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19/06/2014

Un nouveau roi en Espagne, Philippe VI.

 

Il est toujours agréable de lire en couverture d'une revue un grand « Vive le roi ! », même si, au regard de la photo, il ne s'agit pas d'une déclaration à la France mais de la proclamation du nouveau roi d'Espagne, Philippe VI (Felipe en langue espagnole), néanmoins descendant de nos rois Henri IV, Louis XIV et... Louis-Philippe (entre autres...) mais aussi de la reine Blanche de Castille et, plus loin encore, de l'empereur Charlemagne : un résumé de l'histoire de France, en somme !

 

Ce roi arrive avant l'heure, d'une certaine manière, et l'ancienne formule « Le roi est mort, vive le roi ! » a quelque tendance, ces dernières années, à devenir « le roi s'en va, vive le roi ! », comme le titrait Le Parisien à l'annonce de l'abdication du roi Juan Carlos au début de ce mois... Faut-il s'en plaindre ? Peut-être pas, après tout, et les monarchies royales, dans l'histoire, ont souvent su s'adapter aux évolutions de leur temps sans pour autant renoncer à leur particularité propre, celle d'un mode de transmission familiale du père (ou de la mère) au fils (ou à la fille), indépendamment des querelles de partis et des jeux politiciens : la naissance est la base de la légitimité royale, sans en être le seul élément. Que la mort ne soit pas toujours le déclencheur de la transmission royale n'enlève rien à tout l'intérêt de cette dernière : on a déjà pu le constater l'an dernier avec le passage de relais du roi des Belges Albert II à son fils Philippe (un prénom décidément royal en Europe!) ou de la reine Beatrix à son héritier Willem-Alexander aux Pays-Bas.

 

Néanmoins, le nouveau roi aura sans doute fort à faire pour redonner confiance en la monarchie à des jeunes Espagnols qui n'ont pas connu le régime autoritaire du général Franco ni les inquiétudes de la « transition démocratique » des années 1975-1981, et qui ne voient en elle qu'une institution surannée à l'heure de la mondialisation et de l'immédiateté... Le long temps de la monarchie, cette succession de règnes qui semblent ne devoir finir que par le tombeau ou l'abdication un peu honteuse (parfois tragique si l'on se réfère à l'histoire de la monarchie espagnole depuis la Révolution française), apparaît difficilement compréhensible pour une génération habituée au mouvement perpétuel, à ce que Pierre-André Taguieff qualifie de « bougisme ». Et pourtant ! C'est une qualité de la monarchie de ne pas être obligatoirement « à la mode » et de pouvoir ainsi prétendre marcher « avec tous les temps », au delà de « l'instant du moment », et non pas avec le seul « présent éternel » que la société de consommation voudrait bien imposer à tous pour mieux asseoir son pouvoir global... La monarchie, par sa nature même, est un obstacle à la fluidité totale que le « libéralisme-libertaire » et la gouvernance de l'Argent et de ses agents veulent imposer au monde au nom d'une modernité qui serait, d'après eux, inéluctable et infinie. En plongeant ses racines dans l'histoire et dans la famille, la monarchie est l'institution anti-individualiste par excellence : au service de tous, donc, et non de quelques uns...

 

Si la monarchie espagnole souffre aujourd'hui d'une véritable remise en cause de la part d'une grande partie des jeunes Espagnols, c'est sans doute aussi parce qu'elle est encore « trop jeune » (elle n'a été restaurée physiquement qu'en 1975 avec la montée sur le trône de Juan Carlos, à la mort de Franco, et elle n'a connu, jusqu'à ce matin, qu'un seul représentant) : le règne de Philippe/Felipe VI sera, sur ce point, déterminant et devra marquer l'enracinement véritable de la monarchie en Espagne, en attendant l'accession à la plus haute magistrature de l'Etat de... la reine Leonor, aujourd'hui âgée de huit ans... « L'avenir dure longtemps », disait feu le comte de Paris et la monarchie, par principe et par statut, doit voir loin ! La République française qui, depuis les années 1980, ne regarde et ne pense jamais au-delà de la prochaine élection présidentielle, devrait bien s'en inspirer, tout compte fait...

 

12/06/2014

Coupe du monde de balle au pied : la dictature de la Fifa.

 

La coupe du monde de balle-au-pied est une occasion de soulever quelques questions sur la société dans laquelle nous vivons, au-delà même de ce sport à la fois mobilisateur et révélateur. Ainsi, une question sur l'attitude des autorités politiques d'un Etat comme le Brésil qui ont fait voter, dès mars 2012, la « Lei Geral da Copa », c'est-à-dire la « loi générale de la Coupe » qui octroie des droits incroyables à la Fédération Internationale de Football (Fifa) et à ses partenaires économiques, y compris au détriment du droit du travail et aux dépens des commerçants locaux et des Brésiliens eux-mêmes. Sur le site du Figaro (11 juin 2014), on apprend que « grâce à ce texte, la Fifa a décroché le droit de vendre des billets sans tenir compte du demi-tarif pratiqué pour les étudiants et les retraités. Mais surtout, l'instance mondiale du football a obtenu l'autorisation de vendre de l'alcool dans les stades brésiliens afin de satisfaire le partenaire officel Anheuser-Busch, fabricant de la bière Budweiser. Cette interdiction datait de 2003 et servait à endiguer la violence dans les enceintes sportives. » Que ne ferait-on pas pour engranger de meilleurs profits, quand on est une multinationale et que l'on vante les mérites d'une mondialisation qui n'est, en somme, qu'une vaste marchandisation du monde ? D'ailleurs, les minutes publicitaires des marques partenaires de la Fifa sont, à ce sujet, très explicites, vantant une sorte de mondialisation heureuse qui gomme les différences spatiales, culturelles et sociales, et dont le sport serait la meilleure illustration, joyeuse et musicale... Ainsi, la mondialisation des multinationales remet au goût du jour la fameuse formule de Saint-Just pour qui « le bonheur est une idée neuve » (en fait éternellement neuve) désormais étendu à la planète entière, de façon quasi-obligatoire : qui ne sourit pas est donc un dangereux personnage dont le scepticisme ou le silence cache sûrement des secrets inavouables ! Les Saint-Just contemporains sont publicitaires, financiers ou marchands, sportifs ou dirigeants sportifs, et ils peuvent s'appeler Coca-Cola, Adidas ou Platini...

