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12/01/2015

Liberté d'expression, de Charlie-Hebdo à Eric Zemmour...

Les jours derniers sont parmi les plus dramatiques que la France ait eu à connaître ces dernières décennies, et l’ombre du terrorisme n’a pas fait que planer sur notre pays… Le sang versé par ceux-là qui voulaient frapper, au-delà de quelques dessinateurs, la France et la liberté d’expression que cette dernière se vante de défendre, n’a pas fini de retomber en gouttes rougeâtres sur notre mémoire, mais il risque bien aussi de coller aux mains de ceux qui s’arrogent droit de vie ou de mort sur autrui au nom d’une religion qu’ils incarnent si rudement et, sans doute, fort injustement. Nous pourrions leur crier, en manière de défi : « Mort, où est ta victoire ? ». Les réactions spontanées, surtout avant la grande marche du dimanche, et au-delà des étiquettes politiques ou confessionnelles, réactions qui ont illuminées les soirées des jours tragiques, montrent que le « pays réel » n’a pas besoin des partis du triste « pays légal » pour se manifester !

 

Le massacre des caricaturistes qui, s’ils furent les victimes les plus médiatiques et médiatisées suivant la logique d’une « société du spectacle » que le situationniste Guy Debord a jadis joyeusement dénoncée, ne doit pas faire oublier les policiers et les clients juifs du magasin casher aussi assassinés pour ce qu’ils étaient ou pour l’uniforme qu’ils portaient : en somme, c’est une sorte de résumé, incomplet, de la diversité de notre société et, parfois, de ses contradictions… N’y a-t-il pas une ironie terrible de l’histoire de voir ceux qui moquaient régulièrement les forces de l’ordre et les croyants mêler leur sang, tragiquement, à un policier de confession musulmane et à des pratiquants juifs, et être l’objet d’un véritable culte, là encore tragique, non pour ce qu’ils étaient mais, au-delà de leurs excès et de leurs prises de position les moins consensuelles possibles, pour ce qu’ils semblaient représenter, c’est-à-dire la liberté d’expression, parfois la plus offensante pour ceux qui, en ces jours derniers, ont parcouru les rues de France ?

 

Je n’aimais pas les idées de Charlie-Hebdo, et je ne lisais que rarement ce journal, c’est le moins que l’on puisse dire, même si je ne pouvais m’empêcher, chaque mercredi, de jeter un œil sur sa couverture… Mais le vieux royaliste que je suis a une devise, à laquelle il ne déroge pas, quelles que soient les circonstances : « la liberté, ça ne se renifle pas, ça se respire ! ». Je n’aime pas quand elle est figée dans la pierre, à côté d’une égalité qui ne lui est pas toujours favorable, d’ailleurs : j’ai toujours l’impression que la République la crucifie ainsi, la condamnant à ne plus bouger… La liberté n’est pas si bien servie que cela en République, si l’on en croit l’histoire et l’actualité : je parle là de la liberté d’expression et de l’esprit, la forme la plus belle de ce mot qui recouvre parfois d’autres sens moins sympathiques, en particulier quand elle n’est plus que celle de l’Argent face au Travail.

 

Dois-je rappeler que les journalistes politiques furent les premières victimes des partisans de la République, quelques jours après la chute de la Monarchie au soir du 10 août 1792, et qu’ils furent nombreux, pour avoir cru en cette liberté que les républicains avaient confisqué à leur profit exclusif, à passer leur tête dans la lunette de la guillotine ? Dois-je rappeler qu’il y a quelques jours encore certains de ceux qui manifestent si bruyamment, dans les médias et dans les couloirs des partis politiques, demandaient les têtes d’Eric Zemmour, de Michel Houellebecq, voire de Michel Onfray ou de Marcel Gauchet ? La liberté d’expression n’est pas et ne peut être le monopole de quelques uns mais doit être la possibilité de tous et de chacun, avec ou sans la République !

 

Je suis royaliste et je veux pouvoir lire ce que je veux et dire ce que je pense vrai, librement et sans tabou, au risque parfois de choquer : d’ailleurs, quand on a des convictions fortes mais que l’on continue à interroger toujours le passé et le présent, les siens comme les autres pour préparer l’avenir, on n’a pas peur de ce que les autres, même les plus politiquement ou spirituellement éloignés, écrivent ou disent. La liberté d’expression n’est pleine et entière que lorsque la discussion, même la plus vive, est possible !

