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14/05/2020

L'Action Française face à la question sociale. Partie 3 : Dépasser la lutte des classes.

 

Si l’on s’en tient à l’histoire des manuels scolaires ou du « politiquement correct », l’Action Française est, sur le plan social, conservatrice plus que sociale, et son monarchisme ne serait que la volonté de revenir à un ordre ancien constitué de privilèges et de hiérarchies établies une fois pour toutes en des temps lointains, voire immémoriaux : la réalité n’est pas si simple et l’AF encore moins simpliste, malgré les caricatures que certains, y compris se revendiquant du maurrassisme, ont pu donner d’elle. Il lui est même arrivée de frayer avec les syndicalistes révolutionnaires des années 1910 ou avec des « insurgés » des années 30 qui prônaient un véritable renversement du « désordre établi » et de la « démocratie capitaliste et bourgeoise », sans pour autant renoncer à une organisation « corporée » de la société du travail français, évidemment prioritairement dans le cadre national...

 

 

 

 

 

L’Action française ne s’arrête pas à la défense de la nation pour préserver les travailleurs : elle prône la fin du libéralisme du « renard libre dans le poulailler libre » par la mise en place d’une organisation sociale corporative qui rende aux producteurs leur juste place dans la société et leur assure la garantie de leur insertion dans la société, non comme simples consommateurs indifférenciés mais comme producteurs reconnus pour leurs qualités et dans leurs particularités professionnelles et sociales. Dans cette conception corporative, les classes sociales ne sont pas niées mais elles sont appelées à la conciliation, dans le cadre de la production et de la nation : le refus de la lutte des classes comme principe moteur de la société et des avancées sociales en faveur des travailleurs ne signifie pas que La Tour du Pin et ses successeurs de l’Action française méconnaissent l’égoïsme possible des classes dirigeantes ou dominantes, au contraire ! La Tour du Pin n’hésite pas à évoquer, comme Maurras après lui, la possibilité pour l’État de « tordre le bras » à celles-ci, si la justice sociale l’exige… Ce dernier, qui se veut disciple du premier, est d’ailleurs fort sévère avec une part de la bourgeoisie qui peut être aveugle sur la question sociale : « La bourgeoisie ne comprend pas la question ouvrière, et cela, faute de la voir ». Mais il ne s’agit pas, au contraire des marxistes, d’en appeler à la disparition des classes bourgeoises ou possédantes : « Je ne crois pas qu’il faille flétrir la bourgeoisie ni désirer qu’elle disparaisse. A quelque classe qu’on appartienne, on doit en être comme de son pays (…). Les classes moyennes composent, par le nombre et aussi par l’activité, l’élément prépondérant de notre patrie. (…) S’il faut faire mea culpa (ndlr : à propos de la Révolution et de ses conséquences sociales contemporaines), qu’on le fasse en commun et sans se renvoyer la balle. Il ne s’agit pas de récriminer, mais de réparer. » Cette volonté d’aller de l’avant et de « réparer » marque la différence d’avec l’esprit révolutionnaire (jacobin ou marxiste) qui, lui, veut « du passé, faire table rase ».

 

Dans cette conception maurrassienne des classes sociales et de la recherche d’une concorde nationale, et dans le cadre d’une monarchie à instaurer et enraciner, « les classes peuvent devenir des corps », selon La Tour du Pin, et la monarchie royale doit être cet État minimal garantissant une société libre et corporée, ainsi que l’exercice des libertés locales et professionnelles, et reconnaissant la légitimité de l’organisation des travailleurs, en syndicats ou à travers des corporations (ou associations professionnelles au sein d’un même corps de métier), sans que l’État ne soit autre chose qu’un initiateur, un arbitre suprême au-dessus des intérêts particuliers et le protecteur du bien public national (celui du Travail français sous toutes ses formes productives, industrielles, agricoles ou commerçantes).

 

La justice sociale n’est pas, alors, un alibi mais un élément fort de la légitimité nouvelle de la Monarchie, comme le signalait Marcel Bianconi dans la presse d’AF il y a près de cinquante ans : « Il le faudra bien s’il veut que se refasse, entre le peuple et lui (le roi), ce solide mariage d’amour et de raison auquel nous devons les plus grandes heures de notre histoire ». C’est aussi tout le sens de la phrase célèbre de Firmin Bacconnier : « la monarchie sera populaire, ou elle ne sera pas ! ».

 

 

 

 

(à suivre)

 

 

16/12/2018

Ce Système qu'il nous faut combattre.

