Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

01/06/2022

Quand la reine Elisabeth inspire notre réflexion sur la Monarchie royale...

 

La reine d’Angleterre va célébrer ses 70 ans de règne ces jours prochains. Ce qui ne pourrait être qu’un événement purement local et britannique est, en fait, l’occasion aussi d’une introspection mondiale et mémorielle, et peut retentir sur notre propre débat national, aussi bien institutionnel qu’historique : cette reine nous renvoie à notre propre passé et nous oblige, d’une certaine manière, à une comparaison qui n’est pas forcément à l’avantage de notre vieil Etat, devenu République sans avoir renoncé à une part de sa « royalité », nostalgie de ce qu’elle fut sous le nom de France et l’état de royaume… Quand nous nous perdons dans une lutte électorale qui abime et affaiblit désormais la magistrature suprême de l’Etat tous les cinq ans, la Monarchie britannique semble presque imperturbable quand les candidats aux responsabilités parlementaires et gouvernementales s’affrontent, parfois durement, pour assurer à leur camp la « deuxième place », celle de Premier Ministre : en préservant la « première place », la Monarchie royale permet aux Britanniques de se reconnaître en une unité supérieure, « au-delà de la politique tout en étant éminemment politique », une unité qui garantit que les joutes électorales n’attenteront pas à l’être et à la pérennité même de ce qu’est, par-delà les temps et les circonstances, l’âme du Royaume-Uni.

 

C’est ce que confirme, dans un entretien publié par Le Parisien (1), l’historien Hugo Vickers, en insistant sur quelques points qui, de tradition et de statut, autorisent cette unité que ne permettent pas les élus : « Nous connaissons les membres de la famille royale depuis leur naissance, ce qui amène stabilité et confiance. Ils n’apparaissent pas complètement cuits comme des politiciens. » Cet « au-dessus » de la Monarchie, qui n’empêche nullement la familiarité et la proximité sentimentale entre les sujets-citoyens et la famille royale, forme une clé de voûte de la nation-cathédrale qui tient tout l’ensemble et préserve ceux qui s’y abritent, même s’ils n’en ont pas toujours conscience. La Monarchie royale a ceci de particulier que sa présence « banale » fait oublier certains de ses traits et qualités, seulement visibles quand l’histoire se mêle de bousculer les habitudes ou les conforts de la société, comme ce fut, tragiquement, le cas en 1940 : sous les bombes, la famille royale, qui était restée volontairement à Londres, a rappelé que la Monarchie était aussi une charge vive et non une nature morte… Que la future reine Elisabeth ait endossé l’uniforme d’ambulancière (2) en ces années sombres nous rappelle que la Monarchie royale n’est pas qu’une question d’apparat et de belles cérémonies familiales mais aussi un engagement de tous les instants, comme la responsabilité d’une mère envers ses enfants (même les plus turbulents…).

 

Bien sûr, tout ne va pas toujours pour le mieux dans le meilleur des mondes, et le Royaume-Uni n’échappe pas aux tourments de l’histoire ni la Monarchie aux remises en cause dans un monde qui privilégie le « présentisme » à la patience et l’individualisme de masse à l’unité de service et de solidarité : mais, comme le souligne Stéphane Bern (3), « la famille royale britannique (…) incarne justement un pouvoir symbolique capable de rassembler tout un peuple et dont nous nous sentons orphelins. La couronne, qui réunit dans la diversité, semble permettre aux Britanniques de se retrouver et de communier autour des valeurs intemporelles de leur nation. » Et, à voir la joie de ses anonymes londoniens qui, malgré la rudesse des temps, se retrouvent autour de « leur » reine, il n’est pas interdit de regretter que, nous aussi, nous n’ayons pas « une famille royale à aimer », comme le très républicain Régis Debray l’évoquait jadis en soupirant qu’elle manquait à la… République ! Alors, quand nous verrons la reine Elisabeth, peut-être, dans le poste de télévision, nous soupirerons aussi, sans doute, à cette absence de la famille royale française pour l’heure, malheureuse, en exil dans l’imaginaire national…

 

 

 

 

 

Notes : (1) : Le Parisien, mercredi 25 mai 2022.

 

(2) : Durant la guerre, Elisabeth rejoint les auxiliaires féminines de l’armée de terre, malgré les craintes de son père, le roi George.

 

(3) : Stéphane Bern, Revue des deux mondes, juillet-août 2021, page 34.

 

 

 

 

 

26/03/2012

Défendre l'unité française.

C'était ce dimanche le traditionnel hommage au roi Henri IV organisé depuis déjà quelques années par le Groupe d'Action Royaliste sur le Pont-Neuf, devant la statue du Béarnais. Mais le contexte était, cette année, doublement particulier, du fait de l'élection présidentielle et des événements de Toulouse, et les discours s'en sont aussi fait l'écho, y compris le mien...

 

« Le peuple français est un composé », ai-je rappelé à la suite de Jacques Bainville qui ouvre sa célèbre « Histoire de France » par cette réflexion qui mérite, non pas une actualisation, mais une simple explication adaptée à notre temps. Le meilleur exemple de la véracité de cette formule bainvillienne est sans doute la diversité des cibles frappées par le tueur qui, en définitive, donne un bon aperçu, non dans les proportions mais dans les particularités, de la pluralité française : des militaires, un professeur, des élèves, des adultes et des enfants, des juifs, des musulmans, un catholique... Tous, ils sont la France, d'une manière ou d'une autre.

