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26/11/2007

Bloqueurs.

L’université Rennes-2 est à nouveau au centre de l’agitation estudiantine, et les bloqueurs, délogés à deux reprises par la police du fameux hall B, cherchent à poursuivre le mouvement, y compris en provoquant des incidents comme on a pu le voir ces jours derniers. Mais il semble bien que, cette fois-ci, le président M. Gontard n’ait pas l’intention de se laisser faire et les deux scrutins qu’il a organisés, l’un à bulletins secrets, l’autre par le biais de la Toile, ont donné, à chaque fois, une large majorité de votants contre le blocage, ce qui le renforce dans sa « légitimité » face aux bloqueurs. L’erreur, pourtant, serait de se contenter de cette argumentation car la démocratie est un mot qui souffre toutes les manipulations, toutes les interprétations, voire toutes les dérives : d’ailleurs, les bloqueurs revendiquent aussi la démocratie en arguant du fait que la seule, la vraie démocratie serait celle qui se manifeste lors des fameuses AG, celles-là même où ceux qui seraient enclins à défendre l’idée d’autonomie et, pourquoi pas, la loi Pécresse, se font rabrouer, voire bousculer et même frapper, comme « ennemis de classe » (sic !) comme je l’ai entendu moi-même lorsque, en 1986, je m’opposais (déjà !) au blocage de la fac et que je parvenais à m’exprimer au micro devant une assemblée parfois peu compréhensive…

Quoiqu’il en soit, l’exaspération des personnels enseignants comme non-enseignants, si l’on en croit « Ouest-France » et les radios locales, est à son comble face aux dégradations commises à chaque occupation par des étudiants en voie de marginalisation et d’autant moins respectueux du travail des autres et des lieux qu’ils squattent, bière en main et idées en berne. Je suis furieux contre ces pseudo-étudiants, je dis bien « pseudo » car j’ai du mal à accepter l’idée que des étudiants puissent se tenir de si mauvaise manière et en venir à détruire ce qu’ils se targuent, par ailleurs, de défendre face aux projets du gouvernement… Les moyens nécessaires, à chaque fois, pour nettoyer les locaux, sont toujours des sous en moins pour l’université et ses bibliothèques (entre autres). Et les bloqueurs voudraient « plus de moyens », disent-ils ! Encore faudrait-il qu’ils ne donnent pas de leur mouvement l’image désastreuse d’un nihilisme rageur et même pas festif malgré quelques slogans répétés de Mai 68…

Au comptoir des cafés (« le parlement du peuple », selon Balzac), les universités n’ont pas la côte et les jugements des consommateurs, contribuables par ailleurs, sont souvent définitifs et injustes : « fermez les facs », clament certains en évoquant les taux d’échec et les « gaspillages » qu’entraînerait leur entretien. Si les blocages continuent et si les contestataires, désormais lâchés par les syndicats étudiants comme l’UNEF (qui avait déjà, cet été, négocié avec Valérie Pécresse), poursuivent leur dérive anarchisante (sans les fortes raisons de l’anarchisme proudhonien qui, lui, n’avait pas peur de l’autonomie et de la liberté), le mécontentement des citoyens ordinaires risque bien de servir, effectivement, les intérêts de ceux qui prônent une véritable privatisation de l’enseignement supérieur et qui seront confortés dans leurs idées par ce qu’ils percevront, à tort ou à raison, de l’agitation dans les universités.

Personnellement , je suis favorable à une large autonomie des universités et à un plurifinancement que je propose depuis fort longtemps : les tracts du Cercle Jacques Bainville de Rennes-2 des années 80 (tracts que je rédigeais souvent le soir et que je tapais sur une vieille machine à écrire) confirmeront que je n’ai pas varié sur cette idée-là car cela me semble, depuis toujours, la solution la plus viable et la plus intéressante pour financer correctement des universités aujourd’hui exsangues et leur assurer une meilleure intégration au tissu socio-professionnel et culturel de la région.

Ce qui me frappe dans l’actuelle contestation, c’est qu’elle s’appuie sur une sorte de peur irrationnelle de l’avenir et de la liberté que procurerait une émancipation à l’égard de l’Etat argentier et grand Maître décideur ; une peur qui semble ronger ces étudiants antilibéraux qui se veulent libertaires pour ne pas avoir, concrètement, à se frotter à une forme de liberté qu’ils redoutent comme de modernes « Tanguy » accrochés à leurs petites habitudes, à un confort intellectuel qui ne les honore pas vraiment. On me trouvera sévère ? Sans doute mais parce que, si je suis un farouche adversaire d’un libéralisme déshumanisateur et irrespectueux des traditions et des équilibres sociaux, je n’en suis pas moins convaincu que, comme je le dis souvent : « la liberté, ça ne se renifle pas, ça se respire » et que je constate que les actuels bloqueurs ne sont pas vraiment respectueux des libertés d’autrui, peut-être parce qu’ils ont peur d’une liberté universitaire qui, pourtant, me semble bien nécessaire aujourd’hui.