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13/02/2008

Union méditerranéenne et Union européenne.

Le rédacteur en chef de la revue chrétienne « Etudes » consacre un article fort intéressant à « L’Union dans la discorde » dans l’édition du lundi 11 février 2008 du quotidien « La Croix », article dans lequel il évoque les divisions européennes quant à la stratégie méditerranéenne à adopter pour les temps prochains.

 

Il rappelle que l’actuel président français a, dès le début de son mandat, évoqué l’idée d’une « Union méditerranéenne qui rassemblerait tous les pays riverains de notre Mare Nostrum », et que ce projet inquiète nos partenaires européens qui y voient une concurrence à l’UE, que ce soit à travers les discours de la chancelière allemande ou du premier ministre slovène dont le pays préside actuellement l’Union européenne. Ce dernier s’en explique, en des termes révélateurs : « Nous n’avons pas besoin d’une duplication d’institutions, ou d’institutions qui viendraient faire concurrence avec l’Union européenne, des institutions qui couvriraient en partie l’Union et en partie ses voisins ». Ce que le secrétaire d’Etat français aux affaires européennes, le socialiste Jean-Pierre Jouyet, reprend, d’une certaine manière lorsqu’il dit qu’ « il ne faudrait pas qu’on se mette à construire un projet à côté ou en dehors de l’Union européenne »… En somme, ces opposants à la construction d’une Union méditerranéenne s’inquiètent d’un projet qui ne serait pas dans la ligne d’une construction européenne « forcément occidentale » si l’on reprend les propos de l’ancien premier ministre Edouard Balladur, et qui oserait ouvrir d’autres pistes de réflexion et de pratique géopolitiques. D’ailleurs, ce sont souvent les mêmes qui se sont opposés à l’idée, jadis défendue par Jacques Chirac, d’une « Europe à plusieurs vitesses » qui aurait sans doute permis une plus grande souplesse et efficacité dans cette construction européenne qui, à défaut, se construit aujourd’hui de manière technocratique et « démocratique » sans le soutien réel des populations d’Europe, voire en évitant tout « recours au peuple » comme ce fut le cas la semaine dernière pour la ratification du traité de Lisbonne…

 

Ce refus des partenaires européens de la France d’envisager l’idée même d’une stratégie et d’une ambition différente de celle d’une Europe désormais repliée sur elle-même au fur et à mesure qu’elle intègre les Etats du continent et de certaines de ses marges, ce refus me semble révélateur et fort inquiétant : il signale une frilosité qui pourrait bien précéder la mort politique et diplomatique du continent européen, prisonnier d’un carcan administratif sans passion et sans ambition. Ce refus me semble aussi révélateur d’une « crainte de l’Histoire » de la part des « Européens », désormais plus intéressés à « consommer en paix » qu’à assurer l’avenir des générations futures et à assumer les défis géopolitiques. Or, pour survivre, les sociétés doivent s’en donner les moyens et en avoir envie, et cet instinct de survie semble bien émoussé, comme on peut le constater aujourd’hui, au risque d’être demain la proie des « peuples jeunes », avides (et c’est bien normal même si ce n’est pas forcément sain ni souhaitable, au regard des enjeux environnementaux…) de profiter des richesses de ce monde que l’Occident a longtemps exploité et, même, pillé.

 

Le rédacteur de l’article, Pierre de Charentenay, d’ailleurs, critique la méthode de M. Sarkozy, sans mettre en cause, pour autant qu’on sache lire, le principe de cette Union méditerranéenne : « Le projet méditerranéen révèle un comportement de Paris qui évacue la concertation au profit des effets d’annonce, une mauvaise préfiguration de la présidence française de juillet à décembre 2008 ». Mais, sans doute, la concertation en tout temps et entre tous est souvent l’aveu de l’impuissance et de la paralysie, de la volonté de « ne rien faire »… Ce débat a déjà été soulevé dans les années soixante à propos de l’attitude de la France gaullienne, souvent irritante parce qu’indépendante ! (Relire, à ce propos, le livre de Maurice Vaïsse, « La grandeur », sur la politique étrangère de la France entre 1958 et 1969).

 

Il est vrai que la politique sarkozienne apparaît fort maladroite et souvent peu crédible car trop fluctuante et activiste, et qu’elle ne sert guère les causes, pourtant bonnes parfois, qu’elle prétend servir. D’autre part, les discordances au sein de la diplomatie française actuelle, entre les conceptions atlantistes d’un Kouchner et celles d’un Guaino, plus souverainiste, ajoutent à la confusion et peuvent rendre illisible la ligne politique de la France dans le monde et, en particulier, par rapport à l’UE…

 

Mais il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain, et il me semble que cette idée d’une Union méditerranéenne, y compris sans l’accord de l’Allemagne (qui, d’ailleurs, n’a pas, jusqu’à plus ample informé, de rapport direct et physique avec la Méditerranée…), reste une idée à creuser, avec prudence et réflexion, mais aussi avec force et détermination, ne serait-ce que pour ne pas subir l’Histoire et, en particulier, pour désarmer les velléités islamistes sur les rives africaines de la Méditerranée. La France, UE ou pas, doit tenir son rang et assumer ses responsabilités historiques et politiques, sans morgue mais fermement : c’est le meilleur gage d’une « Mare Nostrum » apaisée et tournée vers l’avenir et vers les autres…