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06/02/2014

Le 6 février 1934 vu et vécu par l'Action française. (2ème partie : la réaction au scandale Stavisky)

D’une banale affaire d’escroquerie, « l’Affaire Stavisky » devient un scandale politico-financier qui touche tous les milieux de la République établie, en particulier le parti radical et la franc-maçonnerie, à cette époque très présente dans la vie politique du régime et souvent considérée comme son soutien et son inspiratrice. Léon Daudet, dans son article quotidien de L’Action française, « exécute » les « voleurs », au fil d’une plume plongée dans le vitriol. Le polémiste, jadis lui-même député de Paris de 1919 à 1924, dénonce les mauvaises mœurs parlementaires de la IIIe République et les pratiques policières de celle-ci. Pour définir les politiciens et magistrats touchés par le scandale, il évoque une « bande de traîtres, de voleurs, d’assassins » qu’il s’agit de poursuivre jusque dans « la caverne des brigands », c’est-à-dire le Palais-Bourbon.

C’est justement ce que vont s’engager à faire les Camelots du roi et les militants d’Action française dès le 9 janvier, jour de la rentrée parlementaire mais aussi de l’annonce de la mort, en définitive assez étrange (suicide ou assassinat ? Même Le canard enchaîné doute de la thèse officielle…) de Stavisky. Les Camelots du roi ont l’habitude de descendre dans la rue et d’orienter les manifestations vers des objectifs précis. En ce début janvier, il s’agit donc de dénoncer les « voleurs » et d’en appeler à une « réaction nationale ». C’est le sens de l’appel aux Parisiens publié par Maurice Pujo dès le 7 janvier dans les colonnes de L’Action Française : « Un scandale éclate montrant que la pauvre épargne publique, dont le régime prétendait assurer la protection à si grands frais, est livrée par les pouvoirs mêmes qui en avaient la garde aux rafles colossales d’un métèque escroc. [...]

Il n’y a plus, pour les honnêtes gens dépouillés, de recours auprès d’une magistrature et d’une police complices de malfaiteurs. Il faut que, pour défendre leurs biens avec la propreté du pays, ces honnêtes gens se dressent pour faire eux-mêmes la tâche. »

Les manifestations annoncées ont bien lieu ce 9 janvier : le boulevard Saint-Germain est le théâtre d’affrontements entre les militants d’A.F. menés par Lucien Lacour, vice-président de la Fédération nationale des Camelots du Roi, tandis que d’autres manifestants envahissent la place de la Concorde ou le carrefour Richelieu-Drouot.

Les jours suivants, de nouvelles manifestations, toujours convoquées et menées par l’Action française, ont lieu, de plus en plus importantes et de plus en plus motivées. Les raisons de cette tension persistante et, bientôt, de la montée en puissance de la contestation sont nombreuses : en somme, le scandale Stavisky, avec la découverte de l’escroc et son « suicide » auquel personne ne croit, révèle un climat délétère de corruption au sein même des institutions.

La Chambre des députés est particulièrement concernée et, par contrecoup, visée par la presse monarchiste. Du coup, l’antiparlementarisme, déjà fort répandu dans l’opinion, est fortement revigoré par le scandale qui touche de nombreux élus et d’anciens ministres ou, pire, des ministres en activité... Le président du Conseil lui-même, Camille Chautemps, malgré ses dénégations maladroites, est éclaboussé : d’autre part, en voulant répondre aux attaques de la presse (et en particulier de L’A.F.) par un projet de loi sur la « diffamation », il apparaît comme un « étrangleur » de la liberté d’expression et comme un « camoufleur » de la vérité. D’ailleurs, la réponse de Maurras est immédiate : il menace Chautemps de représailles et ne craint pas une possible descente de police à L’Action Française, comme il le souligne dans sa Politique du 12 janvier : « La perquisition ? Et puis après ? Que peut-elle faire apparaître ? [...] La force de nos vérités. Le courant irrésistible de la révolte... non, de la Révolution nationale. » Le terme fera florès, plus tard et dans de mauvaises (les pires, sans doute) conditions, et sans  combler totalement les attentes du vieux doctrinaire de la Monarchie…

Autre raison soulignée ainsi par Maurras : il ne s’agit pas d’animer une simple réaction épidermique contre des hommes corrompus, mais de dénoncer un régime tout entier, vicié par ses principes mêmes, et, au-delà de cette contestation, d’ouvrir la voie au recours monarchique incarné, de plus en plus visiblement, par le dauphin Henri, Comte de Paris, pressé de renouer avec la France le pacte multiséculaire de la monarchie. Cette stratégie, c’est ce que Jean-Paul Sartre appellera, dans les années 70, « l’illégalité légitime »…

