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20/05/2008

Pétrole.

La nouvelle donne internationale favorise des puissances hier moquées et méprisées par les grands pays du Nord, et le cas du pétrole en est l’un des exemples les plus révélateurs, comme le souligne un article paru dans « Le Monde » dans son édition du mardi 20 mai et intitulé, à juste titre : « Pétrole : le pouvoir a changé de camp ». En effet, ce sont les pays producteurs de pétrole, comme l’Arabie saoudite ou la Russie, qui s’imposent aux pays consommateurs, et les Etats-Unis en font les frais, eux dont le président en est « réduit à quémander auprès du roi d’Arabie saoudite une hausse de la production de l’Organisation des pays exportateurs (OPEP) pour faire baisser les prix. » En vain, d’ailleurs… En fait, « l’évolution du baril se joue dans les coulisses du Kremlin et les méandres du pouvoir iranien, dans les mangroves nigérianes et sur les bords de l’Orénoque vénézuélien, dans les couloirs viennois de l’OPEP et les salles du New York Mercantile Exchange. Et, surtout, dans les palais saoudiens. »

 

Il faut bien admettre que les Etats-Unis se sont piégés eux-mêmes en considérant, selon l’expression du président George W. Bush, que « le mode de vie américain n’est pas négociable »… Ce qui risque d’entraîner une augmentation sensible de son taux de dépendance énergétique, comme le souligne « Le Monde », « de 60 % à 80 % »…

 

Or, les Etats-Unis ont-ils encore les moyens de leur puissance ? Malgré une économie qui reste la première du monde, une armée techniquement la plus performante (mais sur le papier beaucoup plus que sur le terrain…), une diplomatie agressive et un système d’alliances apparemment solide, sans parler du ralliement récent de la France sarkozienne à sa stratégie, les Etats-Unis sont sur le déclin, ce qui ne veut pas dire qu’ils vont s’effondrer en quelques années, voire en quelques décennies, mais seulement qu’ils vont devoir partager le pouvoir sur la planète avec d’autres puissances, en particulier de ce que l’on nomme encore, de façon de plus en plus gênée, « le Sud ».

 

Quant à la France, en jouant précocement la carte du nucléaire et en cherchant, parfois trop timidement, des alternatives au pétrole ou en initiant des politiques d’économies (la fameuse « chasse au gaspi » dans les années 70, malheureusement abandonnée quand elle aurait du être toujours renforcée au fil des années), elle a su limiter sa dépendance aux pays pétroliers sans, pour autant, pouvoir s’en libérer complètement, par la force des choses. Au lieu d’attendre un « nouveau choc pétrolier », déjà bien engagé, et le risque de crise d’angoisse de notre société frustrée de son « pétrole quotidien », l’Etat français, au lieu de papillonner, ferait mieux d’engager un vrai « plan de l’énergie » pour les décennies prochaines, qui ne peut se mener utilement que dans le cadre d’une nouvelle politique plus dynamique et volontariste d’Aménagement du territoire et, en particulier, des transports, trop gourmands encore en pétrole. Cela pour diminuer la consommation de produits pétroliers et en permettre la pérennité sur le long terme. Comme l’écrit « Le Monde » : « La seule réponse réside dans une baisse de la consommation. Or la flambée des prix n’a réduit la demande qu’à la marge, puisque les transports fonctionnent à 97 % grâce aux dérivés du brut. Une telle baisse est vitale pour renforcer la sécurité énergétique et lutter contre le réchauffement climatique. Le pétrole le moins cher et le plus propre est encore celui qu’on ne brûle pas ». Cela ne peut se faire que par une limitation des déplacements (à quand une généralisation, là où c’est possible, du télétravail ? Je la réclamais déjà dans un tract distribué lors de ma campagne électorale législative à Vitré… en 1995 !), une meilleure politique des transports en commun (or, la SNCF continue chaque année de fermer des centaines de kilomètres de voies !), une autre approche de la consommation et la réactivation des solidarités à tous les niveaux, etc. Si l’Etat ne peut pas et, surtout, ne doit pas tout faire, il lui revient de donner l’impulsion à cette nouvelle politique et de donner l’exemple de cette stratégie d’économies et de responsabilité, et de préserver sa population des malheurs du temps, y compris énergétiques…

 

Là encore, le temps et la « décision » sont des alliés précieux, voire des conditions indispensables à une action utile de l’Etat : pas certain que la République, quelle que soit sa « tête » temporaire et élyséenne, dispose de ces alliés, de par ses propres principes… Inscrire l’Etat dans la longue durée sans le désarmer et en préservant les libertés publiques comme privées, c’est bien le rôle d’une Monarchie à transmission héréditaire « à la française »…

 

04/03/2008

Croissant chiite.

