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12/04/2015

Devant la statue du roi Henri IV...

Ce dimanche 12 avril, le Groupe d'Action Royaliste rendait hommage au roi Henri IV, à Paris, au pied de sa statue du Pont-Neuf, comme chaque année depuis 2008 : drapeaux royaux flottant au vent, militants fleurdelysés, gerbes de fleurs déposées sur les marches... « Union des Français » indiquait l'une, tandis que l'autre rappelait le « souvenir des Camelots du Roi ». Tant de visages amis, des mains qui se serrent, des paroles qui s'échangent, la joie de se retrouver, en toute amitié française et royale : une commémoration n'est pas, pour les royalistes, un moment triste mais un acte de fidélité, de cette fidélité créatrice qui est aussi action.

 

A la demande de mon ami Frédéric Winckler, président du Groupe, j'ai prononcé un bref discours dont voici quelques extraits ci-dessous :

 

« Nous voici devant la statue du roi Henri IV, symbole d'une unité qui est tout l'inverse des divisions multiples du jeu électoral républicain d'aujourd'hui : à peine les Départementales terminées, voici que les querelles des factions reprennent de plus belle, entre partis et au sein de ceux-ci ! (…) 2017 : ils y pensent déjà, ils n'ont jamais cessé d'y penser depuis la dernière présidentielle, et nous voici en présidentielle permanente, sans répit ni repos... Et M. Hollande y croit encore quand M. Sarkozy s'y voit déjà, à nouveau.

 

Bien sûr, en France, en monarchie comme en république, les débats et les querelles ont toujours existé, et c'est sans doute tant mieux ainsi, au moins pour les débats. Mais quand le jeu électoral, le jeu des factions et des féodaux divise au plus mauvais moment et empêche, en définitive, l'indépendance de l’État, c'est toute la nation qui est affaiblie, à l'intérieur comme à l'extérieur.

 

Henri IV, avant même de devenir le roi que nous honorons aujourd'hui, l'a bien compris (…), et dans sa reconquête du royaume, il a cherché à vaincre mais non à humilier ; à rassembler plutôt qu'à diviser.

 

Une fois roi établi, il a agi en roi souverain, et non en chef de la faction victorieuse, non en suzerain de ses alliés et de ses hommes, mais en souverain de tous, amis comme ennemis, catholiques comme protestants...

 

Il a recousu, par son action comme par son statut, la tunique déchirée de la France, de l'unité française.

 

Sa personne et son intelligence y furent pour beaucoup, mais cela aurait été vain s'il n'avait été roi, « le » roi ! Il n'était l'élu de personne, il n'était le client de personne : sa légitimité ne tenait pas à une manœuvre, mais à la suite dynastique, familiale, naturelle qui faisait de lui, par son cousinage, le plus naturellement lié à son prédécesseur.

 

Il pouvait donc librement parler, décider, agir, en roi, en souverain, en « France » qu'il incarnait et qu'il gardait.

 

L'écrivain et essayiste Thierry Maulnier parlait de « miracle de la Monarchie » : c'est un miracle bien politique, « politique d'abord », et, au pied de la statue du roi conciliateur et réconciliateur, nous ne pouvons que souhaiter que ce miracle se reproduise et se renouvelle, aujourd'hui pour demain et les générations à venir. Car, au-delà de nos différences de nature, d'être comme d'opinion, il faut bien à notre pays un principe d'unité, une unité incarnée pour pouvoir, nous, nous écouter, nous comprendre, nous disputer aussi, mais sans menacer ce qui constitue notre condition d'existence au monde : la France. »

 

 

07/10/2014

Le cardinal de Richelieu : servir l'Etat.

 

En relisant quelques revues royalistes des années 2000, j'ai retrouvé un article que j'avais écrit pour Les Épées, un trimestriel monarchiste qui avait pris comme devise la phrase célèbre de Pierre Boutang, philosophe néomaurrassien (postmaurrassien ?), « Le droit du prince naît du besoin du peuple », une formule qui, d'ailleurs, me semble d'une grande actualité. L'article était, en fait, une critique sympathique du livre de François Bluche sur le cardinal de Richelieu, notre grand homme d’État dont il serait bon de relire les écrits pour mieux saisir les devoirs de ceux qui tiennent l’État et sont censés le servir...

