Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

05/11/2008

La victoire d'Obama.

L’enthousiasme est un moteur de l’Histoire : l’élection de Barack Obama en est la preuve aujourd’hui et il ne faut pas le méconnaître pour comprendre les perspectives que cela ouvre. Avec cette élection et la ferveur populaire qui entoure le candidat élu, se manifeste la réactivation du « rêve américain », cette sorte de fascination pour les Etats-Unis, pays neuf où tout semble possible : c’est un avantage pour le nouveau président qui aura la lourde tâche de rétablir l’image de son pays dans le monde, non plus seulement par l’espoir qu’il a fait naître mais par les actes concrets d’une politique que, ennemis comme alliés des Etats-Unis, souhaitent, tous de façon particulière (et parfois antagoniques…) bien sûr. Ainsi, « l’obamania » peut servir de vecteur à la géopolitique (comme à la politique intérieure, d’ailleurs) et permettre au « nouveau César de l’Empire » (j’emploie à dessein cette formule liée à la Rome antique) d’avancer ses pièces dans le grand jeu mondial, ce jeu des risques et des espérances. Autant je suis agacé par l’obamania qui a sévi en France au risque d’oublier les réalités et les nécessités françaises (lire ma note précédente sur ce thème, datée du 1er novembre), autant il serait dangereux au niveau plus « mondial », pour comprendre les enjeux et les stratégies futures, de la négliger : elle est devenue à son tour une réalité, peut-être fugace mais bien visible pour l’instant et couronnée par les lauriers d’une victoire qu’il aurait été difficile d’annoncer il y a encore un an…

D’autre part, cette élection est importante pour comprendre ce trait que Bainville évoquait pour la France quand il disait qu’elle est, mieux qu’une race ou qu’une ethnie culturellement homogène, un « composé », une nation. Malgré le communautarisme traditionnel dans les pays anglo-saxons, les Etats-Unis, longtemps dominés par les élites « wasp » (white anglo-saxon protestant), viennent de tourner cette page de leur histoire qui s’était trop longtemps confondue avec le racisme, la ségrégation mais aussi l’extermination comme ce fut le cas pour les Indiens d’Amérique, encore oubliés malgré leur présence première sur le territoire actuel des Etats-Unis… Il n’est pas indifférent de constater combien la campagne de Barack Obama accordait une place primordiale à la notion d’ « unité » : ce n’était sans doute pas une simple formule électorale mais, plus profondément, une réflexion sur ce qui doit permettre à une nation d’exister, d’être au sens fort du terme. Il y a des leçons à en tirer, au-delà des différences historiques et politiques bien sûr, pour notre propre nation, pour notre propre conception de la politique, de l’Etat même : l’unité, c’était aussi, à bien le relire, une obsession de Maurras, mais qu’il sublimait en prônant l’incarnation de cette unité en la magistrature suprême de l’Etat, par la personne du souverain…

01/11/2008

Obamania.

Dans quelques jours sera élu le prochain président des Etats-Unis, celui qui sera à la tête de l’Etat fédéral à partir du 20 janvier 2009. Tous les sondages donnent le candidat démocrate Barack Obama vainqueur, même si l’Histoire nous enseigne que « sondage n’est pas suffrage » et que, jusqu’à la dernière minute de la campagne et, même du scrutin, tout –y compris le plus surprenant– est possible. Nous verrons bien…

« La planète plébiscite B. Obama » titrait « La Croix » il y a quelques semaines, et les médias ont consacré de nombreux articles à la bonne opinion générale des Opinions publiques à l’égard de M. Obama. A Paris, toutes ces dernières semaines, j’ai croisé de nombreux jeunes arborant fièrement des badges « Obama 2008 », et quelques lycéens de Hoche partageaient cette euphorie, au point de m’agacer sérieusement : je précise que ce n’est pas Obama qui m’énerve mais le culte idolâtre autour de lui, « l’Obamania », qui rappelle les grands engouements religieux ou musicaux, à grand renfort de publicité, de « communication » et à coups de millions de dollars.

Mais il y a plus : je trouve à la fois ridicule et révélateur que cette élection, certes fort importante pour l’avenir des relations diplomatiques mondiales, intéresse visiblement plus les jeunes Français que la politique française elle-même : or, jusqu’à preuve du contraire, ce ne sont pas les électeurs français qui sont appelés à se déterminer mardi prochain, et l’opinion des Français n’a aucune importance dans ce vote, de ce simple fait électoral… De plus, cela montre aussi le fort tropisme états-unien de nos Opinions publiques qui, du coup, semblent trouver normal de soutenir un candidat ou l’autre alors même que, lors de leurs propres élections nationales ou communales, les taux d’abstention sont parfois élevés. Comme si la politique française se décidait à Washington !

