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26/03/2023

M. Macron, l'inverse d'un roi de France.

 

Décidément, cette réforme des retraites nous rappelle que, en France, le temps compte parfois plus que les affaires d’argent, et vouloir reporter l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans (1) n’est pas politiquement crédible, comme le souligne le politologue Jérôme Fourquet dans les colonnes du Point cette semaine : « (…) le fond de la réforme est particulièrement impopulaire. Sur le sujet des retraites, il y avait déjà eu de grandes mobilisations contre la réforme de 2010 voulue par Nicolas Sarkozy. Mais, à l’époque, 53 % des Français jugeaient « acceptable » le recul de l’âge de la retraite de 60 à 62 ans. L’Ifop a posé la même question la semaine dernière, sur le recul de l’âge de 62 à 64 ans… Il n’y a plus que 37 % de Français à considérer que c’est acceptable. Cet écart de 16 points change la donne et illustre un degré d’acceptabilité bien plus faible. » Or, il n’y a pas de politique possible sur le long terme s’il n’y a pas un accord minimal des populations avec l’Etat chargé de la pratiquer durant le quinquennat : non pas que le sentiment populaire soit divin, mais il importe d’en écouter les murmures, les battements de cœur, les colères. La République eurofrançaise (maëstrichienne selon l’expression mille fois répétée du philosophe Michel Onfray) ne raisonne plus « du pays vers le monde » mais, a contrario, suivant une logique de mondialisation et d’adaptation à celle-ci, logique terrible qui place les personnes après les intérêts économiques. Non qu’il faille oublier les contraintes de l’économie et nos devoirs nationaux à l’égard de nos partenaires, que cela soit dans le cadre de l’Union européenne ou, plus largement, à l’échelle du monde et de l’histoire, mais il s’agit de remettre les priorités dans l’ordre.

 

Le soulèvement des Gilets jaunes avait marqué le premier quinquennat de M. Macron mais le président avait habilement manœuvré et il a su profiter de la « grande peur des bien-pensants » pour reprendre la main et se faire réélire en suivant la même stratégie, non celle de l’élan démocratique mais plutôt de la défense républicaine contre un hypothétique péril pour la République incarné par celle qui se rêve en Giorgia Meloni française… Mais aujourd’hui la contestation de la réforme Borne s’est muée, comme le signale à raison M. Fourquet, en une contestation de la présidence Macron, et le fusible primo-ministériel est déjà grillé, plaçant le locataire de Mme de Pompadour en première ligne ! La dyarchie républicaine (selon le droit constitutionnel…) ne préserve plus le souverain électoral présidentiel, et c’est la monocratie républicaine (souvent confondue à tort avec la Monarchie royale) qui apparaît désormais menacée, dans un schéma de crise des institutions qui dépasse ceux qui les occupent aujourd’hui : « (…) c’est très compliqué de se sortir d’un tel bourbier. J’ai tendance à penser qu’un remaniement ne produirait rien. On peut changer les fusibles en nommant un nouveau gouvernement. Mais remplacer des inconnus par d’autres inconnus, ça n’a jamais servi à grand-chose. Le point de crispation s’appelle Emmanuel Macron, et sa lecture très jupitérienne des institutions. » (2) Jupiter, en imposant à son Premier ministre Mme Borne de frapper l’Assemblée nationale d’un 49.3 (49.3 qui, par essence, a foudroyé toute discussion sur le débat en cours) s’est transformé, aux yeux de nombre de nos concitoyens, en un incendiaire irresponsable et a réactivé une contestation qui semblait en passe de s’épuiser. Et son discours de justification de mercredi dernier a prouvé à qui en doutait encore que n’est pas de Gaulle qui veut, ou alors celui de l’intervention télévisée ratée du vendredi 24 mai 1968…

 

