Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

21/08/2008

Les Français dans la guerre civile afghane.

Dix soldats français sont tombés lundi soir sous les balles en Afghanistan dans des circonstances qui, déjà, soulèvent la polémique. Mais avant d’aller plus loin, je m’incline respectueusement devant la mémoire de ces jeunes hommes qui portaient l’uniforme français, de ces hommes qui sont « l’épée et le bouclier » de la France, ici et ailleurs, et dont les noms vont s’inscrire désormais dans la pierre des monuments aux morts, à la suite de tant d’autres. Ce jeudi, alors qu’une pluie persistante mouille le pavé rennais, mon café a un goût de cendres. Devant moi, les gros titres de la presse s’étalent : hier la Géorgie, aujourd’hui l’Afghanistan et la France, parfois l’Algérie, et toujours le sang, la guerre malgré la « trêve olympique »… Lorsque l’été se refermera, il apparaîtra bien meurtrier cette année.

En ce jour d’hommage national aux soldats tombés en Afghanistan, les journaux s’interrogent sur les finalités de la présence française à Kaboul et ses environs, et sur les conditions de l’embuscade, les difficultés des soldats à se dégager : le manque de munitions, la question du commandement, le retard des renforts, etc. complètent ces interrogations.

Les propos du président de la République à Kaboul ne m’ont guère convaincu, c’est le moins que l’on puisse dire, et ils me semblent « décalés », en particulier au regard du pays concerné et de la politique militaire du président elle-même, mélange de langage comptable et d’esbroufe aux grands principes… Alors même que M. Sarkozy « défait » l’armée française au nom des économies budgétaires et qu’il se réfugie, sans contrepartie véritable, sous le parapluie états-unien au sein de l’OTAN (apparemment un « tigre de papier » piégé dans les montagnes d’Afghanistan), il s’agite et parle de « guerre à gagner » alors que les moyens n’y sont pas ! Les témoignages effarants sur l’état du matériel militaire français sur les terrains d’opération sont une indication inquiétante et qui laissent présager de nouvelles déconvenues, je n’ose écrire « défaites », terme qui risque pourtant de s’imposer dans les mois qui viennent si l’armée française n’est pas plus soutenue par l’Etat (et par autre chose que des mots et des hommages…) et si une véritable stratégie militaire sur le long terme n’est pas pensée dans les temps proches.

De plus, et c’est vrai pour l’Afghanistan comme pour d’autres théâtres d’opérations, il n’y a pas de victoire possible si, à côté du moyen militaire, il n’y a pas un véritable engagement civil de reconstruction du pays, routes et écoles, agriculture et ravitaillement : sans confondre les deux domaines, il est néanmoins évident que l’un n’est pas possible sans l’autre, et réciproquement : l’humanitaire et le militaire. La « politique de la canonnière », chère aux Etats-uniens, n’est pas la meilleure solution (et surtout pas la seule !) à apporter au terrorisme puisqu’il s’agit, dit-on, de cela en Afghanistan.

La France doit-elle se retirer du conflit aujourd’hui ? Cela serait reconnaître l’échec total de sept années de présence militaire et diplomatique françaises sur le terrain afghan, et apparaîtrait comme une défaite terrible. Mais il faut sans doute investir massivement dans la reconstruction de la capitale et des villes encore entre les mains des autorités du président Hamid Karzaï, et repenser les relations avec les différentes parties (en particulier ethniques et tribales) du pays : il ne faut plus attendre mais faire !

Certains diront que l’on « ne construit pas sous un bombardement », selon la célèbre formule de Maurras, mais gare au contresens sur cette citation et sur l’intention de son auteur ! Dans ce cas afghan, il s’agit aussi de reconstruire un Etat, moyen de permettre de sortir de la guerre civile dans laquelle la France apparaît aujourd’hui piégée, en partie par une rhétorique antiterroriste inadaptée à la situation politique intérieure de ce pays. Et si on ne tente pas de le faire, même sous les bombes, rien ne se fera de durable. N’est-ce pas ce qu’a fait Jeanne d’Arc en faisant sacrer roi le dauphin Charles en pleine guerre de reconquête, car elle savait que rien ne se construit sur la seule victoire militaire ?

Il ne s’agit pas d’imposer un modèle étatique à l’Afghanistan qui dispose d’institutions souveraines mais de l’aider à faire ses premiers pas, dans l’intérêt de tous, Afghans et autres. Ce n’est pas aux pays engagés dans le conflit de gouverner l’Afghanistan : cela n’empêche pas de l’aider, au-delà des débats institutionnels intérieurs, et sans préjuger de la forme actuelle ou future des institutions. D’ailleurs, ne paye-t-on pas ici l’erreur des Etats-Unis d’empêcher la restauration monarchique du roi Zaher Chah, aujourd’hui décédé, alors qu’elle était souhaitée, comme facteur d’unité et comme moyen de remettre les Pachtounes, majoritaires dans le pays, à la tête d’un pays dont ils sont les fondateurs ? En tout cas, il est bien tard, et il faut agir vite et bien, en politique autant qu’en militaire : la France, moins impopulaire que les Etats-Unis dans la région, peut encore jouer son jeu et être un arbitre utile au règlement de la guerre civile afghane, sans pour autant renier ses alliances et ses engagements.