 

 

 

12/11/2014

La démission de M. Hollande servirait-elle à quelque chose ?

 

M. Hollande est à mi-mandat : certains s'en désolent, au regard des années passées et d'un bilan que l'on peut, sans crainte d'être contredit, qualifier de décevant, voire d'inquiétant si l'on fait le compte du temps perdu et des occasions manquées, mais aussi si l'on considère les réformes qui fragilisent notre pays quand il faudrait, au contraire, le renforcer. Pour autant, le président doit-il démissionner ? En fait, si l'on s'en tient à l'esprit des institutions, la réponse ne peut être que négative : élu pour un mandat de cinq ans, il n'est guère de raisons constitutionnelles qui pourraient le pousser à quitter l’Élysée avant le terme, même si les raisons politiques, elles, peuvent ne pas manquer...

 

D'ailleurs, en régime démocratique (et autre), l'impopularité est, comme son inverse, « saisonnière » et l'histoire de la Cinquième nous incite à quelque prudence : je me souviens avoir, dès le printemps 1982 et dans les années suivantes (jusqu'en 1986), fabriqué et collé des affichettes fleurdelysées qui clamaient « Mitterrand démission ! », persuadé que la chute du premier président socialiste de l'après-de Gaulle était inéluctable, celle-ci ne devant, en somme, que « parapher » sa descente apparemment sans fin dans les sondages et au fil des élections politiques de ces années-là. Mais, c'est son concurrent Jacques Chirac qui fut battu en 1988, et même assez largement ! Deux années de cohabitation et de politique maladroitement libérale (à défaut de l'être habilement...) avaient rendu François Mitterrand à nouveau populaire, par comparaison avec son premier ministre déjà défait à l'automne 1986 par les manifestations étudiantes et lycéennes contre la loi Devaquet et la mort de Malik Oussekine, un soir de décembre, sous un porche de la rue Monsieur-le-Prince.

 

De plus, en Cinquième République, « la reine des élections » que constitue l'élection présidentielle est surtout devenue une « élection d'opposition » plutôt qu'une « élection de désir » ou, même, « de raison » : on vote plutôt « contre » un candidat que « pour » un programme ! 2012, comme 2007 et comme, de façon encore plus caricaturale, 2002, en ont apporté, sinon la preuve absolue, au moins une confirmation certaine : contre M. Sarkozy, contre Mme Royal, contre M. Le Pen. Certains, en 2002, proposaient d'aller glisser un bulletin Jacques Chirac en se bouchant le nez avec une pince à linge quand d'autres voulaient se rendre à l'isoloir... à reculons ! Et les déclarations de MM. Mélenchon et Besancenot, en 2007 comme en 2012, n'étaient guère plus chaleureuses à l'égard des candidats du Parti socialiste de second tour... Vote par défaut avant le dépit post-électoral ! On peut comprendre que M. Mélenchon ne veuille plus revivre un tel arrache-cœur et que la Sixième République qu'il promeut promette d'en finir avec l'élection présidentielle elle-même !

 

M. Hollande est sans doute « président par accident », ce que peu de gens contestent : après l'élimination inattendue du « candidat naturel et annoncé » du PS qu'était M. Strauss-Kahn, M. Hollande a profité d'un anti-sarkozisme fort répandu dans le pays, sentiment plus que raisonnement qui a précipité la perte du successeur de Jacques Chirac à l’Élysée. Mais, accident ou pas, son élection garantit sa légalité et il est vain de vouloir la lui dénier, si l'on se dit républicain : à moins de ne pas vraiment l'être...

 

Je ne suis pas républicain, justement, parce que je suis royaliste : ce qui m'importe n'est pas tant la légalité que la légitimité qui, aujourd'hui, n'est plus dans la République elle-même, cette dernière desservant l’État en servant des intérêts qui sont plus particuliers que généraux... Mais je ne crois pas en la politique du pire qui, comme le rappelait justement Maurras n'est que « la pire des politiques », et je ne souhaite pas le malheur du président parce que, qu'on le veuille ou qu'on le regrette (ou non), c'est aussi et surtout le malheur de l’État et du pays tout entier ! D'autre part, il est facile de comprendre que, en République, après M. Hollande, les désillusions risquent d'être tout aussi fortes que celles qui, parmi ses électeurs, ont suivi son élection... Et l'on repartira pour un tour de manège, le nouvel élu devant, à son tour et de façon peut-être encore plus violente, supporter la contestation de sa propre présidence... Et pendant ce temps-là, qui pensera à la France et à son image dans le monde ?