 

Voici donc le texte de l'article publié dans Les Épées de février 2004, et intitulé « Servir l’État » :

 

 

 

Dans le bureau de Charles Maurras trônait un superbe buste du cardinal de Richelieu. Cette présence ne devait rien au hasard et signait l'inspiration politique profonde du théoricien de l'Action française. Aussi n'est-il pas inutile de se plonger dans l'essai de François Bluche intitulé simplement Richelieu pour découvrir (redécouvrir) ce fidèle serviteur de l’État. Cela s'avère d'autant plus nécessaire en cette heure où les notions de « service » et d’« État » sont moquées, parfois même ridiculisées par ceux-là mêmes qui devraient en être les défenseurs.

 

La particularité de cet ouvrage est la succession de chapitres courts, de quelques pages seulement, denses sans être lourds et qui évoquent tel aspect du cardinal ou tel événement de sa vie ou de sa pratique politique. C'est aussi ce qui renforce l'aspect pédagogique du livre, des annexes fort complètes et utiles, en particulier la chronologie et le glossaire.

 

Résumer ce livre n'aurait évidemment pas de sens : il n'est pas impossible néanmoins d'en retenir quelques fortes vérités qui, au-delà de l'histoire, peuvent éclairer ce que peut - et sans doute doit – être une politique de tous les temps. Ce que montre Bluche, c'est que, d'une certaine manière, il n'y a pas de Richelieu sans le roi, en l'occurrence Louis XIII. Dans cet ordre politique, comme le souligne Bluche, « C'est le plus intelligent qui conçoit, l'autre corrige. C'est le souverain qui décide, le ministre exécute. Toute la difficulté pour le concepteur consiste à persuader le décideur ». En même temps, Richelieu, fidèle au Roi donc (et parce que) fidèle à ce que le Roi représente et, ontologiquement, « est » c'est-à-dire l’État et le Royaume, est conscient, non de la faiblesse de sa position, mais de sa précarité : si Louis XIII meurt avant d'être père (ce souci disparaît en 1638 avec la naissance du futur Louis XIV), que restera-t-il du cardinal et de son œuvre ? Richelieu est détesté des « Grands », véritables oligarques (et oligarchistes) de son époque. Mais malgré les tiraillements et les querelles, le Roi est d'abord de par sa fonction (ses sentiments peuvent parfois être autres), un politique. L'essai de Bluche, sans omettre les « côtés obscurs » du cardinal et de son souverain, souligne cette forte complémentarité, à la fois institutionnelle et personnelle, entre les deux hommes, et qui, au-delà de la mort, marque le souvenir de l'histoire de notre pays.

 

Quand, en notre République, les souverains présidentiels ne sont que des suzerains de partis, et que les politiciens confondent « servir » et « se servir », l'évocation d'un homme qui sût manœuvrer pour la gloire de l’État et de la nation, qui osa l'impopularité pour mieux accomplir son devoir d’État est source de réflexion, peut-être d'admiration. Il apparaît plus facilement compréhensible, une fois le livre lu, que cet homme-là, ce cardinal-guerrier, ce patriote « de raison, de tradition, de sentiment », ait eu autant d'ennemis parmi « les envieux et les malhonnêtes », parmi ceux qui font passer leurs intérêts ou leurs idéologies avant les nécessités publiques. « Il leur fera toujours peur »...

 

 

 

 

 

François Bluche, Richelieu, Perrin, Paris, 2003.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

27/07/2014

Le dimanche de Bouvines, 800 ans après...

C’était un dimanche et c’est celui qui, d’une certaine manière, va fonder la France, non pas seulement comme entité géopolitique mais aussi et surtout comme un sentiment, celui qui est à la base du vivre-ensemble et qui unit les vivants du moment mais plus encore ceux à venir, au-delà du présent et de génération en génération : n’est-ce pas, en définitive, ce qui forme ce que nous nommons la nation, bien plus mémoire et transmission d’un ensemble d’us et coutumes, de sentiments et d’affinités, que seulement terre des pères, la patrie ?

