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17/04/2018

Face aux blocages des universités.

Le blocage matinal de l'université de Nanterre est-il vraiment une surprise, au regard de la volonté commémoratrice (encore plus que contestatrice) de quelques groupes activistes qui veulent « refaire Mai 68 » sans vraiment connaître autre chose que l'image d'Epinal que les médias en donnent depuis des années, y compris dans les manuels scolaires ? En tout cas, pour les étudiants condamnés à voir leurs partiels reportés à une date ultérieure et, pour l'heure, inconnue, c'est une bien mauvaise et douloureuse surprise, et ce n'est pas l'absurde revendication des bloqueurs d'une note de 20 « pour tous » qui pourra les rassurer, bien au contraire. D'autant plus que la même scène suivie de la même doléance risque fort de se répéter sur nombre de campus atteints par le même prurit nostalgique, et que les présidents d'université, soucieux d'éviter les affrontements (cela peut être louable, après tout, mais aussi dangereux à plus ou moins long terme), risquent de laisser pourrir la situation ou de céder à une part des revendications, particulièrement celles sur lesquelles ils ont compétence (dont la tenue ou la sanction des examens)...

 

Bien sûr, les blocages et les risques de blocages ne concernent que moins d'une dizaine de centres universitaires (sur soixante-dix environ en France) et une douzaine de départements d'études, ce qui affectent directement quelques dizaines de milliers d'étudiants sur environ 2,5 millions qui suivent des études supérieures (environ 1,5 millions en université), et aucune classe préparatoire n'est concernée ni « solidaire » des mouvements contestataires estudiantins. Mais cela serait une erreur de négliger le rôle politique des « minorités actives » (ce que Maurras appelait « les minorités énergiques », formule appropriée en l'occurrence pour saisir leur place centrale dans la contestation et, surtout, sa visibilité), et leur capacité à « attirer la lumière », principalement des médias qui jouent un rôle d'amplificateur par l'effet-loupe qu'ils assurent aux plus bruyants et à leurs actions. Sans oublier non plus le rôle des réseaux sociaux qui permettent une nouvelle mobilité des troupes et des idées contestataires... En cela, les groupes d'agit-prop (agitation et propagande) de l'extrême-gauche sont plutôt habiles et opportunistes s’ils ne sont pourtant pas très nombreux, en définitive, et ils savent aussi se nourrir d'un esprit du temps qui, lui, est bien l'héritage de Mai 68, et que Jean-Pierre Le Goff qualifie de « gauchisme culturel » dont l'écriture inclusive et l'intolérance « politiquement correcte » sont les aspects les plus irritants pour qui pense et écrit en ce pays.

 

Néanmoins, puisque l'on parle du sujet de l'accès à l'enseignement supérieur et des critiques sur les projets gouvernementaux sur l'éducation, cela peut être l'occasion de repenser la question de la place et du rôle de l'Université dans la société française de 2018, et de proposer, en bonne application de l'empirisme organisateur, des pistes de travail pour résoudre les problèmes posés par la mondialisation et les évolutions de notre société et de ses équilibres internes : la sélection-orientation ; l'autonomie véritable des universités et leur régionalisation-communalisation ; l'intégration de l'étudiant dans la Cité ; les missions intellectuelles, économiques et sociales de l'Université ; la séparation de l'Université et de l’État ; etc. « Sans la curiosité, aucun savoir n'existerait », affirmait Maurras, et nous y rajouterons l'imagination comme possible moteur de la réflexion, en évitant de tomber dans l'utopie qui mène souvent au pire...

 

Pour l'heure, et pour nombre d'étudiants affectés par le blocage de leurs examens, c'est l'inquiétude qui domine, mêlée à une colère qui pourrait bien déborder sous formes de claques et de coups de poing dont la légalité ne serait pas forcément avérée au contraire d'une certaine légitimité... Il y a un risque, si l’État républicain ne veut pas prendre ses responsabilités et assumer son rôle d’État (mais, « Tant vaut l’État, tant vaut sa raison », pourrait-on dire, et ce n'est pas forcément un compliment pour la République...), que les étudiants non-grévistes les prennent, et je serai bien en peine de les en blâmer. De plus, et pour répondre aux bloqueurs qui se croient des révolutionnaires (parfois de bonne foi, au demeurant, même s'il m'arrive de douter de l’honnêteté de leurs dirigeants du moment, déjà occupés à se loger dans quelque mouvement électoraliste, comme La France Insoumise ou Génération-s), il faut leur rappeler que l'insurrection la plus efficace contre le Système qu'ils prétendent combattre, c'est celle de l'intelligence : en cela, la lecture de Bernanos ou de Clavel est particulièrement utile, mais celle de « L'avenir de l'intelligence » de Maurras pourrait leur donner aussi de véritables débouchés de réflexion politiques « au-delà » de la simple contestation d'un mode d'entrée à l'université... En d'autres temps, c'est le royaliste Gérard Leclerc qui le rappelait, à la suite de Pierre Debray, et y incitait : le conseil me semble encore valable, quelle que soit l'opinion que l'on puisse avoir sur Charles Maurras lui-même.

