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08/03/2017

N'oublions pas les ouvriers français !

Doit-on parler de la question ouvrière en 2017 ? Elle est, en tout cas, l'une des grandes absentes du débat présidentiel, comme si elle n'était qu'une annexe mineure des débats économiques et sociaux, et qu'elle n'avait plus de sens sur la scène politique française. Il est vrai que les ouvriers ne représentent plus « que » 5 millions de personnes environ, et que leur nombre s'effrite chaque année un peu plus devant l'avancée de la robotisation, les délocalisations et la poussée permanente de la tertiarisation des sociétés. Le monde paysan a connu le même processus de déperdition numérique et d'effacement de sa visibilité aux yeux de nos contemporains depuis plus d'un siècle, processus accéléré par les fameuses « Trente Glorieuses » et le triomphe de la société de consommation depuis les années 1960 en France comme dans le reste de l'Europe. Aujourd'hui, les ouvriers sont quasiment effacés de la représentation médiatique de notre société contemporaine, et l'éclat de rire des chroniqueurs de M. Ruquier devant le candidat d'extrême-gauche Philippe Poutou, un authentique ouvrier industriel, signifiait, d'une certaine manière, le congé que la Gauche donne désormais à une classe productrice manuelle qu'elle ne veut plus reconnaître en France, si ce n'est comme une masse pourvoyeuse de votes populistes... L'ouvrier français n'est-il pas, effectivement, la « mauvaise conscience » d'une Gauche qui, jadis ouvriériste, a préféré les sirènes de l'altérité lointaine ou exotique à la défense et pérennisation d'une classe de travailleurs un peu trop proches et parfois attachés à des traditions qui leur donnaient « corps et sens » dans une société qui « du passé fait table rase » ?

 

Pourtant, il y aurait de quoi débattre et proposer sur les conditions de formation, d'accès à l'emploi ou des pratiques et calendrier de travail, voire sur le cadre industriel ou sur l'organisation des chantiers, etc. Sans oublier les questions salariale et de la pénibilité du travail dans certains secteurs d'activité (industrie, bâtiment, etc.), et celle de la santé des ouvriers, dont l'espérance de vie générale serait de sept ans moins élevée que celle des cadres ou des enseignants, tandis que leur espérance de vie sans incapacité majeure ou « en bonne santé » (trop peu évoquée et pourtant beaucoup plus significative) serait encore plus éloignée de celle des salariés du tertiaire...

 

Souvent, la question ouvrière n'est abordée qu'au moment des fermetures d'usines, quand il est déjà trop tard pour sauver les emplois eux-mêmes, et sous l'angle d'une désindustrialisation qui serait dans le cours du temps et dans la logique de la mondialisation, et contre laquelle certains nous expliquent doctement qu'il est inutile de lutter... Les ouvriers sont les grands sacrifiés de la mondialisation, et ce n'est pas seulement vrai en France ! La condition ouvrière dans les pays ateliers d'Asie ou d'ailleurs n'a rien à envier à celle que décrivaient Zola, London et Simone Weil en leurs temps respectifs... Et celle des ouvriers français de 2017 est désormais fort dépendante des intérêts et des spéculations de quelques financiers ou actionnaires qui ne laissent s'installer les unités de production que là où ils seront sûrs de faire les meilleurs bénéfices, sans trop regarder au sort de ceux qui leur permettront ces dividendes de plus en plus souvent fruits d'une exploitation brutale des travailleurs locaux.

 

Alors, que faire ? Doit-on se résoudre à l'abandon des classes ouvrières françaises pour complaire aux investisseurs ? Doit-on s'empêcher de penser aux améliorations possibles des conditions de travail en France ? Sûrement pas ! Et le vieux royaliste social que je suis espère bien que la question ouvrière ne sera pas vue sous un angle seulement économiste ou compassionnel mais qu'elle sera posée dans des termes de mieux-être au travail, de qualité et d'intégration dans les nouveaux équilibres écologiques et sanitaires, ne serait-ce que pour permettre aux ouvriers d'usine comme du bâtiment (entres autres) d'espérer vivre mieux et plus longtemps au regard des chiffres d'aujourd'hui, y compris après la période professionnelle.

 

Non, la question ouvrière, qui peut se décliner en multiples questions professionnelles, productives et sanitaires, ne doit pas être négligée, ni dans cette campagne présidentielle ni hors et après celle-ci ! Sans doute faudra-t-il la rappeler régulièrement aux hommes politiques qui ont tendance à ne voir que les chiffres et à oublier ceux, les ouvriers, qui leur donnent de la consistance par leur rude travail quotidien.

