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30/01/2017

Maintenant que les acteurs de la présidentielle sont en place...

Les acteurs de la prochaine présidentielle sont désormais nommés, et le spectacle a déjà bien commencé, accumulant surprises et trahisons, petits meurtres entre amis et ressentiments... Quelques célébrités politiques sont déjà défaites, avant même que la campagne officielle ne débute : le « dégagisme » évoqué par les partisans de M. Mélenchon a joué à plein, ses victimes étant Mme Duflot, MM. Sarkozy, Juppé, Valls, sans oublier le président en exercice qui, lui, se dégage aussi et tout seul de cette campagne qui ne le concerne plus directement. Mais cette « sortie des artistes » atteint désormais ses limites, et le fait que M. Hamon, candidat officiel du Parti socialiste, dépasse désormais M. Mélenchon dans les études d'opinion, en est le premier signe et cela pourrait  augurer d'un combat plutôt classique, malgré la « nouveauté » toute relative d'un Macron. Mais la prudence s'impose et j'éviterai soigneusement, à ce jour, de faire un pronostic : n'insultons pas l'avenir, car l'histoire n'est jamais écrite avant que d'avoir lieu

 

Les trois prochains mois nous réservent sans doute bien des surprises, mais ce spectacle électoral m'incite plutôt, tout en le suivant et en m'y engageant, à proposer « autre chose que ce qui existe » présentement : la Monarchie héréditaire et successible (ce dernier terme étant ardemment défendu par mon ancien professeur d'université Claude Nières, qui le préférait même à « héréditaire ») a le mérite immense de préserver la magistrature suprême de l’État des appétits et des ambitions politiciennes tout en chargeant (et le terme n'est pas inapproprié) une famille de cette représentation symbolique de l’État et le roi lui-même de la responsabilité de l'arbitrage politique. Cela n'empêche évidemment pas la vie parlementaire et le débat politique, mais, lorsque la « première place » est prise, les risques d'une dérive et d'abus de pouvoir sont plus limités (sans, pour autant, disparaître complètement, les hommes étant ce qu'ils sont, et la Monarchie n'ayant pas vocation à faire des hommes parfaits...). 

 

Qu'elle apparaisse lointaine en ces temps d'élection présidentielle n'empêche pas la Monarchie d'être toujours nécessaire : peut-être est-ce le spectacle contemporain de cette lutte des clans et des chefs pour un bail chez Mme de Pompadour (1) qui fera, a contrario, réfléchir nos concitoyens et avancer dans les esprits l'idée royale... Dans ce cas, l'élection du printemps aura au moins servi à quelque chose !

 

 

 

 

 

Note : (1) Le palais de l’Élysée a appartenu à la marquise de Pompadour, favorite du roi Louis XV...

 

19/06/2014

Un nouveau roi en Espagne, Philippe VI.

 

Il est toujours agréable de lire en couverture d'une revue un grand « Vive le roi ! », même si, au regard de la photo, il ne s'agit pas d'une déclaration à la France mais de la proclamation du nouveau roi d'Espagne, Philippe VI (Felipe en langue espagnole), néanmoins descendant de nos rois Henri IV, Louis XIV et... Louis-Philippe (entre autres...) mais aussi de la reine Blanche de Castille et, plus loin encore, de l'empereur Charlemagne : un résumé de l'histoire de France, en somme !

 

Ce roi arrive avant l'heure, d'une certaine manière, et l'ancienne formule « Le roi est mort, vive le roi ! » a quelque tendance, ces dernières années, à devenir « le roi s'en va, vive le roi ! », comme le titrait Le Parisien à l'annonce de l'abdication du roi Juan Carlos au début de ce mois... Faut-il s'en plaindre ? Peut-être pas, après tout, et les monarchies royales, dans l'histoire, ont souvent su s'adapter aux évolutions de leur temps sans pour autant renoncer à leur particularité propre, celle d'un mode de transmission familiale du père (ou de la mère) au fils (ou à la fille), indépendamment des querelles de partis et des jeux politiciens : la naissance est la base de la légitimité royale, sans en être le seul élément. Que la mort ne soit pas toujours le déclencheur de la transmission royale n'enlève rien à tout l'intérêt de cette dernière : on a déjà pu le constater l'an dernier avec le passage de relais du roi des Belges Albert II à son fils Philippe (un prénom décidément royal en Europe!) ou de la reine Beatrix à son héritier Willem-Alexander aux Pays-Bas.

