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14/05/2018

Contre tous les nihilismes.

Ce lundi matin, un peu avant 5 heures, l'université de Rennes 2, si chère à mon cœur pour de multiples raisons, a été évacuée par les forces de l'ordre, à la demande (bien tardive) du président Olivier David. Enfin, ai-je soupiré à la découverte de cette information ! Mais, au regard des images diffusées par les journaux et les télévisions, j'ai pu constater, au moins visuellement, l'état des dégâts, et ce n'est guère réjouissant. Au demeurant, cela ne donne pas vraiment bonne impression de cette contestation qui est moins étudiante que nihiliste. D'ailleurs, les slogans barbouillés sur les murs intérieurs se bousculent au risque de ne plus rien y comprendre, et l'énorme inscription « Vive la Commune » qui surplombe le corps central de l'université et du grand hall ne trouve pas exactement de confirmation ou d'explication dans tous les hurlements graphiques qui, sans beaucoup d'imagination, reprennent des revendications ou des textes que l'on entend depuis trois décennies dans les « quartiers perdus de la République » : tristesse d'une parodie de « révolte » qui semble, à quelques exceptions près, n'être que le soulèvement des médiocrités et des égoïsmes conjugué à l'application d'une « déconstruction » qui, en définitive, ne sert que cette société capitaliste de consommation que les mutins du jour disent combattre, en écriture inclusive et avec force théories racialistes et communautaristes... Nous voici bien loin du soulèvement de la vie que Maurice Clavel espérait en Mai 68 !

 

Et pourtant ! Il y aurait tant à dire sur notre société et sa République, et tant de nobles causes à défendre, à promouvoir : or, sur les murs peinturlurés de Rennes 2, pas de slogans écologistes, ni régionalistes, ni culturels, ni « socialistes ». Juste une logorrhée anti-policière et anticapitaliste sans raisons : Marx, que les Blacks Blocs du 1er Mai présentaient pourtant sur leur banderole de tête, n'est pas plus présent que Lénine ou Mao, jadis « chez eux » à Rennes 2, du temps où le PCMLF (Parti Communiste Marxiste-Léniniste de France, maoïste) hantait les couloirs de l'université. En fait, je ne regrette pas l'absence des « grandes figures » de la Révolution, je déplore juste l'inculture de la plupart des bloqueurs de ses dernières semaines, et ce qui vaut pour Rennes vaut également pour Paris-Tolbiac ou Nanterre, entre autres. Nous sommes aussi bien loin de l'humour, que l'on peut apprécier ou non, de certains slogans de Mai 68, et de l'imagination graphique de l'époque, aujourd'hui imitée ou plutôt copiée sans grâce, qui donnaient un air parfois original et festif à une époque qui ne l'était pas toujours, loin s'en faut.

 

La commémoration de Mai 68 n'a pas eu lieu, même si c'est bien son cinquantenaire en ce moment : s'il y a souvenir et quelques publications d'inégale valeur, certaines fort intéressantes et d'autres plus anecdotiques sur « les événements » et leurs effets depuis leur déroulement, le souffle de l'époque est bien retombé et l'esprit n'y est plus, à tous les sens du terme, pourrait-on ajouter. Certes, les temps sont aujourd'hui plus incertains et les perspectives paraissent moins engageantes et moins prometteuses qu'il y a cinquante ans, la mondialisation déployant ses grandes ailes noires sur notre pays désarmé et désormais si dépendant des autres pour ne pas avoir voulu maintenir l'effort initié par les Capétiens et renouvelé par le fondateur de la Cinquième République.

 

Pourtant, la clameur de Clavel et les colères inscrites dans l'éternité de Bernanos auraient de quoi inspirer ceux qui ne se satisfont pas de ce monde-ci : n'est-il pas urgent de les reprendre, contre tous les nihilismes, ceux de la société de consommation et de son consommatorisme individualiste de masse comme ceux de la destruction acharnée des racines littéraires et civilisationnelles, linguistiques même, de ces remparts sans lesquels la barbarie envahit le monde et détruit l'esprit ? Car le vrai combat, au-delà du politique mais pas sans lui, est là, et il touche à la nature, au sens même de notre « humble et précieuse humanité »...

 

 

05/07/2017

Pierre Boutang contre cette société qui remplace les cathédrales par des banques.

