Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

06/11/2011

L'échec du "coup d'Etat" de M. Papandréou.

Ainsi, M. Papandréou a cédé aux pressions du couple Merkel-Sarkozy et renoncé à son idée de référendum en Grèce pour avaliser (ou non...) le plan de « sauvetage » (il semble bien que les guillemets s'imposent...) du 27 octobre dernier : le « coup d'Etat » a échoué... Assez étrangement, le déroulement des derniers jours me faisait penser, toutes proportions gardées bien sûr, au « putsch d'Alger » d'avril 1961 : un « coup de force » qui vient après une période de tensions extrêmes et pour débloquer, y compris sans grand espoir de réussite finale, une situation devenue ingérable et, surtout, socialement intenable.

 

Mais l'Union européenne a violemment réagi contre cet « appel au peuple » de M. Papandréou, appel tardif mais pas forcément scandaleux au contraire de ce qu'en ont dit les instances dirigeantes, autant gouvernementales qu'européennes. La brutalité de M. Sarkozy et son mépris à l'égard du premier ministre hellène, voire son incorrection, risquent de laisser une impression amère à ceux qui croyaient que la Construction européenne était destinée à accorder les peuples et non à les humilier ou à les contraindre. De plus, le refus de mêler les peuples aux décisions qui les concernent aussi, voire au premier chef, apparaît, à terme, dangereux pour l'harmonie sociale dans les pays européens : ce n'est pas seulement une question de « démocratie » (dont les derniers événements prouvent qu'il serait urgent de la redéfinir pour savoir de quoi l'on parle quand on l'évoque...), mais aussi et surtout de justice sociale ! Il est impossible d'imposer des mesures de rigueur (qu'elles soient justifiées ou non) aux populations sans qu'elles y soient associées, au moins symboliquement, au mieux par une « participation active » (ce qui est plus compliqué, sans doute, à susciter).

 

La tentative avortée de M. Papandréou a eu quelques mérites qu'il n'est pas inutile de signaler : elle a montré la profonde rupture entre « l'Europe légale » et « l'Europe réelle », rupture qui peut expliquer la montée des populismes et de l'europhobie ; elle a rappelé la fragilité de la monnaie unique qui, censée protéger les économies de la zone euro, les plombe désormais ; elle pousse aussi, pour résoudre le problème de l'endettement public, à penser de nouvelles solutions, au-delà des classiques mesures de rigueur qui, à plus ou moins long terme, sont condamnées à l'échec, et à repenser notre modèle de société, selon les valeurs de la mesure et en rupture avec « l'hubris » (encore un mot grec, qui signifie la démesure...) de la société de consommation.

 

Mais son échec montre aussi que le système « union européenne » n'est pas prêt à accepter les « dissidences » et les velléités d'indépendance des pays, en particulier des plus petits, et que la solidarité européenne n'existe pas vraiment dès qu'il s'agit d'aider financièrement les plus faibles : le récent refus de l'Allemagne d'apporter son aide au fonds alimentaire pour les plus démunis en Europe (quelques centaines de millions d'euros quand on en donne des milliards aux banques pour les recapitaliser) mais aussi les sondages démontrant qu'une large majorité de Français ne veut plus payer pour venir en aide aux Grecs sont des preuves tristes et irréfutables de cette « désolidarisation » contemporaine, certes compréhensible mais inquiétante. J'entends bien l'argument de la « tricherie grecque », ressassé par les médias à longueur de reportages et de colonnes, et la gabegie étatique hellène ne me plaît pas vraiment, mais il est tout aussi certain que ce n'est pas en punissant « ad vitam aeternam » les populations et l'Etat grec que l'on aidera l'un à se construire vraiment, les autres à adopter de nouveaux modes de travail et de consommation ! C'est d'ailleurs ce qu'a compris le premier ministre grec et qui permet de mieux comprendre les motivations de son « coup d'Etat » : son échec final ne résout rien, et, au contraire, ouvre grandes les portes de la désespérance sociale et, peut-être, du chaos...

 

Mais cela force aussi, et vite, à reposer la question du politique en Europe, en particulier face aux pressions des féodalités financières, qu'elles s'appellent agences de notation ou « marchés », entre autres... La prochaine décennie sera politique, ou l'Europe ne sera plus...

 

 

01/11/2011

Le référendum en Grèce : un "Coup d'Etat" démocratique ?

La décision du premier ministre grec d’organiser prochainement un référendum sur les décisions prises la semaine dernière à Bruxelles pour « sauver l’euro » est un coup de tonnerre dans un ciel européen qui ne cesse de s’obscurcir ces derniers mois. Certains y voient « un pari risqué » quand d’autres s’inquiètent de la forte probabilité d’un vote négatif des électeurs grecs qui entraînerait l’effondrement des « espérances » du Sommet du 26 octobre, espérances qui semblent bien fragiles et auxquelles, déjà, les marchés financiers, après une seule journée d’euphorie (d’ivresse ?), semblent ne plus croire !

 

En fait, cette annonce-surprise m’apparaît comme un véritable coup d’Etat contre l’Union européenne et ses institutions et, au-delà, le FMI, car l’Etat grec se pose, par cette question posée au peuple électoral, au « Démos » selon la formulation antique, comme le garant de la « volonté souveraine nationale » contre les décisions prises « d’en haut et de loin » par les responsables (financiers comme politiques) de la zone euro. Un coup d’Etat parce que le gouvernement grec préfère prendre le risque d’être désavoué par le résultat du vote que d’apparaître comme le simple exécutant des oukases bruxellois ou, plutôt, allemands.