 

Néanmoins, le nouveau roi aura sans doute fort à faire pour redonner confiance en la monarchie à des jeunes Espagnols qui n'ont pas connu le régime autoritaire du général Franco ni les inquiétudes de la « transition démocratique » des années 1975-1981, et qui ne voient en elle qu'une institution surannée à l'heure de la mondialisation et de l'immédiateté... Le long temps de la monarchie, cette succession de règnes qui semblent ne devoir finir que par le tombeau ou l'abdication un peu honteuse (parfois tragique si l'on se réfère à l'histoire de la monarchie espagnole depuis la Révolution française), apparaît difficilement compréhensible pour une génération habituée au mouvement perpétuel, à ce que Pierre-André Taguieff qualifie de « bougisme ». Et pourtant ! C'est une qualité de la monarchie de ne pas être obligatoirement « à la mode » et de pouvoir ainsi prétendre marcher « avec tous les temps », au delà de « l'instant du moment », et non pas avec le seul « présent éternel » que la société de consommation voudrait bien imposer à tous pour mieux asseoir son pouvoir global... La monarchie, par sa nature même, est un obstacle à la fluidité totale que le « libéralisme-libertaire » et la gouvernance de l'Argent et de ses agents veulent imposer au monde au nom d'une modernité qui serait, d'après eux, inéluctable et infinie. En plongeant ses racines dans l'histoire et dans la famille, la monarchie est l'institution anti-individualiste par excellence : au service de tous, donc, et non de quelques uns...

 

Si la monarchie espagnole souffre aujourd'hui d'une véritable remise en cause de la part d'une grande partie des jeunes Espagnols, c'est sans doute aussi parce qu'elle est encore « trop jeune » (elle n'a été restaurée physiquement qu'en 1975 avec la montée sur le trône de Juan Carlos, à la mort de Franco, et elle n'a connu, jusqu'à ce matin, qu'un seul représentant) : le règne de Philippe/Felipe VI sera, sur ce point, déterminant et devra marquer l'enracinement véritable de la monarchie en Espagne, en attendant l'accession à la plus haute magistrature de l'Etat de... la reine Leonor, aujourd'hui âgée de huit ans... « L'avenir dure longtemps », disait feu le comte de Paris et la monarchie, par principe et par statut, doit voir loin ! La République française qui, depuis les années 1980, ne regarde et ne pense jamais au-delà de la prochaine élection présidentielle, devrait bien s'en inspirer, tout compte fait...

 

15/04/2014

La Monarchie et le spectacle.

Il y a trois semaines environ, une internaute m’a posé quelques questions sur ma conception de la monarchie pour la France, et j’avais alors commencé à y répondre, me promettant bien de poursuivre ce petit travail de présentation des idées que je défends ici et dans la rue, voire par le jeu des urnes. Voici donc la suite des questions et mes tentatives de réponses :

 

« Dans les modèles espagnol et anglais, la royauté à un rôle plutôt de spectacle. Est-ce le rôle que vous souhaitez à votre roi ? (…) Et si vous voulez un rôle plus fort, lequel ? Monarchie absolue ? », me demande mon interlocutrice.

 

Chaque pays a son histoire et ses traditions politiques, et l’Europe est riche de ses diversités, y compris monarchiques. La France n’est ni l’Espagne ni le Royaume-Uni, même si notre pays a souvent eu maille à partir ou, au contraire, des liens d’amitié, voire familiaux (et je pense surtout à l’Espagne…), avec ces nations voisines. Mais, bien sûr, je ne méconnais pas les formes que la monarchie a pu prendre de l’autre côté de la Manche ou des Pyrénées, et je ne mésestime ni leurs qualités ni leurs difficultés actuelles : l’Espagne et le Royaume-Uni, comme les Pays-Bas, la Belgique ou, hors Union européenne, la Norvège, peuvent être vus comme des exemples de monarchie, beaucoup plus que comme des modèles pour la France.