La visite de ces derniers jours du président iranien Ahmadinejad à Bagdad est un événement d’une grande importance géopolitique et qui pourrait changer la donne dans la région de façon durable. En effet, qu’a-t-on vu ? Un président qui est la bête noire des Etats-Unis parader dans la « zone verte » largement contrôlée et sécurisée par les troupes états-uniennes elles-mêmes et déclarer à son homologue irakien qu’il est urgent que l’Irak soit rendu aux Irakiens, en somme que les Etats-Unis s’en aillent…

 

En fait, ce que les analystes annonçaient depuis quelques années se met peu à peu en place : la chute du nationalisme laïque d’un Saddam Hussein ouvre la voie à des recompositions géopolitiques qui peuvent désormais se faire sur des bases d’abord religieuses et communautaires. La guerre civile qui a éclaté après la destruction de la mosquée chiite de Samara en 2006 a divisé, voire fracturé, la nation irakienne entre sunnites et chiites, les Kurdes ayant déjà pris leurs distances avec le pouvoir central de Bagdad depuis longtemps. Cette division se traduit par la construction d’un mur en plein cœur de la capitale irakienne qui sépare communautés sunnite et chiite, et par le vote au Congrès états-unien (il y a quelques mois) d’une motion appelant à une division statutaire en trois parties de l’Irak actuel.

 

Alors que la guerre avait opposé l’Iran des ayatollahs et l’Irak, alors soutenu par l’Occident, dans les années 80, cette visite du président iranien souligne la formation, de moins en moins discrète, d’un véritable « croissant chiite » géopolitique qui peut inquiéter les autres pays musulmans de la région, principalement sunnites, et les puissances occidentales : ces derniers craignent que l’Iran prenne, d’une certaine manière, le relais de l’opposition d’Al-Qaïda qui, par l’utilisation du terrorisme « aveugle » (pas tant que cela, d’ailleurs…), s’est largement discréditée et, surtout, qui donne aux Etats-Unis un alibi, une forte légitimité à combattre et à être présents sur des territoires « sensibles » sur le plan géopolitique comme géoéconomique… D’ailleurs, le groupe terroriste Al-Qaïda lui-même s’en inquiète, pour des raisons religieuses comme politiques : raisons religieuses car le chiisme lui apparaît comme la pire des hérésies et la plupart des attentats des partisans de Ben Laden en Mésopotamie touchent les chiites, encore plus que les troupes états-uniennes ; raisons politiques car l’Iran, en cherchant à posséder l’énergie nucléaire, y compris peut-être militaire, apparaît comme la « tête » de l’opposition islamique aux Etats-Unis et, plus largement, du monde musulman dans la mondialisation, au grand dam des autorités sunnites.

 

D’autre part, cette alliance « de fait » entre les chiites d’Iran et d’Irak compliquent la tâche des Occidentaux qui voudraient dénoncer ou même frapper l’Iran : la visite d’Ahmadinejad signifie aux Etats-Unis et à leurs alliés que s’en prendre à l’Iran c’est s’en prendre à tous les chiites, qu’ils soient en Irak, en Syrie ou au Liban… A moins que les Etats-Unis « laissent faire » pour se rallier les sunnites inquiets de la montée en puissance de leurs adversaires religieux de toujours : c’est une stratégie qui ne serait pas si absurde quand on sait que l’un des principes de la géopolitique est aussi de « diviser pour mieux régner », de jouer sur les contradictions (en particulier celles des autres…) pour asseoir son arbitrage, son autorité.

 

Dans cette situation géopolitique particulière, il serait éminemment dangereux de laisser les Etats-Unis maîtres du jeu car cela serait accepter de n’être que les pions (témoins ou seconds rôles, c’est-à-dire « mercenaires ») d’une politique qui ne serait pas la nôtre et qui pourrait nous entraîner là où nous ne voulons pas aller. Là encore, maîtriser notre destin passe par une diplomatie qui sache être indépendante du « bloc atlantique », c’est-à-dire aussi de cette Union européenne qui, par son propre traité constitutionnel, assure ne pas vouloir être indépendante des décisions de l’OTAN, organisation qui reste le meilleur moyen pour les Etats-Unis de garder la main sur le continent européen…