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14/09/2020

La France face aux périls géopolitiques.

 

La Covid 19 écrase tout dans l’actualité et je ne suis pas certain que cela soit une bonne chose : non que la maladie soit insignifiante ni ses effets fortement indésirables, mais la Terre continue de tourner et la vie de se poursuivre, avec ses bonheurs et ses malheurs, et les grands enjeux de notre humanité, qu’ils soient géopolitiques, économiques ou sociaux, et environnementaux, entre autres, ne doivent pas être négligés, au risque de réveils plus douloureux encore que l’actuelle pandémie. Soyons bien certains que les régimes dictatoriaux ou autoritaires, eux, profitent de l’aubaine, mais aussi nos propres États démocratiques en interne, confirmant les intuitions argumentées de Bertrand de Jouvenel dans « Du Pouvoir » : quand les opinions publiques s’inquiètent de leur propre santé, les Etats chinois et turcs (liste sans exhaustivité…) avancent leurs pions, qui en Mer de Chine, qui en Méditerranée, et le silence des Démocraties fait parfois penser à un « Munich » réactualisé. Et pourtant ! Sans être un adepte de la démocratie libérale dont les faiblesses comme les crispations m’inquiètent, l’histoire nous instruisant terriblement sur ces défauts qui peuvent être, parfois, mortels pour les pays, les populations et les libertés réelles, il me paraît hautement préférable de défendre notre démocratie française, non parce qu’elle serait démocratique mais parce qu’elle est, en ce temps, l’incarnation institutionnelle et politique de la France, et que c’est la France dans son essence, rapportée par son nom même qui signifie « Liberté » (1), qu’il s’agit de préserver envers et contre tout. C’est sans doute l’écrivain royaliste Georges Bernanos qui a le mieux expliqué cette position qui est mienne, en particulier lors de la Seconde guerre mondiale durant laquelle il fut, du Brésil, la plume de l’espérance et de la liberté françaises sans jamais céder aux sirènes de l’idéologie démocratique ni aux honneurs qu’elle semblait promettre à ses thuriféraires. (2)

 

Ainsi, j’ai soutenu, dans cet été meurtrier, la position française fermement tenue par le président Macron face aux ambitions de la Turquie ou plutôt du régime de M. Erdogan qui, sans être une dictature au sens exact du terme, est bien plutôt une « démocrature », doublement nourrie par le suffrage universel (malgré la victoire de ses adversaires à Ankara et Istanbul, victoire aujourd’hui devenue inconfortable et invisible, au moins à nos yeux d’Occidentaux) et le rappel permanent de l’histoire ottomane ou, plutôt, de sa forme la plus « nationaliste ». J’ai soutenu l’envoi de navires français et de quelques avions Rafale qui, par leur simple présence, ont sans doute contribué à gêner les velléités turques de frapper ou d’humilier les Grecs et les Chypriotes, bien seuls dans l’épreuve. Cela a aussi forcé l’Allemagne à « sortir du bois », paraissant « retenir » le bras de la France mais, en fait, se posant en médiatrice dans le conflit pour assurer une sortie honorable à la Turquie de cette impasse géopolitique et militaire dans laquelle cette dernière s’était aventurée. Quand l’Otan avait, purement et simplement, trahi la France en refusant de trancher dans l’affaire de « l’illumination » par des navires de guerre turcs du croiseur français Courbet en juin dernier ; quand l’Union européenne est aux abonnés absents faute d’envie politique et de pensée stratégique, l’Allemagne, pourtant gênée par une « cinquième colonne » turque sur son territoire (et sur laquelle comptait M. Erdogan, en jouant sur le nationalisme ottoman de ses expatriés – plus de 2,5 millions en Allemagne - pour poursuivre ses provocations sans être inquiété), a fait ce que l’on attendait d’elle, tant il est vrai que l’on ne peut attendre de cette « puissance qui ne veut pas être puissance » un engagement plus avancé aux côtés de la France… Tout compte fait, mieux vaut cette posture médiatrice de l’Allemagne que son indifférence qui, pour le coup, aurait mis la France dans une impasse, voire pire… Entre deux maux, il faut savoir choisir le moindre, ce que Maurras résumait en expliquant qu’il fallait toujours éviter « la politique du pire qui est la pire des politiques » : en ce sens aussi, me voilà susceptible d’être accusé de « modérantisme »…