03/04/2008

Armée et diplomatie françaises : la misère ?

L’annonce présidentielle de l’envoi de 1.000 soldats français supplémentaires en Afghanistan et le débat (sans vote) ce mardi à l’Assemblée nationale provoquent de vifs débats, certains craignant un « nouveau Vietnam » et d’autres dénonçant un simple « alignement » sur les Etats-Unis, tandis que les partisans de M. Sarkozy y voient le meilleur moyen « d’assécher » le terrorisme islamiste. Il me semble que les uns et les autres ont des raisons valables qui méritent étude et réflexion mais qu’il faut poser d’autres questions, en particulier celles sur l’état de l’armée française et sur les orientations diplomatiques de notre pays.

 

Ce mardi matin, sur la radio RMC, une femme de soldat dont le mari est actuellement sur le terrain évoquait la « grande misère » de l’armée française, racontant comment, avant de partir pour l’Afghanistan, celui-ci avait acheté casque et gilet pare-balles sur… ebay, le site d’enchères sur la Toile ! Devant la surprise de l’animateur radio, elle a expliqué que le matériel militaire de nos troupes était tellement ancien et obsolète que les autres armées engagées sur le terrain, s’ils appréciaient les qualités des soldats français, se gaussaient de la désuétude de leurs équipements… Cela confirme les propos de mon ami breton parti ces jours derniers au Kosovo pour une mission de plusieurs mois et qui m’expliquait que la plupart des hélicoptères militaires français risquaient de ne plus avoir, en 2009, l’agrément européen pour voler, et cela pour les mêmes raisons évoquées précédemment.

 

Décidément, la République n’a pas retenu la leçon de 1940 ! « Nous vaincrons parce que nous sommes les plus forts », disait Paul Reynaud à la veille de la débâcle : ce genre de rodomontades qui, aujourd’hui, se déclineraient plutôt sur le mode « … parce que nous sommes les plus justes » ou « les plus humanistes », nous ont jadis coûté cher et cela risque de se reproduire, au détriment de nos hommes et de notre honneur, voire de notre liberté. Lors d’une soirée « Camelots du Roi » organisée il y a quelques jours à Versailles, le doyen des Camelots, Guy Steinbach (90 ans), rappelait comment son régiment de chars avait essayé en vain d’arrêter les panzers de Guderian en mai 40, faute d’un matériel moderne et adapté aux conditions nouvelles de la guerre… (La revanche ne viendra que 4 ans plus tard, mais grâce au matériel états-unien…). Devons-nous attendre le pire pour réagir ? Je radote sans doute en reprenant régulièrement cette antienne « Armons, armons, armons » et je comprends mieux la phrase du général de Gaulle sur Maurras : « il a eu tellement raison qu’il en est devenu fou ». Prêcher dans le désert face à l’inertie et au cynisme de cette République qui, comme à chaque fois, n’aura aucun scrupule à utiliser les soldats français comme de la chair à canon pour mieux, ensuite, gâcher la paix, quelle folie ! Voir sous nos yeux les dangers se préciser et constater l’aveuglement de notre démocratie est désespérant…

 

De plus, l’autre question qui se pose est celle de notre diplomatie et de ce que nous voulons pour notre pays : indépendance ou suivisme ? Le tournant atlantiste dénoncé par l’ancien ministre mitterrandien Roland Dumas et les gaullistes historiques est une réalité qui nous ramène à la triste situation de notre pays sous la IVème République et nous fait perdre tout le bénéfice du « grand refus » de 2003, celui-là même qui nous avait rendu une certaine fierté et, surtout, une vraie place sur la scène diplomatique internationale.

 

D’autre part, il devient ridicule de se réfugier toujours, comme le fait l’actuel président, derrière les décisions de l’Union européenne : la dernière occasion vient d’en être donnée avec l’affaire du boycottage possible de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Pékin. M. Sarkozy a annoncé qu’il attendait de savoir ce qu’en pensaient les 26 partenaires européens de la France avant de prendre une décision : belle hypocrisie (une de plus !) quand on sait que la plupart des pays de l’UE ont déjà confirmé leur présence à cette cérémonie sans même attendre que l’UE se soit vraiment posée la question !

 

Décidément, l’actuelle République me donne de pressantes raisons supplémentaires pour ne pas vanter ses mérites et pour rester, incorrigible chouan, partisan d’une Monarchie qui inscrive la mémoire nationale et l’intérêt commun (dont le plus important est celui de garantir la liberté de notre pays, première des libertés publiques) dans les institutions et la pratique politique et diplomatique.