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17/07/2008

Méduses et thon rouge.

Une information passée quasi-inaperçue, sauf pour les vacanciers qui se baignent dans la Méditerranée : la recrudescence des méduses près des côtes, qui peuvent rendre désagréables les baignades lorsqu’elles frôlent les baigneurs… Ce n’est pas la première année que cela arrive, bien sûr, mais le phénomène se reproduit désormais de façon de plus en plus régulière sans que les municipalités puissent faire grand-chose, à part faire ramasser celles qui s’échouent sur les plages. La principale raison évoquée jadis était la chaleur caniculaire mais ce n’est pas vraiment le cas cette année. En fait, la raison la plus certaine est la raréfaction des prédateurs naturels des méduses dont, plus particulièrement, le thon rouge, aujourd’hui surpêché, au risque de déstabiliser toute la chaîne alimentaire méditerranéenne.

 

Comme le signalent les spécialistes, le thon rouge est aujourd’hui pêché au-delà des normes raisonnables, ce qui a entraîné une autre conséquence très visible, la diminution de la taille moyenne des thons pêchés et, donc, du poids moyen de ceux-ci : si j’ai bien entendu ce qui était évoqué à la radio, la moyenne serait désormais de 25 kilos par bête au lieu de 60 il y a quelques années. D’autre part, les capacités de pérennisation de l’espèce seraient gravement atteintes puisque l’on pêcherait le double de ce qui naît, au risque de voir le stock disparaître purement et simplement dans moins de cinq ans !

 

Ainsi, la leçon de la disparition de la morue de Terre-neuve n’a visiblement servi à rien, et l’on refait les mêmes bêtises à quelques années d’intervalle, en se disant que l’on trouvera toujours un substitut ou que l’élevage industriel pourvoira aux demandes des consommateurs… Erreurs dramatiques, comportements irresponsables !

 

Cette année, la Commission européenne a déclaré les quotas de pêche atteints plus tôt que prévu et a intimé l’ordre aux chalutiers français de cesser toute pêche au thon rouge, ce qui ne gêne pas outre mesure des navires venus d’autres pays ou d’autres continents qui, eux, continuent le pillage de façon systématique grâce aux moyens technologiques modernes (sonars et satellites pour repérer à coup sûr les bancs de poissons, par exemple, ce qui ne laisse pas beaucoup de chances aux poissons en question de passer entre les mailles du filet…). Il faut dire que la pêche reste rentable puisque la demande, jusque là principalement asiatique (et particulièrement nipponne), s’est diversifiée et ne cesse d’augmenter, grâce à la mode « mondiale » des sushis : une conséquence malheureuse, pourrait-on dire, de la mondialisation et de l’uniformisation des goûts et des habitudes alimentaires. Et l’accession de nouvelles puissances, démographiquement importantes, à la « société de consommation » multiplie le nombre de consommateurs potentiels qui veulent « faire comme les autres »…

 

Les pêcheurs français de la côte méditerranéenne n’ont pas réagi favorablement aux décisions de Bruxelles, ce qui peut se comprendre au regard de leurs intérêts et des traditions de pêche de notre pays. Mais, au lieu de « sévir sans proposer », la Commission a donné le bâton pour se faire battre, et se contenter de subventions ou d’indemnités, dans une logique purement comptable, reste insuffisant, voire insatisfaisant.

 

Que faire, alors ? S’il me semble important de « relâcher la pression » sur les ressources halieutiques (et pas seulement sur le thon rouge, mais aussi sur les raies et les squales, eux aussi menacés de disparition à court terme en Méditerranée) et donc de limiter les prises, cela ne suffit pas et néglige le sort des pêcheurs, en particulier des « petits », des « artisans de la mer », qui risquent de disparaître eux aussi au profit des grandes entreprises aux pratiques plus dictées par les intérêts des actionnaires que de leurs personnels ou de l’environnement. Aussi, me semble-t-il, la France doit (et par le biais de cette Union pour la Méditerranée baptisée le ouiquende dernier à Paris, elle peut le faire) imposer un véritable moratoire sur les espèces menacées (la simple limitation de pêche semble aujourd’hui insuffisante) mais engager en même temps un véritable programme de préservation et de renouvellement (donc de pérennisation) des ressources halieutiques par la mise en place de « trames bleues », principalement dans les zones de frai et de développement des poissons, cela pour permettre à la pêche méditerranéenne de survivre lorsque la Méditerranée nourricière aura « repris son souffle » et retrouvé son équilibre propre.

 

Les pêcheurs doivent être associés à cette politique : plutôt que les subventionner à « ne pas pêcher » ou financer la « casse des chalutiers », il vaut mieux financer leur travail de « jardinier des mers » en attendant que certaines ressources soient à nouveau suffisantes pour en autoriser l’exploitation, exploitation dont ils seraient alors les premiers bénéficiaires. Cela impose de réfléchir à une nouvelle conception et organisation des « métiers de la mer », et ce n’est pas le Marché qui peut le faire (puisque son principe moteur, y compris à court terme, est la recherche du profit financier, pas toujours compatible avec la « longue durée » nécessaire au respect de l’environnement), mais les instances de l’Etat : la France a un devoir en Méditerranée et au regard des générations futures, et elle doit donner l’exemple et, mieux encore, donner l’impulsion à cette politique fondée sur « le souci environnemental » et sur la « transmission de l’héritage ». La République saura-t-elle assumer ses responsabilités ? S’il faut bien sûr le souhaiter, il est permis, au regard de ses principes et de l’histoire récente, d’en douter : la Monarchie serait sans doute plus appropriée aux défis environnementaux à relever et à la résistance à opposer aux groupes de pression financiers et économiques qui ne manqueront pas de se manifester dès que leurs intérêts immédiats seront « menacés »…

 

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