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16/10/2012

Contre les gaspillages alimentaires.

 

Comme chaque année, la question alimentaire revient dans les médias à l’automne, avant l’ouverture (dans quelques semaines) des Restos du cœur initiés par Coluche il y a déjà bien longtemps, à la suite des soupes populaires d’antan, malheureusement encore d’actualité. La montée rapide du chômage ces derniers mois, la désindustrialisation qui s’accélère tandis que l’agriculture elle-même perd 200 exploitations chaque semaine, la pauvreté qui s’installe à nouveau durablement dans notre pays, parfois au cœur même des villes… : autant de motifs inquiétants qui expliquent que cette question alimentaire mérite un véritable engagement de la Cité pour tenter de la résoudre ou, du moins, d’en atténuer les effets en travaillant en même temps à en réduire les causes profondes.

 

Justement, samedi dernier, un banquet organisé par Canal + sur le parvis de l’Hôtel de Ville de Paris était servi gratuitement à 5.000 personnes, un banquet d’ailleurs un peu original à base de fruits et légumes, et qui avait le mérite de poser, sur ce sujet alimentaire, de bonnes questions et de montrer tout l’intérêt d’une approche qui ne soit pas que caritative mais aussi plus générale. Dans son édition du samedi 13 octobre, Le Parisien explique que « biscornus, légèrement abîmés ou simplement trop gros ou trop petits, ces fruits et légumes auraient dû finir au rebut, faute de correspondre aux critères esthétiques de la grande distribution ». Quel gâchis, peut-on penser à l’évocation de telles destructions alimentaires, à l’heure même où tant de nos concitoyens ne se nourrissent plus correctement ni parfois suffisamment !

 

Selon le journal, « alors que 1 milliard d’hommes souffrent de malnutrition, un tiers de la production alimentaire mondiale est gâchée. (…) Chaque Français gaspille en moyenne, par an, jusqu’à 155 kg de nourriture. » Dans ce même quotidien, on apprend que « 21 % des aliments achetés par les Français sont jetés »… Il y a là un véritable problème qui tient aux comportements induits par la logique d’une société de consommation qui est, comme le signale Serge Latouche, l’un des principaux théoriciens de la décroissance en France, une société de « surabondance » et, par là même, de gaspillages organisés (par la grande distribution) et validés (malheureusement et souvent inconsciemment) par les consommateurs.

 

« Consommer pour produire », telle est la devise de la société de consommation et cette stratégie rompt avec les équilibres à la fois économiques et environnementaux traditionnels, car elle entraîne un véritable emballement de la consommation/achat ou des moyens pour faire acheter au risque, d’ailleurs, de ne pouvoir consommer concrètement tout ce qui a été « consommé » financièrement. L’acte d’achat n’est pas forcément suivi de l’acte de consommation concrète du produit : c’est la différence entre les deux qui constitue le gaspillage, soit ici 21 % des produits alimentaires achetés par les Français…

 

Il fut un temps où rien de ce qui touchait à la nourriture n’était jeté : on accommodait les restes, comme on disait ; on faisait du « pain perdu » qui, justement, ne l’était pas ; et même les animaux de la maison participaient à « nettoyer les assiettes » au lieu de se nourrir des croquettes d’aujourd’hui parfois fort chères… Et puis, on donnait, au soir des dimanches d’agapes ou des après-midi d’anniversaire, des gâteaux et des fruits aux voisins ou à ceux qui, dans la rue, ne mangeaient pas tous les jours du chocolat… Une forme de solidarité traditionnelle qui était aussi dans la logique de cette prière catholique parfois récitée avant le repas, le « bénédicité », où l’on demandait à Dieu de donner du pain à ceux qui n’en avaient pas.

