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26/02/2019

Des gilets jaunes à la Monarchie royale. Partie 1 : Quand la grande part du peuple s'absente de la démocratie.

La révolte des Gilets jaunes n’est pas exactement une révolution, même si elle contient en elle des potentialités révolutionnaires, en particulier dans le désir de rupture avec des formes de la démocratie qui leur semblent faire la part trop belle aux classes dominantes : la démocratie parlementaire ou qualifiée de représentative est la plus dénoncée parce qu’elle paraît légitimer un « pays légal » sans devoirs réels à l’égard des électeurs. Dans le même temps, les manifestants du samedi et des ronds-points évoquent une possible dissolution de l’assemblée nationale (privilège réservé, par la constitution de la Cinquième, au président, ici celui-là même dont la démission est réclamée par ces mêmes manifestants) et le retour des Français aux urnes, démarche qui révèle un reste d’attachement à la « geste électorale parlementaire ». Cette apparente contradiction dans le discours revendicatif signale aussi le côté spontané et désordonné d’une révolte que personne n’attendait vraiment mais que beaucoup, inconsciemment ou non, espéraient, y compris nombre de royalistes. Ce qui est certain, c’est que la question de la démocratie et de ses applications, de ses formes mais aussi de son fond, de sa définition, est à nouveau posée, et qu’il serait bien dommage, là encore, que les royalistes ne participent pas à la réflexion sur ce sujet, en précisant leurs propre lecture et propositions.

 

Si l’on suit l’étymologie grecque du mot, la démocratie désigne « le pouvoir du peuple », dans un premier temps, mais il faut aller plus loin dans la définition : qu’est-ce que le peuple ? Son pouvoir ? Au-delà de la facile répétition incantatoire, approfondir le sens des mots, leur portée mais aussi leurs ambiguïtés, paraît nécessaire pour éviter les raccourcis et les manipulations.

 

Le peuple, en démocratie : à bien y regarder, et en particulier à travers l’histoire du monde athénien antique, il ne s’agit pas des habitants d’un endroit donné, de la cité en l’occurrence, mais des seuls citoyens, et l’appartenance à ce peuple des citoyens peut aussi, selon les Etats et le moment, fortement varier, selon des critères de sexe, d’âge ou d’enracinement filial. Aujourd’hui, la citoyenneté en France est liée à la nationalité, et à la condition d’âge, celle d’avoir au moins 18 ans. Mais l’abstention récurrente lors des dernières épreuves électorales, parfois atteignant et dépassant la moitié du corps civique, indique soit un désintérêt pour la Chose publique (la Res Publica, ou « République » au sens bodinien du terme), soit un désaveu pour le système partisan actuel, ce qui n’a ni le même sens ni la même valeur. « Le peuple s’absente », ainsi, de la démocratie représentative contemporaine, au risque de ne plus être reconnu et écouté par les tenants et élus du « Pays légal » selon la logique imparfaite du « les absents ont toujours tort ». Et quand les barricades se dressent, des ronds-points aux centres-villes, et que les éternels « laborieux de la Cité » enfilent un gilet fluo pour se rendre visibles des gouvernants, la réponse de la République ne peut être, dans un premier temps, que mépris et répression, puis peur et encore plus de répression (celles-ci s’accompagnant d’un Grand débat national sans débouchés réels), entamant un cycle infernal dont il n’est pas sûr que nous soyons encore sortis…

 

« Nous sommes le peuple », criaient les manifestants et les émeutiers, suscitant l’agacement des caciques de la démocratie représentative qui répliquaient, « c’est nous, le peuple, par la grâce des urnes, seule source de légitimité et de légalité » : de part et d’autre, l’incompréhension paraît totale, et durablement ancrée dans les esprits qui, à défaut toujours de surplomber les débats, s’échauffent jusqu’au risque de court-circuit.

 

La réponse n’est pas d’un seul côté, et dépasser ce vain clivage paraît nécessaire, non par une simple prise de recul mais par une prise de hauteur : si « le peuple » (dans l’acception démocratique) est bien le corps constitué et reconnu de l’ensemble des citoyens, il ne peut être limité aux seuls votants, tout comme il ne se résume pas aux seuls contestataires actifs du samedi après-midi. Le peuple est constitué des deux catégories évoquées ci-dessus, mais aussi de ceux qui, tiraillés entre les deux postures, oscillent d’un camp à l’autre, dans un mouvement de va-et-vient qui pourrait bien devenir une permanence du débat public, au fil des réformes promises par l’exécutif et, surtout, voulues par les instances européennes, lointaines et souvent inaccessibles (voire incompréhensibles faute d’être vraiment connues) la plupart du temps aux citoyens français. Cela risque bien d’entraîner une forme d’ingouvernabilité si le Pouvoir ne sort pas vite de cet affrontement permanent et de ce « débat », non moins permanent, institué par le mode de « gouvernement » du président actuel. La République, même cinquième et malgré ses fondations gaulliennes et « monarchiques », peut-elle se libérer de ce piège fatal ? Si elle reste ce qu’elle est devenue ces dernières décennies, la réponse est forcément négative.

