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21/04/2016

La Révolution française et la victoire du libéralisme.

Avant de participer à la réalisation prochaine par le SACR (Service Audiovisuel du Combat Royaliste, émanation du G.A.R.) d'une vidéo sur le royalisme social, je travaille sur le texte d'une conférence que je vais donner vendredi 22 avril devant les jeunes de l'Action Française, en ce 10, rue Croix-des-Petits-Champs mythique qui vit se succéder tant de générations royalistes depuis le début des années 1950. Cette fois, comme de nombreuses fois précédentes, il s'agit de traiter des royalistes face à la question sociale depuis la Révolution française, et le sujet n'est pas mince s'il est généralement mal connu. Bien sûr, depuis quelques années, le Groupe d'Action Royaliste (dont je suis le vice-président) a publié bon nombre de textes, de brochures et de vidéos sur ce thème, mais c'est un travail de bénédictin qui attend celui qui voudra faire une synthèse complète des positions et des politiques monarchistes qui se veulent sociales, et il ne faudra pas oublier, aussi, les réticences ou l'indifférence de certains de ceux-ci devant des avancées sociales qui, parfois, semblaient « socialistes »... Effectivement, s'il y aura bien un Mouvement Socialiste Monarchiste qui, entre 1944 et 1946, fera référence au « socialisme » de René de La Tour du Pin et vantera, furtivement, les expériences sociales des monarchies du Nord de l'Europe, il ne connaîtra qu'un succès éphémère et tout relatif, et sera largement incompris du public qu'il était censé attirer...

 

Et pourtant ! Si la question sociale ne naît pas avec la Révolution, loin s'en faut, ce sont des royalistes qui vont, dès la fin du XVIIIe siècle, dénoncer les conditions nouvelles faites au monde des artisans et ouvriers par le libéralisme triomphant à travers le décret d'Allarde et la loi Le Chapelier. Car la date de naissance « légale » de la condition de « prolétaire » en France est bien cette année 1791 avec ses deux textes aujourd'hui « oubliés » des manuels scolaires et qui, tout le XIXe siècle, permettront l'oppression en toute légalité et au nom de « la liberté du travail » (qui n'est pas vraiment la liberté des travailleurs...) des populations ouvrières de notre pays.

 

Étrangement, le philosophe maoïste Alain Badiou paraît (mais paraît seulement...) rejoindre les monarchistes sociaux dans leur critique d'un libéralisme triomphant à la fin du XVIIIe siècle, de ce « franklinisme » qui sacralise l'Argent à travers la fameuse formule « le temps c'est de l'argent » écrite et expliquée par celui qui a été reçu comme un véritable héros (héraut, plutôt, et d'abord des idées libérales) à Versailles par les élites du moment et particulièrement par la grande bourgeoisie. Ainsi, dans son dernier essai intitulé « Notre mal vient de plus loin », Badiou écrit, en cette année 2016, ce qu'un Maurras du début du XXe siècle n'aurait pas désavoué : « Depuis trente ans, ce à quoi l'on assiste, c'est au triomphe du capitalisme mondialisé.

« Ce triomphe, c'est d'abord, de façon particulièrement visible, le retour d'une sorte d'énergie primitive du capitalisme, ce qu'on a appelé d'un nom contestable le néolibéralisme, et qui est en fait la réapparition et l'efficacité retrouvée de l'idéologie constitutive du capitalisme depuis toujours, à savoir le libéralisme. Il n'est pas sûr que « néo » soit justifié. Je ne crois pas que ce qui se passe soit si « néo » que ça, quand on y regarde de près. En tout cas, le triomphe du capitalisme mondialisé, c'est une espèce d'énergie retrouvée, la capacité revenue et incontestée d'afficher, de façon maintenant publique et sans la moindre pudeur, si je puis dire, les caractéristiques générales de ce type très particulier d'organisation de la production, des échanges, et finalement des sociétés tout entières, et aussi sa prétention à être le seul chemin raisonnable pour le destin historique de l'humanité. Tout cela, qui a été inventé et formulé vers la fin du XVIIIe siècle en Angleterre et qui a dominé ensuite sans partage pendant des décennies, a été retrouvé avec une sorte de joie féroce par nos maîtres d'aujourd'hui. »

 

Maurras évoquait « le triomphe des idées anglaises et genevoises » pour qualifier la Révolution française et, comme Badiou, il ne faisait guère de distinction entre libéralisme économique et libéralisme politique, l'un permettant l'autre et réciproquement... J'aurai, quant à moi, tendance à déplacer un peu le curseur de l'autre côté de l'Atlantique, comme je le fais à travers ma critique de la philosophie « profitariste » de Benjamin Franklin.