 

Mais ces événements nous rappellent à la nécessité d’un réarmement militaire, non pour faire la guerre en tant que telle, mais pour l’éviter ou, au pire, la contenir. Les provocations de M. Erdogan qui menace la France de tous les maux et des pires défaites possibles sont, en fait et aujourd’hui, d’abord destinées à son opinion publique et à ses partisans : cela en limite la portée, et c’est tant mieux. Mais le bras de fer n’est pas fini, et au-delà du réarmement militaire de notre pays et de son soutien à la Grèce et à Chypre dans cette affaire qui touche aussi à l’exploitation des ressources méditerranéennes d’hydrocarbures, c’est un réarmement moral auquel il faut travailler, réarmement qui passe par un travail de communication et d’éducation « nationales » (au sens fort de ce dernier terme) en France : car rien ne peut se faire durablement si les Français ne comprennent pas toute l’importance de ce qui se joue en Méditerranée, et la nécessité, non de l’affrontement militaire mais de la fermeté politique et diplomatique face aux États bellicistes. De plus, l’Otan, en état de « mort cérébrale » comme le disait avec une certaine justesse le président Macron il y a quelques mois, la France ne peut compter que sur elle-même pour sa défense et doit pouvoir imposer ou du moins défendre son point de vue sans être prisonnière des décisions prises à Washington, ce que le général de Gaulle avait compris, au grand dam des États-Unis de l’époque.

 

Mais nous entrons bientôt en période électorale et la présidentielle est, en notre République, la ligne d’horizon de toute politique, ce qui en limite la portée et l’efficacité : le successeur de M. Macron, si ce dernier n’est pas réélu, aura-t-il la même détermination face à M. Erdogan et à ses ambitions ? C’est bien le grand inconvénient de cette République quinquennale : le risque des remises en cause permanentes, d’une élection à l’autre, remises en cause qui fragilisent la position diplomatique française et défont parfois le travail du président précédent et de ses gouvernements. Il y eut, après le règne gaullien, une sorte de poursuite de l’élan donné dans les années 60 et une tradition qui, parfois, est revenue dans la pratique diplomatique française comme on a pu le voir en 2003 lors du « grand refus » de la France de suivre les États-Unis dans leur aventure irakienne dont les conséquences se font encore sentir de par le monde. Mais, pour enraciner cette stratégie et cette tradition « capétienne » de l’indépendance française, ne faut-il pas réfléchir aux formes institutionnelles de l’État et considérer que le temps doit être un allié, et non une menace quinquennale ? « Faites un roi, sinon faites la paix », écrivait le socialiste Marcel Sembat avant 1914 : mais, si l’on veut l’une, ne faut-il pas, en fait, sur le long terme et face aux puissances parfois incertaines et donc instables et dangereuses, l’autre ? Après tout et au regard du monde périlleux qui s’annonce (ou qui est déjà là, sous nos yeux…), la question mérite d’être posée…

 

 

 

 

 

 

 

Notes : (1) : Le nom de France vient des envahisseurs francs du Ve siècle et signifie, à l’origine « le royaume des hommes libres ». Cela nous a aussi donné le mot « franchises » qui évoque les libertés d’un corps de métier, d’une communauté ou d’une ville sous l’Ancien Régime. On retrouve la même acception dans la langue bretonne qui reprend, en le modifiant légèrement, le terme cité précédemment.

 

(2) : La lecture des textes politiques de Bernanos écrits durant la période de la guerre et de ses lendemains, au-delà de la colère d’un homme qui ne cède rien aux mœurs et aux idéologies triomphantes du moment, m’apparaît, pour plagier Marcel Proust, comme « une cure d’altitude mentale »…

 

 

 

17/07/2008

Méduses et thon rouge.

Une information passée quasi-inaperçue, sauf pour les vacanciers qui se baignent dans la Méditerranée : la recrudescence des méduses près des côtes, qui peuvent rendre désagréables les baignades lorsqu’elles frôlent les baigneurs… Ce n’est pas la première année que cela arrive, bien sûr, mais le phénomène se reproduit désormais de façon de plus en plus régulière sans que les municipalités puissent faire grand-chose, à part faire ramasser celles qui s’échouent sur les plages. La principale raison évoquée jadis était la chaleur caniculaire mais ce n’est pas vraiment le cas cette année. En fait, la raison la plus certaine est la raréfaction des prédateurs naturels des méduses dont, plus particulièrement, le thon rouge, aujourd’hui surpêché, au risque de déstabiliser toute la chaîne alimentaire méditerranéenne.