 

La Fifa n'a pas inventé la dictature ludique, « distractionnaire » comme l'écrirait Philippe Muray, mais elle en est, aujourd'hui, le bon petit soldat : souriez, ou disparaissez ; consommez, ou disparaissez ; payez, si vous en avez les moyens, ou endettez-vous... ou, sinon, disparaissez ! D'ailleurs, la mondialisation s'adresse à tous, mais pas de la même façon, selon que vous êtes « acteur majeur de la mondialisation » ou simple épicier, comme le souligne Le Figaro : « Une zone commerciale exclusive est déployée dans un rayon de 2 kilomètres autour des stades. Impossible pour les boutiques situées dans ces périmètres de commercialiser des produits autres que ceux des partenaires officiels. Les vendeurs ambulants seront pour leur part tout simplement bannis. Exit donc la libre concurrence.

 

En cas d'infraction à ces mesures ou en cas d'atteinte à l'image de la Fifa et de ses sponsors, ce qui est devenu un crime fédéral, le Brésil a décidé (…) de créer des tribunaux d'exception. Pourtant contraires à la Constitution brésilienne de 1988, puisque la justice n'est plus la même pour tous les citoyens, ils permettront de distribuer des sanctions en un temps record. » Non, vous ne rêvez pas, et ces informations sont tout ce qu'il y a de plus officielles et assumées par l'Etat brésilien, mais aussi par les instances sportives mondiales de la balle-au-pied : quant à nos démocraties, si promptes à brandir le flambeau de la liberté et à vanter à la fois les droits de l'homme et le libre marché sans entraves (ce qui ne me plaît guère généralement, pour ce dernier, au regard de la loi de la jungle qu'il peut engendrer...), elles sont bien discrètes... Hypocrisie à tous les étages ?

 

Et pourtant, les rencontres de balle-au-pied peuvent être un spectacle enchanteur... Souvenons-nous juste que ce n'est, pour autant, qu'un « village Potemkine » et que, derrière ces belles façades sportives, qu'il n'est pas interdit d'admirer (et tant mieux, d'ailleurs!), il y a des réalités parfois plus sinistres et, au-delà, tout le cynisme moralisateur de classes dominantes mondialisées, certaines de leur puissance et de leur impunité... Elles oublient que, dans un temps pas si lointain, un de ces vendeurs ambulants, empêché de vendre ces petites marchandises, s'est suicidé et qu'une révolution est née de cet « incident » : c'était en Tunisie, il y a un peu plus de 3 ans... L'histoire tient aussi, parfois, à ces « détails » qui en changent le cours...

 

 

 

 

 

06/06/2014

Reine d'Angleterre.

Ce 6 juin est sans doute le dernier qui voit autant de vétérans se presser autour des plages du Débarquement : combien seront-ils encore dans une décennie ? Mais, parmi les chefs d'Etat eux-mêmes, il n'y a plus qu'un témoin de ces temps sombres d'une guerre qui a ravagé notre pays et bien au-delà de nos terres et des mers : c'est la reine Elisabeth II, pour laquelle notre République, née orpheline, a des égards tout particuliers, comme si elle avait quelque crime ancien à se faire pardonner, y compris aux yeux de la souveraine britannique...

 

Dans le quotidien La Croix (31 mai-1er juin 2014), c'est Geneviève Jurgensen qui rend un bel hommage à cette vieille dame au regard malicieux qui fut aussi une jeune fille courageuse au moment des bombardements sur l'Angleterre des années 1940 : « (…) Vous étiez à Londres sous les bombes, près de vos parents. Une bombe est tombée sur votre propre maison, le palais de Buckingham, dans les tout premiers jours des tout premiers bombardements. « Grâce à cela, a dit votre mère, je peux regarder dans les yeux les habitants des quartiers est », quartiers populaires et fort peuplés, victimes des premiers Blitz. Pressée par l'opinion publique de vous mettre avec votre soeur à l'abri au Canada, votre mère a répondu : « Mes enfants ne partiront pas sans moi. Je ne partirai pas sans le roi. Et le roi ne partira jamais. » » En quelques mots, voici définie et affirmée la responsabilité royale, plutôt éloignée de celle de nos présidents et de nos élites si républicaines : quand, en juin 1940, le gouvernement de la République française s'enfuit de Paris sans combattre puis s'en remet à un vieillard rappelé en urgence de Madrid avant que de le condamner, l'orage dévastateur passé, à une peine infamante, le roi George VI, lui, soutient son Premier ministre Churchill et refuse de s'engager dans une paix qui aurait signé la fin de la guerre en Europe mais laissé notre pays aux mains de l'Allemagne conquérante...

 

Les leçons d'hier ne doivent pas être oubliées, en particulier les leçons politiques, et les commémorations du 6 juin sont l'occasion de les rappeler : par sa simple présence, la reine d'Angleterre témoigne du bienfait d'une monarchie qui ne cherche pas forcément toujours à plaire mais bien plutôt à servir, au-delà des inquiétudes ou des faiblesses du moment...