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04/01/2019

La proposition monarchique, pour sortir de la crise politique.

L’année 2019 débute comme la précédente avait fini, sur la confrontation entre le gouvernement et les Gilets jaunes, et la violence n’en finit pas, là encore, de rebondir dans les médias et les commentaires des internautes, dans cette spirale qui ne cesse de m’inquiéter par son aspect vertigineux. Mais la mémoire courte des démocraties émotionnelles peut-elle satisfaire la réflexion politique ? Bien sûr que non, et nous aurions tort de négliger l’histoire des peuples de France qui retentit encore des révoltes passées, parfois anciennes mais qui peuvent nous fournir quelques éléments d’explication, non seulement pour comprendre ou saisir le moment, mais aussi pour proposer et agir, au-delà des slogans et des postures, souvent trop simplistes et peu compatibles avec l’inscription d’une politique dans la durée nécessaire à son efficacité.

 

Les Gilets jaunes sont un moment fort de la vie politique et, paradoxalement sans doute, participent de la recomposition en cours depuis quelques années : le « dégagisme » qui empêche désormais toute alternance paisible et toute continuité depuis le début des années 2000, trouve là une nouvelle et forte manifestation, après celle qui, en balayant les anciens monopoles politiques (les partis modérés de Droite et de Gauche) lors de la dernière élection présidentielle, avait placé M. Macron à la tête de l’Etat. Mais, comme le disait le « prince de la jeunesse » du Quartier Latin Henri Lagrange, ce royaliste passionné mort à vingt ans lors du premier conflit mondial, « 1789, c’est la toilette du condamné », et le président est la victime de la « deuxième lame » après celle de 2017 qui a tranché tant de têtes, de Montebourg à Hollande, de Sarkozy à Fillon, de Valls à Juppé, sans oublier celle de Duflot ou de Hamon… Le dégagisme poursuit sa course folle, comme une boule de flipper, désarçonnant les uns et les autres, y compris les mieux établis des pouvoirs, politiques ou syndicaux, et provoquant les peurs, immenses, des bourgeoisies mondialisées qui, tout d’un coup, voient ceux qui se proclament, sans le droit électoral et hors de toute « légalité » républicaine parlementaire, « le peuple », formule rituelle des banquets républicains d’antan détournée par le « petit peuple des ronds-points ».

 

La colère des manifestants du « Mai jaune » est violente, et ne s’embarrasse guère des circonvolutions langagières du « politiquement correct », au risque d’effrayer un peu plus ceux qui se pensaient intouchables et cultivaient le mépris, parfois intellectuel mais souvent « inné », à l’égard des « classes laborieuses » (celles qui travaillent, mais souvent sans le filet protecteur des aides sociales ou d’un statut acquis et « immobile »), celles-là mêmes qui, précarisées ou menacées par les mutations contemporaines, ruent dans les brancards d’une « modernisation » et d’une mondialisation qui semblent se faire sans leur avis ni même le respect qui devrait être dû à toutes les personnes de ce pays. Terrible choc de deux mondes, pourtant se partageant le même grand-espace (mais sans réel mélange ni véritable concorde) et le même temps (mais sans le même usage ni le même calendrier de vie), et qui, désormais, se regardent en chiens de faïence : plus encore qu’une lutte des classes (bien réelle désormais, mais surtout des plus aisés, « les gagnants », à l’égard des moins pourvus, considérés comme « les perdants » au regard des processus contemporains), sans doute est-ce une « lutte des autres contre les autres », l’altérité sociale et la différenciation (de mentalité) culturelle devenant, a contrario, les critères d’appartenance d’un groupe ou de son « contraire ». D’où la difficulté grandissante pour les pouvoirs publics de trouver un terrain d’entente avec leurs opposants qui ne parlent pas, ou plus, le même langage, la mondialisation ayant brouillé les repères de formation et de consolidation des nations et des citoyens, au risque de créer et d’entretenir conflits et révoltes dans une suite sans fin entre ce que d’aucuns pourraient qualifier de « pays réel(s) » (même si le pluriel est sans doute nécessaire pour être bien exact) et de « pays légal », les deux groupes de pays n’ayant plus de souverain commun reconnu et unificateur, alors que c’était encore le cas à la fin du XXe siècle, avant que « l’Europe » ne vienne se « surajouter » à la souveraineté de l’Etat national, au risque de la fragiliser et d’en opacifier la nature aux yeux des populations.