 

Dans cette lutte contre les gaspillages qui sont l’une des causes de la sous-alimentation et des déséquilibres alimentaires de quelques millions de nos compatriotes, mais aussi de plus d’un milliard de personnes sur cette planète, l’Etat a aussi un rôle à jouer, en particulier en favorisant la récupération et la redistribution des surplus des cantines de ses administrations, par exemple, et, surtout, par l’adoption de lois obligeant les collectivités locales, les lycées, etc. à faire de même, tout en respectant, bien sûr, des règles d’hygiène et de sécurité alimentaire strictes

 

De plus, la question alimentaire en France peut trouver des réponses diverses et variées par une nouvelle politique d’aménagement du territoire qui permette de rapprocher un peu plus producteurs agricoles et consommateurs locaux, qu’ils soient ruraux, rurbains ou citadins. Là encore, voici un chantier que l’Etat et les pouvoirs publics régionaux et municipaux auraient tort de négliger, surtout en ces temps de crise et de pauvreté grandissante, mais aussi de colères montantes…

 

17/10/2008

Crises...

La crise financière semble avoir du mal à passer et les bourses restent fébriles : la récession économique est bien là, même si nous n’en ressentons pas encore tous les effets. Mais cette situation peu glorieuse ne doit pas nous faire oublier deux autres crises, apparemment plus lointaines et pourtant bien réelles et touchant au « vivant », que celui-ci soit humain ou animal, voire végétal : la crise alimentaire et la crise climatique.

Aujourd’hui, d’après les chiffres de la FAO, 923 millions de personnes souffrent de la faim dans le monde, soit 75 millions de plus en un an : tragique, et pourtant ! Les Etats qui se sont mobilisés pour garantir des centaines de milliards de dollars ou d’euros aux institutions bancaires et venir au secours de compagnies d’assurance en désarroi sont les mêmes qui ont diminué leur aide aux pays en grande difficulté alimentaire… « La Croix » signale dans son édition du mercredi 15 octobre que « l’aide alimentaire internationale est tombée en 2008 à son niveau le plus bas depuis quarante ans » et que, dans le même temps, « comble de cynisme, alors que lundi les Bourses repartaient à la hausse, se relançait également la spéculation sur les matières premières agricoles ». En lisant cela, il semble difficile de croire que le capitalisme soit capable, par lui-même, de se réguler et de maîtriser ses penchants les plus vils car son principe-moteur est et reste la recherche du profit individuel, quelles qu’en soient les conséquences pour autrui, et que limiter ses effets apparaît à certains comme une atteinte insupportable à la sacro-sainte liberté de productions et d’échanges…

Moraliser le capitalisme ? Le soumettre d’abord aux devoirs sociaux de solidarité et d’équité ! C’est, me semble-t-il, le rôle de l’Etat, garant des équilibres sociaux et artisan de la justice sociale (qui n’est pas l’égalitarisme ou le collectivisme, dont l’Histoire a prouvé les dangers et les crimes) : or, la République de notre pays s’inquiète plus, aujourd’hui, du sort des banques que de celui des pauvres dont le nombre s’accroît jour après jour, chez nous comme ailleurs. Quant à la crise alimentaire mondiale, elle n’intéresse guère un gouvernement français plus occupé à rassurer les actionnaires qu’à aider au financement des opérations humanitaires pourtant vitales en Afrique, par exemple.

Cette situation me choque : alors qu’il faudrait environ 22 milliards d’euros par an « pour assurer la sécurité alimentaire et relancer le secteur agricole longtemps négligé des pays les plus touchés », les Etats les plus développés et les plus riches de la planète font la sourde oreille… Or, un jour viendra où « le pas des mendiants fera trembler la terre » comme l’annonçait Georges Bernanos : ce jour-là, qu’adviendra-t-il de nos sociétés repues, ou semblant telles aux yeux de ceux qui n’ont rien ? Pas certain que les certitudes de nos gouvernants tiennent alors très longtemps face aux réalités nouvelles…

Quant à la crise climatique et, au-delà, la crise environnementale, elle passe elle aussi au second plan, au point de voir le « Grenelle de l’environnement » détricoté par les parlementaires et « asséché », financièrement parlant : là aussi, rien de rassurant !

Décidément, pour que notre Etat change de priorité et remplisse d’abord ses devoirs sociaux d’Etat, ceux-là même qui permettent de rendre confiance aux citoyens comme aux populations qui souffrent dans le monde, il semble nécessaire, au-delà de repenser sa politique, de changer ses institutions pour en changer l’esprit : une Monarchie populaire, pourquoi pas, pour renouer avec la justice sociale et le devoir d’humanité ?