 

Dans l'histoire, et sauf quelques notables exceptions comme celle du Front Populaire (avec les erreurs, voire les fautes de celui-ci dont les conséquences se firent sur le long terme et au dépens de la France comme de ses travailleurs) mais aussi de l'époque gaullienne, la République n'a guère eu beaucoup d'égards envers les ouvriers, préférant les fusiller en 1848 à Paris comme en 1908 à Draveil, puis les matraquer ensuite avant que de les juger et condamner ces dernières années pour mieux décourager toute colère et toute contestation ouvrières.

 

En ouvrant une ancienne brochure royaliste des années 1900, je tombe sur ces quelques phrases auxquelles j'avoue souscrire entièrement, en attendant mieux encore par l'action politique et la conquête sociale : « Les intérêts du Roi et de la classe ouvrière sont confondus. Le Roi exilé, c'est la classe ouvrière maintenue dans la servitude ; le Roi sur le Trône, c'est l'abolition du prolétariat, c'est le droit de cité restitué à la classe ouvrière ». Oui, le droit de cité, le droit de se faire entendre et respecter par les forces financières et industrielles, et celui d'être écoutée et, éventuellement et autant que faire se peut, soutenue par une classe politique qui, aujourd'hui, préfère parler de « valeurs de la République » mythiques plutôt que de préserver les intérêts concrets des ouvriers, ceux d'ici et de maintenant.

 

Puisque la République ne veut pas assurer la défense ouvrière française, il faudra bien que les royalistes, sociaux par nature, assument avec d'autres (qu'ils soient de droite ou de gauche, des marges ou des centres, syndicalistes ou indépendants), cette régence-là, en préparant le recours à cette Monarchie qui, pour s'enraciner, se devra d'être sociale et politique à la fois, juste et forte, protectrice et fédératrice. En un mot : royale !

 

 

 

 

 

 

 

06/03/2017

L'hérédité et la révolution royale.

La Nouvelle enquête sur la Monarchie est l'occasion de rappeler quelques principes fondamentaux de l'institution royale, sans négliger que celle-ci est aussi empirique et qu'elle peut évoluer dans le temps, par souplesse et en appliquant cette « tradition critique » que vantait tant Maurras à défaut de toujours l'appliquer. Ainsi, évoquer la Monarchie comme une « révolution royale » n'a rien de bien surprenant, même si le terme « révolution » n'est guère populaire parmi nombre de monarchistes « contre-révolutionnaires ». Néanmoins, l'usage que je fais de ce terme n'enlève en rien ma défiance à l'égard de « la Révolution », qu'elle soit française ou iranienne, celle qui se pare d'une majuscule comme d'un mur menaçant, celui contre lequel on assassine les contradicteurs...

 

 

 

Cette révolution royale n'est effectivement possible que par le mode même d'accession à la magistrature suprême de l’État en Monarchie : l'hérédité, et, en paraphrasant quelque doctrinaire célèbre, l'on pourrait parler d'une « révolution permanente », du moins à (et par) chaque génération royale qui accédait au trône, ce qu'avait souligné le comte de Paris dans les années 1980. Quand le fils succède au roi son père, il devient lui-même roi, par ce qui est le plus tragique et le plus naturel des événements, la mort de celui à qui il doit la vie même : « le roi est mort, vive le roi ! ». Ainsi, c'est de la naissance et de la mort que la Monarchie tire sa force et son indépendance : la naissance est la seule chose que, aujourd'hui, l'on ne peut acheter, et, le plus souvent, la mort est une chose qui reste largement inattendue... Le choix, dans l'un ou l'autre des cas (mais plus évidemment en la naissance qu'en la mort qui peut aussi être provoquée ou « avancée »...), n'appartient pas exactement aux hommes et, donc, n'est pas un effet de manœuvres politiciennes ou de combinaisons électorales : c'est néanmoins principalement la naissance qui donne ainsi une totale indépendance au roi, qui ne doit son trône qu'aux effets d'un « hasard contrôlé », issu de l'union d'un homme et d'une femme, et qui peut, par ce mode de succession, parler à tous sans apparaître devoir son pouvoir à l'un ou l'autre des partis qui, au sein ou en dehors de l’État, aspire à gouverner.