 

Comme le signalent les spécialistes, le thon rouge est aujourd’hui pêché au-delà des normes raisonnables, ce qui a entraîné une autre conséquence très visible, la diminution de la taille moyenne des thons pêchés et, donc, du poids moyen de ceux-ci : si j’ai bien entendu ce qui était évoqué à la radio, la moyenne serait désormais de 25 kilos par bête au lieu de 60 il y a quelques années. D’autre part, les capacités de pérennisation de l’espèce seraient gravement atteintes puisque l’on pêcherait le double de ce qui naît, au risque de voir le stock disparaître purement et simplement dans moins de cinq ans !

 

Ainsi, la leçon de la disparition de la morue de Terre-neuve n’a visiblement servi à rien, et l’on refait les mêmes bêtises à quelques années d’intervalle, en se disant que l’on trouvera toujours un substitut ou que l’élevage industriel pourvoira aux demandes des consommateurs… Erreurs dramatiques, comportements irresponsables !

 

Cette année, la Commission européenne a déclaré les quotas de pêche atteints plus tôt que prévu et a intimé l’ordre aux chalutiers français de cesser toute pêche au thon rouge, ce qui ne gêne pas outre mesure des navires venus d’autres pays ou d’autres continents qui, eux, continuent le pillage de façon systématique grâce aux moyens technologiques modernes (sonars et satellites pour repérer à coup sûr les bancs de poissons, par exemple, ce qui ne laisse pas beaucoup de chances aux poissons en question de passer entre les mailles du filet…). Il faut dire que la pêche reste rentable puisque la demande, jusque là principalement asiatique (et particulièrement nipponne), s’est diversifiée et ne cesse d’augmenter, grâce à la mode « mondiale » des sushis : une conséquence malheureuse, pourrait-on dire, de la mondialisation et de l’uniformisation des goûts et des habitudes alimentaires. Et l’accession de nouvelles puissances, démographiquement importantes, à la « société de consommation » multiplie le nombre de consommateurs potentiels qui veulent « faire comme les autres »…

 

Les pêcheurs français de la côte méditerranéenne n’ont pas réagi favorablement aux décisions de Bruxelles, ce qui peut se comprendre au regard de leurs intérêts et des traditions de pêche de notre pays. Mais, au lieu de « sévir sans proposer », la Commission a donné le bâton pour se faire battre, et se contenter de subventions ou d’indemnités, dans une logique purement comptable, reste insuffisant, voire insatisfaisant.

 

Que faire, alors ? S’il me semble important de « relâcher la pression » sur les ressources halieutiques (et pas seulement sur le thon rouge, mais aussi sur les raies et les squales, eux aussi menacés de disparition à court terme en Méditerranée) et donc de limiter les prises, cela ne suffit pas et néglige le sort des pêcheurs, en particulier des « petits », des « artisans de la mer », qui risquent de disparaître eux aussi au profit des grandes entreprises aux pratiques plus dictées par les intérêts des actionnaires que de leurs personnels ou de l’environnement. Aussi, me semble-t-il, la France doit (et par le biais de cette Union pour la Méditerranée baptisée le ouiquende dernier à Paris, elle peut le faire) imposer un véritable moratoire sur les espèces menacées (la simple limitation de pêche semble aujourd’hui insuffisante) mais engager en même temps un véritable programme de préservation et de renouvellement (donc de pérennisation) des ressources halieutiques par la mise en place de « trames bleues », principalement dans les zones de frai et de développement des poissons, cela pour permettre à la pêche méditerranéenne de survivre lorsque la Méditerranée nourricière aura « repris son souffle » et retrouvé son équilibre propre.

