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23/11/2007

Nourrir ou faire rouler ?

Je suis en train de préparer des cours sur les agricultures du monde, thème d’actualité à l’heure où, de plus en plus, le système agro-industriel s’oriente vers des productions énergétiques plus encore que nourricières : sans doute cela s’explique-t-il en partie par l’augmentation de la demande en énergies des puissances émergentes et par la prise en compte de l’épuisement annoncé des ressources pétrolières qui forcent les sociétés à « penser l’après-pétrole ». Il n’est pas anodin, d’ailleurs, de signaler le changement de nom de British petroleum (BP) en Beyond Petroleum (ce qui signifie, me semble-t-il, « Au-delà du pétrole »). Mais cette nouvelle orientation du système agro-industriel a des conséquences qui ne sont pas toutes positives, loin de là : ainsi, désormais, la diminution du nombre d’affamés dans le monde, si elle est encore sensible en pourcentage, est « retardée » dans le nombre même de personnes souffrant de la faim (4 millions de plus en 2005, chiffre qui pourrait augmenter dans les années prochaines de façon encore plus sensible, si l’on en croit les experts de la FAO), et le prix des denrées alimentaires a tendance à augmenter et pas seulement dans les pays du Sud : au-delà du Mexique où le prix des galettes de maïs (nourriture de base des déshérités) a doublé, le maïs servant de plus en plus à fabriquer de l’agrocarburant, désormais plus rentable pour les exploitants agricoles, il suffit de parcourir les rayonnages de produits laitiers ou céréaliers dans les magasins pour constater leur hausse tarifaire...

Ainsi, on peut constater que le Marché, s’il est livré à lui-même, risque d’imposer aux producteurs agricoles des choix qui ne seront pas les plus bénéfiques pour l’avenir des sociétés : en effet, pourquoi les agriculteurs des pays du Nord, mais aussi du Brésil ou d’Inde, se contenteraient-ils de faire de « l’alimentaire » quand les agrocarburants peuvent leur rapporter plus, et plus vite ? Il ne faut pas se leurrer : dans un système strictement concurrentiel, ce n’est pas l’intérêt commun qui domine mais les intérêts particuliers, aussi honorables puissent-ils être par ailleurs.

Dans cette affaire, le rôle des Etats est de veiller à ce que les priorités humaines et éthiques soient respectées, y compris quand cela remet en cause les sacro-saints principes du Marché et du libre-échange. Pour ce qui est de la France, désormais moins productrice qu’elle n’est consommatrice de lait (un comble pour notre pays ! Il manquerait 100.000 vaches laitières en France pour répondre aux besoins des consommateurs), l’Etat se doit de veiller à ce que la Commission européenne ne cède pas aux sirènes des groupes de pression agro-industriels et aux libre-échangistes de tout poil et ne lui impose pas des choix qui seraient ceux du Marché et non ceux d’une agriculture équilibrée et raisonnée. Au regard de l’idéologie qui anime les commissaires européens, la prudence s’impose.

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