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12/01/2010

Tombeaux de janvier...

Ce mois de janvier est un mois bien meurtrier : après Philippe Seguin, c’est au tour du cinéaste Eric Rohmer de décéder. Ce même lundi, quelque part en Afghanistan, un sous-officier de l’armée française est tué dans un accrochage avec des talibans…

 

Trois morts qui, chacun à leur manière, représentent une part de ce qui fait, aussi, la France : le serviteur de l’Etat, l’artiste, le soldat… Le service, la création, le sacrifice.

 

Ces trois-là rejoignent, après et avant tant d’autres, ceux qui forment, au-delà des temps, l’histoire et la longue mémoire de la France. Quand l’homme politique, farouche patriote enraciné au cœur de la nation, a servi l’Etat et dénoncé ceux qui s’en voulaient les fossoyeurs, le cinéaste a, lui, joué de sa caméra pour, par exemple, dénoncer la Révolution et sa logique implacable qui ruine les consciences et avilit les cœurs : « L’Anglaise et le Duc », sorti sur les écrans en 2001, sert l’histoire et montre aussi que la liberté de l’esprit s’accommode mal des poncifs scolaires et des propagandes… Mais, au-delà de ce film, Rohmer est aussi un style, un cinéma qui est « tellement français » comme l’affirmait un journaliste anglo-saxon il y a déjà longtemps ! Et puis, il y a ce soldat, dont le nom va rejoindre ceux déjà inscrits dans la pierre des monuments aux morts : la France c’est aussi ce sang versé, parfois loin de Paris, ces larmes des familles endeuillées, ces destins foudroyés, si jeunes…

 

La France vit au cœur des Français, dit-on : mais elle est aussi sous nos pieds et dans les tombeaux, dans cet humus national qui transmet aussi la vie, dans cette longue suite de morts qui ont chacun, à leur manière, contribué à faire ce que nous, Français, sommes sans en être esclaves, juste fidèles, d’une fidélité parfois critique, voire douloureuse. C’est aussi ainsi que je comprends la formule célèbre de Maurras : « Toute vraie tradition est critique ». Je n’ai pas choisi de naître français (et je n’ai pas choisi mes parents, ni le jour de ma naissance, la couleur de mes yeux et celle de mes cheveux…), mais j’en assume l’histoire, toute l’histoire, ce qui ne m’empêche pas de ne pas accepter, comme régime politique (et au regard de cette histoire de France si passionnante), la République (qu’elle soit Première ou Cinquième, cette « monarchie inachevée », malheureusement…) et d’être du côté des chouans en 1793, défaits par les troupes du général Hoche, par exemple.

 

Si, demain, la Monarchie renoue le fil tranché avec la nation depuis 1848, le roi n’aura pas à renier la Révolution et les Républiques successives depuis 1792, ni ceux qui auront, dans ces derniers siècles, choisi de servir la République, qu’ils s’appellent Philippe Seguin ou Charles de Gaulle : l’histoire passée, aussi désagréable soit-elle pour les monarchistes, « est », c’est un fait ! La Monarchie n’a pas à réécrire l’histoire d’avant, elle a comme fonction d’incarner, par la personne du souverain royal en exercice comme par celles de sa famille, la France avec toutes ses richesses mais aussi toutes ses contradictions, et elles sont nombreuses...

 

 

17/11/2009

La France en Afghanistan.

Depuis dimanche matin, 700 soldats français sont engagés dans une vaste opération militaire pour prendre le contrôle d’une zone talibane en Afghanistan (la vallée de Tagab, à une cinquantaine de kilomètres à l’est de Kaboul), zone dont sont partis, ces dernières semaines, plusieurs « kamikazes » et qui sert de refuge aux groupes islamistes radicaux.

Là-bas, on ne commémore pas encore : on combat, on tue et on meurt…

Je n’aime pas la guerre et je la crains : mais, lorsqu’elle est là, il faut la faire, comme le rappelait le général de Gaulle. Le débat sur la présence française en Afghanistan n’est pas un faux débat, loin de là, et je ne suis pas sûr qu’il fallait « y aller » : mais, la France y est, et il serait pire, aujourd’hui, de quitter le terrain sur ce qui apparaîtrait alors comme une défaite, un recul…

Il faut rappeler aussi que la solution à la « question talibane » n’est pas seulement militaire, mais avant tout politique. Dans cette affaire, pourtant bien engagée à l’origine (à l’automne 2001), les Etats-Unis ont manqué de sens politique et ont méconnu l’histoire de l’Afghanistan comme ses traditions (toutes ne sont pas pour autant honorables…), préférant placer un de leurs féaux à la tête du pays plutôt que celui qui pouvait, de par son histoire personnelle et de sa charge symbolique, réconcilier les uns et les autres, ou au moins calmer les craintes de la majorité ethnique pachtoune : Zaher Chah, le roi (jadis renversé par son cousin républicain, façon Fronde nobiliaire…), aujourd’hui décédé, semblait aux Afghans eux-mêmes le « recours » et la possibilité de retrouver une certaine visibilité politique pour l’Afghanistan sans renoncer à sa liberté nationale. Les Etats-Unis n’en ont pas voulu et ont humilié les chefs traditionnels de tribus par leur refus d’une solution « à l’afghane ». On connaît la suite, et il est difficile de ressusciter Zaher Chah…

Il est vain de se lamenter sur ce qu’il aurait fallu faire, puisque cela n’a pas été fait. Mais il faut se prémunir contre les conséquences des erreurs des Etats-Unis qui, s’étant placé à la tête de la coalition occidentale en 2001, nous ont engagés sans beaucoup de précautions dans ce guêpier afghan.