Néanmoins, certains manifestants, dans leurs slogans, ont confondu le président avec un roi, et lui ont promis le sort de Louis XVI qui, pourtant, fut l’inventeur de la formule « justice sociale » en 1784 et celui qui, sans le dire expressément, a mis en place la première expérience française de suffrage universel en même temps qu’il demandait à tous les peuples de France, dans leurs paroisses et leurs métiers, de rédiger des cahiers de doléances (il y en eut alors 60.000 sur tout le royaume) : en fait, il y a un grand malentendu sur ce qu’est un roi, ce que le philosophe Marcel Gauchet avait compris et explicité en quelques lignes qu’il importe de reprendre ici : « Un roi, ce n’est pas un manager, pas un patron de start-up qui secoue ses employés pour qu’ils travaillent dix-huit heures par jour pour que les Français, par effet d’entraînement, deviennent tous milliardaires ! Dans la tradition française, un roi, c’est un arbitre. Quelqu’un qui est là pour contraindre les gouvernants à écouter les gouvernés. Quand les gens accusent Macron d’être le président des riches, ils lui reprochent surtout de ne pas être l’arbitre entre les riches et les pauvres. » (3). La fonction arbitrale de Chef de l’Etat est, aujourd’hui, une demande forte des citoyens, ne serait-ce que parce qu’un arbitre aurait l’avantage, majeur à leurs yeux, d’écouter les doléances du pays tout entier, au-delà même d’un pays légal qui ne leur apparaît pas forcément le plus légitime pour les représenter… Puisque la République ne semble plus en mesure de répondre à cette attente des citoyens, il n’est donc pas interdit de penser qu’une nouvelle forme institutionnelle de la magistrature suprême pourrait être pensée, voire établie : une nouvelle, une vraie Monarchie royale ? Pour ma part, le point d’interrogation est superflu : il s’agit désormais de le faire savoir, autant que faire se peut, à nos compatriotes…

 

 

 

 

 

 

 

Notes : (1) : Ce fameux report de l’âge légal de départ à la retraite que certains peuvent voir ou vivre, dans les professions les plus exposées aux risques industriels ou fonctionnels, comme un âge désormais létal… Il est vrai que l’espérance de vie des travailleurs de force, par exemple, est inférieure d’environ 7 ans à celle d’un professeur, voire de 12 ans si on la compare avec les classes les plus aisées de notre société.

 

(2) : Toujours Jérôme Fourquet, dans Le Point, 23 mars 2023.

 

(3) : Entretien avec Marcel Gauchet, dans le journal belge Le Soir, le 25 décembre 2018.

 

 

26/01/2022

L'élection présidentielle ? Plutôt le Roi libre, et le Premier Ministre élu...

 

« Quelle chance d’être royaliste en période de présidentielle », me dit en souriant un collègue du lycée dans lequel j’ai l’honneur d’enseigner. Il est vrai que l’actuelle campagne électorale, pas encore officielle mais déjà bien (ou mal, d’ailleurs) engagée, n’a rien de réjouissant et de constructif quand, dans le même temps, la crise sanitaire monopolise les ondes et les esprits, comme une sorte d’immense « distraction » au sens premier du terme, c’est-à-dire comme moyen d’éluder tous les autres soucis ou sources de débats. De plus, le paysage électoral, s’il offre une belle diversité de couleurs politiques renforcée par la survenue de nouvelles figures, apparaît souvent comme trop chaotique pour enthousiasmer les électeurs et préparer un avenir français digne de ce nom : sans doute parce que nombre de Français ne se reconnaissent plus dans d’anciens clivages et qu’une partie non négligeable ne croit plus en les possibilités des politiques de « changer les choses ». Ce discrédit de la politique n’est pas vraiment surprenant quand on se rappelle des quatre décennies passées et des désillusions populaires qui firent suite au « tournant de la rigueur » de 1983 (qui fut aussi le temps du ralliement de la Gauche, mais aussi de la Droite anciennement gaulliste, à l’idéologie du néolibéralisme et de « l’Europe » supranationale et si peu sociale), et qui ont renforcé le « pays légal » (particulièrement dans les instances mondialisées et, parfois, bien peu politiques) sans contenter le « pays réel ». Mais la meilleure réponse est-elle l’abstention, cette « absence du peuple » qui, malgré ses scores parfois mirobolants, n’a absolument aucune influence sur le cours des choses ? Je ne le pense pas, et je ne renonce pas à « faire de la politique », non pour me plaindre éternellement et vanter un « c’était mieux avant » qui ne fait guère avancer les débats, mais pour proposer, discuter, convaincre de la nécessité de nouvelles institutions plus équilibrées et justes, ou, mieux, qui remettent la justice au cœur de la pratique institutionnelle par son inscription, non pas seulement formelle mais bien réelle, dans la logique institutionnelle.