 

Il est bien vrai que les monarchies européennes contemporaines sont avant tout parlementaires et que le rôle du souverain, roi ou reine, prince ou grand-duc, apparaît désormais limité : il n’en reste pas moins, au-delà du seul spectacle familial qui ravit (ou scandalise parfois, comme au moment de la mort de Diana, au risque de déstabiliser la monarchie toute entière, ce que montre intelligemment l’excellent film « The Queen », de Stephen Frears…), une réalité politique, celle d’une magistrature suprême, plus morale ou symbolique que véritablement politique ou gouvernementale, mais toujours utile, ne serait-ce que sur le plan de la représentation diplomatique qui apparaît plus incontestable quand il s’agit d’une famille royale reconnue par la longue histoire d’un Etat mais aussi de la reconnaissance des habitants du pays en leur souverain, cette reconnaissance d’une forme d’incarnation de la nation et de sa continuité, le roi ou la reine n’étant pas le fruit d’un déchirement électoral mais d’une suite dynastique, de père et mère en fils ou fille : en somme, une forme de spectacle politique ou la mise en spectacle du politique (spectacle que l’on nommait jadis le prestige), à ne pas forcément confondre avec la politique-spectacle, avec cette « pipolisation » qui fait tant de mal à la classe politique actuelle qui devrait en être pourtant éloignée, par son principe électoral même...

 

D’ailleurs, que serait le Royaume-Uni aujourd’hui sans cette famille royale, parfois si détestable et si contestée en d’autres temps (pas si lointain, si l’on se souvient de la fin des années 1990…), mais qui lui assure une rassurante permanence au cœur de la mondialisation globalisante tout en lui conférant ce prestige lié à une longue et rude histoire aujourd’hui apaisée, voire apaisante ?

 

C’est Régis Debray, philosophe et ancien conseiller du président François Mitterrand, qui faisait, à cet égard, quelques remarques fort intéressantes : « Après tout, quand un roi et une reine catalysent sur leur personne, cet être à la fois incarné et collectif qui englobe les paillettes de la cour et le corps mystique du Prince, le besoin de spectaculaire, exonérant de la sorte ministres et fonctionnaires des devoirs de représentation qui ne sont pas de leur charge – cette ostentation délibérée (ou cet abcès de fixation, comme l’on voudra), n’allège-t-elle pas l’économie du spectacle, moins nocive à l’Etat et à l’intégrité des citoyens que le show-biz généralisé d’aujourd’hui ? ». Il ajoutait, un peu plus loin dans cette préface donnée à l’ouvrage « Monarchie et politique étrangère » d’Yves La Marck, au milieu des années 1980 : « La famille royale britannique n’est-elle pour rien dans les succès de longévité du Commonwealth, qui font réfléchir tant de partisans d’une Communauté francophone mondiale, cette famille d’orphelins épars, sans force car sans prestige ni représentation ? ». Ainsi, la monarchie, même cantonnée à un rôle de prestige, que l’on pourrait là encore, à la suite de Debray, qualifier de spectacle nécessaire, marque son utilité politique sans, pour autant, agir en politique.

 

Cela est-il suffisant pour la France ? Au regard de son histoire, la réponse est clairement négative et Charles Péguy rappelait en son temps que la monarchie française avait chuté faute d’avoir été, en sa fin, assez monarchique !

 

La monarchie française est éminemment politique et ne peut être qu’active si elle veut jouer son rôle historique et répondre au besoin, sans doute paradoxal au premier abord, d’autorité et de liberté, besoin constant des peuples de France dans l’histoire et que soulignaient, en des termes parfois très différents, Georges Bernanos et Thierry Maulnier. D’ailleurs, la « monarchie élective » que constitue la présente République, tentative de synthèse entre traditions monarchique (particulièrement issue du règne louisquatorzien…) et républicaine, montre bien cette particularité de notre histoire politique nationale, et sa prégnance dans la pratique institutionnelle, y compris démocratique : le Président est un « roi par défaut » à qui il manque la légitimité antigonienne et la durée, ou plutôt l’assurance de la pérennité de son œuvre, parfois remise en cause dès son mandat achevé, au risque de dangereux tangages pour l’économie du pays, comme on le voit en ce moment.

 

 

 

 

(à suivre : comment définir la « Monarchie active » ? Que pourrait-elle faire, en économie comme en politique ?)