 

Les pêcheurs doivent être associés à cette politique : plutôt que les subventionner à « ne pas pêcher » ou financer la « casse des chalutiers », il vaut mieux financer leur travail de « jardinier des mers » en attendant que certaines ressources soient à nouveau suffisantes pour en autoriser l’exploitation, exploitation dont ils seraient alors les premiers bénéficiaires. Cela impose de réfléchir à une nouvelle conception et organisation des « métiers de la mer », et ce n’est pas le Marché qui peut le faire (puisque son principe moteur, y compris à court terme, est la recherche du profit financier, pas toujours compatible avec la « longue durée » nécessaire au respect de l’environnement), mais les instances de l’Etat : la France a un devoir en Méditerranée et au regard des générations futures, et elle doit donner l’exemple et, mieux encore, donner l’impulsion à cette politique fondée sur « le souci environnemental » et sur la « transmission de l’héritage ». La République saura-t-elle assumer ses responsabilités ? S’il faut bien sûr le souhaiter, il est permis, au regard de ses principes et de l’histoire récente, d’en douter : la Monarchie serait sans doute plus appropriée aux défis environnementaux à relever et à la résistance à opposer aux groupes de pression financiers et économiques qui ne manqueront pas de se manifester dès que leurs intérêts immédiats seront « menacés »…

 

26/04/2008

Méditerranée.

Le président français était en visite en principauté de Monaco vendredi, visite traditionnelle des présidents français depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale (à l’exception de M. Giscard d’Estaing) à ce petit Etat souverain voisin dont la monnaie est l’euro alors qu’il n’est pas membre de l’Union Européenne et dont l’actuel prince a fait son service militaire (me semble-t-il) sur la « Jeanne d’Arc », navire français, ce qui montre les liens forts (mais complexes) entre le Rocher et la France.

 

M. Sarkozy, sans doute encore « fatigué » de sa prestation télévisuelle de la veille, à moins que cela soit révélateur d’un certain état d’esprit, a  « oublié » de saluer le drapeau monégasque, ce qui revient à négliger de se lever au chant de « la Marseillaise » en France… Oubli qui a agacé le prince Albert II, qui est resté digne devant l’affront mais n’a pas manqué de rappeler discrètement le protocole à son invité…

 

En fait, le plus important était la réunion de travail sur les répercussions du réchauffement climatique, en particulier sur la Méditerranée, et les stratégies à mettre en place pour préserver la mer Méditerranée, pour éviter qu’elle ne devienne ce qu’est devenue la Baltique, c’est-à-dire une mer vide de poissons, envahie par les crabes géants, destructeurs de toutes les autres espèces, achevant ce que la surpêche a déjà fait, en quelques cinquante ans, comme le rappelait le photographe Yann Arthus-Bertrand à cette même réunion.

 

Le prince Albert II connaît bien les problèmes de l’environnement et il s’est lui-même rendu en Arctique, tout comme le prince Jean d’Orléans (Dauphin de la couronne de France), pour constater de visu les dégâts du réchauffement climatique sur les pôles. De plus, c’est Monaco qui, durant de longues années, a soutenu les travaux et les expéditions de la Calypso, le célèbre bateau du commandant Cousteau. Mais, malgré toute la bonne volonté du Prince, Monaco ne peut, tout seul, pas grand-chose : la France, elle, qui a trois façades maritimes et plusieurs centaines de kilomètres de littoral méditerranéen, a plus de poids et de possibilités ; encore faut-il « la volonté de dire et de faire », en ce domaine comme en d’autres. Monaco donne néanmoins l’exemple pour promouvoir une politique de sauvegarde de la Mer, et il ne serait pas inutile de s’en inspirer.

 

Quelles sont les urgences en Méditerranée ? La lutte contre les pollutions littorales, souvent liées à la surpopulation touristique des mois d’été mais aussi aux activités industrielles et portuaires ; la préservation des ressources halieutiques, en particulier le thon rouge, les raies et les requins, aujourd’hui en danger de disparition ; la mise en place de « trames bleues » qui permettent la reproduction et le développement des espèces de poissons dans de bonnes conditions, et en assurent le renouvellement pérenne ; etc.

 

En ce domaine de l’écologie intelligente, la France  doit jouer, plus qu’un rôle de simple acteur, un rôle de moteur, en s’inspirant de l’exemple monégasque : l’idée de « l’Union méditerranéenne », prônée par le président Sarkozy, et qui me semble une idée intéressante si elle est organisée et maniée intelligemment et pragmatiquement, pourrait aider concrètement à cette « gestion durable et soutenable » de cette mer Méditerranée, berceau principal des civilisations d’Europe et, en particulier, de notre France.