 

Retisser le lien social aujourd’hui bien défait, telle est l’ardente obligation politique des temps qui viennent pour éviter que ceux qui s’annoncent ne portent en eux de nouvelles tempêtes peut-être encore plus violentes et, à terme, dévastatrices : l’histoire nous enseigne que l’on ne joue pas avec les révolutions, et que le meilleur moyen d’en éviter les errements sauvages et terribles, c’est de les apaiser, de les accompagner, de les ordonner, parfois de les détourner, ce que le général de Gaulle, en 1958 et au cœur de l’ouragan qui était en train de balayer la Quatrième (le Pouvoir ne pouvant même plus compter sur ses forces de l’ordre, ouvertement « dissidentes »), réussit à faire en évoquant une légitimité qui devait plus à l’histoire (et à sa propre histoire…) qu’à un pays légal discrédité, affolé et cherchant une porte de sortie à peu près honorable pour éviter le mauvais sort que lui promettaient certains, militaires patriotes, pieds-noirs d’Algérie ou Camelots du Roi anti-parlementaristes. Aujourd’hui, nous sommes plus en 1958 qu’en 1940 ou en 1789, sans doute, et la crise est aussi (et peut-être d’abord) une crise de confiance et une révélation des défiances dont la République, au moins sous sa forme actuelle, risque bien de ne pas sortir totalement intacte, quelle que soit le destin de « l’émeute jaune ».

 

S’il n’y a pas de politique miracle, il peut y avoir un miracle du politique : c’est par ce moyen, « par le haut » beaucoup plus encore que par la base qui, elle et dans son extrême diversité, révèle le malaise et les défauts du système institutionnel, s’agite (et c’est parfois bienheureux et salutaire !) et bouscule mais sans pouvoir, à elle seule, refonder l’ordre politique souverain, que les espérances de ce qui « est et forme peuple » peuvent se trouver, sinon toujours comblées, du moins entendues et favorablement appréciées, sans démagogie ni exclusive. Encore faut-il une magistrature suprême de l’Etat qui ouvre cette possibilité du dialogue au-delà des contraintes de la légalité mais en fondant une « heureuse légitimité » susceptible d’accepter et d’ordonner le dialogue entre les composantes de l’ancien pays légal et celles des pays réels, au sein d’institutions qui soient appelées, d’une manière ou d’une autre, à inscrire la discussion civique dans un cadre pérenne.

 

Ce n’est pas en « républicanisant la République » ou en changeant à tout prix de numérotation pour celle-ci que la situation peut se dénouer, bien au contraire. Certains royalistes, dans la logique de la Cinquième, souhaitent une réactivation de l’élément monarchique et populaire des institutions issues de 1958, et la fin du quinquennat pourrait ouvrir favorablement, à leurs yeux, un nouveau cycle « gaullien et républicain » dans le respect de la tradition monarchique française ; d’autres, dont je suis (et cela sans être indifférent à la précédente option évoquée), pensent qu’il est sans doute temps de « dépasser la République » (certains diraient, en un clin d’œil sémantique, « couronner la République »…), non pour revenir à un mythique et obsolète « Ancien régime », définitivement mort en 1789, mais pour faire advenir un « nouveau régime » fondé sur un renforcement monarchique de la magistrature suprême de l’Etat, qui pourrait, par l’inscription dans une logique de continuité dynastique, permettre un desserrement du carcan administratif et la revitalisation, par des institutions législatives plus décentralisées (voire « autonomes ») et le recours à des « votations » locales plus fréquentes sans être anarchiques, de la citoyenneté populaire.