En juin 1980, le journal Royaliste titrait, sur fond de Marianne vacillante : « Qui croit encore au système ? » : nous étions en pleine Giscardie, et les contestations restaient vives, dans le même temps que les Gauches s'apprêtaient à accéder au pouvoir, pour la première fois sous la Cinquième République, et soufflaient constamment sur les braises, s'enivrant de grands mots et de slogans qui se voulaient encore « révolutionnaires ». Les royalistes n'étaient pas les derniers à contester la présidence de « Foutriquet », selon le mot du philosophe Pierre Boutang, et à prôner un changement de tête, en attendant et en préparant un changement dans les institutions, certains en approfondissant celles de la Cinquième, « de la monarchie élective à la monarchie héréditaire et arbitrale » et d'autres, plus rudement, en renversant l'ordre centraliste, « de la République jacobine à la Royauté fédérale des peuples de France ». Mais tous pouvaient se reconnaître dans le titre de Royaliste, et, près de quarante ans après (ces fameux « quarante ans » que les Gilets jaunes évoquent comme un véritable mantra), après ces quatre décennies sans doute perdues pour la France (sauf peut-être sur la question de la décentralisation, avec les lois de 1982 et de 2004), ce titre paraît tout à fait adapté à la situation !

 

Bien sûr, il paraît nécessaire de définir ce que l'on peut nommer « système » pour éviter tout malentendu et toute illusion, et ne pas se tromper ni de cible ni d'enjeu. Le « système », c'est d'abord un état d'esprit libéral (au sens le plus extrême du terme) mis en pratique par le jeu d'institutions de moins en moins politiques et de plus asservies par les féodalités financières et économiques, de la République à l'Union européenne, et c'est surtout l'imposition d'une « gouvernance mondialisée » symbolisée et représentée par le pouvoir de grandes villes-monde ou d'immenses zones métropolisées qui n'ont plus guère de rapports avec les pays et les populations historiques sur lesquelles elles vivent, souvent à leur dépens, comme du temps de la romanisation antique. Le système, c'est ce carcan de la démocratie dite représentative de plus en plus lointaine pour ceux qu'elle prétend représenter sans leur laisser le droit à la libre parole, et qui est aux mains de partis et de notables de moins en moins représentatifs des réalités sociales de notre pays ; c'est ce que l'on pourrait nommer « le pays légal », celui des élus, des parlementaires (qualifiés souvent de « parlementeurs », comme en février 1934 ou dans les années 1950, avant le retour du général de Gaulle) et des ministres, mais aussi des syndicats, des médias ou des artistes de la société du spectacle, vitrine de la société de consommation.

 

Au regard des derniers événements, l'on peut aisément constater que ce système, qui porte aujourd'hui le nom « synthétique » de « République » et qui a peu à voir avec le sens premier de ce mot, la « Res publica » (la chose publique, ou la communauté publique, de la Cité), se défend bien à défaut de bien gouverner : la célèbre formule d'Anatole France, l'auteur du conte si peu républicain « L'île des pingouins », reste actuelle, et les méthodes du Sinistre de l'Intérieur, M. Castaner, démontrent à l'envi ces procédés de « basse police » qui vont si bien à ce système qui, à défaut d'être bien aimé, entend forcer les citoyens à l'accepter sans contester. Les diverses limitations de la liberté d'expression, les censures insidieuses ou les manipulations nombreuses, sans oublier les nouveaux moyens de la répression courante, des charges en moto (que j'avais, un des premiers, évoqué dans mon témoignage sur les événements parisiens du samedi 1er décembre) aux blocages de bus de manifestants bien en amont de Paris, de l'usage (inédit en ville depuis 2005) des blindés frappés de l'écusson de l'Union européenne (tout un symbole !) aux jets inconsidérés de gaz lacrymogène sur des manifestants un peu trop joyeux (comme place de l'Opéra samedi 15 décembre), sans oublier les projets ministériels et gouvernementaux de limitation légale du droit de manifester, tout cela marque une radicalisation d'un Système aux abois, furieux de s'être laissé bousculer par des « manants en gilets jaunes », sortis des profondeurs d'un « pays réel » négligé, voire oublié des « élites » (sic) tout d'un coup empêchées de « mondialiser en rond », selon l'heureuse expression d'un commentateur radiophonique...

 

En d'autres temps, Jean de La Varende, écrivain enraciné de Normandie, avait réhabilité le sens du mot « manant », en rappelant sa véritable et historique signification : « des manants, le beau mot qui réunissait gentilshommes et terriens... de maneo : je reste, je persévère et j'attends. Les autres pouvaient fuir ; pouvaient courir où l'on se divertit : à eux, les manants, de continuer, d'assurer. »

 

Alors, oui, en nous souvenant d'où nous venons et qui nous sommes, il nous est possible et fort légitime de revendiquer, face à un système féodal-libéral inquiet de ne plus être « la seule alternative » chère à Margaret Thatcher, d'être « les manants du roi », non pour détruire ce qui s'effondre, mais pour fonder un nouveau pacte social et politiquement royal, à l'écoute et au service de tous, cette alliance de l'Autorité nécessaire au sommet et des libertés garanties à la base, cette nouvelle arche française prête à affronter les tempêtes de ce « monde global » et de son « globalitarisme » néfaste pour les hommes comme pour la planète toute entière : pour ramener les Fouquet contemporains à la raison, il nous faut un « Louis XIV institutionnel », non un tyran mais un roi « protecteur des hommes et défenseur de la paix ».

