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31/12/2013

La Grèce face à l'Europe.

 

L’Europe doit beaucoup à la Grèce, historiquement comme politiquement, et jusqu’à son nom, celui de la fille d’Agénor et de Téléphassa, enlevée et violée par Zeus en Crète… Les noms et les principales notions de politique, mais aussi des différentes sciences sociales, de l’histoire à l’économie, des mathématiques à la philosophie, sont d’origine grecque : ainsi, la monarchie et la démocratie, par exemple, qui sont, à mes yeux, les éléments essentiels du débat politique en France, même si le terme république, d’origine latine, a tendance à les cannibaliser ou à les occulter dans la plupart des expressions politiques et civiques, jusqu’à entretenir quelques confusions malheureuses, en particulier lorsque les hommes du pays légal évoquent les « valeurs »…

 

L’Europe doit beaucoup à la Grèce et pourtant, l’Europe ne lui en est guère reconnaissante ces dernières années, et encore moins l’Union européenne depuis 2010 et le déclenchement de la crise grecque qui a révélé, non seulement la forte corruption des féodalités politiciennes locales, mais aussi et surtout que les institutions européennes avaient fait le choix d’un libéralisme qui, en définitive, s’accorde mal à la solidarité pourtant nécessaire à la cohésion de l’ensemble européen : ainsi, c’est une Grèce exsangue qui va, à partir du 1er janvier, présider l’Union européenne pour six mois, une Grèce qui n’en finit pas d’expier les fautes des siens politiciens et les défauts de construction de la monnaie unique, et de subir un véritable régime punitif de la part d’une troïka constituée de l’Union européenne, de la Banque centrale européenne et du Fonds monétaire international.

 

« Cinq ans de traitements de cheval des bailleurs financiers ont produit le plus haut chômage d’Europe (27 % en moyenne et près de 60 % pour les jeunes de moins de 25 ans) », rappelle Laurent Marchand dans son article du quotidien Ouest-France (lundi 30 décembre 2013), tandis que, dans ce même journal, Marc Pennec enfonce le clou : « Dans un pays d’à peine onze millions d’habitants, on compte désormais 1.450.000 chômeurs, un million de plus qu’il y a trois ans. Le PIB a chuté de 25 %, le pouvoir d’achat de 37 %. Entre 2008 et 2012, la consommation a reculé de 30 %. » Et Le Figaro d’ajouter : « La dette publique atteint 322 milliards d’euros fin 2013, soit 176 % du PIB. Elle est jugée insoutenable sur le long terme. » Un tableau économique et social terrifiant, et dont les effets se font dramatiquement sentir, y compris dans le domaine de la santé publique : « Trois Grecs sur dix n’ont plus de couverture sociale, si on compte les ayants droits, rapporte Christina Psarra, responsable de Médecins du Monde à Athènes. De plus en plus d’enfants qui ne sont ni couverts ni vaccinés. (…) Depuis septembre, (…), si l’enfant ne présente pas de carnet de vaccination, il peut être déscolarisé. » Sans oublier l’augmentation tout aussi terrifiante du taux de suicide des Grecs, pourtant jadis le plus bas d’Europe !

 

On aurait pu attendre de l’Union européenne envers les citoyens grecs une certaine solidarité, même critique des causes intérieures qui avaient aggravée la situation : or, l’UE n’a joué qu’un rôle sinistre de Père Fouettard, et, par ses principes idéologiques libéralistes, ses blocages europhiliques, ses institutions mêmes, cette « Europe légale » qui apparaît si lointaine de « l’Europe réelle » a manqué à ce qui aurait pu être ses devoirs si elle avait eu quelque conscience au-delà de ses seuls intérêts financiers…

 

Et d’ailleurs, la troïka qui « occupe » Athènes (selon le terme employé par de nombreux Grecs), cette troïka dans laquelle l’Europe a la part la plus importante, continue à écraser la Grèce et à lui compter l’aide à lui apporter de la façon la plus sordide : ainsi, elle réclame instamment la levée du moratoire sur les expulsions et les saisies immobilières, et cela pour permettre, dit-elle, le recouvrement des créances impayées des banques… Mais quelle est donc cette Europe qui oublie les hommes et les réduit à la misère lorsque ce sont les banques et les politiciens qui ont, d’abord, failli ?