 

Les débats actuels valorisés par les médias ne sont guère, il faut le dire, à la hauteur des enjeux de l’élection présidentielle : les petites phrases et les bons mots, les condamnations outrées et les postures indignées, les éclats de voix et l’occultation des problèmes… le spectacle est triste ! Et la politique dévalorisée, juste réduite à un jeu de communication quand elle devrait être, idéalement, une grande et profitable « disputatio » destinée à soulager les maux du temps et à assurer la justice, en particulier sociale. Et pourtant ! L’élection présidentielle reste l’occasion de parler politique et de confronter les idées sans négliger les réalités. Les citoyens, quels que soient leurs opinions et leurs souhaits, accordent souvent plus d’importance et d’intérêt à la « reine des élections » qui revient désormais tous les cinq ans qu’aux autres confrontations électorales, encore plus négligées depuis ces dernières décennies et particulièrement depuis deux ans, quand la préoccupation sanitaire a remplacé (avantageusement pour le gouvernement ?) tout autre souci…

 

Certains pourraient croire que le royaliste que je suis se réjouit de cette situation d’un débat présidentiel délétère qui, tout compte fait, confirme mes préventions à l’égard de la République « disputailleuse » : mais non, je ne suis guère heureux de ce spectacle parce que, s’il démontre à l’envi l’un des défauts majeurs de la République (voire plusieurs à la fois), il discrédite plus largement toute discussion politique et la politique elle-même, ainsi limitée à une foire d’empoigne et à un combat des ambitions personnelles quand il faudrait une ambition, au sens fort du terme, pour le pays et ses âmes.

 

Que peut, alors, faire un royaliste en cette période présidentielle ? Participer au débat, non pour attiser les querelles (elles sont bien assez nombreuses comme cela, non ?), mais pour avancer quelques idées, quelques arguments, et pas seulement pour parler des institutions, même si cela reste évidemment la motivation majeure du royaliste commun. Et, justement (et ce n’est pas contradictoire avec ce que je viens d’écrire à la phrase précédente), pour souligner aussi tout l’intérêt d’une Monarchie royale pour les temps contemporains, au-delà du combat environnemental, social ou universitaire… Car c’est bien cette dernière qui est la condition, dans notre pays, d’une « disputatio » politique apaisée et cadrée sans être forcément dépassionnée. En fait, en Monarchie, la « première place » institutionnelle étant « déjà » prise et occupée par le titulaire de la Couronne, cela assure à la fois la continuité et la pérennité de l’Etat à travers sa magistrature suprême tout en permettant débats et élections pour les autres degrés de l’Etat et pour toutes les institutions du pays, nationales, provinciales, communales, voire professionnelles et universitaires. A partir de là, d’ailleurs, il n’est pas impossible d’imaginer plusieurs principes d’organisations politiques et civiques du pays, et des modes de désignation qui puissent, aussi, être l’objet de débats, d’aménagements et d’évolutions au fil des générations, pour éviter un fixisme qui peut s’avérer déplorable et, même, contraire à toute tradition politique qui, et Maurras a eu le mérite de le souligner (même s’il n’a pas toujours été son propre disciple en ce domaine…), ne peut être que « critique » si elle veut vivre et se perpétuer.

 

La Monarchie royale établie éviterait cette querelle des egos qui revient tous les cinq ans, et nous épargnerait les flots de démagogie qui, trop souvent, submergent la scène médiatique sans que les spectateurs y croient vraiment. Ou, plutôt, elle préserverait la magistrature suprême de l’Etat de cette perpétuelle course à l’échalote qui fait valser les milliards avant que, une fois l’heureux élu titularisé président, les promesses redeviennent chiffons de papier remisés dans les archives parlementaires ou nationales…

 

