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13/09/2021

Vingt ans après le 11 septembre, que faire ?

Il y a vingt ans, le mardi 11 septembre, j’ai assisté comme tant d’autres et par médias interposés à l’attaque de New-York par les islamistes et à l’effondrement des deux tours qui surplombaient, encore triomphantes la veille, la capitale économique du monde : le premier jour du XXIe siècle, en somme, comme l’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand le 28 juin 1914 l’avait été pour le XXe siècle, pour ce siècle que Eric Hobsbawm avait baptisé « l’Âge des extrêmes » et qui fut celui d’un mélange de violences et de contraintes mais aussi de pacifications et de détentes, entre démocraties libérales et démocraties totalitaires, dans une sorte de reprise élargie et mondiale de ce qu’avait été la courte période de la Révolution française. La chute du communisme européen, en 1991, chute qui avait suivi celle du Mur de Berlin a, un temps, pu laisser croire à une possible « fin de l’histoire » vantée par quelques idéologues états-uniens (comme Francis Fukuyama) qui avaient tout simplement oublié les leçons de cette dernière… et qui auraient sans doute gagné à lire Jacques Bainville, à la fois plus prudent et plus lucide : Cassandre a trop souvent raison !

 

Car l’histoire ne s’arrête jamais, en définitive, et le feu couve sous la cendre des histoires passées. L’orgueil démocratique des Etats-Unis, persuadés d’être, par eux-mêmes et leur modèle de société démocratique de consommation, cet « empire du Bien » que tout le monde devrait aimer, est le même que celui qui a perdu l’Athènes de Périclès ou la Rome de Caracalla : bien sûr, la « déroute occidentale » en Afghanistan au mois d’août n’est pas forcément une défaite pour les Etats-Unis qui ont atteint, pour l’heure, leur principal objectif : éloigner guerre et terrorisme international du « Mainland » depuis 2001 tout en refilant les soucis et les conséquences de leur propre stratégie à leurs vassaux européens… Mais les Etats-Unis devraient se souvenir de l’antique formule : « Tout empire périra », formule qui appelle à l’humilité ces géants géopolitiques qui, parfois, deviennent trop imposants pour survivre… « Son embonpoint cache ses pieds », dit une autre formule moins connue et pourtant si explicite ! D’ailleurs, les Etats-Unis ne sont plus cette « hyper-puissance » que l’ancien ministre Hubert Védrine évoquait il y a quelques années, et ils ne font plus vraiment peur à des adversaires ragaillardis par la prise (sans combats) de Kaboul le jour de l’Assomption quand, à l’inverse, ils inquiètent ceux qui se sont placés (parfois bien imprudemment) sous leur protection, en particulier en Europe. La chance de la France, dans cette affaire, est d’avoir gardé les moyens d’une indépendance française, à défaut de toujours savoir ou vouloir les utiliser et les valoriser.

 

Vingt ans après le 11 septembre, il faut bien reconnaître que la situation n’est guère joyeuse et la crise sanitaire participe de cette ambiance particulière et, parfois, désespérante ou défaitiste. Partout dans le monde, les forces islamistes semblent progresser et paraissent pouvoir « frapper où et quand elles veulent », y compris au sein de nos sociétés sécurisées et pacifiées (ou pacifiques), et la France est sur la défensive qui, il faut bien le reconnaître, n’est pas la meilleure position pour affronter les défis de l’avenir avec les meilleures chances. Quand, depuis 2015 et les attentats qui ont frappé la France de la plus horrible des façons, notre pays vit le plus souvent en état d’urgence ou suivant des mesures dites d’exception mais qui deviennent la règle, il est possible de penser que, si les islamistes n’ont pas gagné (et Dieu merci !), ils ont au moins remporté une manche en provoquant une restriction des libertés en France, restriction qui nous prive de quelques aspects de notre civilisation si particulière et joyeuse. Il faut bien admettre aussi que l’actuelle pandémie est une terrible alliée (pour nos ennemis) qui, ironie du sort, masque les visages que ces mêmes islamistes veulent, pour les femmes, couvrir, tout en fermant, dix mois sur les dix-neuf qui viennent de s’écouler, ces lieux si caractéristiques de notre art de vivre « à la française », des théâtres aux restaurants dont les terrasses furent, hier, les cibles des tueurs de l’automne 2015…

 