 

Disons-le tout net : la France aurait pu éviter de tomber dans le travers d'un capitalisme que Maurras dénoncera comme « sans frein » quand il aurait pu être maîtrisé et, pourquoi pas, bénéfique s'il avait intégré les fortes notions de « mesure » et de partage en son sein, ce qui ne fût pas le cas, malheureusement.

 

Oui, il y aurait pu y avoir « une autre industrialisation », mais la Révolution a tout gâché et la République plus encore une fois débarrassée de la Monarchie et de ses structures fédératives et corporatives (ces deux dernières étant mises à mal et pratiquement à bas dès l'été 1789). Je m'explique : avant le grand tumulte de 1789, la France est la première puissance d'Europe (voire du monde ?) et elle maîtrise désormais les mers, au moins en partie, depuis ses victoires navales du début des années 1780 face à l'Angleterre, thalassocratie marchande en plein doute depuis sa défaite américaine. Elle est la première puissance industrielle et la première diplomatie mondiale, mais, alors que le pays est riche et apparaît tel aux yeux des étrangers, pays comme individus, l’État, lui, est pauvre et en butte aux pressions de plus en plus fortes des élites frondeuses, aristocratie parlementaire et bourgeoisie économique (même si le pluriel pourrait bien être employé pour cette dernière, plus protéiforme qu'on le croit généralement). Si l'on s'en tient aux aspirations de la noblesse libérale et financière et à celles de la bourgeoisie économique, elles sont simples : prendre le Pouvoir politique, au nom du Pouvoir économique, en arguant que ceux qui font prospérer les capitaux sont les plus aptes à l'exercice de l’État, ravalé (dans leur logique) à un simple rôle de gestionnaire et non plus d'arbitre ou de décideur politique. En somme, indexer le Pouvoir politique sur la seule Économique, au risque d'en oublier l'importance d'une politique sociale d'équilibre... Ce qui arriva dès que la Révolution prit les rênes du gouvernement au détriment de l'autorité royale elle-même, et qui provoqua l'explosion de la pauvreté en France dès le début des années 1790 et l'effondrement de l'économie française, bientôt aggravé par la guerre et la fin de la Marine française.

 

Ainsi, le XIXe siècle que, quelques années avant la Révolution, l'on annonçait « français », sera en définitive « anglais » et c'est le modèle capitaliste « sans frein » qui triompha, la France s'y étant « ralliée », en sa haute (et pas seulement) bourgeoisie et par les textes législatifs de 1791 (aggravés par Napoléon et son fameux « livret ouvrier » si défavorable aux travailleurs), puis par un « mimétisme nécessaire » pour ne pas être décrochée dans la compétition économique mondiale de l'après-Révolution...

 

J'en suis persuadé : si 1789 n'avait pas eu lieu tel qu'il a eu lieu, trahissant l'esprit même des états généraux et des cahiers de doléances voulus par le roi Louis XVI, et laissant l’Économique s'emparer du Politique, « 1791 » n'aurait pas été cette défaite du monde du travail et la France n'aurait pas perdu le combat civilisationnel face au « Time is money » anglo-saxon...

 

Est-il définitivement trop tard ? Un disciple de La Tour du Pin, ce penseur majeur du royalisme social et corporatiste, était persuadé du contraire et, crânement, il déclarait que « la politique de la France ne se fait pas à la Corbeille (la Bourse) » tout en rappelant aussi le « Politique d'abord » (comme moyen et non comme fin) par la formule, simple mais efficace : « l'intendance suivra ! »... Mais c'était toujours la République et l'effort d'un moment n'a pas suffi et ne suffit pas si les institutions elles-mêmes ne l'enracinent pas dans la longue durée, celle qui permet de traverser les siècles et d'aider les générations qui se succèdent. La République n'est pas la Monarchie, tout simplement, même s'il lui arrive de l'imiter, dans un hommage involontaire du vice à la vertu...

 

 

 

 

13/06/2015

Servir l'Etat oblige à ne pas servir une multinationale étrangère...

L'affaire du voyage berlinois de M. Valls a occupé tout l'espace médiatique et politique de la semaine, et a ainsi occulté des informations bien plus importantes que les 14.000 euros (environ 5 mois de mon salaire...) brûlés en kérosène et sécurité ministérielle. Ainsi, j'aurai aimé que l'on parle un peu plus des alertes de l'Unicef sur la question des enfants pauvres en France ! les chiffres annoncés en début de semaine font froid dans le dos et honte au citoyen que je suis : 3 millions d'enfants sous le seuil de pauvreté dans un pays comme la France, soit un enfant sur cinq, dont 30.000 sans domicile fixe et 9.000 vivant dans des bidonvilles, voilà un scandale social qui aurait mérité la Une des journaux et l'ouverture des bulletins d'information télévisés, mais qui est beaucoup plus gênant, sans doute, pour la République et ses « valeurs » que l'aller-retour Poitiers-Berlin.