 

La nécessité d’une nouvelle concorde française, qui assure aussi à la France une visibilité heureuse et une crédibilité véritable aux yeux du monde, impose de refonder le pacte royal qui, jadis, a fondé ce que nous sommes, au fil de l’histoire et en face du destin, en tant que Français…

 

 

22/06/2016

Ce semble-Etat de la République...

Je poursuis ce mercredi la retranscription de mon discours de dimanche dernier, prononcé lors du banquet de fin de printemps du Groupe d’Action Royaliste. A me relire, j’ai l’impression que mes propos trouvent confirmation de leur actualité en ce jour de cafouillage gouvernemental et de « victoire » (temporaire ?) des organisations syndicales contestataires. La suite demain, sans aucun doute…

 

 

 

Un élément nouveau est apparu la semaine passée avec l’annonce du premier ministre et du président de la République, dès le lendemain des incidents du 14 juin, de la possibilité légale d’interdire les prochaines manifestations syndicales parisiennes. Certains, ironiques, y verront peut-être la fin du fameux « Interdit d’interdire », valorisé par la Gauche depuis Mai 68. (1)

 

Est-ce une marque d’autorité ? Non, j’en doute : lorsqu’elle rencontre une difficulté, la République, surtout quand elle se dit « de gauche » (ce que je n’oserai lui dénier), tombe tout de suite dans l’autoritarisme qui n’est que la caricature de l’autorité. (2)

 

Est-ce vraiment illogique, est-ce vraiment une surprise pour les royalistes qui savent d’expérience et d’histoire, en bons « empiristes organisateurs », que la République, sauf en de rares occasions qui ne durent et ne peuvent – par le principe même de la « République des républicains » - durer, n’est pas un véritable Etat mais, comme le disait fort bien le philosophe Pierre Boutang, un « semble-Etat » : cela ressemble à un Etat, il en porte les marques et les couleurs, mais cela n’est pas un Etat ! Il lui manque le temps, l’autorité et la légitimité qui fondent un Etat digne de ce nom. Le « semble-Etat » est le Canada Dry de l’Etat, rien de plus.

 

C’est encore plus vrai aujourd’hui qu’hier, et c’est terrible pour la France et les Français qui en sont les premières victimes.

 

 

 

 

(à suivre : L’Etat sans l’autorité, la pire des choses.)

 

 

 

Notes : (1) : L’interdiction de la manifestation a effectivement été prononcée le mercredi 22 juin… avant que d’être infirmée quelques heures plus tard devant la colère d’une bonne partie de la Gauche et des syndicats, y compris de ceux qui sont favorables au projet gouvernemental : cette valse-hésitation (formule qui se prête évidemment à nombre de jeux de mots, à moins qu’ils s’agissent de maux…) démontre à l’envi l’absence de constance et, encore plus, l’absence de cap du gouvernement. Cela confirme mes propos de dimanche dernier sur la crise d’autorité du régime.

 

(2) : C’est une tendance lourde de la Gauche, en définitive, et cela dès les débuts de la République si l’on considère que la République des années 1792-1794 en est une incarnation et que le tandem Robespierre-Saint-Just en porte les « valeurs », ce qui reste, d’ailleurs, à expliquer et, parfois, à nuancer. Il faudrait sans doute revenir sur la fameuse formule de l’Archange de la Terreur qui proclame « Pas de liberté pour les ennemis de la Liberté », formule qui, jusqu’à une période récente, était hautement revendiquée par une part significative des hommes et des partis de Gauche, pas forcément communistes…

 

 

21/06/2016

La France et le Mai 68 rampant...

Comme à chaque banquet dominical du Groupe d’Action Royaliste, j’ai prononcé un petit discours sur l’actualité et ses leçons politiques, dont je retranscris ci-dessous les principaux éléments, et ceci en plusieurs notes successives pour en faciliter la lecture.

