions économique locales), mais révèle aussi quelques-unes des failles et des faiblesses de ce dernier, ce qui n'est pas inintéressant.

 

Premier point : les difficultés de la zone euro prouvent à l'envi les fragilités d'un système de monnaie unique qui n'offre guère de souplesse aux pays qui en dépendent lorsque surviennent les turbulences financières ou économiques, et qui répond aux crises par de simples et souvent cruelles et injustes mesures austéritaires sans, pour autant, résoudre les problèmes de fond. L'erreur première de ce système est sans doute que, justement, cette monnaie est « unique » pour des pays fort différents et pas toujours adaptés à la rigueur nécessaire pour « tenir » celle-ci : mieux aurait-il valu construire une « monnaie commune » à quelques pays, monnaie qui aurait cohabité avec les monnaies nationales (voire régionales et municipales...), de la drachme au mark, avec leurs données propres et la capacité d'évoluer (annuellement ou pluri-annuellement) dans leur niveau de change par rapport à la monnaie « centrale et commune » de l’Eurozone. L'avantage de cette formule (qu'il n'est peut-être pas trop tard pour fonder) est d'amortir les chocs pour l'ensemble quand un pays se trouve confronté à des difficultés liés à un endettement trop important ou à une situation particulière (et parfois juste temporaire), et de pouvoir dévaluer sa propre monnaie au sein de l'Eurozone sans fragiliser celle-ci. L'autre avantage c'est de garantir la souveraineté de chaque État au sein d'une Union devenue, aujourd'hui, un carcan et non un outil, ce qu'elle devrait, pourtant, être si elle veut être aimée et, au moins, soutenue et efficace, ce qui n'est plus vraiment le cas...

 

Deuxième point : la résistance inattendue de la Grèce, pourtant exsangue, a montré que la politique économique de l'Eurozone dépend aussi de rapports de forces éminemment politiques... Cela prouve aussi que c'est par le politique que l'on peut infléchir le cours économique des choses, mais qu'il y faut la volonté à la tête de l’État et le renfort de quelques alliés, le combat solitaire étant, trop souvent, voué à l'échec, faute de moyens et de soutiens toujours utiles. De plus, la Grèce ne disposait sans doute pas d'une masse critique suffisante (sur le plan politique comme économique) au sein de l'Union, au contraire de la France qui, en 2012, n'en a pas vraiment fait usage alors qu'elle aurait pu réussir ce que la nation hellène a failli réussir par sa seule détermination... De plus, les opinions publiques européennes ont manqué à la Grèce, trop occupées à leurs propres égoïsmes « nationaux » et ne pensant (comme le veut l'Union) qu'à « la dette des autres», nouvelle paille qui évite souvent de voir la poutre que l'on a dans l’œil...

 

Troisième point, qui précise le deuxième : c'est bien le retour du politique et de sa principale structure pratique, l’État, qui peut changer le rapport de forces et limiter les aspects de plus en plus dévastateurs d'une mondialisation globalitaire « déracinante » qui prône un néo-nomadisme sans limites et, parfois, contraignant. D'ailleurs, M. Tsipras et Mme Merkel ont fait de la politique, dans une lutte inégale entre David et Goliath qui, là, n'a pas tourné, pour l'heure, à l'avantage du plus faible ! Et la chancelière allemande, plus intelligente que son Opinion publique, s'est comportée en fine politique, attachée à cette ligne Siegfried des traités et de la rigueur budgétaire sans, pour autant, « tuer » la Grèce mais en l'encerclant et en la coupant d'éventuels alliés (en particulier de la France, qui était la principale inquiétude de Mme Merkel dans cette affaire) : ainsi, la politique, et en l'occurrence la politique de l'Allemagne, a eu le dernier mot et Mme Merkel a, pour l'heure, renforcé sa position dominante en Europe, autant vis à vis de ses partenaires (vassaux, diraient certains, ce qui n'est pas totalement infondé pour quelques-uns des pays de la zone euro) que de l'extérieur...

 

Je ne dirai pas que tout est politique, mais plutôt que le « Politique d'abord », cette formule éminemment maurrassienne, a montré là, autant du côté grec que du côté allemand, sa redoutable actualité... Cela ne devra pas être oublié dans les prochains mois et aux prochaines échéances !