Faut-il désespérer ? Non, car cela serait reconnaître, ou accepter, le triomphe du Mal, et s’empêcher de vivre et transmettre aux générations suivantes le trésor français. Encore faut-il prendre les moyens de combattre efficacement et il me semble que c’est un double combat, politique et civilisationnel, qu’il faut mener. Maurras évoquait le « politique d’abord » parmi les moyens : « Faîtes-moi une bonne politique, je vous ferai de bonnes finances », s’écriait le baron Louis au roi du moment. Je reste persuadé que ce moyen-là est le premier à mettre en œuvre pour préserver et entretenir ce que nous sommes et aimons (même s’il est possible de préférer tel ou tel aspect plutôt que tel autre, mais c’est la pluralité enracinée qui fait, aussi, notre unité et notre être français), et c’est pour cela que je mène, encore et toujours, un combat royaliste qui n’est pas que celui de l’instauration monarchique, mais qui a comme idée principale que c’est bien un pouvoir dynastique, à la fois central et fédérateur (fédératif, diraient certains), qui peut être le plus efficace dans cette contemporanéité troublée. Quant au combat civilisationnel, dont Georges Bernanos fut un chantre passionné, il paraît plus que jamais, dans le même temps, nécessaire : la France n’est pas une simple société de consommation et les « valeurs de la République », dont la définition se fait de plus en plus floue (d’où les malentendus autour de la laïcité, devenue largement inopérante dans un monde qui ne croit plus au politique et qui prône l’individualisme tout en se communautarisant…), sont impuissantes face aux idéologies religieuses ou impériales, de plus en plus mondialisées dans un monde qui se veut « global ». Notre civilisation française mérite toute notre attention, non comme pour un trésor caché, mais comme un trésor vivant aux multiples aspects, un trésor à transmettre, certes, mais aussi à utiliser, à valoriser, à faire prospérer, sans nostalgie inutile mais avec l’espérance de l’avenir.

 

Du haut de nos cathédrales, tant de siècles nous contemplent… et nous contemplons tant de siècles, passés et à venir…

 

 

 

 

14/11/2015

Vendredi noir.

C’était un vendredi soir d’automne comme on les aime : il faisait doux, et les terrasses étaient pleines, à Paris comme à Versailles ou ailleurs. Certains s’étaient regroupés autour des écrans de télévision qui retransmettaient la rencontre de balle-au-pied entre l’équipe de France et celle d’Allemagne tandis que 60.000 personnes remplissaient l’enceinte du Stade de France ; d’autres étaient au cinéma, d’autres encore dans une salle de concert, dont plus d’un millier de jeunes et de moins jeunes au Bataclan. C’était un vendredi 13, et c’était la « journée de la gentillesse »…

 

En quelques minutes, cette belle soirée a basculé, et ce jour-là restera désormais comme un « vendredi noir », comme un « 13 sanglant » : la terreur a frappé Paris, et les corps déchiquetés par les balles des djihadistes nous rappellent que, désormais, la France est une cible et qu’elle est engagée, qu’on le veuille, le regrette ou non, dans une guerre qui, à défaut d’être mondiale, est mondialisée, frappant indistinctement militaires et civils, et plus encore ces derniers car, dans nos sociétés de communication, le sang des civils effraye plus sûrement que celui des soldats. Les terroristes connaissent bien le fonctionnement de nos sociétés car, souvent, ils y sont nés et en connaissent tous les rites, toutes les fragilités, toutes les peurs…

 

Carlos, ce terroriste désormais emprisonné dans les geôles françaises, avait froidement déclaré : « il n’y a pas de victimes innocentes », formule qui glace le sang mais qui résume bien l’état d’esprit des actuels djihadistes. Pour eux, frapper au hasard, c’est « viser juste », au cœur de nos sentiments, de nos amitiés, de notre nation… C’est toucher la France en son âme, à travers ses jeunes visages déchirés par la mort brutale donnée par des tueurs fanatisés par le nihilisme islamiste. Les corps allongés sur le trottoir, les draps blancs qui tiennent lieu de linceul, les flaques de sang qui s’étendent jusqu’aux rigoles : c’est la France souffrante, celle qui pleure ses enfants morts sur son sol, sur ses champs de macadam qui sont les nouveaux champs d’horreur, un siècle après la Grande boucherie que l’on espérait, au soir de l’armistice de 1918, la « der des ders »…

 

Nous entrons dans le temps du deuil et du recueillement, et nous n’y manquerons pas. Mais cela ne doit pas nous empêcher de réfléchir, quand il faut et faudrait que l’Etat, dans son rôle régalien, agisse et réagisse. Réfléchir aux causes de ce désordre et de ce désastre, et ne pas hésiter à remonter aux sources et à ceux qui, par leur aveuglement ou leur (fausse ?) candeur, ont permis, sans doute bien malgré eux, que ce pire-là arrive : néanmoins, l’heure n’est pas à les accabler, mais plutôt à les conseiller.

 

Devant les cercueils alignés dans notre conscience nationale ; devant les larmes qui, désormais, sont celles de tous les hommes et femmes de bonne volonté et de grande humanité, et de tous ceux pour qui le mot France est cette forte réalité d’unité ou cette belle inconnue dont ils ne connaissent parfois que la silhouette ; devant les questions inquiètes que nous posent nos enfants, nous avons le devoir de ne pas flancher, de ne pas nous abandonner à de vaines colères ou à des vengeances désordonnées (et parfois injustes), de ne pas donner raison à ceux pour qui le chaos est le moyen d’établir ou de renforcer leur règne infernal, mais aussi de ne pas tout accepter d’un Pouvoir aux abois prêt à tout pour se survivre à lui-même ; nous devons relever la tête et, séchant nos larmes, retrouver ce sourire calme et digne qui est aussi celui de l’ange de la cathédrale de Reims, et qui est la meilleure réponse à la grimace des Maudits.

 

Devant cette guerre qui est déjà là et qui est aussi la conséquence tragique des inconséquences des dernières décennies, il nous faudra, malgré tout et sans oublier nos devoirs d’union sacrée, poser « l’immense question de l’Ordre » : en ce sens-là, notre action est aussi politique, éminemment française et capétienne…