 

 

 

Les derniers mois ont été éprouvants pour qui aime la France, entre alertes terroristes, marasme économique, blocage social et désordres urbains…

 

Tout d’abord, une situation sociale bloquée, avec la présentation d’une loi qui n’a pas, en soi, vocation à créer vraiment de l’emploi mais seulement à libéraliser un peu plus le marché du travail. La libéralisation elle-même est-elle toujours un mal ? Il peut y avoir évidemment débat sur ce thème, et les royalistes eux-mêmes n’échappent pas à ce débat… (1)

 

Mais le trop est l’ennemi du bien, et cette loi n’est rien d’autre, dans son esprit général, que la transposition définitive dans le droit français de ce que l’on nomme (sans doute à tort, d’ailleurs) le « néolibéralisme », fruit bruxellois (je veux dire « européiste ») de la mondialisation, et dont on connaît les tristes conséquences en d’autres terres d’Europe mais aussi sur notre propre territoire (délocalisations, destructions d’emplois, désindustrialisation).

 

Pourtant, il faudrait bien réformer le Droit du travail, l’alléger pour mieux le renforcer, le muscler : en fait, avec cette loi sans queue ni tête, ce ne sera pas pour cette fois encore…

 

Dans cette affaire, la République a montré, une fois de plus, ses faiblesses et ses blocages, et, alors qu’elle avait placé le territoire en « état d’urgence », la France vient de connaître une sorte de « Mai 68 rampant » dont elle n’est, à ce jour, pas sortie.

 

Manifestations, grèves, blocages, puis émeutes et casseurs, au cœur des villes de l’Ouest et de Paris, voici les formes multiples de cette crise du printemps 2016. Les derniers événements du mardi 14 juin n’en sont que le point d’orgue, peut-être provisoire, mais qui mérite d’être regardé de plus près, au-delà des postures et des indignations qui gênent la compréhension de ce qui se déroule et de ce qui est en jeu.

 

Résumons : tout d’abord, une manifestation syndicale très importante en nombre et qui peut laisser entendre que la mobilisation des contestataires de la loi Travail (souvent baptisée du nom de son défenseur, Mme El Khomry) ne faiblit pas encore, malgré l’approche des vacances. Un sondage publié samedi dernier (18 juin) annonçait 60 % de Français favorables à cette contestation, sans pour autant que les raisons de ceux-ci soient toujours les mêmes, selon le milieu politique considéré : 90 % de sympathisants de la gauche de la Gauche, et près de 80 % d’électeurs du Front National, se retrouvent dans cette protestation qualifiée de « populiste » par les libéraux de droite comme de gauche qui, eux, sont majoritairement favorables à la loi et à son esprit… La convergence des luttes et la convergence des intérêts, ironiseront certains !

 

Ensuite, la présence et la violence des casseurs et des émeutiers (sont-ils forcément les mêmes ? La question mérite d’être posée, et la réponse est moins simple qu’on le croit) qui s’en prennent à tout ce qui symbolise l’Etat ou la société, au risque de jeter une profonde confusion dans l’opinion et de noyer toute raison dans la fumée des pétards et des lacrymogènes…

 

Et, en face, un gouvernement qui se veut « droit dans ses bottes », dans une posture qui n’est pas sans rappeler celle du premier ministre Alain Juppé en 1995, et un gouvernement qui tient en espérant que la tempête sociale se calme bientôt, 49-3 et vacances d’été obligent…

 

Une situation dangereuse pour le pays, si l’on n’y prend garde…

 

 

 

(à suivre : un Etat sans autorité ?)

 

 

 

 

Notes : (1) : Personnellement, je suis fondamentalement hostile au libéralisme comme idéologie parce qu’il n’est que la destruction des libertés concrètes, réelles, par une idée de la Liberté exagérée qui n’est rien d’autre que cette liberté illimitée « de la jungle », règne du plus fort sans devoir envers le plus faible. En revanche, je peux admettre, en certains cas, une certaine libéralisation comprise comme une désétatisation des rapports sociaux et professionnels, et comme une forme de responsabilisation qui concerne tous les acteurs d’un métier ou d’une activité professionnelle de production ou d’échange en un lieu et en un temps donnés : en somme, non un chemin vers le libéralisme mais une pratique intelligente et mesurée des libertés dans un cadre (et une logique) que l’on pourrait qualifier de « corporatif ».