 

C’est aussi une manière pour le premier ministre M. Papandréou de retrouver une certaine légitimité en Grèce, non par le résultat du référendum mais par le fait de l’avoir organisé, comme un acte d’indépendance nationale. Ainsi, le « coup d’Etat » de M. Papandréou semble-t-il s’accorder avec ce véritable soulèvement national des Grecs que vit le pays depuis plusieurs semaines : il n’est pas certain que l’Union européenne se sorte facilement ni de bonne manière de cette situation inédite, elle qui a, en fait, voulu établir la première « occupation administrative » d’un pays de la zone euro par une « troïka » (BCE, UE, FMI) composée de hauts fonctionnaires européens et internationaux !

 

En tout cas, la mère-patrie de la Démocratie en Europe rappelle ainsi, et de façon un peu brutale, que les citoyens et les peuples existent encore malgré les instances européennes qui ont souvent tendance à l’oublier, ou à le nier…

 

 

05/10/2011

"Seisachtheia" : la solution de Solon à la dette grecque... en 593 avant JC !

 

La Grèce est encore sous les feux de l'actualité, et la question du « défaut » de la patrie d'Athéna se pose désormais dans les couloirs mêmes de la Banque Centrale européenne, malgré les dénégations prudentes de ses cadres... La dette publique grecque a atteint un tel niveau que personne ne croit plus qu'elle pourra rembourser un jour ses créanciers, et la cure d'austérité toujours plus sévère ne réussit qu'à favoriser un peu plus la « débrouille » qui confine parfois à la fraude, et à aggraver la crise de toute la zone euro. Mais le plus choquant c'est l'attitude des armateurs et des plus riches propriétaires grecs qui continuent de ne pas remplir leurs devoirs de contribuables, préférant leurs intérêts particuliers à celui de la nation et de leurs concitoyens : triste attitude, et scandale civique sur une terre qui a vu naître la politique et dont les cités ont jadis inspiré la civilisation qui est désormais la nôtre, au moins dans ses racines.

 

Ce qui est certain, au-delà des égoïsmes des uns et des petits arrangements des autres, c'est que le principal problème de la Grèce, c'est d'abord la faiblesse de l'Etat et son incapacité à se faire respecter et à lever correctement les impôts nécessaires à son propre fonctionnement ! Maurras y verrait la conséquence directe de la Démocratie même, lui qui avait conclu à l'impossibilité de celle-ci de pouvoir « organiser et ordonner » et n'y voyant que la « consommation » de ce que les siècles précédents avaient créé, et il chercherait dans l'histoire des cités grecques, en particulier d'Athènes, quelques éléments historiques pour étayer son propos...

 

D'ailleurs, c'est en préparant mon prochain cours sur la polis athénienne que j'ai constaté que, en 594 avant notre ère, Solon avait trouvé une solution pour régler le problème de la dette que « le retraité du FMI », visiblement, ne désavoue pas, ou plus, comme il l'a laissé entendre lors de son entretien télévisé avec Claire Chazal : la suppression pure et simple de la dette, pratique nommée « seisachtheia » (« la remise du fardeau », en traduction française), qui avait pour but affiché de « libérer les paysans grecs » qui risquaient auparavant de perdre, sans sursis et définitivement, leur statut d'homme libre et de citoyen s'ils ne payaient pas les sommes qu'ils devaient à leurs créanciers. Cette mesure radicale de Solon avait non seulement sauvé de nombreux paysans athéniens, mais avait, en plus, relancé véritablement l'agriculture et l'économie de la cité, les paysans soulagés ayant à nouveau les moyens de consommer, même prudemment, et de produire sans crainte du lendemain et d'une confiscation de leurs biens et liberté...

 

Certains, en Europe et au-delà, craignent cette annulation de la dette grecque pour des raisons d'abord financières, comme si l'on pouvait éternellement penser en simples termes financiers quand il s'agit de sauver des populations de la désespérance sociale et d'une forme d'esclavage de la dette ! D'ailleurs, l'analyste économique Hervé Juvin rappelle, dans un entretien avec « Le Spectacle du Monde » publié en juillet dernier, que « dans maintes traditions religieuses, il était admis que la dette devait être périodiquement remise ; la dette engage le temps, le temps long de la vie ; or qui engage l'avenir engage ce qui ne lui appartient pas. Nous en sommes là : l'économie d'endettement a réussi l'exploit de liquider l'avenir, puisqu'elle repose sur la colonisation du futur et son asservissement au profit du présent. Elle pose donc un problème spécifiquement politique. Si l'aspiration vers l'avenir, qui est au fondement même des démocraties libérales, est aliénée par le remboursement de la dette, le mécanisme démocratique se grippe du même coup. » Et surtout, la politique disparaît derrière la dette et l'obligation de rembourser des créanciers pressés, au risque de déposséder les États et leurs peuples de leur propre destin !

 

Cela ne signifie pas que l'on oublie les erreurs ou les errements des Grecs mais juste que l'on casse une spirale infernale pour redonner leur liberté à des citoyens-contribuables et à un État tout entier en lui accordant une chance de se reconstruire, voire de se construire tout court, sur des bases saines : un pari risqué ? sans doute mais une action nécessaire pour éviter la dislocation complète d'un État (mais aussi de l'Union européenne) et la punition collective infligée à un peuple exsangue et au bord de l'explosion sociale, voire de la violence dont on ne sait jusqu'où elle pourrait aller.

 

Alors, oui, suivons l'exemple de Solon : « seisachtheia » pour la Grèce et les Grecs, et le plus vite possible !

07:50 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : grèce, grecs, dette, crise, impôts.