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12/11/2012

L'Ayrault-port contesté...

 

Ces jours derniers, les manifestations de protestation contre la construction de l’aéroport international de Nantes, à Notre-Dame-des-Landes, se sont multipliées, de Nantes à Saint-Malo, de Rennes à Paris, au grand dam du premier ministre Jean-Marc Ayrault, ancien maire de la capitale administrative de la Loire-Atlantique et grand promoteur de ce projet aéroportuaire pourtant aujourd’hui obsolète avant même d’être construit… La presse nationale, jusqu’alors plutôt indifférente à ce sujet, se saisit du dossier et semble elle aussi avoir pris le parti des opposants qu’il serait faux et vain de limiter à quelques « anarchistes venus d’ailleurs » (sic !), comme l’ont fait quelques hiérarques mal inspirés du Conseil régional des Pays de la Loire (ceux-ci, rebaptisés « Pédélie » par ses contempteurs, constituant une entité administrative totalement artificielle comme le signale le géographe Armand Frémont dans un texte désormais classique publié en 1990). Ainsi, au-delà des Verts et des habituels militants de l’extrême-gauche en panne d’idéal, des personnalités régionalistes, centristes mais aussi des monarchistes traditionalistes, des paysans biologistes et des amoureux du bocage, des Nantais effrayés des coûts du projet ou des objecteurs de croissance hostiles au transport aérien, constituent une sorte de « front du refus » hétéroclite mais tout à fait caractéristique d’un « Pays réel » qui en a assez des oukases de quelques « experts » autoproclamés et des élites politiques locales qui forment, eux, un « Pays légal » qui sait se rendre détestable par sa propension à n’en faire qu’à sa tête et à ne raisonner qu’en termes de « modernité » quand il s’agirait de penser, aujourd’hui pour demain, en terme de pérennité environnementale et d’efficacité sociale à long terme !

 

Cet aéroport pose aussi la question d’une artificialisation insoutenable et ininterrompue des terres arables de notre pays, de la destruction des paysages imposée par des infrastructures de transports de plus en plus lourdes et envahissantes, et encore d’une « mobilité » de plus en plus coûteuse en énergie et trop polluante, en bruit comme en rejets de gaz à effet de serre… Le journaliste du quotidien « Le Monde » Olivier Razemon a raison de titrer son article : « Notre-Dame des Landes, un choix de société. » Choix entre une société de consommation et de gaspillage, énergivore et hypermobile, voire nomadiste, et une société qui accorde une valeur au temps qui n’est pas celle de l’argent, une société où l’humain passe avant la machine et où les paysages ne sont pas que des décors de cinéma mais des lieux de vie qu’il faut aménager et préserver tout à la fois ; choix entre une société qui « consomme et consume » ou bien une société à visage humain qui entretient et embellit, et qui accorde sobriété et prospérité sans forcément les opposer…

 

Aujourd’hui, sur les terres de Notre-Dame-des-Landes, la protestation prend de plus en plus la forme d’un véritable harcèlement envers un gouvernement incapable de penser la transition énergétique et le nécessaire aménagement du territoire qu’imposent les nouveaux enjeux environnementaux et sociaux : il n’est pas dit que, cette fois, la République de M. Ayrault ait le dernier mot. En tout cas, cette sorte de chouannerie anti-aéroport prouve à l’envi que, avec de la volonté et le refus de toute fatalité, il est possible de changer le cours des choses.

 

Ne nous méprenons pas : il ne s’agit pas de refuser la mobilité et la rapidité mais de retrouver le sens de la mesure qui, parfois, manque à ceux qui nous gouvernent… En ces temps de crise à la fois économique et environnementale, les grands projets d’infrastructures doivent entrer dans une véritable stratégie d’ensemble, sans doute au niveau national (même si ce n’est pas forcément la seule échelle possible), et non répondre aux seuls appétits de quelques grandes entreprises ou aux rêves de quelques notables locaux coupés des réalités concrètes : la grande gare centrale de Paris, par exemple, et la constitution d’une Marine digne des enjeux géopolitiques et environnementaux (mais aussi énergétiques et économiques) de l’avenir, combinés avec une politique des « mobilités de proximité » et de réfection des réseaux de communications déjà existants (en particulier dans la région parisienne, autour de Paris et entre les banlieues, mais aussi en Bretagne et dans l’Ouest de la France, entre autres), de valorisation des équipements ferroviaires, routiers, aériens ou fluviaux qui relient les petites villes aux grandes (et inversement), seraient bien plus utiles que la construction d’un « super-aéroport » que l’on annonce structurellement déficitaire sur le plan financier et qui ne ferait qu’accroître encore ce processus si dangereux d’une métropolisation outrée et oublieuse des territoires et ne profitant qu’à quelques grandes villes quand il s’agit de valoriser le pays tout entier, dans ses diversités comme dans son unité.