D’autre part, l’engouement pour Obama est souvent lié à un malentendu et à la volonté de combattre la politique désastreuse de George W. Bush. Mais Obama président sera d’abord le président des Etats-Unis, et il fera ce pour quoi il est élu, c’est-à-dire une politique états-unienne… Pas certain que les pays européens y trouvent toujours leur compte…

Dernière chose : lorsque le candidat Obama est venu en France cet été, il a « oublié » sciemment de rencontrer le parti socialiste, principal parti de l’opposition de Gauche et, depuis qu’il est candidat, ne cesse de dire du bien de Nicolas Sarkozy… Il est vrai que, idéologiquement parlant, les différences entre les deux sont particulièrement ténues, que cela soit sur le plan économique ou diplomatique, sans méconnaître qu’ils sont, tous les deux, le résultat (ou le révélateur ?) d’une certaine « pipolisation » mêlée de populisme.

En tous cas, nous saurons dans quelques jours le choix des électeurs états-uniens et, quel qu’il soit, il faudra en tenir compte dans notre politique diplomatique et ne pas oublier que notre liberté ne se joue pas exactement à Washington mais ici, en France, par notre capacité et notre volonté à ne pas déserter l’Histoire et le monde.

24/09/2008

Civils numérotés, ou la déshumanisation des personnes.

Il est des photos plus parlantes que de longs discours : ainsi, celle publiée dans « La Croix », samedi 20 septembre, et qui montre un soldat états-unien « numérotant » avec un feutre des villageois de Qubah, en Irak, en mars 2007, comme on marque du bétail… Les hommes, dans le cou ; les femmes sur les mains ! Le photographe explique que « de telles actions créent de l’animosité même chez les Irakiens qui n’en avaient pas. Cela déshonore leur famille ». Tout comme les frappes aériennes de l’OTAN qui, en Afghanistan, confondent un mariage traditionnel avec un rassemblement de talibans…

En tout cas, cette photo largement diffusée désormais par les médias n’arrange pas les autorités des Etats-Unis qui ont quelque mal à justifier ce genre de pratiques dégradantes et indignes d’un pays civilisé. Bien sûr, la guerre ne se fait pas « en dentelles » mais, pour vaincre, il n’est pas nécessaire d’humilier ceux qui sont déjà les principales victimes du conflit et du terrorisme aveugle (le plus efficace et le plus cruel), c’est-à-dire les civils : c’est pour ne pas avoir compris cette règle simple que les troupes états-uniennes sont en train de perdre les guerres dans lesquelles elles sont engagées. Certes, sur le terrain militaire, les Etats-Unis ont indéniablement marqué des points et redressé la situation, au moins en Irak (c’est moins sûr en Afghanistan), mais la victoire militaire n’est pas la victoire politique et psychologique, nécessaire à toute stabilisation géopolitique des régions concernées.

D’autre part, les procédés états-uniens oublient la dignité humaine et semblent, comme dans la série des années soixante « Le Prisonnier », dénier aux hommes la qualité de personnes pour ne les désigner que par de simples numéros, comble de l’inhumanisation et de la rationalisation, c’est-à-dire tout le contraire de la tradition française de l’humanisme, rappelée en son temps par Georges Bernanos.

« Gagner les cœurs pour gagner la guerre » : cette formule simple, les soldats français engagés en Afghanistan l’ont souvent évoquée, avec malheureusement quelques tragiques déconvenues. Mais il est sûr que c’est par l’engagement dans la reconstruction des infrastructures du pays, des écoles, des routes et des hôpitaux, que la France peut le mieux aider les Afghans et les désolidariser des talibans, à défaut de les rallier aux intentions occidentales. Là encore, néanmoins, la question porte sur les institutions politiques du pays qui sont un préalable à la reconstruction ou, plus exactement, à sa pérennisation : on est, pour l’heure, loin du terme…

Bernanos, lors de la seconde Guerre Mondiale, reprochait aux Démocraties, par les bombardements massifs visant les populations civiles, d’user des mêmes pratiques que les totalitarismes avec l’espoir de couper les civils de leurs maîtres, ce qui s’est avéré, effectivement, une lourde méprise. La leçon n’a pas servi, semble-t-il…

La France, malgré les conditions difficiles de son engagement en Afghanistan, n’a pas perdu de vue les principes, à la fois stratégiques et éthiques, du respect des personnes : cela ne l’empêche pas de faire la guerre. Les Etats-Unis, qui jouent aux apprentis sorciers avec une constance désarmante et qui s’avèrent des alliés peu respectueux de leurs devoirs, devraient méditer sur cette attitude particulière qui est tout à l’honneur de nos soldats : cela leur éviterait peut-être de commettre des bévues qui peuvent être, aussi, des actes de « décivilisation »…