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20/12/2016

Face à cette horreur qui se répète...

Le temps de Noël est ordinairement un temps de joie et de partage, mais le voilà aujourd'hui endeuillé par l'attentat survenu à Berlin et visant, explicitement, l'un des symboles même de notre civilisation : de la chaleur d'une étable et d'une famille aimante est née une certaine manière d'aborder le monde et ses périls, plutôt fondée sur l'amour et le don que sur ce que notre société de consommation en a fait désormais, entre envie et gaspillage.

 

La photo de ce grand sapin décoré couché près du camion dévastateur marquera peut-être les esprits et les couvertures de la presse saignent aujourd'hui de titres affligés et horrifiés. Au café, les habitués du matin soupirent, résignés « en attendant le prochain » : une nouvelle habitude, mâtinée de mépris et, presque, d'indifférence devant l'horreur à répétition, est en train de s'installer, signe révélateur d'une ambiance désormais pleine de plomb, de cendres et de larmes...

 

Il y aura encore des milliers de bougies allumées qui, sans forcément qu'on le sache, nous rattachent à une tradition ancienne et d'origine fort peu laïque ; il y aura ces dessins d'enfants en mémoire du petit camarade, d'un frère ou d'une mère, de toutes ces victimes venues fêter Noël et reparties sur un brancard ou, pire, dans un linceul ; il y aura ces discours émus et un peu fatigués des ministres et des diplomates, ces hommages venus de partout ; il y aura surtout ce chagrin qui, désormais, minera des familles entières...

 

Pourtant, au-delà du deuil, il faudra bien poser la question politique de la résistance des Etats et des sociétés face aux poussées d'un fanatisme qui se nourrit aussi des vices de cette société de consommation qui croit vider le Ciel et les esprits en remplissant les poches et en gavant les estomacs. Le souvenir des années trente est souvent évoqué, mais il est rarement étudié et compris, et Cassandre est toujours, hier comme aujourd'hui, moquée et parfois diffamée...

 

Face à la terreur nouvelle portée par les fanatiques contemporains et qui nous frappe ainsi que nos voisins (hier les Belges, aujourd’hui les Allemands), sans doute faut-il renforcer la puissance de l'Etat, non pour seulement surveiller ou punir, mais pour prévenir et agir contre les causes mêmes de l'horreur : cela nécessite aussi, pour notre pays, un Etat qui soit « mémoire et durée », et qui dispose de ce temps long qui permette de soigner cette maladie qui, elle, ne suit pas le calendrier électoral...

 

 

23/04/2013

"Il y a des Français gentils"...

 

« Ce train s’arrête bien à Ville d’Avray, monsieur ? ». Je lève les yeux et réponds dans un sourire à cette femme inquiète : « Oui, c’est bien celui-là ! Montez tranquille ». Rassurée, elle s’assoit et regarde par la fenêtre lorsque le train démarre, bientôt perdue dans la contemplation des paysages qui filent, puis nous échangeons quelques mots anodins sur un ton badin. Bientôt Sèvres-Ville d’Avray : elle se lève, et me remercie à nouveau d’un « Que Dieu vous bénisse » auquel je réponds d’un grand sourire, à nouveau. Elle se penche vers moi et me dis sur le ton de la confidence : « Il y a des Français gentils »… Je sursaute, un peu surpris, et enchaîne : « Oui, bien sûr, c’est un devoir pour nous, Français, d’être polis et serviables ! ». « Pour les touristes ? ». « Non, pas seulement. Pour tous, car la France est un grand pays et c’est aussi un certain état d’esprit, une civilisation… ». Cette femme, d’origine noire africaine, me prend alors la main et je sens passer en elle une forte émotion, qu’elle me communique par son geste simple. Déjà elle est partie et les portes se referment, le train redémarre, direction Versailles. Mais son sourire reste imprimé sur ma rétine…

 

Cette courte scène, vécue ce lundi soir d’une fin d’avril si agitée par la faute d’une République méprisante, prouve à l’envi que c’est par la courtoisie et le respect, le service des autres, le souci de bien faire, de « faire pour le mieux » (ces derniers conseils donnés par mon père sur son lit de mort, un matin de juillet 2002), que nous pouvons servir aussi le mieux notre pays près des nouveaux venus et le faire aimer par celles et ceux qui, trop souvent, ne le connaissent que par la sécheresse des règlements et les rigueurs maladroites et parfois absurdes de l’Administration.

 

Alors que M. Peillon nous annonce une morale laïque qui ressemble plus à un étalage de lieux communs du « politiquement correct » qu’à un civisme français qui en appellerait aux valeurs éternelles de la Cité, valeurs plus proches d’Antigone que de Créon (celui que Maurras dénonce comme « anarchiste » face à la « Vierge-mère de l’Ordre »), il n’est pas inutile de rappeler que c’est en étant fidèle à ce qui a fait sa grandeur et son rayonnement dans le monde, à cette civilisation portée par un d’Artagnan ou un Cyrano de Bergerac, par un Marcel Proust ou un Daniel Halévy, par un Valois ou un Bourbon, que la France traversera les tourments d’une mondialisation oublieuse du sens de la mesure et des valeurs sans prix

 

La France n’est pas une société anonyme, mais bien plutôt une nation, une histoire, un art de vivre…