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17/12/2007

La Turquie disponible.

La Turquie est aux portes de l’Europe, à tous les sens du terme, pourrait-on ajouter : cela n’oblige pas à rentrer dans le débat sur son entrée dans l’Union Européenne mais il est fort utile de suivre ses évolutions dans un contexte mondial comme local agité ou, en tout cas, apparemment imprévisible. Les bombardements de l’aviation turque ces jours derniers sur les bases du PKK situées au Kurdistan irakien ne sont donc pas anodins et il est étrange qu’ils soient passés, à ce jour, si inaperçus. Ils mettent d’ailleurs en difficulté les autorités irakiennes car ce ne sont pas elles qui ont donné le « feu vert » à l’opération turque mais… les Etats-Unis… Comme si les Etats-Unis avaient désormais conscience que l’Etat irakien n’est plus maître du jeu sur son propre territoire « officiel », et que les peshmergas kurdes qu’ils ont soutenus depuis 1991 ne sont guère disposés à sévir contre leurs « frères combattants », au nom d’une solidarité « nationale » qui, décidément, reste la plus forte face à l’étranger et, en particulier, face aux Turcs.

Mais ce soutien états-unien est aussi une tentative pour « sauver » leur relation particulière avec la Turquie, de plus en plus indépendante de la politique américaine : la dernière affaire en date qui le montre est celle que rapporte l’hebdomadaire « Marianne » dans son édition du 15 au 21 décembre 2007 : « Ankara renonce à acquérir un satellite-espion israélien. La Turquie aurait dû s’engager à ce que l’engin -250 millions de dollars- ne soit pas utilisé pour espionner l’espace aérien israélien. Et le Pentagone exigeait que le satellite ne puisse pas photographier les installations militaires américaines. Pas question que le gouvernement turc accepte ces deux exigences. Un nouveau signe de l’indépendance vis-à-vis de Washington que le gouvernement islamiste expérimente lentement mais sûrement ». La Turquie, en s’éloignant peu à peu de son allié traditionnel, cherche aussi de nouveaux, et plus fiables, « amis privilégiés » : c’est sans doute la chance des pays d’Europe et, peut-être, de la Russie. La stratégie diplomatique ébauchée en 2003 par la France d’un axe Paris-Berlin-Moscou pourrait trouver un nouveau souffle en y adjoignant Ankara, puisque cette capitale va être de plus en plus « disponible ». Le problème est que l’UE a du mal à se concevoir indépendamment du « parapluie américain » et que les dirigeants allemands comme français d’aujourd’hui ne partagent guère l’optique qui pouvait être celle d’un Chirac et d’un Schröder hier : et pourtant ! Quelles possibilités nouvelles et passionnantes ouvriraient un « anneau diplomatique » Paris-Berlin-Moscou-Ankara ! D’autre part, cela pourrait compléter utilement l’idée développée (malgré l’hostilité affichée d’Angela Merkel à celle-ci) par Nicolas Sarkozy d’une « union euroméditerranéenne » qui, en soi, n’est pas mauvaise et rappelle la « Mare nostrum » de l’empire romain qui avait stabilisé et sécurisé toute la Méditerranée en son temps. Cela n’empêche pas évidemment de maintenir des liens euroatlantiques forts mais cela peut fonder un nouvel équilibre géopolitique qui accorde une plus grande liberté aux pays d’Europe et anticipe les difficultés des Etats-Unis à maintenir son statut d’ « hyperpuissance » dans un monde de plus en plus complexe, qui a tendance à se multipolariser depuis l’émergence et la montée en puissance (c’est le cas de le dire !) de l’Inde et de la Chine.

Tout compte fait et aussi étrange que cela puisse paraître, l’avenir de l’Europe n’est peut-être pas entre les mains de l’Union Européenne mais entre celles des grandes nations historiques du continent européen et de ses « marches » : le reconnaître est le meilleur moyen de ne pas se laisser surprendre par demain et, au contraire, préparer l’avenir dans de bonnes conditions, au-delà des idéologies et des nostalgies souvent mortifères…

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