 

Mais, comment contrôler le hasard dans le cadre de la Monarchie, se demanderont certains ? En fait, c'est l'ordre même de la succession et ses règles qui permettent ce contrôle et assure une continuité et une légitimité à la magistrature suprême de l’État. Ainsi, il n'y a pas de surprise le jour où le roi meurt : c'est tout naturellement que le sceptre glisse des mains du feu roi vers le nouveau souverain, et que celui-ci peut le brandir aux yeux du pays et du monde, quelles que soient ses qualités ou, même, ses défauts, et les rois, hommes parmi les hommes, n'en sont pas dépourvus. L'avantage de la Monarchie, c'est que, justement, elle ne nie pas la part « fautive » de toute humanité : elle prend les hommes tels qu'ils sont, et non tels qu'ils devraient être dans un idéal d'homme « parfait », idéal qui, malheureusement, mène trop souvent aux dérives totalitaires de « l'homme nouveau » expurgé de toute possibilité d'erreurs mais aussi de pardon de celles-ci... « Que celui qui n'a jamais péché lui jette la première pierre », dit Jésus dans l'évangile de saint Jean. La Monarchie reste un régime éminemment humain et non un système idéologique : plus encore qu'une doctrine, qu'elle peut être, elle est d'abord un ordre et une pratique qui se fondent sur les lois fondamentales de la nature humaine sans se laisser posséder ou dominer par elle.

 

L'histoire nous a prouvé que cette règle du « hasard contrôlé » assurait la succession et la continuité au faîte de l’État sans qu'il soit vraiment contesté, du moins beaucoup moins que lors des joutes électorales dans lesquelles les prétendants doivent se justifier en permanence de leurs prétentions et de leurs soutiens, voire de leurs choix anciens ou de leur « légalité ». La naissance d'un dauphin assure la permanence de la magistrature suprême qu'il n'exerce pourtant pas encore : cela nous rappelle que, plus qu'un homme seul, le roi est un héritier qui, à son tour, transmettra l'héritage ; il est un maillon de la longue chaîne dynastique qui traverse les siècles et autorise cette longue vie et mémoire de la nation aux yeux du monde et des générations présentes et à venir. Dans un monde incertain et dans une nation qui doute parfois d'elle-même, c'est un point de repère et un ancrage dans le temps qui sont loin d'être inutiles...

 

Néanmoins, les rois ne sont pas identiques, et chacun est unique : c'est aussi cela cette « révolution permanente » royale ! le fils n'a pas forcément les idées du père car il est né en d'autres temps, sous d'autres étoiles, et il s'inscrit dans une autre contemporanéité. D'ailleurs, s'il est roi, ce n'est pas pour être le clone de son prédécesseur mais pour assurer la continuité de la magistrature suprême de l’État, et son exercice politique nécessite une prise en compte des réalités du moment qui ne sont pas forcément celles du siècle passé : le roi est libre, dégagé de l'action de son père s'il n'est libre de son ascendance, et il renouvelle la figure incarnée de l’État, comme son fils la renouvellera à son tour le jour venu, cela sans menacer en rien l’État lui-même qu'il pérennise.

Il est un autre avantage, peu évoqué, mais qui n'est pas négligeable : la succession dynastique en France, par principe, rajeunit le trône d'une génération à chaque fois ! Encore une forme de « révolution » qui n'est pas forcément mauvaise, et qui donne à chaque génération (ou presque) « son » roi, celui qui vieillit en même temps qu'elle sans que les autres ne soient oubliées par ce mouvement naturel du temps qui passe : il joue aussi, par sa fonction et sans oublier sa place dans une famille qu'il représente le temps de son règne, le rôle d'un trait d'union entre toutes les générations du pays... Le roi est cet homme qui n'est pas prisonnier d'un calendrier électoral mais qui n'est pas libre du temps qui passe, d'un temps qu'il accompagne sans le dépasser, qu'il peut commander parce qu'il lui obéit.

 

Quand l'heure de sa mort est venue, qu'il « a fait son temps » sans que son départ soit l'objet de son choix mais bien plutôt (en majeure partie) d'une forme d'externalité parfois peu maîtrisée (la maladie, la vieillesse, l'épuisement du corps qui peuvent avoir des effets si différents selon les êtres, mais aussi parfois l'accident), il peut fermer les yeux en sachant que, demain, son successeur sera déjà là, qu'il est déjà là et qu'il porte en lui et par lui-même la fonction royale... « Messieurs, je m'en vais, mais l’État demeure, demeurera toujours », souffle Louis XIV sur son lit de souffrance dont il sent bien qu'il sera son lit de mort...

 

« En France, le roi ne meurt jamais », affirmaient les légistes de l'Ancienne France : c'était l'assurance que la France, elle aussi, vivrait toujours...

 

 

 

 

(à suivre : la Monarchie n'est pas un parti)

 

 

 

20/02/2017

La tentation de l'argent en politique.