 

La Grèce, « cette Grèce où nous sommes nés », comme l’écrivait Thierry Maulnier (ce royaliste qu’il est urgent de relire en ces temps troublés), mérite mieux que les oukases des banquiers de l’euro : elle peut être, au-delà de ses épreuves terribles, l’occasion de penser une nouvelle fondation de l’Europe, au-delà et peut-être même hors des clivages et des habitudes d’une Union européenne trop peu sociale pour être viable à long terme

 

 

23/12/2013

Quand la république voit des bonnets rouges partout...

 

Quelque part dans l’est de la France, en Moselle, loin de la Bretagne, des employés d’une entreprise internationale, consortium de sociétés et d’actionnaires européens, décident de prendre une photo de groupe pour fêter Noël : coiffés de bonnets rouges jusque là signe de reconnaissance du Père Noël, ils sourient à l’objectif quand des camionnettes de gendarmerie surgissent… Prévenus par un appel courageusement anonyme, la gendarmerie intervient pour disperser ce qui a tout l’air, selon elle, d’un attroupement séditieux : les bonnets rouges, désormais, font peur à une République qui, depuis plusieurs mois, ne sait pas toujours comment réagir à ce mouvement apparemment surgi de nulle part, comme le retour d’une vieille colère qui a longtemps cheminée dans les esprits.

 

Pourtant, ce n’était là, bien loin des terres d’Armorique, qu’une pause festive dans le travail : les employés sont ceux de l’entreprise… Ecomouv’, celle-là même qui est chargée de percevoir cette fameuse écotaxe aujourd’hui suspendue et qui, désormais, attend des jours meilleurs pour poursuivre ses activités ! Ironie du sort…

 

Le plus frappant et, disons-le, le plus inquiétant dans cette affaire mineure (je parle évidemment de la photo de groupe…), c’est la réaction de l’officier de gendarmerie dépêché sur les lieux : « Ils n’ont pas réfléchi », a-t-il déclaré en parlant des salariés de l’entreprise… Et d’ajouter que ces employés auraient dû prévenir les autorités de leur initiative, de cette photo de groupe ! Ainsi, désormais, à suivre le raisonnement de cet officier, tout attroupement de quelques dizaines de personnes peut être assimilé à une manifestation, sans doute forcément factieuse… Le quotidien Ouest-France voyait dans cette anecdote l’équivalent « d’une tirade du Père Ubu, d’une nouvelle d’Alphonse Allais ou d’un sketch radiophonique de Pierre Dac et Francis Blanche » : j’y vois, quant à moi, la preuve d’une forme de paranoïa de l’Etat républicain qui croient voir des bonnets rouges partout, comme dans un mauvais cauchemar populiste… Faudra-t-il, demain, demander une autorisation à la préfecture, à la gendarmerie ou à la mairie, pour chaque photo de groupe, déplacement scolaire ou visite groupée des rues d’une ville ? Va-t-on étendre le principe de précaution à la moindre circulation ou station de plus de trois personnes sur la voie publique ? Certains penseront que j’exagère : j’aimerais aussi le penser, mais je ne suis pas sûr d’exagérer, malheureusement…

 

« Tant vaut l’Etat, tant vaut sa raison » disait Maurras. Il semble bien que, à défaut de bonnet rouge pour la couvrir (pourtant, le bonnet phrygien y ressemble bien un peu…), la République n’ait plus toute sa tête, comme elle ôtait, jadis, celle de ceux qui la critiquaient…

 

En tout cas, la paranoïa républicaine n’est pas un très bon signe pour les citoyens, surtout à l’heure des réglementations de plus en plus orwelliennes de l’administration et de la surveillance de la Cité, en particulier par caméras et réseaux électroniques interposés… Nous pourrons néanmoins toujours y répondre par la fameuse citation du même Maurras précédemment évoqué : « Les libertés ne s’octroient pas, elles se prennent »… Et on ne va pas se gêner, bien sûr !

 

 

09/12/2013

Prépas en colère contre M. Peillon, ci-devant ministre !

 

« Il n’y a que les Prépas qui ont encore de bons résultats », déclare une intervenante aux Grandes gueules sur RMC ce lundi 9 décembre, et poursuivant : « il faut que l’on arrête de niveler par le bas », à propos des projets de M. Peillon, ministre provisoire de l’Education nationale en attente d’un siège au Parlement européen en mai prochain… et dont la réforme est en train d’affaiblir les fameuses classes préparatoires françaises, au moment même où les classements internationaux comme « Pisa » montrent le déclin accéléré du niveau éducatif de notre pays !