C’est d’ailleurs ce qu’il a indiqué aux dirigeants de l’A.F. de passage au Manoir d’Anjou (lieu d’exil, en Belgique, de la Famille de France). Durant tout le temps des événements, Maurras n’aura de cesse de rappeler que tout serait finalement bien vain si cela ne devait pas aboutir, à plus ou moins long terme, à la monarchie « réparatrice ». Il n’avait, effectivement, que trop raison, comme la suite le démontrera à l’envi…

 

(à suivre)

 

05/01/2014

Lecture, réflexion, discussion... action !

 

La période des vacances est toujours l’occasion pour moi de me plonger dans les nombreux ouvrages que j’achète au cours de l’année ou que l’on m’offre à la période des fêtes : il n’est pas dit, pour autant, que j’arrive à tout lire, tant le nombre de livres qui s’entassent dans mon appartement, mais aussi dans ma voiture, est élevé ! Néanmoins, c’est une activité à laquelle je consacre, même en temps normal et au-delà des nombreux journaux et revues que je me procure quotidiennement (y compris le dimanche, au grand dam de mon épargne…), quelques heures chaque jour, et je n’ai pas vraiment l’impression de perdre mon temps.

 

La lecture d’un essai ou d’un document d’histoire, par exemple, n’est pas qu’un loisir divertissant, c’est parfois aussi l’abord de nouvelles pistes idéologiques ou de nouveaux chantiers intellectuels, et la réflexion s’en trouve encore plus stimulée, y compris par l’agacement que je puis éprouver à certaines pages : ainsi, ces livres rédigés par les néo-robespierristes, nombreux autour de M. Mélenchon, et qui voient en Lorànt Deutsch ou en Jean Sévillia d’ignobles réactionnaires à chasser des bibliothèques et des plateaux télévisés, mais qui ont, en même temps et parfois a contrario, le mérite de montrer que la recherche et le débat historiques sont toujours d’actualité en notre pays et que ce sont des enjeux diablement importants ! Que certains veuillent faire taire ou marginaliser ceux qui ne sont pas « dans la ligne » de l’Education nationale officielle est révélateur des tentations permanentes de la censure qui s’exprimèrent (et pas toujours du même côté politique) avec tant de hargne aux heures sombres de notre histoire, des années de la Terreur républicaine à celles de l’Occupation : tentations bien vaines aujourd’hui si l’on veut bien se donner la peine d’ouvrir les livres et, de plus en plus, d’allumer l’écran d’ordinateur qui, lui-même, ouvre tant de voies bibliophiliques nouvelles pour qui est curieux et pas seulement opportuniste.

 

Mais, au-delà des cris d’orfraie des amoureux de Maximilien et des murmures plus insidieux des Girondins et du Marais, la Révolution française, car c’est le plus souvent autour d’elle que se crispent le plus les attitudes et les postures, n’est plus ce « temple des principes et des valeurs » que la IIIe république a voulu ériger et que l’école issue de Jules Ferry avait pour tâche de faire vénérer à tous les élèves de France, y compris, comme le faisait remarquer Marcel Pagnol avec justesse, au détriment de la simple vérité historique ! Les livres de Gaxotte jadis, de Furet hier, ou de Sécher et Deutsch aujourd’hui, ne sont pas pour rien dans la ruine du temple des illusions « francorévolutionnaires »… Le livre est une arme de papier parfois terrible !

 

Je ne lis évidemment pas que des ouvrages sur la période ouverte par 1789, et je me suis penché, sans doute influencé par l’actualité récente de ma province natale, sur les livres et revues consacrés à Anne de Bretagne, dont on commémore cette année le 500e anniversaire de la mort comme reine de France et duchesse de Bretagne, et sur ceux posant la question de l’identité bretonne, comme « être Breton ? », de Jean-Michel Le Boulanger, et d’autres encore évoquant les révoltes bretonnes dans l’histoire, jusqu’aux tentations nationalistes (ou européistes…) des années 30 à nos jours… De quoi alimenter de prochaines notes sur mon site personnel !