 

 

 

 

 

 

 

26/11/2007

Bloqueurs.

L’université Rennes-2 est à nouveau au centre de l’agitation estudiantine, et les bloqueurs, délogés à deux reprises par la police du fameux hall B, cherchent à poursuivre le mouvement, y compris en provoquant des incidents comme on a pu le voir ces jours derniers. Mais il semble bien que, cette fois-ci, le président M. Gontard n’ait pas l’intention de se laisser faire et les deux scrutins qu’il a organisés, l’un à bulletins secrets, l’autre par le biais de la Toile, ont donné, à chaque fois, une large majorité de votants contre le blocage, ce qui le renforce dans sa « légitimité » face aux bloqueurs. L’erreur, pourtant, serait de se contenter de cette argumentation car la démocratie est un mot qui souffre toutes les manipulations, toutes les interprétations, voire toutes les dérives : d’ailleurs, les bloqueurs revendiquent aussi la démocratie en arguant du fait que la seule, la vraie démocratie serait celle qui se manifeste lors des fameuses AG, celles-là même où ceux qui seraient enclins à défendre l’idée d’autonomie et, pourquoi pas, la loi Pécresse, se font rabrouer, voire bousculer et même frapper, comme « ennemis de classe » (sic !) comme je l’ai entendu moi-même lorsque, en 1986, je m’opposais (déjà !) au blocage de la fac et que je parvenais à m’exprimer au micro devant une assemblée parfois peu compréhensive…

Quoiqu’il en soit, l’exaspération des personnels enseignants comme non-enseignants, si l’on en croit « Ouest-France » et les radios locales, est à son comble face aux dégradations commises à chaque occupation par des étudiants en voie de marginalisation et d’autant moins respectueux du travail des autres et des lieux qu’ils squattent, bière en main et idées en berne. Je suis furieux contre ces pseudo-étudiants, je dis bien « pseudo » car j’ai du mal à accepter l’idée que des étudiants puissent se tenir de si mauvaise manière et en venir à détruire ce qu’ils se targuent, par ailleurs, de défendre face aux projets du gouvernement… Les moyens nécessaires, à chaque fois, pour nettoyer les locaux, sont toujours des sous en moins pour l’université et ses bibliothèques (entre autres). Et les bloqueurs voudraient « plus de moyens », disent-ils ! Encore faudrait-il qu’ils ne donnent pas de leur mouvement l’image désastreuse d’un nihilisme rageur et même pas festif malgré quelques slogans répétés de Mai 68…

Au comptoir des cafés (« le parlement du peuple », selon Balzac), les universités n’ont pas la côte et les jugements des consommateurs, contribuables par ailleurs, sont souvent définitifs et injustes : « fermez les facs », clament certains en évoquant les taux d’échec et les « gaspillages » qu’entraînerait leur entretien. Si les blocages continuent et si les contestataires, désormais lâchés par les syndicats étudiants comme l’UNEF (qui avait déjà, cet été, négocié avec Valérie Pécresse), poursuivent leur dérive anarchisante (sans les fortes raisons de l’anarchisme proudhonien qui, lui, n’avait pas peur de l’autonomie et de la liberté), le mécontentement des citoyens ordinaires risque bien de servir, effectivement, les intérêts de ceux qui prônent une véritable privatisation de l’enseignement supérieur et qui seront confortés dans leurs idées par ce qu’ils percevront, à tort ou à raison, de l’agitation dans les universités.

Personnellement , je suis favorable à une large autonomie des universités et à un plurifinancement que je propose depuis fort longtemps : les tracts du Cercle Jacques Bainville de Rennes-2 des années 80 (tracts que je rédigeais souvent le soir et que je tapais sur une vieille machine à écrire) confirmeront que je n’ai pas varié sur cette idée-là car cela me semble, depuis toujours, la solution la plus viable et la plus intéressante pour financer correctement des universités aujourd’hui exsangues et leur assurer une meilleure intégration au tissu socio-professionnel et culturel de la région.

Ce qui me frappe dans l’actuelle contestation, c’est qu’elle s’appuie sur une sorte de peur irrationnelle de l’avenir et de la liberté que procurerait une émancipation à l’égard de l’Etat argentier et grand Maître décideur ; une peur qui semble ronger ces étudiants antilibéraux qui se veulent libertaires pour ne pas avoir, concrètement, à se frotter à une forme de liberté qu’ils redoutent comme de modernes « Tanguy » accrochés à leurs petites habitudes, à un confort intellectuel qui ne les honore pas vraiment. On me trouvera sévère ? Sans doute mais parce que, si je suis un farouche adversaire d’un libéralisme déshumanisateur et irrespectueux des traditions et des équilibres sociaux, je n’en suis pas moins convaincu que, comme je le dis souvent : « la liberté, ça ne se renifle pas, ça se respire » et que je constate que les actuels bloqueurs ne sont pas vraiment respectueux des libertés d’autrui, peut-être parce qu’ils ont peur d’une liberté universitaire qui, pourtant, me semble bien nécessaire aujourd’hui.