 

Décidément, oui, cet aéroport de Notre-Dame-des-Landes que certains nomment ironiquement « Ayrault-port » n’a pas de raison d’être : mais il est vrai que ce projet est bien à l’image du gouvernement dirigé par M. Ayrault, c’est-à-dire en retard d’une guerre ou, plus exactement, d’une  crise… Ce n’est pas forcément rassurant pour la suite !

 

 

 

19/12/2011

Le scandale du cargo échoué.

La tempête Joachim a frappé l'Ouest de la France cette semaine, arrachant des centaines d'arbres et privant temporairement d'électricité plus de 330.000 foyers. Mais ce qui restera dans les mémoires, c'est surtout l'image de ce cargo échoué sur la plage de Kerminihy, planté dans le sable et battu à chaque marée montante par les vagues.

 

Ce n'est pas l'épave qui, d'ailleurs, est inquiétante et je me souviens de toutes ces coques brisées, parfois gardant encore l'apparence de ce qu'elles avaient été jadis, qui servaient de cachette à nos jeux d'enfants sur les plages de Lancieux, en particulier non loin du pont qui mène à Saint-Briac. Les épaves, lorsqu'elles sont immergées, sont aussi des repaires protecteurs pour de multiples espèces de crustacés et de poissons, la nature s'appropriant ce que la société humaine lui a laissée sous forme de pourboire...

 

Mais les navires modernes ont dans leurs soutes des poisons certains, sources et revers tout à la fois de notre confort moderne, à l'image du mazout qui donne la vitesse et la puissance aux bateaux mais englue les oiseaux et asphyxie les poissons lorsqu'il s'écoule dans la mer, après une déchirure dans la coque ou un naufrage impromptu.

 

Certes, il n'y a pas de risque zéro, et les tempêtes existeront toujours, sans doute même de plus en plus fréquentes et violentes si l'on en croit les climatologues. Mais il est simple d'en éviter, sinon toutes, du moins certaines de leurs conséquences, et ce naufrage d'un cargo aux cuves pleines de plus de 180 tonnes de poison noir n'aurait pas dû arriver si la cupidité et la bêtise ne s'en étaient pas mêlées !

 

Cupidité puisque, selon la presse, le capitaine aurait pris la décision d'ancrer le navire hors du port de Lorient pour ne pas avoir à payer de frais d'amarrage dans celui-ci et se mettre « gratuitement » à l'abri non loin des côtes morbihannaises, et repartir plus vite lorsque les vents seraient retombés : « Le temps, c'est de l'argent », n'est-ce pas ? Triste formule qui explique trop des malheurs environnementaux (entre autres...) de notre planète...

 

Bêtise puisque le capitaine n'a pas été en mesure de rétablir à temps la situation et a tardé à faire appel aux autorités maritimes, là encore pour des raisons financières, au risque d'un pire qui a fini, fatalement, par arriver !

 

Conséquences : un navire échoué, des tonnes de mazout déversées dans l'eau, une pollution qui menace l'équilibre écologique du lieu et les exploitations ostréicoles toutes proches, au moment même de l'année où celles-ci ont leurs plus importantes activités. Un sacré gâchis dont il est rageant de se redire qu'il n'aurait pas dû arriver !

 

Bien sûr, on peut encore renforcer les mesures de précaution et de répression pour éviter cela, et il faudra sans doute y songer : mais cela ne suffira évidemment pas, car le problème est beaucoup plus large qu'une simple histoire de législation maritime, et il porte sur le sens même de la Société de consommation et de son idéologie, de ses fondements idéologiques comme le capitalisme, plus sauvage aujourd'hui qu'équilibré, et sur sa fameuse doctrine du « Time is money », si anglo-saxonne que la traduction française (que j'évoque souvent néanmoins) n'en rend pas toute la force maléfique et les échos, parfois destructeurs et déshumanisateurs.

 

Sur la coque de ce navire échoué, nous inscrirons symboliquement : « On ne commande à la nature qu'en lui obéissant », et, plus loin, en lettres de mazout : « Il faut laisser du temps au temps si l'on ne veut pas être broyé par son inexorable victoire : même l'argent le plus brillant ne peut vaincre ce qu'il ne pourra jamais réduire à la seule quantité. ». Bon, je sais, c'est un peu long, et certains resteront perplexes devant ces deux formules : mais, au regard des photos de ce cargo échoué, il semble bien qu'il y ait de la place sur sa coque désormais condamnée au démembrement honteux...