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13/06/2015

Servir l'Etat oblige à ne pas servir une multinationale étrangère...

L'affaire du voyage berlinois de M. Valls a occupé tout l'espace médiatique et politique de la semaine, et a ainsi occulté des informations bien plus importantes que les 14.000 euros (environ 5 mois de mon salaire...) brûlés en kérosène et sécurité ministérielle. Ainsi, j'aurai aimé que l'on parle un peu plus des alertes de l'Unicef sur la question des enfants pauvres en France ! les chiffres annoncés en début de semaine font froid dans le dos et honte au citoyen que je suis : 3 millions d'enfants sous le seuil de pauvreté dans un pays comme la France, soit un enfant sur cinq, dont 30.000 sans domicile fixe et 9.000 vivant dans des bidonvilles, voilà un scandale social qui aurait mérité la Une des journaux et l'ouverture des bulletins d'information télévisés, mais qui est beaucoup plus gênant, sans doute, pour la République et ses « valeurs » que l'aller-retour Poitiers-Berlin.

 

Il y a aussi d'autres informations, apparemment plus anodines mais tout aussi révélatrices de l'état d'esprit de cette oligarchie qui maîtrise la République et méprise le Bien commun : ainsi, ce recrutement d'un haut fonctionnaire, conseiller en communication du secrétaire d’État aux Transports M. Vidalies, par la société Uber, celle-là même qui, au nom d'un libéralisme qu'il faut bien, en somme, qualifier d' « exagéré », cherche à contourner les lois françaises considérées comme « corporatistes » (sic!). Ce transfuge du gouvernement socialiste est le symbole même d'une classe de jeunes loups sortis des meilleures écoles françaises qui n'ont guère le sens de l’État ni celui de son service et préfèrent « se servir » contre monnaies sonnantes et trébuchantes... Sans doute est-ce une conséquence de la mondialisation et de l'esprit (et des réflexes) qu'elle engendre, conjuguée au libéralisme de la fluidité nomade et de l'individualisme égotiste, mais cela n'en est pas moins choquant pour qui garde encore au cœur une certaine notion de la nation, de sa grandeur et de l'honneur qu'il y a à la servir, par-delà les intérêts particuliers et les appétits personnels.

 

Malheureusement, l’attitude de ce M. Kopp n’a guère suscité de réactions dans les médias ni de la part d’un gouvernement qui me semble bien peu soucieux d’affirmer la primauté du politique sur l’économique ou le financier et de s’imposer à des multinationales qui, aujourd’hui, parlent de gouvernance pour mieux contourner les gouvernements… Il y aurait pourtant une mesure simple pour éviter ce genre de dérive affairiste : interdire pendant une période de quelques années (cinq ans me semblerait un bon délai) à toute personne ayant travaillé dans un ministère français de rentrer dans une société privée, sous peine d’une déchéance de nationalité (s’il s’agit d’une multinationale étrangère) ou (et…) d’une forte indemnisation versée par cette personne à l’Etat qui l’a employée.

Mais la République est prise au piège d’une mondialisation qui lui fixe une obligation de toujours plus libéraliser, sans égard pour le Bien commun ni le sens de l’Etat : le temps n’est plus à Colbert ou à Vauban, nous susurre-t-on de Bruxelles ou de Bercy. C’est surtout que cette République n’est pas la Monarchie, et c’est bien, justement, le problème ! Pour autant, faut-il se résigner à ce libéralisme qui n’est rien d’autre, aujourd’hui sans doute plus qu’hier, que le règne de « la fortune anonyme et vagabonde » ? Non, mille fois non ! Mais ce n’est pas seulement en hurlant contre le néolibéralisme que l’on pourra changer le cours de l’économie, mais bien plutôt en donnant à l’Etat les moyens de peser intelligemment (et sans l’étouffer…) sur celle-ci et son fonctionnement : en somme, en pratiquant le « politique d’abord », condition indispensable (mais pas toujours suffisante) à l’exercice de l’Etat libre et souverain.