Cela signifierait-il que le roi en fonction serait insensible aux débats électoraux et politiques qui peuvent animer, voire secouer le pays ? Non, il les écouterait sans doute mais sans y participer directement, dans une situation d’arbitrage à n’exercer que dans quelques occasions rares et particulières, statutairement définies, toujours dans le souci de préserver le pouvoir régalien et son incarnation de la Grande diplomatie française. En fait, le général de Gaulle, en son règne particulier (au-delà de ses défauts et des polémiques historiques), avait esquissé cette posture sans pouvoir l’incarner lui-même, ne serait-ce que du fait des circonstances et de sa désignation par les Grands électeurs en 1958 puis par les électeurs eux-mêmes en 1965, qui ne lui avaient renouvelé leur confiance qu’au second tour, au grand désespoir du général qui avait jusqu’alors pensé que sa « légitimité », née du 18 juin 1940, pouvait suffire à le faire adouber par le corps électoral. Néanmoins, la difficulté contemporaine est de « priver les électeurs de l’élection présidentielle » elle-même alors que, même s’ils sont de moins en moins nombreux à prendre le chemin des urnes, elle semble rester un « droit » auquel ils ne souhaitent pas renoncer comme l’indiquent de nombreuses enquêtes d’opinion et malgré les velléités de Sixième République portée par M. Mélenchon qui, si elle advenait, aurait pourtant ce même effet de « dégagement de la fonction présidentielle de la procédure électorale au suffrage universel direct ». Une solution simple serait donc de transférer l’élection au suffrage universel de la magistrature suprême de l’Etat, désormais non-élective et « dynastique » (royale, en somme), à la fonction primo-ministérielle et gouvernementale, sans calendrier limitatif strict mais avec une remise en cause bisannuelle, par exemple, et avec la possibilité, en cas de volonté des parlementaires ou d’une majorité claire du corps électoral, de procéder à une nouvelle élection au poste de Premier Ministre, en suivant un processus électoral de quelques semaines. L’avantage serait aussi de redonner du sens aux élections législatives qui, pouvant être couplées si le Premier Ministre ou le Roi du moment le souhaitait à celle du premier (Chef du gouvernement sans l’être de l’Etat), porteraient sur la confrontation de programmes plus que de personnes politiciennes et traceraient une carte plus démocratique que partitocratique. De plus, une Monarchie royale qui incarnerait l’unité française aurait plus de capacités pour « fédéraliser » la carte de la nation et rendre aux provinces (ou aux régions), aux communes et aux corps intermédiaires en général, des pouvoirs et les moyens de leur exercice, que notre actuelle République centralisatrice et métropolisée.

 

Ces quelques réflexions et propositions peuvent-elles former un programme institutionnel royaliste pour les décennies à venir ? Pourquoi pas, si l’on veut bien travailler, de façon réaliste et efficace, à la crédibilisation d’une Monarchie royale qui n’est pas qu’un idéal abstrait mais une nécessité politique à faire advenir dans un délai qu’il faut espérer à échelle humaine !

 

 

 

 

 

Post-scriptum : Ces quelques propositions pour une nouvelle Monarchie royale n’engagent évidemment que moi-même, et elles ont vocation à susciter le débat, non à le fermer…

 

03/10/2021

Présidentielle : et si on passait à autre chose ?

 

Depuis quelques jours et quelques sondages, l’élection présidentielle apparaît plus ouverte qu’annoncée auparavant : durant quatre ans, les médias ont entretenu l’idée que le second tour ne serait rien d’autre que la répétition (à défaut d’être la revanche) de celui de la précédente élection de 2017, condamnant ainsi l’électorat à un choix peu motivant entre Mme Le Pen et M. Macron : il n’est pas certain que le choix final qui pourrait sortir de la joute du printemps prochain soit forcément plus heureux ! « Il faut que tout change pour que rien ne change », pourrait-on murmurer en voyant les nouveaux visages et les nouvelles promesses pour l’échéance de 2022. Non qu’il n’y ait des personnes de qualité et des idées parfois fort intéressantes qui traversent la campagne, mais elles semblent prises, les unes et les autres, dans un tourbillon médiatique et dans un tumulte d’imprécations qui en font perdre tout le sens et empêchent, souvent, le débat argumenté et constructif. D’aucuns me rétorqueront qu’une campagne électorale, surtout pour la place suprême de la République, n’est pas faite pour baguenauder intellectuellement et qu’elle est un violent « combat des chefs » (je dirai plutôt des « ambitions » sans que, d’ailleurs, cela soit toujours négatif si celles-ci dépassent la seule personne du candidat…) dont il ne peut sortir qu’un vainqueur. Je ne nie pas cette réalité politique et j’y vois une sélection qui, appliquée à d’autres fonctions, peut parfois être bénéfique. Mais là, il s’agit de donner une tête au pays pour cinq ans, un pays de 67 millions d’habitants et au PIB annuel de plus de 2.300 milliards d’euros, un pays puissance nucléaire (nucléaire autant civil que militaire) et membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, une nation historique et une puissance civilisationnelle… Tout de même, ce n’est pas rien et cela engage !