 

Je ne suis pas, pour autant, un naïf qui attendrait une miraculeuse conversion de l'actuel locataire de l’Élysée à la Monarchie : elle ne viendra pas, car elle va à l'encontre de tout ce que représente l'oligarchie en place dans l'appareil d’État, et de tout ce qu'elle promeut, de la globalisation « heureuse » (sic !, pour ce qui est de nos concitoyens...) à la « détraditionnalisation » des sociétés...

 

Alors, que faire ? Penser en « politique d'abord », et préparer les esprits à un « nouveau régime », sans rien céder à ce gouvernement et à son président en continuant à les harceler, intelligemment, pour défendre ce qui est nécessaire à notre pays et à son avenir, à nos concitoyens et aux générations qui viennent et viendront : en attendant la nécessaire Monarchie, il faut déjà créer de nouveaux rapports de force et permettre, en de multiples domaines, le développement d'alternatives, en gardant toujours à l'esprit de servir la France et ses composantes, au nom d'un Bien commun qu'il est toujours légitime, y compris contre la légalité du moment, de préserver et d'avantager.

 

 

 

 

 

18/09/2014

La République se républicanise, et ce n'est pas vraiment positif...

La situation politique en France ouvre de nouvelles perspectives et de nouveaux débats, et j’ai bien l’intention d’y prendre ma part dans les mois prochains, autant que mon emploi du temps et les corrections de copies (entre autres…) m’en laisseront l’occasion. Pour l’heure, il me semble important de répondre aux objections ou aux interrogations sur la monarchie et ses possibilités, ses aspects et ses principes. Ainsi, Raphaël P. évoque dans son commentaire (reproduit ci-dessous) à un de mes articles la grande question de la démocratie et de ses formes souhaitables telles qu’il les envisage, et me demande si, en définitive, la République ne serait pas, aujourd’hui, trop peu républicaine pour en mériter le nom :

 

« Mais comment s'assurer qu'un roi ne serait pas plus soumis aux puissances économiques et financières que nos actuels gouvernants ? Le risque ne serait-il pas plus grand (car pas de renouvellement possible) ? Une solution ne serait-il pas au contraire un plus grand contrôle démocratique, qui empêcherait nos élus de se détourner totalement de leurs promesses électorales (sûrement une des causes du vote front national : l'impression que la droite et la gauche ont échoué alors que ce n'était qu'une parodie de gouvernement de gauche au pouvoir pendant deux ans, le gouvernement s'empressant de réaliser le programme de son opposant plutôt que le sien), l'utilisation du mandat impératif, le contrôle des élus pendant (référendum d'initiative populaire) et après le mandat (l'élu devant répondre de ses décisions), une meilleure séparation des pouvoirs (notamment par le non-renouvellement des mandats, empêchant ainsi l'assemblée d'être soumise aux directives des dirigeants du parti majoritaire (un député s'il veut être réélu se doit d'obéir. Cf l'ANI qu'Hollande demandait (ordonnait ?) de voter "à la virgule près")). Bref des changements qui, il me semblent, n'ont que peu à voir avec la Quatrième ou la Première République, et que préconisent de nombreux défenseurs de la Sixième République. En résumé il me semble que vous accusez cette République d'être en quelque sorte trop républicaine. Mais n'est-ce pas au contraire qu'elle ne l'est pas assez ? »

 