 

Le caractère exceptionnel de la tuerie, sa sauvagerie et la détermination froide de l'assassin ainsi que sa mort spectaculaire, ont choqué le pays tout entier, étonné de voir surgir de son propre sol un pareil « monstre » : un tel rejet par ce dernier de la France doit nous faire réagir, non par la haine (qui signerait, en fait, la victoire du terroriste), mais par le renforcement de l'unité française, renforcement qui passe par une approche volontariste du « vivre ensemble » et par l'incarnation de l'Etat et de la nation en une famille « mère ». Sans doute l'enseignement a-t-il un rôle à jouer dans la visibilité et la réalisation toujours renouvelée, au fil des générations successives, de cette unité. Mais il faudrait aussi en finir avec cette sorte de masochisme national qui, parfois, semble vérifier le titre d'un livre de Maurras, « Quand les Français ne s'aimaient pas »...

 

Quant à l'union nationale voulue par le Chef de l'Etat pouvait-elle longtemps survivre aux enjeux (et aux jeux) de l'élection présidentielle ? Cela était peu probable, même si les principaux candidats, le temps d'une cérémonie, ont mimé cette union avec une certaine sincérité, avant que de reprendre, une fois les cercueils éloignés, leurs stratégies respectives.

 

Le roi Henri IV n'était pas un roi neutre et, avant même d'être roi reconnu par tous (y compris d'une certaine manière par son assassin, pourrait-on dire...), il avait dû reconquérir le pays aux mains des factions et leur imposer « sa » paix avant que de refaire l'unité autour du Trône, en incarnant véritablement celle-ci, par une politique de pardon et d'oubli des offenses qui avaient été faites à sa personne et à la fonction qu’il assumait… Cette politique n’est guère possible dans une République qui « se joue aux élections » et dans laquelle l’unité n’existe que de façon temporaire et exceptionnelle, malheureusement souvent à l’occasion de catastrophes comme celles de Toulouse et Montauban.

 

L’intérêt d’une Monarchie qui n’a pas d’élections à faire et à gagner, c’est d’être, par essence, le symbole fort d’une unité au-delà des partis qui s’affrontent pour gouverner tandis que le souverain règne et arbitre à l’intérieur, et représente la France à l’étranger.

 

Mieux vaudrait de vrais débats politiques de fond lors d’élections législatives que ce spectacle, certes commandé par la Société « distractionnaire » (selon le mot de Muray) mais si paralysant pour l’action de l’Etat durant de longs mois. Si l’on veut l’unité plutôt que la division à la tête de l’Etat, il y faut un monarque royal ! Ce n’est pas une simple opinion, c’est plutôt un constat et un souhait…

 

24/02/2012

Au-delà des querelles électorales...

J'étais l'autre jour à Versailles, profitant du beau soleil d'hiver pour me promener dans le parc, longeant le canal totalement glacé sur lequel cygnes et canards glissaient à défaut de nager, et lisant, au fil des allées, un vieil ouvrage d'écrits politiques de Chateaubriand reçu le matin même. Aux grilles du château, des centaines de touristes se pressaient, se photographiant les uns les autres devant le symbole de l'ancienne puissance monarchique... Le palais de l'Elysée ne connaît pas un tel succès !

 

Des enfants se chamaillaient gentiment, au grand dam des oreilles voisines. La maman eut, alors que je passais près de la scène de la dispute, une phrase définitive qui ramena tout de suite le calme : « Arrêtez de vous disputer, ça ne va pas plaire à Louis XIV », dont elle montrait aux querelleurs la statue toute proche. L'effet fut immédiat : les bambins se turent, comme impressionnés par l'appel au monarque cavalier !

 

Ah, si tout était aussi facile en politique, surtout en période électorale !

 

Les actuelles joutes électorales donnent lieu à de grandes agitations et à de basses polémiques, mais aussi à quelques (trop rares) débats de fond, comme je m'en suis déjà plaint. Que cela soit le jeu démocratique normal ou, plutôt, habituel, soit ! Et, après tout, pourquoi pas ? La nature humaine n'est pas de rester silencieux dans toutes les occasions, et lorsque des décisions qui engagent le corps social doivent être prises, il n'est pas forcément choquant de demander leur avis, fût-il peu avisé, aux personnes qui participent à la Cité.

 

Mais lorsque les querelles s'enveniment au point de risquer le « désordre fatal », il est bon qu'il y ait une institution qui rappelle à l'ordre et qui soit au-dessus des querelleurs, qui ne leur doive rien, et qui incarne l'unité supérieure de l'ensemble social et communautaire le plus vaste et le plus légitime à l'échelle humaine, c'est-à-dire la nation, fruit de l'histoire et des volontés renouvelées « d'être-ensemble ».

 

La « disputation démocratique », si elle veut être utile et ne pas risquer d'ébranler l'édifice qu'elle est censée servir ou vouloir servir au gouvernement, aurait tout à gagner à cette magistrature suprême de l'Etat, indépendante des partis et des groupes de pression, indépendante de par sa propre nature, de par la naissance que l'on ne peut, Dieu merci, acheter : la Monarchie, puisque c'est d'elle dont je parle comme institution transcendant les débats polémiques pour la conquête gouvernementale, a une légitimité assez forte, une fois installée, pour limiter les excès des candidats politiques à la fonction gouvernementale ou ministérielle.

 

Le souvenir de Louis XIV, encore efficace pour calmer les ardeurs enfantines, mériterait d'être renouvelé par l'incarnation royale « au présent » : sans enlever à la liberté de débats et de querelles qui est essentielle à l'exercice de la citoyenneté, elle aurait l'immense mérite de préserver l'image et l'unité de la France, à l'intérieur comme pour l'extérieur...