 

Il y a aussi d'autres informations, apparemment plus anodines mais tout aussi révélatrices de l'état d'esprit de cette oligarchie qui maîtrise la République et méprise le Bien commun : ainsi, ce recrutement d'un haut fonctionnaire, conseiller en communication du secrétaire d’État aux Transports M. Vidalies, par la société Uber, celle-là même qui, au nom d'un libéralisme qu'il faut bien, en somme, qualifier d' « exagéré », cherche à contourner les lois françaises considérées comme « corporatistes » (sic!). Ce transfuge du gouvernement socialiste est le symbole même d'une classe de jeunes loups sortis des meilleures écoles françaises qui n'ont guère le sens de l’État ni celui de son service et préfèrent « se servir » contre monnaies sonnantes et trébuchantes... Sans doute est-ce une conséquence de la mondialisation et de l'esprit (et des réflexes) qu'elle engendre, conjuguée au libéralisme de la fluidité nomade et de l'individualisme égotiste, mais cela n'en est pas moins choquant pour qui garde encore au cœur une certaine notion de la nation, de sa grandeur et de l'honneur qu'il y a à la servir, par-delà les intérêts particuliers et les appétits personnels.

 

Malheureusement, l’attitude de ce M. Kopp n’a guère suscité de réactions dans les médias ni de la part d’un gouvernement qui me semble bien peu soucieux d’affirmer la primauté du politique sur l’économique ou le financier et de s’imposer à des multinationales qui, aujourd’hui, parlent de gouvernance pour mieux contourner les gouvernements… Il y aurait pourtant une mesure simple pour éviter ce genre de dérive affairiste : interdire pendant une période de quelques années (cinq ans me semblerait un bon délai) à toute personne ayant travaillé dans un ministère français de rentrer dans une société privée, sous peine d’une déchéance de nationalité (s’il s’agit d’une multinationale étrangère) ou (et…) d’une forte indemnisation versée par cette personne à l’Etat qui l’a employée.

Mais la République est prise au piège d’une mondialisation qui lui fixe une obligation de toujours plus libéraliser, sans égard pour le Bien commun ni le sens de l’Etat : le temps n’est plus à Colbert ou à Vauban, nous susurre-t-on de Bruxelles ou de Bercy. C’est surtout que cette République n’est pas la Monarchie, et c’est bien, justement, le problème ! Pour autant, faut-il se résigner à ce libéralisme qui n’est rien d’autre, aujourd’hui sans doute plus qu’hier, que le règne de « la fortune anonyme et vagabonde » ? Non, mille fois non ! Mais ce n’est pas seulement en hurlant contre le néolibéralisme que l’on pourra changer le cours de l’économie, mais bien plutôt en donnant à l’Etat les moyens de peser intelligemment (et sans l’étouffer…) sur celle-ci et son fonctionnement : en somme, en pratiquant le « politique d’abord », condition indispensable (mais pas toujours suffisante) à l’exercice de l’Etat libre et souverain.

 

 

 

09/12/2014

Le travail du dimanche, une aubaine pour les grandes enseignes...

 

Le prochain conseil des ministres doit entériner la décision de M. Macron d'accepter l'ouverture des magasins douze fois (au lieu de cinq actuellement) par an le dimanche mais aussi de l'imposer toutes les semaines dans certains quartiers de Paris, en passant par dessus la tête du Conseil de Paris, jusque là hostile à cette extension qui ressemble surtout au prélude d'une généralisation nationale... Quand certains arguent d'une possible relance de la croissance par ce moyen, ce qui paraît plus qu'exagéré, la plupart des partisans du travail du dimanche évoquent des effets positifs sur l'emploi, ce qui semble de plus en plus compromis au moment même où les caisses automatiques et sans caissières (ou caissiers) remplacent de plus en plus les personnes jadis chargées de l'encaissement des achats : les gares et les cinémas ont montré l'exemple il y a quelques années, et le mouvement de remplacement des humains par les robots encaisseurs s'accélère désormais dans les enseignes de la grande distribution...