 

La Monarchie n'a pas de sceptre magique, mais elle est la meilleure arme contre les spectres d'une mondialisation devenue folle d'avoir toujours eu tort...

 

 

 

21/06/2016

La France et le Mai 68 rampant...

Comme à chaque banquet dominical du Groupe d’Action Royaliste, j’ai prononcé un petit discours sur l’actualité et ses leçons politiques, dont je retranscris ci-dessous les principaux éléments, et ceci en plusieurs notes successives pour en faciliter la lecture.

 

 

 

Les derniers mois ont été éprouvants pour qui aime la France, entre alertes terroristes, marasme économique, blocage social et désordres urbains…

 

Tout d’abord, une situation sociale bloquée, avec la présentation d’une loi qui n’a pas, en soi, vocation à créer vraiment de l’emploi mais seulement à libéraliser un peu plus le marché du travail. La libéralisation elle-même est-elle toujours un mal ? Il peut y avoir évidemment débat sur ce thème, et les royalistes eux-mêmes n’échappent pas à ce débat… (1)

 

Mais le trop est l’ennemi du bien, et cette loi n’est rien d’autre, dans son esprit général, que la transposition définitive dans le droit français de ce que l’on nomme (sans doute à tort, d’ailleurs) le « néolibéralisme », fruit bruxellois (je veux dire « européiste ») de la mondialisation, et dont on connaît les tristes conséquences en d’autres terres d’Europe mais aussi sur notre propre territoire (délocalisations, destructions d’emplois, désindustrialisation).

 

Pourtant, il faudrait bien réformer le Droit du travail, l’alléger pour mieux le renforcer, le muscler : en fait, avec cette loi sans queue ni tête, ce ne sera pas pour cette fois encore…

 

Dans cette affaire, la République a montré, une fois de plus, ses faiblesses et ses blocages, et, alors qu’elle avait placé le territoire en « état d’urgence », la France vient de connaître une sorte de « Mai 68 rampant » dont elle n’est, à ce jour, pas sortie.

 

Manifestations, grèves, blocages, puis émeutes et casseurs, au cœur des villes de l’Ouest et de Paris, voici les formes multiples de cette crise du printemps 2016. Les derniers événements du mardi 14 juin n’en sont que le point d’orgue, peut-être provisoire, mais qui mérite d’être regardé de plus près, au-delà des postures et des indignations qui gênent la compréhension de ce qui se déroule et de ce qui est en jeu.

 

Résumons : tout d’abord, une manifestation syndicale très importante en nombre et qui peut laisser entendre que la mobilisation des contestataires de la loi Travail (souvent baptisée du nom de son défenseur, Mme El Khomry) ne faiblit pas encore, malgré l’approche des vacances. Un sondage publié samedi dernier (18 juin) annonçait 60 % de Français favorables à cette contestation, sans pour autant que les raisons de ceux-ci soient toujours les mêmes, selon le milieu politique considéré : 90 % de sympathisants de la gauche de la Gauche, et près de 80 % d’électeurs du Front National, se retrouvent dans cette protestation qualifiée de « populiste » par les libéraux de droite comme de gauche qui, eux, sont majoritairement favorables à la loi et à son esprit… La convergence des luttes et la convergence des intérêts, ironiseront certains !

 

Ensuite, la présence et la violence des casseurs et des émeutiers (sont-ils forcément les mêmes ? La question mérite d’être posée, et la réponse est moins simple qu’on le croit) qui s’en prennent à tout ce qui symbolise l’Etat ou la société, au risque de jeter une profonde confusion dans l’opinion et de noyer toute raison dans la fumée des pétards et des lacrymogènes…

 

Et, en face, un gouvernement qui se veut « droit dans ses bottes », dans une posture qui n’est pas sans rappeler celle du premier ministre Alain Juppé en 1995, et un gouvernement qui tient en espérant que la tempête sociale se calme bientôt, 49-3 et vacances d’été obligent…

 

Une situation dangereuse pour le pays, si l’on n’y prend garde…

 

 

 

(à suivre : un Etat sans autorité ?)

 

 

 

 

Notes : (1) : Personnellement, je suis fondamentalement hostile au libéralisme comme idéologie parce qu’il n’est que la destruction des libertés concrètes, réelles, par une idée de la Liberté exagérée qui n’est rien d’autre que cette liberté illimitée « de la jungle », règne du plus fort sans devoir envers le plus faible. En revanche, je peux admettre, en certains cas, une certaine libéralisation comprise comme une désétatisation des rapports sociaux et professionnels, et comme une forme de responsabilisation qui concerne tous les acteurs d’un métier ou d’une activité professionnelle de production ou d’échange en un lieu et en un temps donnés : en somme, non un chemin vers le libéralisme mais une pratique intelligente et mesurée des libertés dans un cadre (et une logique) que l’on pourrait qualifier de « corporatif ».