 

Dans mes premières lectures de Maurras, j’avais été très marqué par un argument du début de ses écrits royalistes qui, s’il ne pouvait encore s’appliquer à l’élection présidentielle (elle n’est redevenue « directe » que depuis la réforme de 1962, l’expérience de décembre 1848 ayant dégénéré en Second empire…), me semblait (et me semble toujours) fort pertinent : dans la finale d’une élection, le scrutin apparaît comme une double « soustraction », celle des voix du vaincu par rapport à celles du vainqueur, et celle des voix du vainqueur par rapport au corps électoral tout entier (qui, au demeurant, n’est pas le corps entier de la nation). Cette opération électorale, normale et habituelle, si elle peut être productive à divers échelons du corps politique de la nation (municipalités, entreprises, etc.) et si elle peut apparaître un moindre mal si le vaincu accepte de suite la victoire de son vainqueur sans remettre en cause la légitimité de celle-ci (ce qui n’enlève rien à ses droits et à ses pratiques d’opposant au Pouvoir légal et, même, peut les légitimer, au moins dans un système qui se veut démocratique et concurrentiel), n’est pas satisfaisante lorsqu’il s’agit de la magistrature suprême de l’Etat, particulièrement depuis que ce sont des hommes de partis ou de communication qui peuvent y accéder : de Gaulle, qui avait ouvert le bal, disposait par lui-même d’une légitimité qui dépassait largement la simple légalité d’un scrutin (celui de 1965, d’ailleurs, lui ayant démontré à son corps défendant – et à son grand désarroi - tous les risques d’une élection présidentielle), une légitimité désormais ravalée aux seules émotions qui fondent les votes, et ce n’est pas celle d’Antigone, mais plutôt celle, contrefaite et incomplète, de Créon !

 

Un vieux Camelot du Roi me disait jadis, avec un sourire que je ne sais toujours pas interpréter bien des décennies après, qu’il fallait « une campagne présidentielle sans l’élection, pour le bouillonnement d’idées et les discussions animées sans le risque de les voir à la tête de l’Etat » : au-delà de la boutade, l’idée n’est pas bête, loin de là, et elle mériterait d’être étudiée. Puisque l’on ne pourra jamais éviter que la parole s’enflamme quand s’engage une discussion politique, pourquoi ne pas en limiter les effets et canaliser toute cette énergie verbale et, parfois, intellectuelle vers d’autres horizons politiques (1) ? Cela permettrait une meilleure qualité ou honnêteté des débats, la « première place » étant justement placée hors de leur champ d’application. En « sanctuarisant » la magistrature suprême de l’Etat sans empêcher le débat politique (voire institutionnel), cette solution aurait l’avantage de dépassionner partiellement (la passion restant un moteur indéniable de la réflexion et de l’action politiques, à ne pas méconnaître pour éviter la « dépolitisation » ou, plutôt, « l’impolitisation » de la Cité française) la vie politique et les enjeux électoraux, ramenés à de plus justes et logiques dimensions : c’est l’un des avantages certains (et reconnus par nombre d’observateurs de l’histoire politique et institutionnelle) que pourrait procurer l’instauration d’une Monarchie royale à la tête des institutions du pays.

 

En somme, pour en finir avec cette « présidentielle permanente » qui caractérise la vie démocratique en France, le mieux serait d’établir une « autorité permanente », durable et éternellement renouvelable par la succession héréditaire, et qui garantirait le bon exercice de la « disputatio » politique dans le cadre des institutions, du Parlement à la Commune et au Métier. Pour que la transmission de la magistrature suprême ne se fasse plus à coups de slogans et de manœuvres délétères parfois, mais dans le dernier souffle d’un homme qui transmet la vie royale en perdant la sienne : « le roi est mort… Vive le roi ! »…

 

 

 

 

 

 

Notes : (1) : Les batailles électorales législatives, aujourd’hui dans l’ombre portée de la présidentielle et souvent dénaturées par le résultat de celle-ci, en seraient recrédibilisées, par exemple. Et cela serait vrai aussi des autres scrutins, régionaux, départementaux et municipaux, entre autres.