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04/01/2008

Les libertés et le Politique.

Je suis en Bretagne, à Rennes plus exactement, où j’ai installé mes « quartiers d’hiver » pour quelques jours encore. Les cafés dans lesquels je vais lire et écrire sont désormais entièrement non fumeurs et il est vrai que cela est plus agréable pour travailler. Contrairement à ce que certains disaient avant le 1er janvier, la mesure d’interdiction de fumer dans les bars et restaurants a été appliquée rapidement et sans résistances particulières, hormis peut-être dans les petits villages. Mes poumons en sont fort contents, il faut bien l’avouer, même si je n’étais pas forcément favorable à une telle interdiction générale, pour des raisons éthiques mais aussi politiques.

 

Ce qui est intéressant, c’est de noter la rapidité avec laquelle les résistances à cette mesure sont tombées, en une époque qui se vante toujours d’être celle des « rébellions » et des libertés individuelles, voire individualistes… Il est vrai que les amendes annoncées étaient dissuasives, en particulier pour le débitant de boissons : cela a suffi, semble-t-il, pour étouffer dans l’œuf toute velléité d’opposition.

 

Tout comme pour la sécurité routière et les radars fixes installés sur le bord des routes, c’est la force de frappe sur le porte-monnaie qui a été la plus efficace, et non l’esprit de responsabilité ou de liberté des personnes. Tant que l’Etat est capable de tenir cette force-là, il semble encore le maître alors, qu’en définitive, ce n’est sans doute déjà plus entièrement le cas, qu’il n’est plus, dans certains cas, qu’un exécutant des volontés de l’économique et non plus le lieu de la décision et de l’exécution politique. L’impression est aussi que l’Etat, en voie d’ « apolitisation », se contente de mesures morales ou humanitaires, ou de détruire tous les obstacles à la liberté des échanges et des services et au processus de globalisation et d’uniformisation actuel, tant vanté par nos « modernes »…

 

Cela m’amène à penser, de plus en plus fortement, que le déclin du Politique entraîne en définitive celui des libertés personnelles et de l’esprit de responsabilité qui doit ordonner celles-ci, de plus en plus menacés par un Système dont il est difficile de savoir où est le cœur car il distille un état d’esprit parmi tous. Du coup, c’est le « regard de chacun sur chacun, de tous sur tous » qui devient le meilleur moyen de contrôle social et l’Etat devient de moins en moins nécessaire et de moins en moins légitime aux yeux de citoyens qui se croient de plus en plus libres quand ils savent de moins en moins ce qu’est la liberté, en particulier dans le domaine de la réflexion politique ou de la dégustation gastronomique… Triomphe du « politiquement correct » qui n’a rien de très politique, d’ailleurs, car il confond sciemment politique et morale. L’exclamation d’un des fondateurs de « L’Action Française », Henri Vaugeois, « nous ne sommes pas des gens moraux », est aujourd’hui encore plus nécessaire qu’hier pour remettre les choses à leur place et éviter la fin du Politique qui serait la fin des libertés. Quand les anarchistes clament qu’il faut détruire l’Etat, confondant par cette formule le Politique avec celui-ci, ils commettent une dramatique erreur et ouvrent la voie à une loi de la jungle qui ne profite qu’aux forts : ils favorisent le néo-féodalisme contemporain tout en s’affirmant libertaires, ce que résume un propos de M. Deniau-Morat, anarchiste du début XXe siècle dans « Le Libertaire » du 1er septembre 1907 : « Quand bien même il serait avéré que l’établissement de notre bonheur est la proche disparition de l’espèce, nous serions encore pour notre bonheur »…

 

Le combat des prochaines années devra viser à refonder le Politique, et cela se fera aussi par un renforcement de l’Etat, non pas un engraissement déjà trop marqué, mais par un véritable travail de musculation et de reconquête intellectuelle. Les républicains et les démocrates, dont les motivations sont de plus en plus éloignées quand on y regarde bien, ne peuvent mener à bien cet ouvrage nécessaire : les républicains parce qu’ils se figent sur une idée stérile et dogmatique des devoirs et de la nature de l’Etat ; les démocrates parce qu’ils cherchent à déposséder l’Etat de ses prérogatives au profit d’une « société civile » aux contours flous…

 

Il faudra bien alors poser la question des institutions en France pour mener au mieux ce combat du Politique, et oser évoquer, voire mieux encore, la Monarchie « à la française », celle qui délivre l’Etat et lui rend sa force politique en l’émancipant des forces économiques et financières.