 

Ainsi, il y a exactement huit siècles, sur le champ de bataille de Bouvines, non loin de Lille, le roi Philippe Auguste, qui était grand-père depuis le printemps d’un petit Louis qui serait, bien plus tard, roi et saint, battait les troupes impériales d’Otton IV, unissant autour de ses étendards et de l’oriflamme de Saint-Denis les grands féodaux et les milices communales dans une sorte de fédération qui n’a rien, sur le plan symbolique, à envier à la fête du 14 juillet 1790… C’est d’ailleurs ce que remarque l’historien Jean-Philippe Genet (L’Histoire, mai 2014) : « Tous les observateurs, Georges Duby le premier, l’ont noté : si l’armée de Philippe Auguste est encore une armée féodale, c’est déjà une armée française (au moins du Nord). Les contingents des évêchés royaux et les milices urbaines complètent les levées vassaliques. » Désormais, le sentiment d’appartenance à un royaume n’est plus simplement une question d’allégeance féodale mais d’appartenance à un ensemble politique et territorial qui dépasse le duché ou l’ethnie, c’est-à-dire l’Etat national : à partir de ce moment-là, même si les contemporains n’en auront pas encore l’exacte conscience, la nation est une réalité qui dépasse aussi les contemporains et les barrières féodales. La définition de la France que donne Jacques Bainville sept siècles après prend alors tout son sens : « Le peuple français est un composé. C’est mieux qu’une race. C’est une nation. »

 

Cela explique aussi le changement de statut du souverain lui-même, changement intervenu auparavant mais expliqué et confirmé, d’une certaine manière, par la bataille du 27 juillet 1214 : « Régulièrement à partir de 1190, et pour toujours à partir de 1204, Philippe Auguste remplace son titre de rex Francorum (roi des Francs) par celui de rex Francie (roi de France). Ce qui compte est désormais plus le territoire que les hommes. » (Jean-Philippe Genet, article cité). Devenant roi de France et pas des seuls Francs (ou supposés tels…), il élargit le champ d’action et de reconnaissance de l’Etat qui, en même temps, participe à la construction d’une nation qui ne repose pas sur les seuls « vifs » mais sur l’ensemble qui leur donne une appartenance civique, une « Cité » au sens politique du terme : ainsi, être sujet du roi de France c’est être Français et reconnu comme tel, quelles que soient les appartenances communautaires préexistantes. Le royaume de France est ainsi reconnu comme une « polis » (cité, en grec ancien) qui transcende les différences ethniques, linguistiques et permet leur dépassement (qui n’est pas leur abolition…) au travers d’un Roi-Etat qui, par lui-même, est ce « tout » qui assemble les parties sans les nier et sans en méconnaître les particularités propres : en somme, le roi incarne l’unité qui permet aux diversités d’exister encore et de durer au-delà de leur union avec d’autres au sein de l’ensemble, « union, et non confusion ».

 

Désormais, la France fonde un modèle original d’Etat et de nation, qui sublime et intègre tout à la fois les différences et évite, dans le même temps, l’empire, autre nom de l’hubris en politique comme en géopolitique quand il se veut « universel » ou théocratique, au détriment de l’histoire et du politique…

 

La date du 27 juillet 1214 aurait mérité un grand éclat officiel et, en ce temps qui adore les commémorations, un rappel historique et médiatique qui n’a pas eu lieu : en soi, cette indifférence de la République à Bouvines est éminemment révélatrice, ne serait-ce que parce que la République est gênée par sa propre logique qui voudrait que la France soit née en 1789 et non avant… Or, malgré les discours d’un gouvernement qui oublie le passé ou le réécrit pour mieux l’instrumentaliser, il faut rappeler que, pour qu’il y ait « Révolution française », encore faut-il qu’il y ait, tout simplement, une France et un sentiment national qui n’est pas une idéologie mais qui s’incarne, non en un seul homme, mais dans une famille, une lignée d’Etat, une dynastie politique.

 

En ces temps de désunion nationale, de doute sur la nature historique et politique de la France elle-même, la leçon de Bouvines, 800 ans après, peut être méditée : l’Etat doit être conscient de lui-même et incarné pour que la nation soit sûre de sa légitimité et de sa pérennité. Maurras, dans une formule abrupte mais qui n’est pas incompréhensible pour autant, rappelait que si l’on voulait la France, il y fallait le Roi : il semble bien, au regard des événements récents et des inquiétudes françaises, qu’il avait raison, et qu’il y a forte légitimité à rappeler ce qui paraît (et qui est, sans doute) désormais, pour qui étudie l’histoire et l’actualité sans œillères, une évidence…