L'après-midi durant laquelle le président de la République s'exprimait devant le Congrès, j'étais aussi à Versailles, « cerné » par les nombreux camions de forces de l'ordre qui surveillaient sans trop d'inquiétude le quartier. Les longues files de véhicules de gendarmerie semblaient former un paisible cordon de sécurité autour du parc royal, sans troubler le vol rapide des perruches et des martinets qui sillonnaient le ciel en le striant de leurs cris stridents. En somme, une belle journée de lundi, jour traditionnellement calme pour la cité des rois.

 

Le discours présidentiel était suivi d'un œil indifférent et d'une oreille distraite par quelques clients des cafés alentours, et la place du Marché parlait d'autre chose, des épreuves du baccalauréat aux préparatifs de vacances : la politique, fut-elle si proche sur le plan topographique, semblait s'être toute entière retranchée derrière les grilles du château. Et pourtant ! A la terrasse d'un estaminet réputé pour abriter quelques esprits non-conformistes, un écrivain fameux pour sa faconde et ses éclats de voix semblait incarner à lui seul la forte protestation de l'esprit français contre les facilités du moment. M'apercevant et me hélant joyeusement, il se saisit du livre que j'avais alors en main et se mit à en lire à haute voix la dernière page, suscitant la surprise des tables voisines, surprise qui n'excluait pas une part de curiosité, voire d'intérêt, tandis que ses interlocuteurs cherchaient à suivre le débit rapide et furieux du liseur improvisé.

 

« L'âge des héros rebâtira un pouvoir ; il n'est pas de grand siècle du passé qui ne se soit donné cette tâche : même aux âges simplement humains, où les familles, lassées de grandeur, confiaient à quelque César leur destin, à charge de maintenir le droit commun, le pouvoir reconstruit gardait quelque saveur du monde précédent. Notre société n'a que des banques pour cathédrales ; elle n'a rien à transmettre qui justifie un nouvel « appel aux conservateurs » ; il n'y a, d'elle proprement dite, rien à conserver. Aussi sommes-nous libres de rêver que le premier rebelle, et serviteur de la légitimité révolutionnaire, sera le Prince chrétien. »

 

Certains auront reconnu le style et les mots d'un grand royaliste, philosophe et militant, et qui a, en son temps, travaillé à enrichir la réflexion royaliste, en particulier sur la grande question de la légitimité politique, sans réussir, malheureusement, à se faire entendre au-delà d'un cénacle d'intellectuels et du cercle des fidèles de la Maison de France. Je me souviens ainsi d'une journée passée avec Pierre Boutang, entre l'amphithéâtre de la Sorbonne dans lequel il livrait sa lecture toute personnelle de Maurras et les jardins du Luxembourg où, avec l'ami Norbert Col, spécialiste d'Edmund Burke, et le professeur François Callais, meilleur connaisseur français de « La Jeunesse Royaliste » des années 1890, nous l'écoutions parler de la France et de ce qui lui semblait nécessaire pour qu'elle retrouve sa place éminente et historique, « grande », dans le concert des nations et face aux pressions d'une société de consommation qui prenait trop souvent les couleurs de bannières étoilées si peu françaises...

 

Dans cet extrait déclamé avec force par Sébastien Lapaque, il y a là les éléments forts d'un état d'esprit politique qui en appelle, non au conformisme ni à un vain légalisme, mais à une véritable refondation du pouvoir politique sur la notion de légitimité. La formule, rude, d'une société dont les banques seraient les cathédrales sonne juste, au moment même où l'argent étend son règne sur des espaces jadis gouvernés par l'entraide et la convivialité : la nouvelle initiative de La Poste consistant à discuter avec des personnes âgées à intervalles plus ou moins réguliers contre une sorte d'abonnement payant est, à cet égard, fort (et malheureusement) révélateur ! Je me souviens d'une époque (qui s'éloigne visiblement à grand pas) où, surtout au village, le facteur était, certains jours, accueilli avec une bonne tasse de café ou, en fin de tournée, par quelque liqueur sympathique, et où il était un personnage avec lequel on prenait toujours le temps d'échanger quelques mots ; son passage régulier rassurait les familles quand elles ne pouvaient, elles, se déplacer pour s'occuper des vieux parents. Tout comme les services payants de covoiturage sur la toile ont remplacé l’auto-stop traditionnel que j'ai jadis beaucoup pratiqué et qui me permettait de rallier Lille à partir de Lancieux, ou Paris à partir de Rennes, en quelques heures, et cela sans débourser le moindre sou vaillant si ce n'est celui d'un café ou d'une bière dans un bistrot routier...

