Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

09/05/2011

L'Europe, l'Europe, l'Europe ?

Puisque nous sommes le 9 mai, « jour de l’Europe » que tout le monde semble avoir oublié (doit-on y voir le symbole d’un désintérêt, voire d’une sourde hostilité de nos compatriotes envers l’Union européenne ?), quelques mots sur « cette Europe-là ».

 

En fait, j’ai constaté que cette « Europe » dont nos politiques, fort discrètement en période électorale et en pleine crise de confiance populaire, vantent les mérites, n’est guère connue et encore moins comprise de la plupart de nos jeunes et moins jeunes concitoyens. Certes, ils en connaissent parfois les 27 Etats et les grands projets communs comme la PAC et l’euro, par exemple. Mais, pour ceux qui forment les nouvelles générations, elle ne semble guère les motiver au-delà de l’habitude de la considérer comme une « nécessité » et une sorte de « fin de l’Histoire » continentale…

 

Les débats sur « l’Europe puissance » (notion éminemment française et qui rompt avec le « seul économique »), qui me semblent pourtant fondamentaux, ne sont guère évoqués alors que c’est pourtant là la clé du problème institutionnel et géopolitique : il n’y a de « puissance », y compris économique, que s’il y a volonté et indépendance. Or, la construction européenne, impulsée par deux démocrates-chrétiens français, Jean Monnet et Robert Schuman, semble avoir ignoré, dès l’origine, cette règle simple et mille fois vérifiée par cette maîtresse terrible qu’est l’Histoire. De Gaulle, farouchement opposé à la supranationalité, ne méconnaissait pas cette donnée de la diplomatie et a, évidemment, rencontré la plus vive opposition de ceux-là mêmes qui l’avaient boudé durant la Seconde guerre mondiale, Monnet le considérant et le dénonçant aux Etats-uniens comme un homme dangereux pour la démocratie…

 

L’attachement gaullien à l’idée d’une Europe confédérale est aujourd’hui caricaturé ou moqué comme une vieille antienne nationaliste française tandis que les chantres de l’euro-fédéralisme, qui se réclament des « pères de l’Europe » (sic !, car on ne parle guère de l’un des plus importants en son temps, Christian Pineau, et on néglige de voir le passage du chancelier Adenauer du camp Monnet à celui du « nationaliste de Gaulle »…), continuent à vanter « la constitution pour l’Europe » (même si le terme n’est guère évoqué dans le traité de Lisbonne aujourd’hui appliqué à l’Union), dans une approche réglementariste qui veut même fixer par celle-ci la doctrine économique de l’U.E., au risque d’être comparée (de façon un peu outrée d’ailleurs) au système totalitaire de la Russie communiste…

 

Or, il est deux ou trois choses à rappeler :

 

D’abord, ce n’est pas une constitution qui fait la volonté d’un Etat ou d’une alliance d’Etats, ni même sa réussite sur le plan politique ou économique : l’Angleterre n’a pas eu de constitution écrite dans son histoire des siècles passés, ce qui ne l’a pas empêché d’être, durant un bon siècle, la puissance majeure de l’Europe et, même, du monde industrialisé ; 

 

Ensuite, l’union de vingt et quelques « passifs » ne fait pas une « action » ou une volonté efficace, pourtant nécessaire à toute politique digne de ce nom : et l’exemple du ralliement de la majorité des pays membres à la position des Etats-Unis dans l’affaire irakienne, en 2003, contre la position pourtant raisonnable de la France, suivie par l’Allemagne et la Russie, est la preuve, tragique, que l’union peut même se retourner contre les intérêts de l’Union européenne… D’ailleurs, l’existence d’un haut représentant de l’Union pour les Affaires étrangères, Madame Ashton, n’a guère changé la donne face aux « empires » et n’a pas rapproché les diplomaties européennes, comme le montre à l’envi l’intervention franco-britannique en Libye et les critiques violentes de l’Allemagne à l’égard de la « guerre française » (sic !)…  ;

 

Enfin, tout fonder sur la seule économie et permettre, au nom des sacro-saints principes du libre-échange, la liquidation de pans entiers des industries nationales au profit de quelques gros actionnaires et de fonds d’investissement étrangers, risque de se retourner contre les promoteurs de cette « anarchie féodale » et de décrédibiliser les institutions mêmes qui auront permis ce « laisser faire, laisser passer » sans limites sociales

 

Au regard des (rares) débats actuels sur le thème de la construction européenne, ces enjeux ne sont pas vraiment évidents aux yeux des générations présentes en place ou montantes, sauf pour ceux qui pensent sur le long terme, au-delà du seul présent forcément condamné à n’être qu’un « moment » de l’Histoire, et pour ceux qui sortent des autoroutes de la « pensée unique », autre expression pour signifier « l’idéologie dominante » de nos élites européanisées ou, plutôt, mondialisées.

 

Je me souviens de cet avertissement de Régis Debray, au milieu des années 90, qui rappelait qu’à trop invoquer Monnet, c’est Maurras que l’on risquait de voir surgir… Il y a quelques raisons de le craindre… ou de l’espérer, qui sait…

 

 

 

30/09/2008

Quelques remarques d'Attali sur la crise financière.

La crise financière a commencé il y a déjà plus d’un an, le 9 août 2007, et elle n’a pas fini de faire sentir ses effets sur l’économie mondiale. Dans un entretien paru dans « Le Monde » (9 août 2008), Jacques Attali, dont j’ai déjà eu l’occasion de traiter ici sans beaucoup de délicatesse, développe néanmoins quelques propos intéressants qu’il serait maladroit de négliger : « Cette crise a démontré qu’on ne pouvait pas laisser la finance se réguler elle-même. Le système financier a été un instrument génial pour organiser la globalisation, le transfert depuis les pays qui ont de l’épargne vers les pays où investir.