 

Ce matin, les collègues des classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) du lycée Hoche étaient en grève et distribuaient des tracts à la porte de l’établissement pour dénoncer le sort qui leur était réservé par ce gouvernement qui, de plus en plus, semble n’avoir de cesse que de détruire ce qui marche et de décourager ceux qui prônent l’excellence et l’espérance plutôt que la défiance et l’assistanat. C’est aussi ce que dénonçait Jacques Julliard dans son article de samedi dernier publié par Marianne, à la suite de nombreux autres textes rédigés par des professeurs ou d’anciens élèves de Prépas, comme celui de Camille Pascal dans Valeurs actuelles de jeudi dernier et affiché ce matin dans la salle des profs du Couvent de la Reine, au milieu de quelques autres et de papiers administratifs.

 

Le tract des collègues, en quelques lignes, résumait bien la situation et allait plus loin que la seule défense de leurs propres intérêts, en soulignant que les professeurs de lycée étaient aussi concernés par une prochaine baisse de leurs revenus, alors même que nos salaires (je dis « nos », car je suis dans ce cas qui est celui de tous mes collègues de l’enseignement public…) sont, depuis 3 ans, « gelés » (ce qui, dans mon cas personnel, ne me gêne pas mais qui peut affecter les professeurs chargés de famille et dont les frais, eux, ne cessent d’augmenter…), que le gouvernement soit de droite ou de gauche, d’ailleurs : sans doute la « continuité républicaine »…

 

« Vincent Peillon ne cache pas son hostilité au système des prépas. Nous sommes pourtant convaincus qu’il permet chaque année à des milliers de jeunes gens de progresser et de réussir, c’est pourquoi nous y sommes très attachés. Notre inquiétude est grande quant à l’avenir de ces filières d’excellence au sein desquelles nous sommes pourtant fiers et heureux de travailler. » : le tract évoque là le vrai souci, celui de la disparition possible (et souhaitée par certains…) des classes préparatoires considérées comme « des lieux de reproduction sociale » par les égalitaristes de tout poil, à la fois jaloux de l’excellence des élèves sélectionnés pour y entrer et des rémunérations de ceux chargés d’encadrer et d’instruire ceux-ci.

 

Et pourtant ! Tout le monde sait bien que, si la France veut encore jouer un rôle dans les années prochaines au sein des grandes nations, il faut préparer les nouvelles générations et former des élites, ce dernier mot étant hypocritement honni par ceux qui nous gouvernent actuellement et, j’espère, provisoirement. Alors que de nombreuses universités ont désormais du mal à assumer leurs fonctions traditionnelles de transmission du savoir et de l’expérience, n’ayant pas la possibilité de filtrer les entrées en leur sein malgré l’effondrement du niveau des bacheliers depuis quelques décennies déjà (le problème était ainsi évoqué au milieu des années 1980 au Conseil d’administration de l’université de Rennes-2, conseil au sein duquel je siégeais en tant qu’élu étudiant !), et au lieu de s’inspirer des réussites des classes préparatoires, le ministère de la République préfère, par paresse intellectuelle et aussi par lâcheté vis-à-vis des pédagogues qui continuent de faire la loi, leur Bourdieu en poche et leur suffisance en bandoulière (tel ce Meirieu qui empoisonne l’éducation en France depuis tant d’années…), s’attaquer aux quelques milliers d’enseignants de CPGE, traités d’ « aristocrates » (sic !) comme aux temps sombres de la Révolution française, celle-là même que M. Peillon, déclarait n’être « pas terminée » dans son livre de 2008, véritable manifeste républicain qu’il veut, désormais au Pouvoir, appliquer pour le pire plus que pour le meilleur…

 

En écoutant il y a quelques jours Vincent Peillon s’exprimer à la radio avec ce ton si déplaisant et arrogant et affirmer qu’il ne céderait pas devant la colère des enseignants, un collègue haussait les épaules et lançait, dans un souffle rageur, ce qui me semble bien résumer la situation : « la République n’a plus besoin de professeurs, juste d’ordinateurs ! ». Julliard, dans Marianne, ne disait, en d’autres termes, pas autre chose…

 

Et si, nous les professeurs, nous en tirions enfin les conséquences politiques ? Tant pis, alors, pour la République…