Désormais, le rôle de la France en Afghanistan est d’aider à la formation d’une véritable armée afghane, mais aussi de permettre la fondation et le fonctionnement d’écoles ouvertes aux garçons comme aux filles, de centres culturels, d’aider l’économie afghane à s’autonomiser de l’aide internationale, etc.

Certains parleront de « néocolonialisme » ou d’ingérence dans les affaires d’un pays étranger : sans doute faut-il y voir plutôt l’application d’un « devoir d’assistance à nation en danger », pour éviter le pire, pour les Afghans comme pour leurs voisins, mais aussi pour les pays européens qui, en cas de victoire des talibans, pourraient difficilement refuser d’accorder l’asile aux centaines de milliers de réfugiés afghans qui fuiraient la dictature islamiste…

Après la guerre, qu’il faut gagner, la France et ses alliés dans cette affaire ne doivent pas oublier que c’est la paix qu’il faut aussi, voire plus encore, gagner : rien n’est pire qu’une paix bâclée, forcément grosse de conflits futurs !

L’histoire de la « guerre de trente ans » selon l’expression d’Henri Massis, celle qui dura de 1914 à 1945 sur le continent européen et bien au-delà, ne doit pas être oubliée : le pire serait la commémoration rituelle sans la vive mémoire

24/09/2008

Civils numérotés, ou la déshumanisation des personnes.

Il est des photos plus parlantes que de longs discours : ainsi, celle publiée dans « La Croix », samedi 20 septembre, et qui montre un soldat états-unien « numérotant » avec un feutre des villageois de Qubah, en Irak, en mars 2007, comme on marque du bétail… Les hommes, dans le cou ; les femmes sur les mains ! Le photographe explique que « de telles actions créent de l’animosité même chez les Irakiens qui n’en avaient pas. Cela déshonore leur famille ». Tout comme les frappes aériennes de l’OTAN qui, en Afghanistan, confondent un mariage traditionnel avec un rassemblement de talibans…

En tout cas, cette photo largement diffusée désormais par les médias n’arrange pas les autorités des Etats-Unis qui ont quelque mal à justifier ce genre de pratiques dégradantes et indignes d’un pays civilisé. Bien sûr, la guerre ne se fait pas « en dentelles » mais, pour vaincre, il n’est pas nécessaire d’humilier ceux qui sont déjà les principales victimes du conflit et du terrorisme aveugle (le plus efficace et le plus cruel), c’est-à-dire les civils : c’est pour ne pas avoir compris cette règle simple que les troupes états-uniennes sont en train de perdre les guerres dans lesquelles elles sont engagées. Certes, sur le terrain militaire, les Etats-Unis ont indéniablement marqué des points et redressé la situation, au moins en Irak (c’est moins sûr en Afghanistan), mais la victoire militaire n’est pas la victoire politique et psychologique, nécessaire à toute stabilisation géopolitique des régions concernées.

D’autre part, les procédés états-uniens oublient la dignité humaine et semblent, comme dans la série des années soixante « Le Prisonnier », dénier aux hommes la qualité de personnes pour ne les désigner que par de simples numéros, comble de l’inhumanisation et de la rationalisation, c’est-à-dire tout le contraire de la tradition française de l’humanisme, rappelée en son temps par Georges Bernanos.

« Gagner les cœurs pour gagner la guerre » : cette formule simple, les soldats français engagés en Afghanistan l’ont souvent évoquée, avec malheureusement quelques tragiques déconvenues. Mais il est sûr que c’est par l’engagement dans la reconstruction des infrastructures du pays, des écoles, des routes et des hôpitaux, que la France peut le mieux aider les Afghans et les désolidariser des talibans, à défaut de les rallier aux intentions occidentales. Là encore, néanmoins, la question porte sur les institutions politiques du pays qui sont un préalable à la reconstruction ou, plus exactement, à sa pérennisation : on est, pour l’heure, loin du terme…

Bernanos, lors de la seconde Guerre Mondiale, reprochait aux Démocraties, par les bombardements massifs visant les populations civiles, d’user des mêmes pratiques que les totalitarismes avec l’espoir de couper les civils de leurs maîtres, ce qui s’est avéré, effectivement, une lourde méprise. La leçon n’a pas servi, semble-t-il…

La France, malgré les conditions difficiles de son engagement en Afghanistan, n’a pas perdu de vue les principes, à la fois stratégiques et éthiques, du respect des personnes : cela ne l’empêche pas de faire la guerre. Les Etats-Unis, qui jouent aux apprentis sorciers avec une constance désarmante et qui s’avèrent des alliés peu respectueux de leurs devoirs, devraient méditer sur cette attitude particulière qui est tout à l’honneur de nos soldats : cela leur éviterait peut-être de commettre des bévues qui peuvent être, aussi, des actes de « décivilisation »…