 

 

(à suivre : du piège républicain à l’alternative monarchique)

 

 

06/02/2017

L'abstention étudiante, un vrai problème.

Quand j'étais étudiant, il y a une bonne trentaine d'années, en particulier à l'Université de Haute-Bretagne (Rennes-2), les syndicats jouaient un rôle important, voire majeur dans la vie et dans l'encadrement des revendications et des jeunes qui fréquentaient les amphis et le campus. Il y avait alors deux UNEF qui dominaient l'université, parfois de manière peu tolérante ni tolérable pour qui est attaché à la liberté d'expression : l'une dite AGEUR tenue par les communistes, l'autre dite ID contrôlée par les trotskistes et antichambre d'une carrière au Parti socialiste. A droite, l'UNI était considérée comme la branche étudiante du RPR de M. Chirac tandis que le CELF regroupait les giscardiens et le GUD les « nationalistes », souvent plus anticommunistes et antigauchistes qu'autre chose. Et puis, il y avait des syndicats locaux, souvent « corpos » ou régionalistes. Sans oublier le Cercle Jacques Bainville (CJB pour les intimes...), émanation rennaise des royalistes d'Action Française qui s'inspirait un peu de celui de Paris (à la faculté d'Assas) et surtout de l'Action Française Etudiante de Dijon : j'en étais le fondateur et le dirigeant, sans qu'il n'y ait jamais eu, en fait, d'organigramme officiel.

 

Le grand hall de Rennes-2 était alors le lieu de passage, de débats et parfois d'affrontements des différents groupes, et les affiches décoraient parfois les baies vitrées, tandis que quelques fleurs de lys, sur les murs (intérieurs comme extérieurs), rivalisaient avec les A cerclés et les slogans divers et variés, mais généralement très politisés. Sur les bancs et les machines à café, plusieurs couches d'autocollants recouvraient celles des générations précédentes, et sur les piliers, les tracts du CJB répondaient à ceux de la LCR (Ligue Communiste Révolutionnaire), tandis que le sacré-cœur chouan ou « l'araignée » (nom que nous donnions parfois à la fleur de lys -très- stylisée) concurrençait la faucille et le marteau...

 

Tout cela pourrait paraître baroque aujourd'hui, mais « la fac vivait » et nous étions, chacun à notre manière, son sang vif.

 

Les élections étaient aussi un moment important de la vie universitaire : les tracts volaient, les coups aussi, mais c'était l'occasion de présenter, en particulier pour les organisations minoritaires, les idées et les projets, parfois les conceptions mêmes de la vie en société et de son organisation, au-delà du seul monde des amphis et des cours. L'université ou le CROUS offrait le tirage des professions de foi aux différentes listes concurrentes, et, dans le cas du CJB ou de l'union électorale des royalistes du moment, c'était une véritable aubaine ! Ce qui ne nous empêchait pas de coller quelques affiches qui déclaraient péremptoirement « élections, pièges à cons » pour dénoncer un système qui nous semblait devoir favoriser toujours les mêmes, empêchant ainsi toute remise en cause (et en ordre) de l'Université et de la société.

 

Mais aujourd'hui, les élections universitaires n'attirent plus grand-monde et l'UNEF, désormais réunifiée et jadis dominante, recule à chaque scrutin, laissant sa première place d'antan à la FAGE, moins politisée ou plus discrète, selon le point de vue des uns et des autres. Ce qui n'empêchera pas une plus grande visibilité de l'UNEF lorsque les universités seront à nouveau en ébullition sur tel ou tel projet gouvernemental, et que les « anciens » de ce syndicat feront jouer, comme d'habitude, leurs relations et réseaux de pouvoir. Mais cette nouvelle donne électorale en cache une autre, plus inquiétante sans doute pour qui croit en une représentation syndicale nécessaire dans les structures de l'Université : c'est l'abstention qui, désormais, dépasse les 90 % aux élections des 28 Conseils régionaux des œuvres universitaires et scolaires, plus connus sous le nom de CROUS. Selon Le Monde (jeudi 2 février 2017), en novembre dernier, « seuls 183.000 étudiants se sont déplacés, soit un taux de participation de 7,51 %, encore plus faible que les 9,1 % de 2014. « C'est le signe du fossé qui se creuse entre les étudiants et les pouvoirs publics. Le vote étudiant n'apparaît plus comme un outil d'action pour être entendu près de l’État pour améliorer nos conditions d'études », décrit sa présidente [de l'UNEF], Lilâ Le Bas. »

 

Ce n'est pas la défaite de l'UNEF qui me navre, loin de là, et j'y vois plutôt l'occasion de redistribuer les cartes de la représentation étudiante, dans le sens d'une plus grande diversité et indépendance à l'égard des partis « de gouvernement », ces féodalités partisanes qui, aujourd'hui, sont aussi en difficulté dans la course électorale, présidentielle avant celle des législatives. Ce qui est préoccupant, c'est bien plutôt la désaffection des électeurs étudiants et leur désintérêt pour la vie et l'organisation des lieux d'études, car l'abstention, qui peut parfois se comprendre au regard des listes en présence, n'est pas forcément une bonne chose : elle délégitime, d'une certaine manière, les institutions universitaires sans, pour autant, pousser à leur nécessaire réforme.