Tout d’abord, il me semble important de rappeler que, oui, nous sommes bien en République, et qu’elle est bien dirigée par des républicains, et non par des monarchistes déguisés : elle est même de plus en plus républicaine depuis la réduction du mandat présidentiel à cinq ans et depuis que les grands partis « font » l’élection du Chef de l’Etat par la désignation d’un candidat (que cela soit par le biais d’une primaire ou par le simple jeu de la prise de contrôle d’un appareil politique…) qui dispose, grâce à son appartenance à un parti de gouvernement (aujourd’hui principalement deux, l’UMP et le PS), de moyens financiers de plus en plus importants (parfois encore insuffisants à leurs yeux, d’où les incessants soupçons sur le financement des campagnes et le dépassement des sommes autorisées, comme c’est le cas pour la campagne électorale de Nicolas Sarkozy en 2012). Sans doute la Cinquième République était-elle plus, à l’origine et par la volonté de son fondateur, une sorte de « monarchie républicaine » qui redonnait à la fonction de Chef de l’Etat une certaine sacralité et une liberté de parole et d’action, une capacité de décision indépendante des intérêts particuliers et partisans. En somme, une monarchie élective qui était aussi une monarchie toujours provisoire, donc incomplète, faute de s’inscrire dans la continuité d’une famille royale… De Gaulle, monarchiste de cœur, avait bien pensé au comte de Paris pour lui succéder en 1965, mais il avait renoncé à ce projet, persuadé que la France n’y était pas assez préparée : dommage, sans doute…

 

Le principe électif de la Cinquième République pour la magistrature suprême de l’Etat la distingue d’une royauté héréditaire qui, elle, ne doit rien aux jeux électoraux et aux manipulations d’appareil et qui, de ce fait, est statutairement indépendante des partis politiques, ne leur devant ni sa légitimité ni son autorité. Mais il est vrai que, dans le même temps, les Français, au moins jusqu’à une période récente (c’est sans doute moins vrai en 2014), ont apprécié de pouvoir « sacrer » de leurs votes le Chef de l’Etat, dans une démarche à la fois populaire et, inconsciemment, « monarchique », l’élection « couronnant » le président et le corps électoral lui confiant ainsi les clés de la « maison France » et de la force de dissuasion atomique, ce qui n’est pas rien, tout de même !

 

Or, l’attitude des deux derniers présidents de la République a désacralisé l’élection et la fonction, ceux-ci se mettant « au niveau des électeurs » quand ceux-là attendaient plutôt que, tout en restant à leur place de magistrat suprême « au dessus des particuliers », les locataires de l’Elysée se mettent à leur écoute et à leur portée, ce qui n’a ni le même sens ni le même impact. Les électeurs se sont alors sentis floués, et cette désacralisation présidentielle a été perçue comme une sorte de « dépossession démocratique » par ceux qui étaient si fiers, quel qu’était le résultat de l’élection présidentielle lui-même, d’avoir participé, en allant glisser un bulletin dans l’urne, au rituel de légitimation sacrale du Chef de l’Etat. Cette dépossession symbolique a donné aux électeurs l’impression d’une forme d’usurpation de la part du président élu, impression aggravée par la dichotomie de plus en plus grande entre les discours électoraux (le fameux discours du Bourget de M. Hollande, en particulier, qui dénonçait une Finance dont, une fois au pouvoir, il s’est largement accommodé…) et les politiques réellement appliquées. Non pas que cette dichotomie n’existait pas auparavant, mais la séparation alors marquée entre Droite et Gauche laissait au moins l’illusion aux « souverains électeurs » que, la fois suivante, ils pouvaient faire jouer l’alternance en décapitant électoralement (et symboliquement) celui qui les avait trompés : M. Giscard d’Estaing en avait fait les frais en 1981, mais aussi ces premiers ministres de cohabitation qui, en voulant être calife à la place du calife, voyaient leur tête rouler parfois durement au pied de l’échafaud électoral… MM. Chirac, Balladur, Jospin… connurent tous ce sort, un seul des trois survivant à cette épreuve pour mieux triompher la fois suivante. Les électeurs y croient-ils encore ? Possible, au regard des sondages flatteurs pour Marine Le Pen… Mais, de l’élection-sacre, il semble que l’on soit passé à l’élection-sabre : punir plutôt que choisir !

 

En fait, la monarchie républicaine du général de Gaulle, que certains monarchistes trouvaient inachevée et qu’ils considéraient, d’une certaine manière, comme l’hommage du vice (républicain) à la vertu (monarchique), a tourné en République monocratique, dans un mouvement d’inversion qui était aussi un changement de perception et de pratique de l’Etat : on peut situer ce retournement à l’année 1974, date de l’arrivée au pouvoir de M. Giscard d’Estaing, caricature de monarque, beaucoup plus féodal que royal… Depuis, la République n’a pas cessé de se républicaniser, éloignant un peu plus, à chaque révision constitutionnelle, les institutions de la Cinquième de l’esprit « monarchique » de leur illustre fondateur.

 

 

 

(à suivre)