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14/11/2011

Le Fonds européen de stabilité financière est-il mort-né ?

L'Union européenne ne suscite guère la confiance en tant que telle, et la dernière mésaventure du fameux FESF (Fonds européen de stabilité financière) destiné à lever des milliards d'euros (officiellement jusqu'à 1.000 milliards...) le prouve à l'envi, comme le rapporte le quotidien Les échos le 8 novembre dernier : « Le FESF, qui n'avait pas fait appel au marché depuis juin, a été obligé de payer un prix élevé pour lever 3 milliards d'euros de titres à 10 ans (...). ». Comme le souligne Marianne (12-18 novembre 2011) : « Alors qu'il devait être appelé à lever des centaines de milliards d'euros sur les marchés pour faire face à la crise des dettes souveraines, il suscite dorénavant la méfiance des investisseurs. Le FESF a dû s'y prendre à deux fois pour lever 3 milliards d'euros au profit de l'Irlande. Et il a dû servir un taux d'intérêt en très forte hausse. Le différentiel avec les taux allemands a plus que triplé en cinq mois ! ». En somme, ce FESF risque d'aggraver encore un peu plus l'endettement européen alors que sa mission première était de venir en aide aux Etats... trop endettés ! C'est le serpent qui se mord la queue !

 

Cette information n'est pas mineure et elle augure mal de la suite, comme le souligne un analyste économique interrogé par Les échos : « Depuis quelque temps l'écart de taux entre le FESF et l'Allemagne suit d'assez près l'évolution de l'écart France-Allemagne, note Clement Genes, chez Kepler. Le marché semble anticiper une dégradation de la note de la France et son impact sur la capacité d'emprunt du Fonds de stabilité ; les investisseurs tiennent aussi compte des incertitudes sur la pérennité des mécanismes de soutien de la zone euro. » En somme, la France apparaît désormais comme le prochain « maillon faible » de la zone euro, avec des conséquences approchantes de celles vécues par la Grèce ou les autres pays de l'Europe méditerranéenne, et le FESF est, d'une certaine manière, « mort-né », à cause de cette « faiblesse » de la France ...

 

C'est d'ailleurs ce que dit Jacques Attali dans un entretien paru jeudi 10 novembre dans La Tribune : « Le FESF ne fonctionnera pas. Ajouter de la dette à la dette avec la garantie de l'Allemagne et de la France fera perdre le Triple A à ces pays sans résoudre en rien le problème financier posé. Emprunter pour donner sa garantie à ceux qui ne le peuvent plus est une course en avant suicidaire. Cela ne peut pas marcher. La dernière émission du FESF a d'ailleurs été sanctionnée par les marchés, compte tenu du flou qui entoure cette machine à gaz. »

 

Quand on pense que certains nous vantaient il y a encore quelques mois le « rôle protecteur de l'euro » (sic !)... Les marchés cannibales n'ont cure des slogans, comme les peuples en ont assez des uns comme des autres, aussi dévastateurs les uns que les autres...

 

30/09/2008

Quelques remarques d'Attali sur la crise financière.

La crise financière a commencé il y a déjà plus d’un an, le 9 août 2007, et elle n’a pas fini de faire sentir ses effets sur l’économie mondiale. Dans un entretien paru dans « Le Monde » (9 août 2008), Jacques Attali, dont j’ai déjà eu l’occasion de traiter ici sans beaucoup de délicatesse, développe néanmoins quelques propos intéressants qu’il serait maladroit de négliger : « Cette crise a démontré qu’on ne pouvait pas laisser la finance se réguler elle-même. Le système financier a été un instrument génial pour organiser la globalisation, le transfert depuis les pays qui ont de l’épargne vers les pays où investir.

La titrisation [une innovation financière qui a permis aux banques de transférer les risques de crédit aux marchés] en a été l’un des outils. Mais à partir du moment où il n’a plus été au service de l’économie de marché mais au service de lui-même, pour réaliser des profits, le système a dérapé et il n’y avait personne pour l’en empêcher. » Ainsi, Attali semble reconnaître que la « main invisible », si nécessaire au raisonnement libéral en économie, n’est pas pour autant vertueuse et ne tend pas naturellement au bien commun, sans doute parce que limiter l’économie à elle-même, en faire une fin quand elle ne devrait être qu’un moyen, c’est la laisser à ses seuls principes de profit et d’efficacité. Or, l’économie sans conscience sociale, sans garde-fou institutionnel au service des personnes, c’est le déni de tout humanisme, de toute justice sociale. Ainsi je vais, dans mon propos, beaucoup plus loin que M. Attali qui, lui, ne met pas vraiment en cause les principes de l’économie de marché, même quand ils dégénèrent en abus qu’il attribue au seul système financier quand, à mon avis, le mal est beaucoup plus profond.

Néanmoins, on ne peut qu’approuver son propos quand il écrit : « Le plus vraisemblable est que le système s’en tirera en reportant sur d’autres le solde de ses erreurs.

Nous sommes au moment où l’on commence à faire payer le contribuable par des nationalisations directes ou indirectes comme au Royaume-Uni (…), ou comme on s’apprête à le faire aux Etats-Unis (…).

Les épargnants pourraient payer la facture via l’inflation, qui dévalorisera leurs créances et donc leur patrimoine. » Il me semble qu’on est en plein dedans, avec la semi-nationalisation de Fortis au Benelux, par exemple…

Mais est-il normal que, au-delà des épargnants eux-mêmes, tous les contribuables doivent aussi payer pour réparer les conséquences des choix désastreux ou des spéculations des grandes banques d’affaires ?

En fait, cela ne serait pas choquant si l’Etat était sûr de récupérer sa mise, voire d’en tirer quelques bénéfices qui serviraient ainsi au bien commun national, mais là encore, rien n’est sûr, et il semble que certains financiers ne voient en ces mesures que le moyen de s’éviter le pire…

Ce qui est certain, c’est que les mesures de nationalisation prises dans l’urgence risquent de se heurter d’ici quelques temps aux « rappels au règlement » de l’Union européenne, plus libérales (au sens purement économique) encore depuis le traité constitutionnel de Lisbonne : les Etats oseront-ils s’opposer alors à la gardienne inflexible de l’ordre eurolibéral qu’est la Commission européenne ? A moins que la dite Commission ne comprenne enfin que les dogmes ne valent rien face aux réalités et que la meilleure stratégie peut parfois être de « contourner » les grands principes, voire de les oublier… L’épreuve de vérité approche-t-elle ?

En tout cas, le feuilleton de la crise, avec sa dramaturgie et ses rebondissements, son rythme endiablé, continue : la suite au prochain épisode…