 

Les royalistes, tout au long de leur histoire politique, ont toujours accordé une grande importance aux questions universitaires et scolaires : la réactivation, par les étudiants monarchistes eux-mêmes et les professeurs de même obédience, d'une large réflexion d'ensemble sur le rôle et l'organisation de l'Université mais aussi du Lycée et du Collège et leurs institutions, s'impose !

 

 

 

 

(à suivre : quelle place pour les professeurs, les personnels non-enseignants et les étudiants dans une organisation « corporative » des universités ?)

 

29/06/2016

Brexit... (partie 2) L'abstentionnisme des jeunes Britanniques.

La réaction des jeunes Britanniques en défaveur du Brexit ne surprend guère au regard des promesses toujours renouvelées de la mondialisation et de l’individualisme libéral dominant parmi les jeunes générations : on peut le regretter mais c’est un fait, non un bienfait sans doute, et aucune politique ne peut négliger cette appétence apparente des étudiants et de la jeunesse dorée (mais pas seulement) envers les avantages supposés des libres Marché et échange. Pour autant, faut-il se contenter ou se satisfaire de ce constat ? Ce n’est pas obligatoire…

 

Quelques commentateurs et hommes politiques, dont MM. Moscovici et Juppé parmi les plus virulents, ont vanté la jeunesse et dénoncé ces « vieux » qui ont, selon eux, « gâché l’avenir des nouvelles générations » en votant pour le Brexit. L’âge du second pourrait le desservir, néanmoins, dans cet hymne jeuniste : a-t-il oublié que les « anciens » sont les plus mobilisés durant les élections, y compris en France durant l’élection présidentielle ? D’ailleurs, c’est ce que confirme l’étude de l’âge des électeurs britanniques s’étant déplacés l’autre jeudi, et que rapporte La Croix dans son édition du lundi 27 juin : « 75 % des 18-24 ans et 56 % des 25-49 ans ont voté en faveur du maintien dans l’UE. A l’inverse, 56 % des 50-64 ans et 61 % des plus de 65 ans se sont prononcés pour le Brexit. (…) Ces jeunes ne peuvent pourtant s’en prendre qu’à eux-mêmes : seuls 36 % des 18-24 ans et 58 % des 25-49 ans se sont rendus au bureau de vote contre 83 % des plus de 65 ans… », pour un taux de participation générale de plus de 72 %.

 

Ainsi, les classes les plus « mobiles » et, souvent, les plus instruites ou, du moins, les plus diplômées, si l’on en croit les instituts de sondage, seraient à la fois les plus europhiles et les moins « démocrates », au moins électoralement parlant, préférant l’abstention à l’expression du suffrage.

 

A moins qu’il n’y ait un malentendu : si le vote avait été obligatoire, est-on sûr que les 64 % d’abstentionnistes de moins de 25 ans du jeudi 23 juin auraient forcément voté comme ceux qui se sont déplacés ? Rien n’est moins sûr, en définitive… Peut-être l’abstention signifie-t-elle un désaveu encore plus net de l’Union européenne de la part de cette jeunesse qui pratique l’abstinence des urnes ou, et ce n’est pas forcément plus rassurant pour les européistes même si c’est souvent plus confortable pour ceux-ci et leur pouvoir, une indifférence teintée de fatalisme ou de mépris. Mais l’on peut évidemment avancer l’explication inverse : l’Union européenne serait une telle évidence pour ces jeunes générations qu’elles n’éprouveraient pas le besoin de se déplacer pour le dire par le bulletin de vote. Dans ce dernier cas, c’est bien la démocratie comme mode d’expression électorale et politique qui est en cause…

 

En somme, ce Brexit mérite une attention toute particulière pour tout ce qu’il révèle, au-delà même des faits et de leurs conséquences, et cela non seulement sur la question européenne mais aussi sur les questions politiques et civilisationnelles. Se contenter d’une lecture « unique » serait, à coup sûr et à coût élevé, ne rien comprendre de ce qui s’est passé et, bien plus encore, de ce qui se passe aujourd’hui. « L’Europe légale » aurait grand tort de ne pas entendre ou de se contenter de quelques préjugés rassurants pour elle, mais c’est aussi vrai pour ses opposants…

 

(à suivre)