 

Pierre Boutang a bien raison : à quoi bon être « conservateur » dans une société qui oublie, par ses pratiques, ses devoirs antiques et civiques, et « financiarise » tout, tout en laissant des pans entiers de notre patrimoine, autant foncier que civilisationnel, s'effacer, y compris par l'indifférence publique ? D'où cet appel, qui rejoint celui de Bernanos ou même « la révolution rédemptrice » évoquée par Maurras, à une « légitimité révolutionnaire », à ce « retournement » politique que peut incarner une nouvelle Monarchie et sa famille historique. Saint-Just qualifiait le roi de « rebelle » et le décrivait comme un danger pour la République : Boutang reprend habilement la formule, non pour seulement déconstruire la société politique du moment, mais pour fonder ce nouveau régime dont l'une des raisons d'être est de transmettre, au fil des siècles, ce qui constitue l'unité profonde de la France, dans tous ses aspects et toutes ses espérances. Une transmission qui n'exclue pas la défalcation du passif, et le renouvellement positif : ce que l'on peut nommer « la tradition critique », chère à l'exercice historique de la Monarchie en France...

 

 

 

 

08/06/2016

La grande frayeur de Mme El Khomry...

La Révolution française est souvent évoquée en des termes laudateurs par les ministres et partis de la République, en particulier sous le règne de M. Hollande, et parfois avec des élans de lyrisme qui feraient presque monter les larmes aux yeux s'il n'y avait un grand écart entre les proclamations révolutionnaires de ces messieurs-dames du gouvernement et la réalité, à la fois historique et contemporaine... Ainsi, la manifestation au petit matin, ce mercredi 8 juin, sous les fenêtres du ministre du travail Mme El Khomry, d'une vingtaine d'intermittents du spectacle, a soulevé, dans les rangs socialistes une vague d'indignation, et provoqué une réaction outrée du dit ministre, qui a cru y déceler une tentative d'intimidation qui, évidemment, ne le fera pas céder !

 

De qui se moque-t-on, en fait ? Ce n'était tout de même pas le 6 octobre 1789, quand les émeutières venues de Paris massacrèrent deux gardes du château de Versailles avant de s'engouffrer dans les escaliers et couloirs du palais à la recherche de la famille royale et menacèrent la reine de mort, quelques fusils braqués sur elle qui s'avançait au balcon des appartements royaux ! Pourtant, n'est-ce pas cette « geste » révolutionnaire que vantent le gouvernement et le parti socialiste quand ils célèbrent à l'envi la Révolution française et ses « valeurs » qui seraient, paraît-il, fondatrices de notre société ? Hypocrisie...

 

Les quelques éclats de voix matinaux des contestataires, aussi désagréables soient-ils pour le sommeil du ministre et de son entourage, semblent bien inoffensifs au regard des violences des révolutionnaires de 1789 et des années suivantes, et ils ne méritent pas tant de déclarations enflammées et indignées de la part de ses collègues et des socialistes qui, en d'autres temps, étaient moins regardants sur les manifestations et leurs débordements, en particulier quand ils étaient dans l'opposition et que ces désagréments visaient des partis adverses. J'aurai aimé autant de promptitude dans l'indignation quand, à Rennes ou à Paris, des militants monarchistes étaient agressés pour le simple fait d'exprimer (ou d'être) ce qu'ils étaient, ou qu'une bombe dévastait, à l'automne 1984, les locaux d'Action Française alors même que s'y trouvaient quelques trente jeunes royalistes (dont votre serviteur...), au risque d'en blesser quelques uns. J'aimerai autant de promptitude à dénoncer la violence des plans « sociaux » (sic) qui, en quelques traits de plume, jettent des ouvriers à la rue sans sursis quand les multinationales, elles, ne visent désormais que la satisfaction de la Bourse et des actionnaires, sans pitié pour les victimes de leur avidité...

 

Mme El Khomry, de grâce, arrêtez de pleurnicher et gardez vos leçons de morale pour vous : commencez plutôt par essayer de comprendre cette sourde colère qui gronde aux quatre coins du pays et d'ailleurs, et pas seulement celle des intermittents du petit matin... Cessez de fuir vos responsabilités, et consultez, non votre parti, mais ce que l'on désigne encore du beau nom de pays ! Vous y trouverez aussi, au-delà de cette fâcherie du pays réel avec le monde légal, des motifs d'espérance et des volontés de créer, de fonder et de transmettre pour les générations futures. Oui, vous pourrez alors le comprendre, la France vaut mieux que cette République qui ne cesse de diviser et d'affaiblir, tuant les plus beaux rêves au lieu d'en faire de belles réalités...