La titrisation [une innovation financière qui a permis aux banques de transférer les risques de crédit aux marchés] en a été l’un des outils. Mais à partir du moment où il n’a plus été au service de l’économie de marché mais au service de lui-même, pour réaliser des profits, le système a dérapé et il n’y avait personne pour l’en empêcher. » Ainsi, Attali semble reconnaître que la « main invisible », si nécessaire au raisonnement libéral en économie, n’est pas pour autant vertueuse et ne tend pas naturellement au bien commun, sans doute parce que limiter l’économie à elle-même, en faire une fin quand elle ne devrait être qu’un moyen, c’est la laisser à ses seuls principes de profit et d’efficacité. Or, l’économie sans conscience sociale, sans garde-fou institutionnel au service des personnes, c’est le déni de tout humanisme, de toute justice sociale. Ainsi je vais, dans mon propos, beaucoup plus loin que M. Attali qui, lui, ne met pas vraiment en cause les principes de l’économie de marché, même quand ils dégénèrent en abus qu’il attribue au seul système financier quand, à mon avis, le mal est beaucoup plus profond.

Néanmoins, on ne peut qu’approuver son propos quand il écrit : « Le plus vraisemblable est que le système s’en tirera en reportant sur d’autres le solde de ses erreurs.

Nous sommes au moment où l’on commence à faire payer le contribuable par des nationalisations directes ou indirectes comme au Royaume-Uni (…), ou comme on s’apprête à le faire aux Etats-Unis (…).

Les épargnants pourraient payer la facture via l’inflation, qui dévalorisera leurs créances et donc leur patrimoine. » Il me semble qu’on est en plein dedans, avec la semi-nationalisation de Fortis au Benelux, par exemple…

Mais est-il normal que, au-delà des épargnants eux-mêmes, tous les contribuables doivent aussi payer pour réparer les conséquences des choix désastreux ou des spéculations des grandes banques d’affaires ?

En fait, cela ne serait pas choquant si l’Etat était sûr de récupérer sa mise, voire d’en tirer quelques bénéfices qui serviraient ainsi au bien commun national, mais là encore, rien n’est sûr, et il semble que certains financiers ne voient en ces mesures que le moyen de s’éviter le pire…

Ce qui est certain, c’est que les mesures de nationalisation prises dans l’urgence risquent de se heurter d’ici quelques temps aux « rappels au règlement » de l’Union européenne, plus libérales (au sens purement économique) encore depuis le traité constitutionnel de Lisbonne : les Etats oseront-ils s’opposer alors à la gardienne inflexible de l’ordre eurolibéral qu’est la Commission européenne ? A moins que la dite Commission ne comprenne enfin que les dogmes ne valent rien face aux réalités et que la meilleure stratégie peut parfois être de « contourner » les grands principes, voire de les oublier… L’épreuve de vérité approche-t-elle ?

En tout cas, le feuilleton de la crise, avec sa dramaturgie et ses rebondissements, son rythme endiablé, continue : la suite au prochain épisode…

10/11/2007

La Commission européenne contre les pêcheurs.

La Commission européenne vient de déclarer que les aides annoncées par le président Sarkozy aux pêcheurs du Guilvinec étaient « incompatibles avec la réglementation européenne » parce qu’elles seraient en contradiction avec les conditions de la libre concurrence… En somme, pas de solidarité nationale possible parce que les lois du Marché ne souffrent aucune remise en cause : ainsi, meurent les pêcheurs bretons pourvu que les règles du libéralisme économique soient respectées… Cette logique terrible, qui ne souffre visiblement aucune exception, me révolte et m’enrage : doit-on l’accepter sans coup férir ? Sûrement pas, et il ne me choque pas, de fait, que la colère des pêcheurs sacrifiés à la logique d’un libéralisme oublieux des hommes se transforme en une violence contre les symboles d’une Union Européenne qui se moque des peuples : que brûlent des drapeaux bleus étoilés, ces chiffons du « désordre établi » selon l’expression du personnaliste Emmanuel Mounier, ne serait que la réponse logique à la violence froide, légale et réglementaire d’une Commission arrogante et si peu humaine.

 

Mais cela ne sera qu’une vaine révolte si elle ne cherche pas une expression politique qui soit aussi « fondatrice » et pose les bases d’une nouvelle politique d’Etat, affranchie des oukases du « tout-économique » et susceptible de garantir les droits sociaux des citoyens et des travailleurs. En somme, le combat à mener est un combat tout à la fois « indépendantiste français » et « social » : il me semble que, loin d’être inutile ou retardataire, ce combat est une nécessité, tournée vers une conception de l’avenir qui ne se replie pas sur une conception étriquée et fataliste d’une Europe-carcan mais bien plutôt sur l’ambition d’une France libre au sein d’une grande Europe confédérale, de cette « maison » qui comprend aussi la Russie et ne raisonne pas en simples termes comptables… Je suis bien certain que c’est un langage que ne peuvent pas comprendre les « nains de Bruxelles », ces eurocrates pour qui j’éprouve un mépris qui n’a rien de feint…

 

Il y a quelques années, j’avais avancé, dans deux articles parus dans « L’Action Française », des propositions concrètes et réalistes pour assurer l’avenir et la pérennité de la pêche française : je garde espoir, aujourd’hui encore, qu’il est possible de faire vivre cette activité, en particulier sur nos côtes bretonnes. Mais il semble bien que la Commission européenne soit désormais un obstacle à cette politique de sauvegarde de la pêche artisanale… Une nouvelle chouannerie des gens de mer pourrait bien voir le jour contre une Commission européenne trop libérale pour être vraiment humaine…