Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

21/05/2018

Contre la censure et pour la "disputatio".

Entre deux corrections de copies et le suivi régulier de l'actualité, j'essaye de lire tout ce qui sort en librairie ou dans la presse sur Mai 68, les événements et les idées, et cela nourrit ma propre réflexion sur cette époque particulière mais aussi ses héritages et notre « bel aujourd'hui ». Ainsi, je redécouvre Maurice Clavel, surtout présent aujourd'hui dans la presse d'inspiration catholique et grâce à Gérard Leclerc, son lecteur fidèle et l'un des derniers amis de ce penseur original et non-conformiste. J'avoue que, la première fois que j'en ai entendu parler, c'était lors d'un passage dans les locaux parisiens de la Nouvelle Action Royaliste, au milieu des années 1980, mais les combats de l'immédiat du moment et mes lectures plus « maurrassiennes » d'alors ne m'avaient guère permis d'aller plus loin dans la découverte de ce « drôle de paroissien » aux verres étonnamment épais et peu esthétiques, mais à la si vive intelligence. Aujourd'hui, Clavel est peu cité et inconnu des mutins de Tolbiac, ou des commémorateurs d'un « Mai » fantasmé et devenu stérile d'avoir été trop plagié sans avoir été ni compris ni intelligemment critiqué par les clercs qui prétendent « faire l'opinion ».

 

Pourtant, son « Messieurs les censeurs, bonsoir », jeté à la face d'un ministre et d'une télévision « aux ordres » quelques années après Mai 68, me semble, au-delà de l'heureuse formule, d'une grande actualité à l'heure où la liberté d'expression est de plus en plus encagée par les Tartuffes bien-pensants et, souvent, communautaristes, et que parler librement expose aux foudres judiciaires ou médiatiques des « fâcheux ». Désormais, la censure ne vient plus seulement de l’État ou du parti dominant, elle s'affirme sur (et par) les réseaux sociaux, dans les médias dominants (publics comme privés), et, entre autres, dans les bibliothèques et les universités, sous la houlette d'innombrables Saint-Just : « Pas de liberté pour les ennemis de la Liberté », a remplacé la formule de Jean Yanne, devenue mythe soixante-huitard avant que de devenir la règle d'un certain libéralisme libertaire, « Il est interdit d'interdire »... Ainsi, on est passé de la boutade potache à la froide rigueur de la Vertu « révolutionnaire » ! Du désordre de 1789 à la Terreur de 1793...

 

Il est aussi une censure plus silencieuse, celle de « l'oubli programmé », et nombre d'auteurs ou de penseurs en sont les victimes, sans que cela ne provoque de scandale : Maurras en a longtemps été victime, mais les rééditions récentes, sous des formats variés et dans des maisons d'éditions prestigieuses, en ont fait justice, soulevant à l'occasion quelques débats et beaucoup plus encore de polémiques, alimentées par les pages affreuses qu'il a pu écrire dans son quotidien sans, d'ailleurs, les reprendre dans ses livres eux-mêmes. Mais il est sorti du purgatoire éditorial, et c'est tant mieux : pouvoir relire « L'ordre et le désordre » ou les pages lumineuses du chapitre « Que la France pourrait manœuvrer et grandir » (tirées du « Kiel et Tanger » de 1910) qui ont tant inspiré le général de Gaulle avant qu'elles ne soient citées par son successeur Pompidou devant les étudiants de Sciences Po ; pouvoir citer quelques lignes de « L'inégalité protectrice » (texte reproduit dans un récent hors-série de l'hebdomadaire Le Point) en classe de philosophie comme cela redevient possible ; pouvoir entendre les mots à la fois forts et sensibles de « La prière de la fin » dans une cérémonie de funérailles comme dans une assemblée de colloque... Tout simplement pouvoir lire Maurras comme on lit Marx, ou Voltaire, ou Lénine, ou Jean-Paul Sartre, ou Aragon ! Cela ne vaut pas adhésion ou, même, acceptation, mais cela ouvre au moins la discussion, la « disputatio » sans l'insulte...