 

La lecture n’est pas un simple acte intellectuel, elle doit mener, d’une manière ou d’une autre, à l’action : « On a raison de se révolter », cet ouvrage écrit à trois mains par Sartre, Gavi et Pierre Victor (devenu ensuite Benny Lévy, passé « de Mao à Moïse », selon sa propre expression), rappelle, d’une certaine manière, le texte court et acéré de Maurras « Si le coup de force est possible », véritable « bible » des militants monarchistes des années post-68, et, dans les deux cas, la lecture promeut (certains diraient « promet », ce qui semble moins mobilisateur…) l’action politique, réfléchie, stratégique, déterminée, celle qui doit faire l’histoire ou qui en est le moteur, pensent Sartre comme Maurras… J’avoue avoir puisé quelques éléments extrêmement intéressants (malgré un fatras de théories difficilement soutenables sur le plan intellectuel) dans le texte des trois fondateurs de Libération, en particulier autour de la grande question de la légitimité et de l’illégalité, question qui est déjà celle que Sophocle pose dans son « Antigone ».

 

Combien de livres ouverts en cette période de vacances qui s’achève ? Peut-être une vingtaine… sans doute un peu plus ! Ce sont ces lectures nombreuses, variées, parfois antagonistes, qui nourrissent ma réflexion et enrichissent mon action, et inversement… Je ne lis pas pour lire ou seulement pour lire : je lis pour me provoquer, et agir !

 

Et j’y retourne, l’ordinateur à peine éteint !

 

 

 

11/11/2011

"Tombeaux", à méditer...

Chaque 11 novembre depuis une quinzaine d'années, je relis quelques pages de « Tombeaux », recueil d'articles nécrologiques écrits par Charles Maurras et qui présente quelques figures d'une génération royaliste disparue dans la fournaise de la guerre de 1914-1918. Des noms aujourd'hui oubliés par le plus grand nombre, y compris dans les milieux monarchistes: Henri Lagrange, « le prince de la jeunesse » royaliste du Quartier Latin entre 1911 et 1914; Léon de Montesquiou, véritable théoricien de la raison d'Etat et l'un des plus brillants intellectuels de l'Action française; Henry Cellerier, auteur d'un livre passionnant mais aux nombreuses pages censurées lors de sa publication en 1916, « La Politique fédéraliste »; Jean-Marc Bernard, poète dauphinois auteur d'un des plus beaux poèmes, un des plus poignants aussi, sur les tranchées dans lesquelles, d'ailleurs, il trouvera la mort; etc. Quel cimetière de jeunes intelligences !

Cette guerre terrible est, à nos yeux de contemporains, absurde. Mais elle a mobilisé 65 millions de personnes sur tous les champs de batailles (9 millions, je crois, de Français) sans vraiment de révoltes ni de mutineries, à quelques exceptions près. « Quand la guerre est là, qu'il y a danger aux portes de la Cité, il n'y a plus qu'à la faire,et à la gagner », expliquaient alors les monarchistes, pourtant méfiants à l'égard d’une IIIème République qui gouvernait alors le pays et qui avait si mal préparé la guerre. Les générations d'après-40 reprocheront beaucoup à ceux de 1940 de n'avoir pas su la faire, et la gagner... L'Occupation montra, avec toutes les horreurs liées à l'application de l'idéologie nazie, que la défaite ou la soumission (même au nom du pacifisme), est la pire des catastrophes pour les « occupés ». Cela permet aussi de mieux comprendre l'acharnement des soldats de 1914-1918 « à ne pas céder », malgré l'horreur de cette première « guerre industrielle ».

Mais lorsque retentit le clairon de l'armistice, les combattants espèrent que leur souffrance, le sacrifice de leurs compagnons et de leurs ennemis, n'ont pas été vains. Malheureusement, la Paix des traités de 1919-1920 était déjà grosse des guerres suivantes, de celles de 1939-1945 et des Balkans dans les années 1991-1999, comme le soulignait dès 1920 dans son ouvrage « Les conséquences politiques de la paix » l'historien Jacques Bainville, le spécialiste des affaires étrangères de l'Action française.

Aujourd'hui, la guerre a pris d'autres formes et, si elle s'est apparemment « absentée » (temporairement ?) du continent européen (hormis les Balkans dans les années 1990), elle reste un risque, y compris pour nos vieilles nations désormais amies, confrontées à des périls qu'elles n'arrivent pas encore à exactement cerner. Aussi ne faut-il pas baisser la garde et maintenir notre défense à un niveau d'excellence qui lui permette de dissuader toute agression extérieure. La paix est un bien trop précieux pour que l'on néglige de la préserver.