La Cinquième République vit une campagne présidentielle éprouvante et qui ressemble de plus en plus à une fin de régime, qu'on le veuille ou non. Certains y voient l'occasion de vanter une Sixième République, et en font le nouvel horizon des gauches, comme la promesse d'un changement radical et propre à remettre la France, ou l'idée qu'ils s'en font, en état de marche, voire « en État » tout court. Mais cette Sixième ressemble étrangement à la Quatrième, avec un Parlement trop puissant pour permettre à l’État de tenir son rang et jouer sa partition particulière dans le monde et en Europe. Elle risquerait bien de faire disparaître tout ce que la République, sous l'inspiration gaullienne, avait repris de la Monarchie capétienne, politiquement et diplomatiquement parlant, et qui faisait de la Cinquième une synthèse, plus ou moins réussie, entre deux traditions fortes de notre pays, la monarchique et la républicaine.

 

Il est vrai qu'il y a longtemps que l'esprit du fondateur de la Cinquième s'est évaporé dans les palais et les couloirs de la République : il n'en est resté, le plus souvent, que la triste et pitoyable caricature, et le service de l'Argent a parfois, souvent même, remplacé celui de l’État, de la nation et des peuples de France. Un service égoïste, pourrait-on dire si l'on considère les cas les plus récents de MM. Cahuzac, Morelle, Lamdaoui, Arif, Thévenoud, pour la gauche socialiste, ou ceux de MM. Balkany, Sarkozy et, évidemment, Fillon, pour la droite républicaine. « Nul ne peut servir deux maîtres », écrit saint Matthieu. « Car, ou il haïra l'un, et aimera l'autre ; ou il s'attachera à l'un, et méprisera l'autre ». De Gaulle, souvent invoqué mais peu suivi, considérait que la politique de la France ne pouvait se jouer à la Bourse et que l'argent ne pouvait être qu'un serviteur, non un maître : « l'intendance suivra », affirmait-il dans un réflexe que certains qualifiaient alors de « maurrassien » parce qu'il rappelait, par sa formule lapidaire, que c'était bien à l’État, au politique, de fixer les tâches de l'économie (et non l'inverse), de commander à l'Argent et non de se laisser commander par lui. N'était-ce pas là la politique des rois de France, par exemple d'un Louis XIV qui n'hésita pas à emprisonner l'homme le plus riche du royaume, jadis bon serviteur de l’État, mais qui avait cru que sa bonne fortune allait lui ouvrir toutes les portes et lui permettre d'aller plus haut que la magistrature suprême de l’État ? N'était-ce pas l'application du « Politique d'abord » cher à Maurras ?

 

Or, aujourd'hui et au-delà même de l'amour que nombre de personnalités politiques portent à l'argent (une passion fort humaine, sans doute, mais dont justement ceux qui se targuent de faire de la politique devraient faire l'économie, au moins quand ils sont censés servir l’État ou qu'ils en revendiquent l'honneur), c'est l'exercice même de l’État qui souffre de cette dépendance intellectuelle et morale des dirigeants de la République à l'Argent-Maître. Ne dit-on pas que c'est lui qui « fait » les élections ? Si cette idée me semble un peu réductrice, elle n'en révèle pas moins un fond de vérité, et l'on imagine pas un candidat, quel qu'il soit et à quelque scrutin qu'il se présente, qui puisse se passer de ce précieux allié, fût-il le meilleur orateur ou le plus fin des stratèges ès-élections. Le souci n'est pas, d'ailleurs, qu'il soit un allié mais trop souvent un tentateur et, bientôt, « le » maître, celui à qui l'on cède tout en croyant le maîtriser...

 

La corruption en politique est une réalité qu'il ne faut pas méconnaître. Que la République en soit autant la victime que l'inspiratrice ou l'instigatrice doit nous interpeller sur son incapacité notoire à la maîtriser, et cela depuis ses origines et malgré ses grands principes et sa vertu revendiquée : l'histoire de la Révolution, au travers de ses grandes figures, et en particulier celle de Danton, en est l'illustration éclairante mais pas vraiment satisfaisante sur le plan politique plus encore que moral.

 

La mission de la Monarchie « à la française », au jour de son inauguration, sera de rappeler la règle simple de l'honnêteté à ceux (et pour ceux) qui doivent servir le pays : non par « moralisme » mais pour incarner une exemplarité nécessaire aujourd'hui pour apparaître légitime et juste aux yeux des citoyens, et redonner crédibilité et autorité à l'action de l’État, qui en a bien besoin pour affronter nos temps incertains et les défis de demain...