 

Mais tant d'autres restent confinés dans les poussières des bibliothèques abandonnées ou publiés en des collections confidentielles, tandis que les mêmes et d'autres, pourtant à la lecture plus facilement accessible, sont systématiquement « oubliés », au point que leur nom suscite, sur les ordinateurs, le liseré ondulé rouge qui signale une faute d'orthographe ou leur inexistence... Faîtes l'expérience avec La Varende, Bernanos, Boutang, Maulnier, Clavel même, et vous le constaterez immédiatement, et tristement, voire scandaleusement... Et pourtant ! Que de trésors chez les uns et les autres, qu'ils soient littéraires ou politiques, philosophiques ou poétiques ! Que de leçons, aussi, à méditer...

 

Ces multiples redécouvertes à faire ne doivent pas néanmoins interdire de lire les nouvelles plumes qui cherchent à penser la politique au-delà des conformismes habituels : aujourd'hui, il est un bouillonnement idéologique que les royalistes, s'ils veulent saisir le monde et peser sur les décisions qui l'ordonnent, ne doivent pas négliger. Sans doute y aura-t-il quelques remises en cause de quelques certitudes « passéistes » (Maurras ne disait-il pas que « Toute vraie tradition est critique »?), mais elles me semblent nécessaires pour préparer les remises en ordre et assumer les libertés à (re)venir...

 

 

 

 

 

 

 

 

 

30/10/2008

Censures diverses.

Ce jeudi matin, pas un seul quotidien national dans mon kiosque préféré ! La cause : un mouvement de grève du syndicat du Livre CGT qui empêche la sortie et la diffusion des journaux papier. Ce n’est pas la première fois c’est toujours une fois de trop. Laurent Joffrin, de « Libération », évoquait sur France-Inter une véritable « prise d’otages » qui étrangle les journaux, déjà bien mal en point, et qui prive les citoyens d’informations et d’opinions sur les faits de la veille : en somme, une forme de censure qui ne dit pas son nom mais qui est bien réelle. Le syndicat du Livre CGT, désavoué par sa propre confédération, n’en a cure, malgré les appels à la raison : attitude irresponsable et inquiétante.

Dans le même temps, l’actuel président de la République, en rupture avec la tradition de la République fondée par de Gaulle, cherche à faire interdire la commercialisation d’une poupée vaudou le représentant (d’ailleurs de mauvais goût, il faut bien le dire), et s’entête après avoir été débouté hier mercredi par le tribunal en faisant appel : et, pourtant ! N’est-ce pas Nicolas Sarkozy qui disait « jadis » qu’il préférait « l’excès de caricature à l’excès de censure » ? L’attitude de Ségolène Royal, elle aussi transformée en poupée vaudou, semble plus convenable (et, surtout, plus politique) qui traite cette caricature par un simple haussement d’épaules.

Je suis toujours inquiet devant les censures, officielles ou non, même si certaines pourraient s’expliquer (mais devraient-elles être appliquées pour autant ?) pour des raisons de sécurité publique, pour éviter des affrontements violents entre groupes communautaires par exemple. Or, il est aussi des censures plus insidieuses et dangereuses encore dans notre République de plus en plus « émotionnelle », censures qui se parent des arguments de « respect » mais ne sont rien d’autres que des attitudes d’intolérance et d’irrespect des libertés d’opinion et d’expression. Certains groupes s’arrogent ainsi le droit de « censurer » ce qui « porterait atteinte à leur dignité », par le recours systématique aux tribunaux, au risque de transformer notre pays en « République des juges », étouffante et liberticide. D’autres censures sont même initiées par certaines municipalités, par le dépôt de plaintes en fait abusives, pour écarter les oppositions politiques, comme j’en ai été moi-même la victime en 2002, aux Mureaux…

Pour répondre à ces censures, il y a la formule de Maurice Clavel, écrivain catholique qui puisait aux sources gauchiste comme royaliste dans les années 70, et qu’il avait lancée en quittant le plateau d’une émission de télé : « Messieurs les censeurs, bonsoir ! ». Ce que je traduis aussi par ma devise personnelle : « la liberté, ça ne se renifle pas, ça se respire ! ». Et ça sent bon aussi l’encre d’imprimerie…