 

En fait, la démarche gouvernementale, soutenue par la partie la plus libérale de la Droite, n'est qu'un cadeau de plus à la grande distribution, et risque bien d'avoir des conséquences néfastes pour le petit commerce, déjà fort mal en point dans les centres-villes, comme le rappelle avec raison le maire de Paris, Madame Anne Hidalgo qui défend son « dimanche parisien » contre l'avis des grands magasins, souvent mondialisés et si peu sociaux, en définitive (cela n'a pas toujours été le cas, pourtant) : « Même si des évolutions sont toujours possibles, je ne veux pas abîmer un modèle dans lequel le petit commerce a pu non seulement se sauver mais innover et être performant. C'est un modèle économique et culturel très attractif qui a disparu partout ailleurs dans le monde anglo-saxon. La généralisation du travail du dimanche, c'est la mort du petit commerce de centre-ville. » C'est ce que l'on a pu observer au Danemark, en à peine deux ans, comme le rappelle un article récent de La Croix. Ne pas tenir compte des exemples passés (et présents) me semble la marque d'une idéologie plus que du réalisme économique ! En soulignant, une fois de plus, que l'Allemagne, pourtant principale locomotive de l'économie en Union européenne, n'autorise pas, elle, l'ouverture des magasins le dimanche et ne semble pas plus mal s'en porter !

 

Dans ce débat sans fin qui nous est imposé par un gouvernement toujours plus libéral à défaut d'être efficace, et qui se terminera sans doute par quelques concessions minimes aux « frondeurs » (eux aussi hostiles à la généralisation du travail du dimanche, mais pas prêts à risquer une dissolution parlementaire...) en attendant le prochain assaut de M. Macron ou d'un de ses clones « contre les conservatismes et les corporatismes » (sic!), c'est Bruno Frappat qui trouve les mots les plus justes contre cette libéralisation si peu sociale, dans un superbe article publié dans La Croix samedi 6 décembre : « Le dimanche est en passe de devenir le jour des seigneurs du grand commerce. Ce sont eux qui réclament le plus ouvertement ce qu'ils appellent « l'ouverture des magasins ». Ce sont eux qui en tireraient le plus grand profit. Qui essaient de persuader les Français qu'il est nécessaire de faire ses courses ce jour-là. Quand une réforme s'esquisse, il faut toujours observer qui la réclame avec le plus d'insistance. C'est un critère comme un autre pour juger de la validité d'un projet collectif. En l'occurrence, on ne sache pas qu'il se soit levé, dans le peuple, un vaste mouvement d'opinion en faveur de l'ouverture des magasins le dimanche. Pas de manifs, pas de cortèges encolérés. Non, simplement des lobbys qui travaillent au corps les « décideurs » en leur faisant miroiter les avantages d'un bouleversement réjouissant pour les tiroirs-caisses. Et dont l'incessante propagande finit par persuader des consommateurs qu'il n'y a pas mieux que le dimanche pour dépenser ses sous.

 

Jusqu'aux mots qui sont piégés. Comme le terme « magasins ». On imagine des petites boutiques sympathiques, comme l'épicerie du coin ou ce qui demeure des librairies de quartier. En guise de magasins, il s'agit surtout de faciliter l'afflux de visiteurs, avec leurs cartes bancaires, vers les usines à consommation qui plastronnent au seuil des villes et les enlaidissent, tuant le petit commerce. Ces temples de la consommation où s'affichent toutes les productions de la pseudo-nécessité. Las ! Le combat pour préserver la douceur silencieuse des dimanches, ce temps de retrouvailles familiales, cet espace pour la spiritualité, ce combat semble perdu d'avance. La banalisation est en cours, avec les inconvénients qui s'ensuivent : circulation, bruit, énervement devant les caisses, excès de sollicitations et donc d'achats. Le veau d'or est aux manettes. »

 

Non, M. Frappat, le combat n'est pas perdu d'avance mais il sera, il est déjà difficile dans un monde qui voit le triomphe de cet individualisme de masse qui se proclame bruyamment et faussement « liberté » quand il n'est qu'asservissement à l'Argent et aliénation à la Marchandise « nécessaire » (sic!). Certes, il y faudra des ressources spirituelles (les Veilleurs en ont valorisées quelques unes ces dernières années, à la suite des non-conformistes des années trente ou d'un Bernanos, d'un Péguy, etc.), mais il y faudra aussi et surtout le moyen du politique, la force d'un État qui ne doive rien aux puissances financières et surtout pas son existence ou ses commis, la force d'un État libre, fort de sa légitimité et de cette liberté de décision et d'action qui fut l'apanage de la Monarchie d'un Louis XIV capable d'enfermer le plus riche des financiers pour assurer l'indépendance de l’État et défendre un Bien commun qui ne peut, qui ne doit pas être soumis au veau d'or que redoute tant, et avec raison, Bruno Frappat.